Édition Stock. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 Le temps de la mémoire n’est jamais linéaire. 

Il y a des choses qu’on regarde mais que l’on ne voit pas. Malgré les traces qu’elles laissent.

Ce roman est la preuve que, quel que soit mon désir d’objectivité (qui, en réalité, n’est pas du tout mon désir premier !), je peux apprécier dans un livre ce que je déteste dans un autre : Michela Marzano, dans un genre que l’on pourrait classer dans « l’autofiction- biographique-historique » nous raconte son frère, homosexuel, ses parents en particulier son père député de la gauche italienne et surtout son grand père qu’elle croyait royaliste alors qu’il a été un des premiers fascistes et membre important du gouvernement de Mussolini , elle ignorait tout du passé de son grand-père, et c’est un choc pour elle car elle pensait qu’à l’image de son père sa famille avait toujours été du bon côté de l’Histoire . Comme je ne savais rien de la « défascisation » en Italie, son livre est devenu passionnant. Je me faisais une opinion fausse du fascisme et de la Shoah . Si au début de la prise de pouvoir par Benito Mussolini, celui-ci n’était pas antisémite, il l’est devenu par la suite et a fait promulguer des lois leur enlevant tous leurs droits et a organisé leur déportation.

Michela Marzano m’a fait découvrir le mot « anamnèse » contraire à l’amnésie et qui fait qu’elle vit totalement encombrée par le passé. C’est devenu une maladie mentale qui l’a rendue anorexique et à avoir des comportement suicidaires. Ce genre de récit impudique me gêne d’habitude, mais elle a su me le faire accepter, et surtout j’ai compris que, pour se confronter à ce père tyran domestique , elle n’avait pas le choix. Car cet homme a une conduite incroyable avec sa femme et ses enfants .

Ce livre foisonne d’informations sur l’Italie et je remercie cette écrivaine de s’être donné la peine d’être aussi précise dans ses recherches historiques. On comprend, aussi, ses souffrances, en particulier sa peur d’être mère et de transmettre à un enfant tout ce qui l’a rendu malade. Rien, sans doute ne la consolera de n’avoir pas eu la force d’être mère, mais elle enrichit d’une autre façon l’avenir de son pays grâce à ce livre.

Elle écrit aussi bien en français qu’en italien. En italien elle a choisi comme titre : »Stirpe e Vergogna » qui décrit la honte de sa lignée et en français le titre « Mon nom est sans mémoire  » insiste plus sur l’amnésie de sa famille par rapport à l’engagement de son grand-père auprès de Benito Mussolini dont il donnera pourtant le prénom à son fils en quatrième position. Cela contribuera à l’absence de mémoire de sa famille et au silence de son père.

 

Citations

La bonne conscience de gauche

 J’ai la conscience tranquille. C’est ce que je ne me dis, même si, au fond, je ne me sens pas très bien. Mais j’ai besoin de me raccrocher à quelque chose car, autrement, tout vacille : ma certitude inébranlable d’avoir toujours été du bon côté de l’Histoire, mon petit univers angéliques, la bonne conscience de gauche de mon père, La possibilité de me regarder dans un miroir sans avoir honte.

Antisémitisme italien.

 D’autant qu’en Italie, la persécution contre les juifs n’a été ni soudaine ni imposée par Hitler – comme l’ont prétendu Renzo de Felice et Georges Mosse. Elle s’inscrit parfaitement dans l’héritage de l’expérience coloniale italienne quand en 1936 le Duce chez part en guerre contre le « métissage » dans les colonies, et qu’il prétend que les métis sont une atteinte biologique à l’intégrité de la race, le racisme est déjà bien présent d’abord les Noirs puis les Juifs.

 

J’aurais eu aussi honte qu’elle !

 J’avais tellement honte quand j’étais petite et que mon père trouvait toujours le moyen de caser dans son discours son titre de professeur des universités(..)
Je me souviens nous sommes en vacances en Haut-Adige et mon père veut nous emmener faire un tour en Autriche. Mais à la frontière, l’agent lui dit que sa pièce d’identité est périmée et qu’il ne peux pas nous laisser passer. Mon père est surpris : « Je suis professeur d’économie politique à l’université la Sapienza de Rome ! » dit-il avec fierté. Mais quel rapport ? pensé-je en rougissant. Pourquoi n’arrête-t–il pas de nous mettre tous dans l’embarras ? D’autant que l’agent impassible rétorque tout de suite :  » Je comprends, monsieur le professeur, mais je ne peux quand même pas vous laisser passer.« 

Bataille sur le front italien guerre 14/18.

La onzième bataille de l’Isonzo, en dépit de la prise du haut plateau de la Bainsizza, se conclut par un échec retentissant et coûte à l’Italie 144 000 hommes : morts, blessés ou disparus. En moins d’une semaine !

Jolie expression italienne .

 Il sait parfaitement qu’il s’agit de Rosa Campo, que sa famille est l’une des plus en vue de la ville, et que sa mère, donna Giuseppe a, comme on dit en Italie, « la puanteur sous le nez » ce qui veut dire qu’elle est assez hautaine.

Un mari et père odieux.

 « Tu aimes cette robe ? » demanda un jour ma mère à son mari. Au début de leur mariage, les parents ne roulaient pas sur l’or. Cela faisait des années qu’elle n’achetait rien qu’elle se débrouillait avec ce qu’elle avait déjà, qu’elle faisait des sacrifices et qu’elle cherchait à montrer à son mari qu’elle n’était pas une femme frivole.
« Je te souhaite de ne jamais la porter » répondit mon père glacial. Il était tellement dédaigneux que, ayant assisté par hasard à la scène, je courus m’enfermer dans ma chambre, et pris dans mes bras ma poupée, pour la consoler et lui dire de ne pas pleurer.

Le poids du prénom

« Nomen omen »,le nom est présage, disaient les Romains, convaincus que dans le nom de chaque homme était indiqué son destin.

Toujours son père.

La scène est plus ou moins la suivante : nous sommes en vacances ; mon père est en train de marcher devant, et rapidement ; lorsqu’il se rend compte que ma mère, mon frère et moi, sommes restés en retrait, il nous réprimande en disant que quand on se déplacent en groupe on doit rester « dans le groupe ». Il nous dit :  » Bougez-vous un peu. » Il dit : » Je ne veux pas entendre d’histoires. » La mère et moi commençons donc à accélérer le pas sans dire un mot. Mon frère, lui, ne bouge pas. Mon père crie alors : » Arturo, ça vaut aussi pour toi. » Mon frère réplique : « Pardon, mais qui décide où est le groupe si trois personnes sur quatre ne veulent pas suivre la quatrième ? » Et là, mon père devient fou de rage : » le groupe c’est moi. »

La phrase qui tue !

 Et systématiquement au retour de mon père c’était des scènes et des cris : « Vous êtes des incapables pires que votre mère vous ne ferez jamais rien de votre vie ! »


Édition Seuil. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

La question qui me vient à l’esprit : c’est pourquoi aujourd’hui Catherine Clément, née en 1939, d’un père catholique et d’une mère juive, éprouve le besoin d’écrire ce livre-là.

En effet, tout ce qu’elle écrit à propos de la déportation et de l’extermination des juifs sont aujourd’hui bien connus. J’ai trouvé une réponse : en faisant correspondre l’histoire de l’extermination des juifs décidée par l’Allemagne, mise en oeuvre en France par les services de Pétain, avec le sort de ses grands parents. Cela permet de rendre plus palpable ce qu’a été pour cette population cette horrible période. Et, comme toujours dans ce genre de livres, on apprend des détails qui n’en furent pas pour certains juifs : l’Abwehr, c’est à dire le service de contre espionnage de l’était major de l’armée allemande, dirigé par Wilhem Canaris n’était pas Nazi. (Celui-ci organisera un dernier attentat contre Hitler ce qui lui vaudra d’être pendu avec deux cordes de piano puis pendu à un croc de boucher). La mère de Catherine Clément, a dû sa survie à un certain Samuel Shütz appartenant à l’Abwehr et qui la prévenait des rafles.

C’est le principal apport de ce livre. Sinon, comme moi je suppose, vous savez tout ce que cette écrivaine écrit à propos de la Shoah. Catherine Clément âgée de 84 ans veut qu’un de ses livres fasse le point sur l’histoire des siens à la lumière de tout ce que l’on sait aujourd’hui. C’est aussi un aspect intéressant de son livre : dans un texte assez court, elle arrive à concentrer presque tous les aspects de l’extermination des juifs en Europe.

 

Citations

Portrait d’une mère .

 Yvonne, mère de deux fils dont Yves était l’aîné, arborait en toutes circonstances une beauté imposante à l’œil pieux, qu’on appelait parfois bleu panique, tant elle savait se faire obéir.

Genre de rappels qu’il faut garder en mémoire.

Le 18 octobre 1940, une ordonnance allemande dite d’aryanisation plaça sous séquestre les biens des juifs absents ou arrêtés. Samuel Shütz n’avait rien exagéré. La boutique de fourrures de Georges Gornik fut cédée à un Aryen français pas trop malhonnête, avec l’assurance qu’à la fin de la guerre, sont bien lui serait rendu. Gabrielle Chanel fit de même avec la riche famille juive qui la finançait mais avait nullement l’intention de lui restituer quoi que ce soit.


Édition Cambourakis. Traduit du norvégien par Marina Heide

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’aurais un peu tendance à écrire encore une histoire de vieux qui perdent la tête. Mais ce serait un peu méprisant pour un roman qui est assez original et qui a reçu moult récompenses dans son pays. Tout d’abord, il se passe en Norvège et les liens entre les différents personnages sont assez exotiques pour la Française que je suis. Je me sens tout à coup très latine et j’ai envie de parler fort, d’éclater de rire et de me moquer des gens, ce qui ne se fait pas du tout en Norvège . La retenue, le respect entre voisins (jusqu’à les ignorer complètement en dehors du « bonjour » obligatoire), le respect des choix des enfants et surtout ne pas les encombrer avec le passé des parents, tout cela m’a semblé si loin de moi. Et par voie de conséquence cette histoire tragique me semblait comme aseptisée.

Et pourtant, tout au long du récit, on découvrira le tragique passé de Simon ancien médecin : il a été avec sa famille caché pendant la guerre car ils étaient juifs. Cet enfermement pendant quatre ans dans un très petit espace et le silence imposé aux enfants pour ne pas alerter les voisins, Simon pensait que cela ne le concernait plus et il n’a jamais voulu en parler avec ses propres enfants qui apparemment ne savent rien de son passé. Sa femme, Eva, a aussi un lourd secret : elle a abandonné son premier enfant qu’elle avait eu trop jeune.

Ils sont vieux maintenant et Simon s’est enfermé dans un silence que rien ne peut rompre. Eva sent que l’abandon de cet enfant lui revient de façon très forte en mémoire. Nous sommes avec elle tout le temps ; elle analyse avec rigueur tout ce qui se passe dans leur quotidien. Dès le départ on sait qu’ils ont été amenés à se séparer de Marija une femme de ménage lettonne. Enfermé dans ce silence tellement pesant, ils ne veulent ni ne peuvent en dévoiler la cause à leurs enfants, car cela a un rapport avec ce passé qu’ils ont tu. . Eux, ne comprennent pas pourquoi cette femme qui était devenue l’amie de leur parents – et dont la présence auprès d’eux les rassurait – a été licenciée du jour au lendemain. Le quotidien d’Eva est fait de visite dans un cimetière, dans une église, de retour dans son passé et celui de son mari, mais surtout de sa volonté de comprendre et briser le silence dans lequel Simon s’est enfermé.

C’est une lecture triste et réaliste. On ne peut s’attacher à aucun personnage , mais cela n’empêche pas que ce roman se lise facilement, comme Eva on voudrait tant que Simon sorte de l’état dans lequel la vieillesse l’a enfermé peut être à cause du poids de tout ce que ni lui ni sa femme n’ont réussi à dire à leur entourage.

 

Citations

Le passé .

 Il y a quelque chose qui ne cesse de m’étonner chez la fille que je vois sur ce portrait de moi-même : le temps ne semble pas avoir laissé son empreinte sur elle. Comme si, au moment du cliché, il n’y avait pas de passé. Pas de passé derrière cette jeunesse, on dirait. À croire qu’il existe une démarcation entre tout ce qui arrive et tout ce qui est arrivé, une démarcation claire et nette, comme un mur derrière lequel se retranche le passé, oublié.

Le vieillissement .

  Je regarde mon visage dans le miroir de la salle de bains, constate que j’ai le coin des lèvres qui tombe. Ça a toujours été comme ça, ou est-ce que c’est arrivé avec le temps, je crois que ça s’est fait progressivement. Les plis de l’amertume, voilà comment on appelle les rides en haut du menton, plus elles se creusent plus mon menton semble petit.

La femme de ménage (rien de très original !).

Marija me disait qu’elle aimait faire le ménage. Elle se glissait dans les maisons et les appartements avec la clé qu’on lui avait remise ou qu’il attendait caché quelque part, et elle faisait le tour des pièces avec un aspirateur et une serpillière. En général, il n’y avait personne, aucune instruction. Peu de ces endroits étaient crasseux en réalité mais elle s’appliquait toujours autant. Les gens qui habitaient là, elle les entrevoyait à peine, ils ne laissaient derrière eux qu’un cheveux quasiment invisible dans le lavabo, un torchon en boule dans la cuisine, une paire de baskets dans l’entrée. Et bien entendu, son salaire laissé dans une enveloppe sur la cheminée ou sur la table, ou dans de rares cas comme chez nous directement sur son compte en banque. Il lui arrivait de trouver une pièce de monnaie laissée volontairement quelque part ou une peau de banane tombée du sac poubelle une sorte de test m’expliquait-elle.

L’abandon de son bébé .

 J’aurais voulu l’abandonner dès le premier jour, mais quelqu’un ma mère ou mon père je crois, avait estimé que maintenant que je m’étais mise dans cette situation, je devais prendre mes responsabilités. Aussi étais-je là, avec lui. Lui me réclamait, mais je ne voulais pas de lui. 

 Par moment peut-être quand il dormait ou me regardait sans rien exiger, je pouvais éprouver un certain apaisement, oublier un instant la honte et la colère, le découragement. Une nuit qu’il était malade, je l’avais contre moi, le médecin avait dit que je devais le prendre, le garder dans mes bras. Il s’endormait, sursautait, se rendormait. Quand il s’est réveillé, nous nous sommes regardés. Une seconde, j’ai cru qu’il allait sourire, un frémissement au coin de la bouche.
 Aussitôt, je l’ai remis dans son lit. Par peur, sans doute, peur que ça change quelque chose, qu’il se faufile à l’intérieur, trouve une place dans mon cœur et s’y installe pour de bon. Que je ne puisse plus ignorer son existence, ses exigences, ses cris. Je l’ai laissé hurler.


Édition Zulma poche . Traduit de l’islandais par Régis Boyer.

À Brekkukot, les mots étaient trop précieux pour qu’on en fasse usage parce qu’ils signifiaient quelque chose. Nos propos étaient comme de l’argent immaculé avant l’inflation. L’expérience était trop profonde pour pouvoir être exprimée.

 

C’est chez Dominique que j’avais pioché cette idée de lecture . C’est un livre que je qualifierai livre « d’autrefois « . Je veux dire par là qu’autrefois on avait le temps de se plonger dans des lectures longues et lentes. Des livres d’ambiance où il ne se passe pas grand chose qui mélangent réalité et contes. J’ai adoré ce genre de livre … autrefois, justement ! Mais j’ai depuis longtemps succombé à l’air du temps et j’ai besoin de plus de rapidité dans le récit. En plus, ce n’est pas un livre qui se lit facilement car l’écrivain ne donne pas les clés de compréhension des rapports entre les différents personnages. Il suggère plus qu’il n’explique et le lecteur s’y perd facilement. Tout est raconté du point de vue d’Alfgrimur un enfant adopté par des gens remarquables, qui ne sont pas mari et femme mais qui ont ouvert leur demeure (Brekkukot) à tous ceux qui ont besoin d’être recueillis. Ces deux personnes seront pour l’enfant des grands-parents aimants et compréhensifs. Alfgrimur se voit bien devenir pêcheur de lompe comme son grand-père mais ses talents scolaires et sa rencontre avec la célébrité locale, un chanteur d’opéra vont en décider autrement.

Si j’ai eu du mal à situer et à comprendre tous les personnages, j’ai savouré certaines scènes racontées avec un humour certain. Savoir par exemple si se faire couper la barbe par un barbier relève de l’hygiène ou de l’exploitation de classe. Les hommes du village en discuteront toute une partie de la nuit sans arriver à se mette d’accord, mais cela ne les empêchera d’y mettre toute la force de leur passion ni de citer Marx et Engel .

Une plongée dans le passé dans un pays très étrange et la découverte d’un prix Nobel de littérature. Des moments de grande poésie et en même temps une difficulté à garder mon intérêt éveillé durant les 352 pages du livre.

 

Citations

 

La pendule.

 Il va sans dire que, s’il se passait quelque chose dans la pièce, on entendait jamais la pendule, comme si elle n’existait pas. Mais dès que le calme était revenu, que les invités étaient partis, qu’on avait fini de débarrasser la table et que la porte était fermée, elle recommençait sans se laisser troubler. Et si on écoutait attentivement, on distinguait parfois des accent chantants dans le mécanisme, ou quelque chose de très semblable à un écho.
 Comment se fait-il que je me sois mis en tête que dans cette horloge vivait une étrange créature a vu qui était l’Éternité ? Pour une raison ou pour une autre, il m’a paru tout simplement, un jour, que le mot qu’elle prononçait en tictaquanr, un mot de quatre syllabes accentués sur les syllabes paires, était é-Ter-ni- Té, é-Ter-ni-TÉ.

Façon de s’adresser au lecteur.

 Si je raconte ce qui lui arriva, c’est parce que cela est resté ancré dans mon esprit et que ma propre histoire ne serait pas complète si je ne le mentionnais pas ici. Mais avant de raconter son histoire, je voudrais surtout prévenir le lecteur que ce qu’il va entendre là n’a rien de spectaculaire ni d’épique

Personnage secondaire

 » Avant d’en finir avec la description des mérites de Runólfur Jónsson, il ne faut pas que j’oublie le haut fait qui, selon toute vraisemblance, immortalisera son nom dans l’Histoire : c’est que ce digne compagnon de nuit et frère adoptif fut l’un des premiers hommes à être écrasé par une automobile. Il avait alors presque de quatre-vingt ans. Cela se produisit parce que, lorsqu’il buvait, il avait coutume de marcher au milieu du chemin tout en agitant une bouteille, en chantant, en tenant des discours et en riant. Il était toujours escorté d’une collection hétéroclite de compagnons de beuverie, de flâneurs, de chiens errants, de chevaux et de cyclistes : ceux que je viens de mentionner en dernier lieu constituaient une nouveauté et étaient danois. Ils ne prêtait pas plus attention aux automobiles qu’à toute autre boîte de conserve roulant le long du chemin.
Et donc, si d’aventure le mauvais sort voulair que Runólfur Jónsson, ce descendant de juges suprêmes, disparaissent un beau jour de ce livre et que j’oublie de noter le moment de cette disparition, ce serait parce que ce frère adoptif a été écrasé par la première automobile qui arriva en Islande. »

Quel humour ! lecture du sermon.

 Mais il ne déviait jamais de la manière particulière de lire que les gens, en Islande, adoptaient pour la parole de Dieu, ces accents monotones et solennels dits d’une voix suraiguë qui se terminer à la quarte à la fin d’une phrase. Cette façon de lire ne ressemblait à rien de connu en ce monde, quoiqu’elle représentât certaines similitudes avec les marmottements de certains dérangés mentaux.

La publicité en vers.

 

 A cette époque la, la coutume était de faire des annonces en vers si l’on voulait vendre de la morue séchée ou si l’on avait besoin d’une femme pour les travaux du printemps. Ces poèmes, nous les apprenions par cœur. Aujourd’hui encore, il n’y a guère de poésie qui me restent gravée dans la mémoire comme les annonces vantant la qualité du haddock gelé et autres poissons séché, louant cette sorte de pâtisserie étrangère appelée « Fluff » et remède universel chinois venant du Danemark et découvert par un homme appelé Vladimir Pedersen.

Ambiance garantie.

À Brekkukot, les mots étaient trop précieux pour qu’on en fasse usage parce qu’ils signifiaient quelque chose. Nos propos étaient comme de l’argent immaculé avant l’inflation. L’expérience était trop profonde pour pouvoir être exprimée.

Flirt à l’islandaise !

D’habitude lorsque je rencontrais des jeunes filles, je prenais soin de regarder dans une autre direction. Je ne me sentais pas rassuré avec ces créatures et ne les comptais pas exactement parmi les êtres humain, pas plus que je ne le faisais pour les « autorités ».

Je me demande ce qu’est ce « tourniquet » ?

 Autrefois, j’avais craint de perdre la sécurité qui régnait jusqu’au tourniquet de Brekkukot ; maintenant, j’appréhendais les nouveaux chemins qui s’ouvriraient quand je cesserais de fouler les sentiers battus menant à l’école, le matin, décrivant un demi-cercle autour de l’Étang et revenant à la maison dans l’après-midi

Remarque tellement vraie !

Je ne sais pour quelle raison, les pleurs de femmes rondouillardes n’ont jamais été pris au sérieux en ce monde, et un martyr grassouillet a toujours été perçu comme étant contraire aux lois de la raison -et d’ailleurs il est impensable, en peinture. Dans tout concept culturel la seule eau salée valable est celle qu’une personne maigre a la mine défaite verse à flots dans le monde chrétien.


Édition JC Lattès

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Il fallait vraiment le club de lecture pour m’amener à lire jusqu’au bout ce roman policier. Mes deux petits coquillages disent assez que cette lecture n’est pas pour moi. Suivre les recherches d’un ex-policier alcoolique complètement dévasté par la disparition de la femme qui a été son seul amour, à travers toutes les violences qui secouent régulièrement la Corse, ne m’a pas passionnée .

L’aspect le plus intéressant, c’est ce qu’on apprend sur les dessous des mouvements qui ont secoué la Corse depuis si longtemps. La république française ne sort pas grandie, tant de compromissions avec des truands, ce n’est pas agréable à lire, mais c’est très intéressant..

Pour l’intrigue policière, je vous la laisse découvrir moi, ça me fatigue vraiment, surtout après avoir lu 379 pages avec un homme à moitié ivre la plupart du temps , et avec des hommes et des femmes qui n’hésitent pas à tirer ou à torturer pour obtenir ce qu’ils veulent. Le tout sous l’amoncellement d’ordures car le roman se situe à un moment où les éboueurs étaient en grève.

Surtout si vous aimez les romans policiers ne vous arrêtez pas à mon avis je ne suis vraiment pas la bonne personne pour en parler.

 

Citations

Les nationalistes corses.

Fabien ne put s’empêcher de dire tout le mal qu’il pensait de l’an IV du pouvoir nationaliste à l’assemblée de Corse, à quoi Marie-Thé sans se montrer pour autant convaincue du changement, rétorqua que les natios présentaient cet avantage sur leurs prédécesseurs de ne pas s’en mettre plein les poches. Le ton monta lorsque Fabien se mit à ricaner, prétextant que la seule vraie différence entre les élus nationalistes et ceux des partis politiques traditionnels qu’ils persistait à appeler les clanistes » comme au temps de son militantisme, tenait au fait que ces derniers ne prétendaient pas agir au nom du peuple corse lorsqu’ils mentaient et trafiquaient les marchés publics. 

 

Humour.

– Madame Cinquini, veuve Acquatella, si ça ne vous dérange pas, dit la vieille dame après un moment 
– toutes mes condoléances.
– S’il s’agit d’un trait d’humour, il tombe à plat. Et si vos condoléances sont sincères, elles arrivent un peu tard : Ambroise Aquatella, receveur principal des postes, est mort d’une mauvais chute le 12 du mois de novembre 1887. Avant cet imprévu, il m’a mené une vie impossible pendant trente-trois ans. Je ne l’ai pas regretté.

 Humour un peu lourd non ?

Il avait fallu moins d’une heure pour voir la petite routes déserte s’animer. Le premiers à arriver sur place avait été le maire du village, poussé par l’instinct propre à cette espèce particulière de mammifère à l’écharpe tricolore qui leur permet de détecter le moindre intrus sur le territoire de leur commune et à des kilomètres à la ronde. Petit et gros, hein regard de bedeau derrière des culs de bouteille, il avait garé son utilitaire Peugeot de manière à barrer la route à la saxo.


Édition Phébus

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Pour résumer ce très court roman, je dirai que l’auteur réunit les tensions qui ont traversé le Nord et Roubaix au moment de la fin d la guerre d’Algérie. Il faut pour cela plusieurs composantes : l’OAS, le FLN, le MNA, les Harkis et un intellectuel de gauche qui veut alphabétiser les travailleurs algériens. En 2023, est ce que toutes ces tensions qui ont été parfois payées par la mort peuvent être apaisées ?

Abdel est professeur de français, il est né d’un père français et d’une mère arabe et il a connu le harcèlement scolaire. Il s’en est sorti grâce à la culture et les livres qu’il trouvait dans une petite librairie au centre de Roubaix.

La libraire, Yvonne, décède d’un AVC et fait de son plus fidèle client sont légataire universel. Hériter d’une librairie, c’est surtout hériter de dettes et de soucis mais Abdel ne refuse pas cet héritage et fait le projet de monter une exposition des photos d’Yvonne pour montrer le Roubaix de sa jeunesse. Celle-ci a effectivement pris des photos de sa ville jusqu’à l’assassinat de son père dans un café où il faisait de l’alphabétisation. Assassiné par qui ? FLN ou OAS ? Le drame de cette femme, lié à ces conflits, est aussi un ressort du roman, on comprendra pourquoi elle ne s’est jamais mariée et pourquoi elle s’est enfermée dans la solitude d’une librairie.

Un tout petit roman qui se lit facilement et qui fait revivre une période de cette région peu souvent évoquée et racontée par un écrivain que j’ai trouvé plus objectif que dans un précédent roman « En dépit des étoiles ». Il n’y a pas de gentils et de méchants quand un pays se déchire où même se libère du colonialisme. Les armes de ceux qui sont convaincus d’être dans le bon sens de l’Histoire peuvent être terribles et souvent mortelles.

 

Citations

 

Nombre de romans débutent par des remarques météorologiques .

La petite librairie ne quitte l’ombre de l’hôtel de ville de Roubaix à aucun moment du jour. Et aucune saison ne fait exception. Que règne cette canicule moite du Nord, le temps frileux de brumaire où un hiver de diamant, le soleil effleure à peine sa façade. Le printemps, l’été ne sont ici une idée étrangère, une nécessité acquittée en douce par la nature, comme les demoiselles en fleurs se doivent d’ôter vite fait leurs maillots mouillés à la plage sous une serviette mal nouée. Si on leur aperçoit le saint-frusquin l’espace d’un éclair, c’est bien diable.

Dialogue avec Saïd un algérien qui a subi un attentat et qui reste très marqué Abdel est agrégé de lettres.

– Tu vois les traîtres et les harkis, je les ai tous ! Abdel glisse son bras sous le sien, il va le raccompagner.
– Nous sommes tous des traites, Saïd. Tu devrais rajouter mon nom.
 Saïd en reste écarquillé presque offusqué
– Ah non toi t’es le chef des mots !

Abdel parle de lui.

Alors, on se retrousse les manches, monsieur le coupé en deux, monsieur cul entre deux chaises, arabo-européen ! Se moquer de lui-même le requinque, comme au matin de l’oral à l’agreg, La Fontaine au programme, des suées de trac, au point de penser comme les petits caïds qui lui criaient au collège avant de le torgnoler « le crouille a la trouille », et puis il s’est moqué de lui-même lui le raton des champs allait écrire une nouvelle fable « le ras bibliothèque », et il s’est présenté devant le jury avec le poil sec.

Les luttes fratricides entre Algériens.

 Et ainsi de suite, avec une étonnante connaissance des appartenances politiques il ramenait en désordre le gâchis, les vieux règlements de comptes, la réalité tragique d’avant la fabrication du mythe mensonger et unique d’une Algérie unie pour son indépendance sous la seule bannière du FLN
A l’époque tous les cafés des Algériens à l’Épeule, à la Potinnerie, tu savais d’avance si tu pouvais entrer si tu donnais ta cotisation au FLN ou au MNA. Acheter des cigarettes, jouer au tiercé, regarder le foot sur la grosse télé suspendue, c’était permis pour tous, mais boire un thé, non… Ou alors accompagné d’un Français. Un d’ici et Georges faisait l’écrivain public de temps en temps. J’allais avec lui en plus que je faisais les vitres dans dans des usines que j’ai rencontré des algériens ouvriers dedans La Lainière, Masurel, les peignages, les tissages, les filatures…

Édition, Quebec-Amérique

Merci Aifelle pour cette superbe suggestion. Quel beau roman ! sur un sujet si triste ! Tout vient de l’écriture de cet écrivain que je connais grâce à toi Aifelle et donc, j’ai aussitôt acheté « le jour des corneilles » et cela permet de voir l’étendue du talent d’écrivain de Jean-François Beauchemin.

Dans le roitelet l’auteur évoque la vieillesse d’un écrivain qui doit beaucoup lui ressembler, il aime sa femme son jardin, ses promenades dans une nature dont il savoure les différents aspects et surtout son amour pour son frère. Celui-ci est schizophrène, il souffre beaucoup, surtout quand ses démons l’envahissent. Sa souffrance bouleverse le narrateur et on comprend si bien pourquoi. L’auteur a choisi d’exprimer son affection pour ce frère blessé par une maladie que l’on de sait pas soigner (ou si mal : en abrutissant le malade de médicaments), il le fait grâce à de cours chapitres qui sont autant de petits poèmes en prose. J’ai adoré ce livre, et comme Aifelle je ne peux que vous inciter à le lire, j’espère mes extraits vous en donneront envie.

 

Citations

Début de la maladie de son frère.

 Mon frère n’était pas aussi confiant. Je sentais la présence en lui d’une menace, d’un traumatisme naissant. L’adolescence est une période de remodelage du cerveau : le programme de maturation qui bientôt fournira les codes de l’âge adulte fait l’objet d’importants bouleversements. De nouvelles connexions neuronales se mettent en place, tandis que d’autres s’évanouissent. Des accidents se produisent, paraît-il, lors de cette grande période de reconfiguration qui rendent certaines jeunes personnes particulièrement fragiles inaptes à gérer les situations émotionnellement éprouvantes.

Première scène traumatisante et titre du livre.

 Passant en quelques secondes de l’optimisme le plus vrai à une sorte de neurasthénie prophétique, il a eu cette formule à vous glacer les os :  » Je suis de moins en moins réel. C’est atroce. » Un fulgurant éclair de compréhension semblait le traverse. Accablé tout à coup, pleurant presque, il s’est ensuite appuyé sur un arbre et a prononcé ces mots funestes : « J’ai cessé d’être tout à fait dans cette vie. Je sens que s’ouvre devant moi les portes d’un pays terrible, et que j’y suis repoussé comme à la périphérie des choses et du Monde. »
 A ce moment je me suis dit pour la première fois qu’il ressemblait, avec ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés, à ce petit oiseau délicat, le roitelet, dont le dessus de la tête est éclaboussé d’une tache jaune. Oui, c’est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l’or et la lumière de l’esprit s’échappaient par le haut de la tête.

Humour .

 Il est venu ce matin encore frappé à ma porte. Je n’avais pas versé le café dans les tasses que déjà il me disait ces mots. « Tu devrais écrire un livre dans lequel rien n’arrive. » J’ai trouvé l’idée d’autant plus séduisante que j’ai sous la main, avec ma vie très banale, une grande quantité de matière à partir de laquelle travailler.

Souffrance du schizophrène.

Je notais cependant que la lumière changeait, et devinais que, de l’autre côté des feuilles d’aluminium, le soleil lentement commençait à descendre. J’ai senti petit à petit mon frère reprendre le dessus sur les démons qui depuis cinquante heures l’assaillaient. Puis je l’ai vu se détendre enfin, se défaire de l’emprise terrible de son angoisse, s’allonger et s’endormir, épuisé, comme s’il venait de combattre à mains nues un fauve, ou un dragon crachant le feu par les narines. 

Confidences de son frère schizophrène.

 Toi, si tu es pourchassé par un malfaiteur tu as toujours la possibilité de courir te mettre à l’abri. Moi je ne le peux pas. Le malfaiteur est dans mon cerveau et je ne peux pas m’enfuir..

Les questions sur Dieu.

 Pourquoi Dieu ne m’aime il pas ? Après tout c’est son métier d’aimer les gens
 Je crois en Dieu. Je n’ai d’ailleurs pas le choix : dans cette vie il n’y a pas moyen de faire autrement. Mais lui ne me paraît pas tellement croire en moi.

Le sens de la vie.

« À quoi sert l’art, aujourd’hui, dans ce monde où nous vivons ? » Elle achevait d’enfiler sa robe lorsqu’elle m’a dit : « Il me semble que c’est une sorte d’acte de résistance. Rien de prodigieux. Pour tout dire, je crois que la peinture, la littérature, la photographie, la musique ou le cinéma, de toutes ces choses-là, pour la plupart, ne contribuent que très modestement à la bonne marche du Monde. Les œuvres d’art de sont qu’un signal, un phare émettant une faible lueur au milieu de la nuit. Faible, oui. Mais c’est la seule dont nous disposions. »
Édition, libretto
Toujours recommandé par Aifelle,  j’ai enchaîné avec cette lecture complètement différente pour l’écriture. Mais pas tant que ça pour le thème. Parlons d’abord de l’écriture, dans un style absolument original qui rappelle la langue du XVI° siècle, (Rabelais ou Montaigne), un jeune raconte à des juges que nous entendrons jamais sa vie incroyable avec un père maltraitant et malade mental. Et voilà la schizophrénie qui revient. Car son père est habité par des démons qui le pousse à torturer son fils. Si on raconte l’histoire cela ne vous conduira peut-être pas à lire ce texte et ce serait dommage. je raconte rapidement, l’histoire : un père vivant dans une forêt canadienne avec son petit garçon. La raison de cet homme a sombré quand sa femme est morte en couche et il n’arrive pas à aimer cet enfant qui lui recherche sans cesse l’amour de son père. Son père déteste aussi les habitants d’un village pas si loin de leur forêt. On comprendra plus tard ce qui a poussé cet homme à fuir le village avec sa femme. On situe mal cette histoire dans le temps et on ne lui demande pas non plus d’être vraisemblable. Tout l’intérêt du livre vient du style et de la façon de raconter. J’ai adoré ce livre pourtant aux limites du fantastique ce qui d’habitude me fait fuir.
J’espère que mes extraits vont vous plaire.

Citations

Style de l’auteur et folie du père.

 Après l’enfouir de mère et mon breuvement de lait, père, moulu par le chagrin, s’allongea pour la nuit, non sans avoir bien refait le capiton de ma propre paillasse et établi ci-dessus. C’est à l’aube suivante que ces gens parurent en son casque pour la première fois. Après déjeuner, à peine avions-nous avalé le gruau de joubarbe que voilà père qui gesticule et commence de se débattre avec ses visiteurs cependant aussi invisibles que pet de mosquée Ça dure, ça dure, la sueur ruisselle sous la liquette de père, car il arpente la cabane, et s’agite et grogne et semonce, et rouspète et menace ses gens. Puis vient un moment d’allumettes, et père s’établit sur le taboureau. Sa conversation, toutefois, persévère. Quoique fort-vert, j’avais déjà l’œil ouvert et l’aptitude agile. Aussi traduisis-je vivement le sens de cette émeute : quelque part sur le chemin séparant la tombe de mère et le seuil de la cabane, père avait égaré l’entendement.

J’accepte facilement les mots que je ne comprends pas car j’aime cette façon d’écrire.

 Il nous tardait, en effet, non seulement d’assurer le repas du soir, mais aussi de regarnir notre magasin d’accoutres. Car nos cache-esgourdes, excuse-train, mitaines, godillots-de-poil, tapisse-parties,escorte-blair et pousse-cuisses habituels menaçaient d’usure

 Je le talonnai long de temps, le pied rêveur, le casque résonnant de ses paroles. Surtout, je remuai la question posée par grand matin. En effet que contenait donc le cœur de mère ? Plus tard lorsque je perçais notre première bête puis que j’en retirais discrètement la flèche, je crus concevoir le répons que j’appelais. Oui, mère était ainsi que le déchirement de l’aube ; son corps pourrait bien passer et tomber sous la brossée de la mort. Mais son cœur ne se résignait guère au trépas. 

La question que le lecteur se pose pendant tout le livre.

 D’où me venait que malgré ses cruels mouvement à mon endroit, je le chérissais cependant plus que l’existence même ? Était-ce là l’effet puissant et impénétrable de la lignée ? Le sang qui courses dans nos veines est-il à ce point porteur de sentiment ? Mystère de nos jours ! Diableries de la naissance, de la souche et de la famille !


Édition le dilettante

Le club de lecture m’a fait découvrir, et, beaucoup aimé, cet écrivain avec « l’invention de l’histoire » j’ai trouvé dans la médiathèque ses autres livres dont celui-ci.

La campagne de France raconte les malheurs de deux garçons très cultivés, qui ont décidé d’abandonner le dur métier d’enseignant de lettres pour Otto et d’histoire pour Alexandre, ils ont créé une agence de voyages culturels à Biarritz. Leur premier essai les a mis immédiatement dans le rouge (financièrement) car ils avaient appelé leur projet : « Théâtre de bons engins », comme les paysans de la région vous auriez pensé sans doute que cela vous menait tout droit à la foire agricole de Paris qui se tenait aux mêmes dates. Que Nenni ! ce titre est emprunté à un célèbre poètes Guillaume de la Perrière et le thème du voyage était donc une découverte des poètes à travers la France. D’où la colère des paysans et le remboursement des frais.
Après bien des cogitations, ils décident d’un thème plus porteur : les liens entre l’Allemagne et la France avec à la fin la visite de Bergue que le films les Chtis a rendu si célèbre. L’amicale des anciens de Biarritz achète ce voyage et les voilà partis sur les routes de France. Il faudra des capacité d’adaptation hors du commun aux deux organisateurs pour amener leur public à être satisfait de leurs choix alors qu’ Otto et Alexandre avaient si bien préparé ce voyage.

C’est souvent très drôle mais comme avec les livres dont le ressort principal est l’humour, je me suis parfois lassée des procédés trop faciles et trop attendus (comme les deux vieux qui se trompent de dentiers). Mais il y a des moments tellement bien vus sur nos habitudes que je ne peux que recommander ce roman. Je crois que je garderai en mémoire la visite d’usine de bonbons où le directeur est un metteur en scène d’une usine factice et où les ouvriers sont des intermittents du spectacle qui jouent le rôle des ouvriers. La rentabilité est assurée par la vente des bonbons à la fin de la visite (bonbons fabriqués en Chine !).

Les émotions des anciens ne sont pas comme l’espéraient les deux organisateurs, provoquées par le passé historique mais par les informations déversées par les média. Donc plutôt qu’Oradour sur Glane le village la Faute-sur-mer et les restes de la tempête Xynthia.

Pour conclure, j’ai vraiment aimé certains moments de ce roman mais j’y ai trouvé aussi trop de clichés à propos de personnages qui auraient dû me faire rire.

 

Citations

Un manque de goût pour la poésie .

 Déjà la poésie, ça me gonfle. La plupart du temps j’y entrave que dalle. Des mecs qui parlent des roses, du ciel et des oiseaux sur deux pages pour dire je t’aime où je me sens pas bien, ça me dépasse.

Le bon sens du père maçon .

  Alexandre se remémora l’un des raisonnements alambiqués dont son père avait le secret. Selon ce dernier la télévision a été inventée pour éloigner les ouvrier des bistrots. Ce n’était là qu’un préambule car suivait sans tarder un discours rodé par lequel il démontrait que cette maudite boîte n’était qu’un cheval de Troie dont le but était d’introduire dans les intérieurs modestes toute une panoplie d’appareils qui avait sonné le glas de la classe ouvrière. Au banc des accusés figurait entre autres catalyseurs de ses rancœurs, le canapé. La démocratisation de cette pièce de mobilier avait donné aux membres des couches inférieures de la société le goût du confort et des velléités d’embourgeoisement. La fainéantise s’était ensuite répandue comme une mauvaise grippe. À l’entendre, il suffisait d’interdire les canapés pour remettre tout le monde au travail.

Les accents en France.

 Un temps Nice leur sembla l’endroit idéal mais, après un bref séjour sur la Côte d’Azur afin d’évaluer si l’environnement leur convenait, Alexandre ne put se résoudre à vivre dans une région dont les habitant écorchaient à tous les coins de phrase la prononciation de la langue française comme ils avaient pu l’entendre dès leur arrivée à la gare
« Vous éta z’arrivés à la gara de Niça. Terminussa. Attentiong da na rieng oublier dans la trainga »

Dialogue à méditer.

 – L’Ukraine n’es plus un pays communiste vous avez oublié que le mur de Berlin est tombé, le reprit Roger Fortin.
– On me la fait pas à moi ,rétorqua Daniel Hernandez, c’est pas la chute d’un mur à Berlin qui va changer quoi que ce soit chez les cocos, russes ou ukrainiens. C’est c’est dans leurs gènes, à ces salopards. Ils nous ont jamais remboursé l’emprunt russe mais ils se sont pas gênés pour nous refiler leur radioactivité. Des salopards, je vous dis.

 

 

Édition Arléa 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Voici un conte qui décrit l’émotion que peut donner le son du violon et celui d’une voix soprane féminine. L’écrivain imagine un musicien qui possède un don dès l’enfance pour jouer du violon mieux que n’importe quel virtuose. Adulte, il devra pour son malheur, en 1798 partir avec les troupes napoléoniennes faire la campagne d’Italie. Gravement blessé il sera sauvé par le chant d’une femme et il arrive à Venise où un luthier l’héberge. Voici l’autre partie du conte, ce luthier joueur d’échec et consommateur d’eau-de-vie lui raconte le conte du violon noir qui a imité ou plus exactement capté la voix de la belle Clara. Notre musicien violoniste est tout entier prisonnier de l’opéra qu’il veut écrire sans y parvenir.

Je comprends l’intention de l’auteur qui veut nous faire partager l’aspect surnaturel d’une belle voix ou du son du violon quand il est joué par un virtuose. Je crois que la musique peut être sublime mais arriver à rendre cet aspect dans un texte c’est compliqué. Il aurait sans doute fallu que je me laisse aller vers le rêve pour aimer ce récit. Je n’ai pas trop compris pourquoi il a situé son récit pendant les guerres napoléoniennes, si ce n’est pour faire ressortir le paradoxe de l’être humain capable des pires horreurs et des plus grandes beautés.

J’avais déjà été déçue par Neige de cet auteur .

 

Citation

Personnage de conte.

 Erasmus se vantait de posséder trois choses exceptionnelles : un violon noir, au son étrange, un échiquier qu’il qualifiait de magique, et une eau-de-vie hors d’âge. Le vieil homme était en outre doté de trois dons exceptionnels : il était sans conteste le meilleur luthier de Venise, il ne perdait jamais aux échecs, et c’était lui qui distillait la plus singulière eau-de-vie d’Italie. Le matin, il restaurait ou fabriquait des violons, l’après-midi il distillait, et le soir il jouait aux échecs, tout à l’ivresse que lui procuraient ses trois passions


Édition la brune

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Quelle tristesse ! quel ennui ! Pourquoi un écrivain se donne tant de mal pour raconter une histoire dont il s’évertue à gommer la moindre aspérité ?

Si je ne mets pas qu’un seul coquillage à ce roman c’est que je lui reconnais une qualité : l’écrivain met son talent d’écriture (car oui, il écrit bien) au service d’une absence totale de séduction vis à vis de son lecteur.

Bon, c’est dit, je n’ai pas aimé du tout ce roman et je ne vois pas non plus ce que cela peut apporter à quelqu’un d’écrire un tel livre ni à quel lecteur ça peut plaire. Je raconte rapidement le sujet, une femme qui n’a jamais été bien dans sa vie, et qui a voulu franchir ce fameux pont qui sépare la ville en deux, les nantis d’un côté et de l’autre ceux qui rament pour l’être, nanti, part à la recherche des épisodes qui l’ont empêchée de s’épanouir et de vivre pleinement.

Toutes les souffrances de cette femme sont gommées par son peu d’intérêt pour la vie, elle est comme dans miroir qui lui permet de se contempler et de se raconter mais pas de vivre. Elle est née alors que sa soeur ainée meurt à la fin de la guerre, elle aura toujours l’impression que sa naissance n’a pas été souhaitée. Sa mère était en deuil de son aînée. Elle sera anorexique, puis se mariera avec un homme avec qui elle n’aime pas faire l’amour. Elle aura un bébé qu’elle appelle « le fils » et qu’elle ne saura pas aimer, au point de faire (peut-être) un geste très violent quand il était bébé mais elle ne sait pas trop si elle l’a fait ou non. Elle a failli faire une très belle carrière dans les assurances mais finalement termine à l’accueil après avoir été secrétaire de direction. Le roman commence par la fin, elle va bientôt partir en retraite et doit déménager dans un nouveau bâtiment. L’auteur annonce sans arrêt qu’en remontant dans le passé on la comprendra et que nous allons assister à des révélations. mais finalement même le fameux ‘geste » est raconté de telle façon qu’il perd toute sa force. Et sa soeur Solange ne nous est d’aucun secours pour comprendre cette petite soeur.

On voit notre société évoluer de 1945 à 2006, les voitures, le logement, la nourriture, les chansons, les opinions politiques, les commerces. Mais rien n’est passionnant tout est terne et gris, je me suis rendu compte que je m’en fichais complètement de savoir en quelle année j’ai mangé de l’avocat pour la première fois et si Greg Lemond a remporté le tour de France ! Et je n’avais pas besoin de ce roman pour savoir que vouloir « être une femme sans blouse » ne suffisait pas à remplir une vie !

Citations

Statut social.

« Je ne partirai pas l’année prochaine. Je vais rester là. J’ai trop voulu y être. Parce que je ne voulais pas porter de blouse. Ma mère en portait pour faire le ménage chez le chanoine du quartier. Ma sœur pour travailler dans son atelier de farces et attrapes. Mes tante à la ferme. Moi, j’ai voulu être une femme sans blouse. Mon bureau, mon fauteuil, mon téléphone délimitent mon territoire. Le seul que j’aie jamais senti à moi

Tout est « normal ».

 Quand ils m’ont dit que je ne serai plus l’assistant du directeur et que j’ai été nommé à l’accueil, j’ai fait semblant que c’était normal. J’aurais pu leur dire que j’exerçais ma mission depuis vingt ans, que je connaissais mon métier à la perfection, je pouvais réciter par cœur la liste des agents généraux, je savais réserver les salles de congrès pour les séminaires, les chambres d’hôtel pour les cadres convoqué au siège, je rappelais au directeur d’aller chercher ses enfants à l’école et ses rdv chez le dentiste, on ne m’avait jamais prise en défaut. Mais je n’ai rien dit et j’ai laissé faire. J’ai prétendu trouver cela normal. J’ai toujours procédé ainsi faire comme si tout était normal. C’est la seule façon qu’on ait aucune prise sur moi. Si vous vous plaignez, il ne faut pas croire que les autres nous porterons secours.

Portrait de famille.

On ne rit pas dans la maison du quartier du fleuve. Pas comme ça. Pas ce rire franc comme une fanfare. Et maman ne riait pas là-bas, rivée à son bout de table. Elle observait Bernard, l’air de penser que le rire était un vice à ranger sur la même étagère que l’intempérance où l’addiction au jeu. S’y adonner était source de danger. Une fantaisie que nous n’avions pas les moyens de nous autoriser. Celui qui rit sa vigilance se relâche, et des gens comme nous étaient condamnés pour survivre à demeurer sans cesse sur nos gardes. Le moindre faux pas nous était interdit.