Éditions Arléa, 103 pages, janvier 2025
Un moment de douceur et de tristesse dans un très court roman. L’auteur a une écriture qui m’a beaucoup plu. On peut la qualifier de poétique, mais c’est surtout l’émotion qui, pour moi, la caractérise le mieux. Francis avait sept ans quand son frère François 5 ans a été percuté par une voiture. Sa mort est une violence face à laquelle l’enfant se sent impuissant, il ne sait qu’une chose, ce petit frère lui manquera à jamais. Cela se passe dans le nord de la France, dans une région si plate que les seuls reliefs sont les fermes en briques qui parsèment cette terre fertile. La famille est là en arrière plan mais rien jamais ne consolera cette famille.
Voilà c’est tout, mais l’écriture épouse si bien le propos que j’ai ressenti au plus profond de moi le chagrin de cet enfant qui devenu adulte n’a jamais oublié ces quelques années de bonheur auprès de son jeune frère, veillé par les deux tilleuls à l’entrée de leur ferme.
Extraits.
Début.
Les villages de mon territoire sont au nombre de cinq : Outtersteene, Le Steent’je, Merris, Vieux-Berquin et le Doulieu. D’autres villages, limitrophes, ont également leur importance : Méteren, Strazeeleb et pourquoi pas Saint-Jans. Pour ce qui est des villes -car il faut parfois en parler- elles se nomment Bailleul à l’est et Estaire au sud-ouest. Hazebrouck et Armentières ont été jetées un peu plus loin sur la carte pour les lycées, les médecins spécialisés et le permis de conduire. Quant à Lille et Dunkerque, je n’ose pas même les envisager trop encombrées de rues, de feux rouges et de grands magasins.
La mer pour l’enfant de la campagne.
De chaque côté du chemin, il y a des champs. Autour de la ferme, il y a des champs, des prés. François et moi vivons dans ces délimitations et c’est un peu comme si nous étions sur une île, ou une presqu’île si on inclut le chemin. Mais sans la mer. La mer, je ne l’ai vue qu’une ou deux fois. Elle ne ressemble à rien, elle est dangereuse et s’étale la perte de vue sans qu’aucune haie ou disposition de briques, de parpaings et de tôles ne viennent déranger sans horizontalité.
L’après.
À l’impossibilité des enfants morts s’ajoute le processus quasi obligé des avenirs imaginés. Que serais-tu devenu ? Je ne me suis pas souvent posé la question, mais il m’est arrivé à la faveur d’une lumière particulière sur un carré d’herbe, de t’imaginer fermier, parce que ça m’arrangeait. Quoi qu’il en soit, nous aurions vécu des vies où la mise en commun aurait primé sur le reste. Nous aurions partagé des choses. Je ne sais lesquelles. Mais j’aimerais que parmi ces choses il y ait eu le cinéma. Je peux te prêter mes goûts puisque tu n’es pas là pour me contredire. Comme moi, tu aurais été un mordu d’histoires projetées sur le grand écran qui racontent des vies qui auraient pu être les nôtres. Ce désir de vivre une autre vie est une énigme dont nous avons l’audace de croire que nous pourrons un jour la résoudre.
J’aime bien les extraits en tout cas, il y a une grande douceur dans l’évocation des paysages.
Il fait très bien comprendre la perte irréparable du frère avec qui il aimait tant jouer.