Éditions Philippe Rey, 205 pages, août 2025.
J’ai entendu cet écrivain à la radio, et sa façon de parler de son roman m’a donné très envie de lire son livre. Et je le remercie de me faire renouer avec un grand plaisir de lecture.
Le personnage principal, Salmane a 36 ans, il vit encore chez ses parents dans une cité de banlieue qu’il appelle la « caverne, son père Hédi est à la retraite et a été toute sa vie un ouvrier courageux et sa mère Amani a fait une carrière dans les ménages. Un jour les deux hommes de la maison se réveillent et Amani n’est plus là. Commence alors une recherche où chacun devra se retrouver. Et le voyage promet d’être long car tous les trois se sont perdus dans les méandres d’une vie qu’ils ont subie plus que choisie.
Salmane a eu une enfance heureuse et a fait de brillantes études, pour finir au RSA et travailler à temps partiel dans un restaurant marocain tenu par un Chinois et qui vend des sushis et des merguez, il traîne avec ses amis dans son quartier en particulier avec son copain de toujours Archie, qui est toujours là pour lui, l’inverse est moins vrai. Son père Hédi est l’ouvrier parfait qui a toujours soutenu son fils et qui ne comprend pas pourquoi celui-ci n’est pas allé jusqu’au bout de sa réussite scolaire et donc sociale. Il n’exige qu’une chose pour sa présence dans la maison : 500 euros par mois, on verra à la fin l’importance de ce loyer et le projet de ses parents. Enfin Amani, la femme et mère, qui fait tout dans la maison et que ni son mari ni son fils ne semblent voir. C’est son départ qui va provoquer une tempête qui met les deux hommes de la maison face à leurs insuffisances. J’allais oublier un personnage important de ce récit : La caverne. Ce quartier de banlieue et ses tours qui sont des endroits qui peuvent faire peur. On parle souvent de ce genre de quartiers aux actualités pour des histoires de violences, de drogues et misère sociale. Assez loin de ces clichés, la galerie de portraits de cette banlieue est un vrai régal d’humanité, Archie le copain au grand cœur, les amis du père d’Hédi qui fréquentent tous le café le Mascara, et qui se soutiennent en cas de coups durs.
On comprend dès le début qu’Amani a eu bien raison de partir pour réveiller ces deux égoïstes qui profitent d’elle sans lui rendre la pareille, ils ne l’ont pas aidée à rechercher son chat et ont même oublié son anniversaire.
Lors de la recherche de sa mère, Salmane revient sur sa vie et découvre les raisons des silences de ses parents sur leurs origines tunisiennes. Et on sent qu’il va reprendre sa vie en main avec le tout début d’un amour.
Un vrai beau roman qui soulève tant de problèmes de notre société, problèmes et richesses humaine aussi. Je dois aussi parler de la langue, au début le langage « jeune » m’a agacée et puis finalement je l’ai accepté mais surtout grâce à l’humour qui m’a souvent fait sourire .
Extraits
Début (pas mal)
Quatre heures se sont écoulées entre le moment où Hédi a raccroché et celui où il est venu m’avertir du coup de téléphone vers minuit. Mon père sait où me trouver. Après le turbin, je m’amuse au même endroit lugubre, dernière escale avant la forêt. Sa peau couleur pain d’épice a viré blanc, comme si un fantôme scandinave le possédait. La surprise réchauffe mon corps. Lui ? Ici ? Mes fesses sont aplaties sur le capot d’une voiture déglinguée, dont le toit sert de comptoir. Café, jus d’orange, Coca vodka. Hédi s’approche, mais pas trop. Avec sa paume, il m’ordonne de me redresser. Des noix de cajou m’échappe chape des mains. J’essuie mes doigts salés sur mon jeans et ma veste en cuir qui ne se ferme plus.
Première soirée de retraite de sa mère. Et humour triste de son fils.
Amani était restée devant la télé, jambes croisées sous une couette, avec son pull à capuche violet.– Fils, on a le DVD du film de Clint Eastwood, quand l’autre blond allume une cigarette sur le dos d’un bossu ?– Il est dans ma chambre…– Ramène-le, je prépare deux cafés et on le regarde ?Si c’était à refaire, j’aurais dit oui. Au lieu de ça, j’avais rejoint Archie et deux pote dans une voiture. On avait fumé et bu jusqu’au petit matin en écoutant les génériques des dessins animés du Club Dorothée.Je suis un sous-fils.
Les ragots du quartier.
À la minute où il est passé à table au Mascara le café du quartier) Hédi s’est téléporté dans ce qu’il a toujours dépeint comme son enfer sur terre : devenir le personnage principal des cancans, un objet de pitié, plaint, épié et moqué. C’est pour ça qu’il est si méconnaissable au milieu de tous nos meubles démontés. Mon père est en enfer et, une certaine façon, il a disparu aussi.
Un fils adulte dont la mère a toujours tout fait pour lui.
Je classe mes affaires pour le voyage en suivant les consignes d’un tuto sur YouTube : je ne sais pas plier des sapes. Pour cinq cents euros par mois, j’étais épargné de toutes les responsabilités et de toutes les tâches. Je ne fais pas la vaisselle et j’ignore comment fonctionne une machine à laver. Je ne cuisine pas, ne fais ni mon lit ni les courses, ne repasse pas. Pendant cinq minutes j’ai essayé de plier un pull. Mais rien à faire les manches sont toujours de travers. De dépit, j’envoie un coup de coude dans le matelas. Je regarde mon bureau, mon lit et mes Schtroumpfs sur le sur le papier peint. Même si je revenais habiter ici pour toujours, rien ne serait comme avant. Reconstruire ma bulle serait impossible après tout ça – c’était un modèle unique. Le parfum de ma mère s’est dissipé. Je n’ai jamais connu ma chambre sans la mandarine. La nature à horreur du vide l’odeur de renfermée et de tabac l’a remplacée.
Je vois la scène.
Archi prépare le gueuleton de nuit à base de pain grillé, de Chaussée aux Moine et de noix.
Disponible en livre audio sur Spotify : je vais l’écouter.
Attention à la langue , ça a failli m’énerver dans un premier temps et puis j’ai accepté.
Tu te lances donc dans les lectures de rentrée littéraire !
Un bon choix que ce roman, que tu donnes bien envie de lire… un de plus !
c’est le hasard d’une émission, j’ai aimé la façon dont a parlé cet homme, depuis on le voit un peu partout, j’aurais sans doute eu moins envie de le lire en trouvant qu’on l’entendait trop, mais j’aurais eu bien tort ce roman est important .
Je ne l’avais pas vu passer celui-là ! Il faut dire que beaucoup de titres de la rentrée tournent autour du personnage de la mère et que lorsque un sujet est récurrent, je m’en méfie … Bon, j’ai quand même le Carrère sous le bras !
A quelques jours près, ce titre aurait pu rentrer dans les lectures urbaines, ou je me trompe ?
Oui il peut rentrer dans ce thème car le quartier qu’il appelle « la caverne » est un lieu incontournable de nos villes aujourd’hui. C’est un très bon roman selon moi et selon celles à qui je l’ai prêté
J’en souris déjà de ces deux hommes perdus d’un seul coup parce qu’ils ne voient pas la femme qui fait tout « à l’insu de leur plein gré ». C’est noté.
C’est exactement ça, avec en plus les traditions maghrébines et les quartiers de la banlieue ! la femme est partie en laissant le repas prêt à eux de ensuite de se débrouiller !
Je note pour « Sous les pavés les pages »!
(s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola
C’est un livre qui mérite notre attention.
Je l’ai noté, il a l’air émouvant ce texte :)
Oh oui, très émouvant surtout quand on arrive au moment où on comprend pourquoi les parents ont quitté leur Tunisie natale.