Édition Jacqueline Chambon. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Gilbert Cohen-Solal.

Un livre d’apparence légère mais qui exhale aussi un parfum de tristesse : Arthur Mineur essaie de se remettre d’une rupture amoureuse en faisant le tour des invitations pour écrivains à travers le monde. Nous suivons donc la tristesse d’un homme amoureux américain qui est souvent maladroit et fait de mauvais choix. Arthur Mineur se raconte lui-même de façon très drôle à l’image de son apprentissage de la langue allemande et la joie d’être,enfin, dans un pays dont l’auteur parle la langue – du moins le croit-il- ses propos se terminent ainsi :

Toujours est-il que Mineur arrive à Berlin et se rend en taxi jusqu’à son appartement provisoire à Wilmerdorf en se jurant de ne pas parler un seul mot d’anglais durant son séjour. Bien sûr, le vrai défi est de parler un mot d’allemand.
Il s’amuse beaucoup et nous fait sourire à propos de toutes ses approximations dans la langue de Goethe, il n’hésite jamais à souligner le ridicule dans lesquelles ses différentes maladresses le mettent souvent. Comme l’image de la couverture  : sa carte magnétique n’ouvrant plus la porte de son appartement, il entreprend de passer par le balcon ! Il scrute avec précision la moindre de ses réactions en particulier sur sa place en tant qu’écrivain. Est-il un écrivain important ? Il n’en est absolument pas certain, d’autant qu’il a vécu pendant longtemps avec un génie de la poésie américaine et qu’il sait bien que lui n’est pas un génie. Et puis il y a cette barre des cinquante ans qu’il doit franchir pendant son périple, on voit alors le problème du vieillissement pour un homme dont la jeunesse a été le principal atout de séduction. La lecture est rendue plus difficile par le changement de narrateur, sans prévenir le lecteur on ne sait jamais si c’est Arthur d’aujourd’hui qui prend la parole ou Mineur l’écrivain connu pour un premier roman et à qui a-t-il donné la parole au dernier chapitre ? je ne peux vous le dire sans dévoiler la fin. Je ne suis pas enthousiaste à propos de ce roman et contrairement aux lectrices du club, je n’aurais certainement pas mis de coup de cœur mais c’est un roman original très agréable à lire.

Citations

Humour

Mineur n’est pas vraiment connu en tant que professeur, de même que Melville ne l’était pas vraiment en tant qu’un inspecteur des douanes. Et pourtant, les deux hommes occupent respectivement ces fonctions.

Un hommage à la traductrice

Mineur se met à imaginer (tandis que le maire marmonne toujours son discours en italien) qu’on a mal traduit, où – comment dire ?- qu’on a comme « super-traduit » son roman, confié à un poète de génie méconnue (elle s’appelle Giulliana Monti), qui a réussi à faire de son pauvres anglais un italien stupéfiant. Son livre a été ignoré en Amérique, on en a à peine rendu compte, sans qu’un seul journaliste ait demandé à l’interviewer (son attaché de presse lui a dit : « L’automne est une mauvaise période »). Mais ici, en Italie, il se rend compte qu’on le prend au sérieux. Et en automne, de surcroît. Pas plus tard que ce matin, on lui a montré des articles de la « Républica », du « Corriere della Serra », de journaux locaux et de revues catholiques, avec des photos de lui dans son costume bleu, fixant l’appareil du même regard bleu saphir, naturel et inquiet, qu’il avait lancé à Robert sur cette plage. Mais la photo devrait être celle de Giuliana Monti, c’est elle, en fait, qui a écrit ce livre .

L’humour et la sexualité

Mais leurs rapports sexuels n’était pas idéaux : Howard était trop directif.  » Pince-moi là ; oui c’est ça ! Maintenant, touche-moi là ; non, plus haut ; mais non, plus haut ! Non, plus haut, je te dis. » Mineur avait presque l’impression de passer une audition pour une comédie musicale.

Je vois bien la scène

Pendant qu’il patiente, une jeune femme en robe de lainage marron pollinise l’un après l’autre des groupes de touristes, avec les mouvements circulaires d’une sorte d’oiseau-mouche vêtu de tweed. Elle se penche sur un bouquet de chaises, pose une certaine question et, mécontente de la réponse, s’élance à tire-d’aile vers un autre groupe.

 

Édition NRF Gallimard

Je savais que je finirai pas tourner la fameuse page : celle où les terroristes rentrent dans la salle de « Charlie-hebdo ». J’ai commencé de nombreuses fois ce livre, lu et relu cette insoutenable attente de l’horreur absolue. Celle où des hommes habillés de noir sont passés devant tous les amis de Philippe Lançon en criant « Allah Akbar » et en tirant à chaque fois une balle dans la tête d’hommes sans défense. Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wollinski, Elsa Cavat, Franck Brinsolaro, Bernard Maris, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Frédéric Boisseau, seront assassinés de cette façon. Ce livre repose maintenant dans ma bibliothèque et à chaque fois que le regarde, je me souviens du pas à pas de la reconstruction de Philippe Lançon qui est revenu parmi les vivants, avec l’horreur au fond de lui et la souffrance physique comme compagne. Il raconte le quotidien d’un rescapé et le combat de sa chirurgienne pour qu’il puisse d’abord survivre, puis se nourrir et finalement ne plus baver. Il le raconte avec une grande honnêteté sans jamais être ennuyeux. C’est un livre qu’il faut lire pour ne jamais oublier et rester toujours « Charlie », c’est à dire être vigilant face à la montée de l’islamisme. Car son combat raconte cela aussi, la lâcheté des intellectuels français face au terrorisme quand celui-ci n’est pas d’extrême-droite mais d’origine musulmane.

(Merci à la personne qui a mis un commentaire sur Babélio, ce qui m’a permis de ne pas oublier Bernard Maris .)

PS Je n’ose pas mettre des coquillages à ce genre de livre car il se situe tellement au-delà de toute notation.

 

Citations

Une qualité rare et précieuse

Un détail qui me rend Nina admirable est qu’elle n’arrive nulle part les mains vides, et que ce qu’elle apporte correspond toujours aux attentes ou aux besoins de ceux qu’elle retrouve. En résumé elle fait attention aux autres, tels qu’il sont et dans la situation où ils sont. Ce n’est pas si fréquent.

C’est une raison pour moi d’aimer l’hôtel (que je préfère à l’hôpital !)

J’ai dormi seul à la maison, dans des draps qu’il était temps de changer. Je suis obsédé par les draps frais, ils accompagnent mon sommeil et mon réveil, et l’une des choses qui me font regretter mes hôpitaux, c’est qu’on les changeait tous les matins.

 

Avant !

Le 7 janvier 2015 vers 10h30, il n’y avait pas grand monde en France pour être « Charlie ». L’époque avait changé et nous n’y pouvions rien. Le journal n’avait plus d’importance que pour quelques fidèles, pour les islamistes et pour toutes sortes d’ennemis plus ou moins civilisés, allant des gamins de banlieue qui ne le lisaient pas aux amis perpétuels des damnés de la terre, qui le qualifiaient volontiers de raciste.

 

Ses parents

Ils avaient quatre-vingt-un ans et ils allaient bénéficier pendant quelques mois de cet extravagant privilège, redevenir indispensables à la vie de leur vieux fils comme s’il venait de naître.

La Suède

À cette époque, en partie du fait de Borg, le tennisman qui dominait le circuit à peu près autant que l’Everest, les Suédois avaient la côte dans mon imaginaire. C’étaient des gens grands, blonds, et discrets, et, s’ils gagnaient à la fin comme les Allemands, ils n’étaient pas aussi désagréables qu’eux. Ils ne nous avaient pas occupés. Ils n’avaient pas exterminé les Juifs. Ils n’avaient pas les arbitres dans leurs mains. Ils ne répandaient pas leurs ventres et leurs cris sur les plages espagnoles. Leur langue était aussi peu compréhensible, mais personne n’était obligé de l’apprendre à l’école. Les Suédois étaient mes bons allemands, les grands blonds qui me complexaient sans être antipathiques.

Mon époque aussi .

J’appartenais à cette époque récente, prétendument bénie, où la plupart des médecins n’expliquaient rien à leurs patients et ou une quantité non négligeable de professeurs prenaient pour des imbéciles les élèves qui subissaient leur manque de pédagogie, de sympathie et de patience.

Les souffrances .

Bientôt, la première nausée est venue. Je me suis concentré sur le mal de cuisse pour la chasser, puis, une fois sa mission accomplie, le mal de cuisse a été chassé par mon pied à vif et ankylosé, jusqu’au moment où la mâchoire électrocutée a bondi en dedans et effacé le pied. La mâchoire croyait régner quand une pelote d’aiguille posée dans la trachée lui est passée devant, se reposant sur ses lauriers de douleur jusqu’au moment où une vieille escarre à l’orée des fesses, datant d’avant l’opération et qui telle la tortue attendait son heure, a fanchi en tête la ligne d’arrivée.

Les présentateurs télé.

Le présentateur Patrick Cohen, qui a trop d’auditeurs pour ne pas confondre son rôle, son personnage et sa fonction, semble surpris, presque indigné par l’huile que l’écrivain jette sur le feu. Il lui dit. « Vous essentialisez les musulmans ». « Qu’est-ce que vous appelez « essentialiser » ? » Dis l’écrivain, qui repère toujours implacablement ce que Gérard Genette appelle le « médialecte », tous ces grands mots que ma profession va répétant sans réfléchir et qui ne sont que les signes d’une morale automatique. Cohen patauge un peu et, comme il aime avoir le dernier mot, attaque. « Au fond, ce que vous racontez, ce que vous imaginez dans ce roman, c’est la mort de la République. Est-ce que c’est ce que vous souhaitez Michel Houellebecq ? « 

Depuis « Bluff » je savais que je lirai d’autres livres de cet auteur. Celui-ci est comme une ébauche de « Bluff ». Nous sommes en Australie. Le personnage commence par faire de la pêche, cette fois sur un bateau digne des plus horribles cauchemars. Tout y est affreux, la façon de pêcher, le non respect des espèces protégées et surtout les rapports d’une violence extrême entre les pêcheurs. Puis, on part dans le nord de cet énorme continent, vers Nullarbor. La route qui traverse cet endroit est écrite dans les guides comme étant une des plus impressionnantes du monde.

Mais cette photo ne dit rien des routes secondaires qui mènent à la côte. Cela devient alors un vrai parcours du combattant. Notre personnage, dont on ne sait rien, est visiblement à la recherche de sensations fortes. Il va en avoir en suivant des Aborigènes qui lui font découvrir le plaisir de la chasse et de la pêche. Peu de personnages sympathiques : ils semblent tous vivre des subventions de l’état. Ils attendent le chèque du gouvernement pour se saouler à mort. Mais … Il y a une rencontre : Augustus qui est un personnage comme on en rêve et qui prendra sous sa coupe le narrateur qu’il surnomme « Napoléon ». Grâce à ce vieux sage de la tribu des Bardi, on a un aperçu de ce qu’aurait pu être la civilisation des aborigènes si les « Blancs » ne les avaient pas massacrés, ou s’ils n’avaient pas complètement nié leur culture. Mais on sent bien que c’est trop tard et que les « Blancs » ont gagné. Aujourd’hui, l’Australie brûle, les Aborigènes ne sont plus là pour expliquer comment vivre dans un pays qui peut être si hostile à la présence humaine.

Si vous avez envie de visiter ce pays, je vous conseille fortement de lire ce livre, et, ne pas craindre les requins, les crocodiles, les serpents, les araignées … et les alcooliques bien entraînés à la bagarre.

 

Citations

La tempête

Ma couchette gisait sous la proue, au plus fort du tangage. Chaque impact me soulevait à un mètre de mon matelas. Je me suis hissé dans la cabine en me cramponnant aux barreaux. Attablés en silence, les autres attendaient que ça passe. En mer quand les conditions deviennent à ce point mauvaises, pas un ne la ramène. Le capitaine moins que les autres. L’humilité du marin face aux éléments, si l’on veut. Plus certainement, la trouille.

Le mal de mer

Grelottant, nauséeux, j’étais terrorisé. Le mal de mer , le vrai, vous fait envisager la mort comme une délivrance. Moi, je n avais pas envie de crever, mais je me sentais trop épuisée pour croire en ma survie.

Histoires de chasse en Australie

J’connais des tas d’histoires comme ça. Trois types partent à la chasse après la fermeture du pub. À l’affût dans un arbre, ils poireautent des heures et des heures. Au petit matin, il fait froid, l’un des trois en a marre, descend de sa branche. Les autres lui crient de revenir, il leur faut un cochon. Mais leur pote ne veut rien entendre. Alors ils se bagarrent, le coup part. Là, ils l’enterrent au pied de l’arbre, ni vu ni connu. Bien sûr, on retrouve le corps. En général, l’autopsie montre qu’il s’est débattu dans son trou, car il n’était pas vraiment mort.

Plaisirs de la nature australienne

Comme je sautillais, maladroit, pour soulager la plante de mes pieds, Augustus s’est campé devant moi : « Napoléon, regarde où tu marches ». Un minuscule serpent gris, strié de noir, se tortillait, nerveux, au bout de sa gaffe.  » Serpent cinq minutes ». Il a lancé le reptile dans les profondeurs de la mangrove, sans épiloguer sur l’étymologie.

Toujours les joies australiennes

« Alors faut pas se promener là tout seul ? J’ai demandé.
– Ah non, Napoléon. À moins d’marcher en haut des des des dunes. Parce qu’il galope, les croc’, même sur le sable. Ou bien t’amènes un chien… Le crocodile raffole des clebs. Friandises ! Il entend aboyer, on l’tient plus, il est comme fou… Crois-moi, Napoléon, s’il a le choix, un croc ira toujours après le chien.
– Mais dans l’affaire, tu perds ton chien !
– Hé, Napoléon qui t’a dit de prendre le tien ? Celui du voisin, il te faut… Une pierre, deux coups, le croc te bouffera et le clebs d’à côté, celui qui aboie tout le temps, t’en es débarrassé. »

Comme quoi, l’alcool ce n’est pas bon pour la santé

Un type, il avait bu… Eh, Yagoo, pas qu’un peu. Ils l’ont ramené de Broome … Lui, il a coupé par les buissons, pour rentrer plus vite… Les buissons, en pleine nuit ! Le serpent tigre, six morsures, qu’il lui a données.
– Il est mort ?
– Ben non. Pas croyable, hein ? Mais on lui a coupé la jambe… Et le serpent, Yagoo, crevé. On l’a trouvé près du type, le matin… Tué par l’alcool, à c’qui paraît, tellement le type en avait plein l’sang. Eh ! Yahoo. C’est pas bon, hein l’alcool…

Une façon de priver les Aborigènes de leurs terres

Les blancs, ils ont fait dégager tout le monde… Ils voulaient plus les voir sur l’île. Un bel endroit comme ça, tu parles, ils l’ont gardé pour eux tout seul. Toujours la même histoire, hein, Napoléon. Un jour, ils ont rassemblé tout le monde. Ils ont dit qu’il fallait partir. Un cyclone va venir, qu’ils ont fait. L’île disparaîtra sous la mer. Ils les ont mis dans des bateaux, à part les vieux, pas moyen de faire partir. Tout ça, Napoléon c’était que des bobards… Les miens ont atterri à Lombadina, il y avait des aborigènes de toute la région… Ils ont pris les enfants, les ont placés dans leur pension. Pour les éduquer, il disait. Les parents, c’était trop de tristesse, personne a eu le cœur de retourner sur l’île…

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Carla Lavaste. Édition Pocket

 

Roman reçu en cadeau, et que j’ai lu d’une traite car l’histoire est saisissante et bien racontée. J’aime bien découvrir à travers un roman un fait historique dont je n’avais jamais entendu parler. Aux USA « Terre d’accueil et de liberté » pour des populations européennes chassées par la misère de leur pays, une pratique peu reluisante a vu le jour entre les deux guerres. Une oeuvre chrétienne chargeait à New-York un train avec des orphelins pour leur éviter l’orphelinat. Il arrivaient dans le Midwest et dans les gares les attendaient des couples en mal d’enfants. Une affiche avec cette annonce était collée sur les murs

On recherche
FAMILLES D’ACCUEIL POUR ORPHELINS
Une société de Bienfaisance de la côte Est
Pour enfants sans foyer
Arrivera à la gare de Milwaukee Riad.
Le vendredi 18 octobre
LA DISTRIBUTION AURA LIEU À 10H
ces enfants de tous âges et des deux sexes
sont seuls au monde

Les familles d’accueil faisaient leur choix et signaient une convention : ils devaient les nourrir et les loger contre de menus services et les envoyer à l’école. Les bébés étaient le plus souvent adoptés et les plus grands, surtout les garçons étaient choisis par des fermiers pour l’appoint qu’ils pouvaient apporter au travail de la ferme. Aucun contrôle n’était exercé et donc l’école était une option au bon vouloir des gens qui accueillaient ces enfants.
Le roman a choisi pour raconter cette histoire une petite fille irlandaise qui changera plusieurs fois de prénom, Niamh son prénom irlandais, Dorothy dans l’horrible première famille et Viviane chez les gens qui l’ont aimée et qui ont voulu lui donner le prénom de leur fille morte de la diphtérie . Le seul objet qui la relie à son origine est un médaillon en étain avec le symbole irlandais de l’amour ;  » le cladagh »

Il lui avait été offert par une grand-mère dont elle se souvient avec tendresse. Mais quand elle sera orpheline personne ne cherchera à la récupérer ni sa famille irlandais avec qui elle n’a plus aucun contact ni sa famille(éloignée) américaine qui devait sans doute se battre avec sa propre misère. Elle partira donc dans un de ces trains et connaîtra deux horribles familles avant de rencontrer ceux qui deviendront ses parents adoptifs . Cette histoire nous est racontée au gré des rangements dans un grenier par une autre enfant placée en famille d’accueil, Molly qui a écopé de cinquante heures de travaux d’intérêt général. Ces deux femmes l’une dans l’année de ses 18 ans l’autre dans ses 93 ans finiront par s’entendre. Elles ont en commun de savoir ce que c’est que de vivre dans une famille d’accueil.

J’ai quelques réserves sur la fin trop en happy-end à mon goût , en particulier pour la jeune Molly mais cela n’enlève rien à l’intérêt du roman.

 

Citations

Une jeune placée en famille d’accueil

S’il y a bien une chose qu’elle déteste à propos des familles d’accueil, c’est d’être à la merci de gens qu’elle connaît à peine et de dépendre de leur moindre lubie. Ne rien attendre de qui que ce soit, voilà ce qu’elle a appris. Ses anniversaire sont souvent oubliés et c’est tout juste si elle est invitée à participer aux différentes fêtes qui jalonnent l’année. Elle doit se contenter de ce qu’elle reçoit, et c’est rarement ce qu’elle a demandé.

Le train d orphelins

« Les enfants, vous voici à bord de ce que l’on appelle un train d’orphelins et vous avez la chance d’en faire partie. Vous laissez derrière vous un lieu diabolique où règne l’ignorance, la pauvreté et le vice. À la place, vous allez découvrir la noblesse de la vie à la campagne. »

 

 

Édition Payot et Rivages . Traduit de l’anglais par Geneviève Doze

Comme la Souris Jaune , je ne sais plus qui a glissé ce roman d’Elizabeth Taylor dans ma bibliothèque, ni quelle impulsion j’ai suivie pour l’acheter , ni même si je l’ai vraiment acheté. Mais ce roman était là, et, j’ai pris bien du plaisir à le lire. Ce n’est pas une lecture très facile, on se perd beaucoup parmi des personnages et j’ai dû me faire une fiche pour m’y retrouver. Le roman se situe en 1947 dans un petit port du sud de l’Angleterre. Le tourisme n’a pas encore repris et la station autrefois animée l’été a bien du mal à retrouver ses touristes. Nous suivons les déambulations d’un sous-officier de marine à la retraite, Bertram, qui veut se mettre à la peinture sans en avoir les capacités. En revanche, il a la capacité de rentrer en relation avec les habitants de la petite ville et avec lui, nous faisons la connaissance de Beth, l’écrivaine que l’auteure comprend certainement mieux que quiconque. Un peu absorbée par l’écriture de ses romans, voit-elle que sa meilleure amie Tory divorcée et mère d’un petit Edward qui est pensionnaire, a une relation amoureuse avec son mari Robert, médecin du village. Leur fille Prudence le sait et en est malheureuse, ainsi que Madame Bracey la commère qui tient une friperie avec ses deux filles qu’elle tyrannise. Mais plus que ces intrigues, c’est l’ensemble des petites histoires, la galerie des personnages dont aucun n’est caricatural et les réflexions sur la vie qui rendent ce livre très riche. Ce n’est pas une lecture passionnante, mais on se dit souvent « c’est si vrai ! ». Une fois que l’on a une cartographie précise des lieux : le phare, le pub, la friperie, la maison de Tory et la maison du Docteur, que l’on sait quel personnage nous parle, alors on est très bien dans ce roman. Le difficulté vient du style : c’est un livre avec beaucoup de dialogues et on passe d’un personnage à un autre sans savoir très bien pourquoi. À la fin, Beth mettra un point final à son roman, et Bertram aura fini sa toile qui est loin d’être un chef d’oeuvre. Gageons que le roman d’Elizabeth Taylor aura une meilleure postérité que la tableau de Bertram. La dernière phrase de « Vue sur Port » me semble une petite vengeance de l’écrivaine, mais à vous de me dire si vous l’avez comprise comme moi !

 

 

Citations

Erreur à propos de la vieillesse

La vie est la plus forte, songea-t-il. Elle est source de souffrance tout au long de l’existence, et maintenant, le grand âge venant – dans son esprit, il allait toujours venir, jamais l’atteindre – on s’attend à trouver la paix, à ce que la curiosité une fois écartée, sa place soit prise par la contemplation, les abstraction facile, le travail. Coupé de tout ce qui m’était familier, dans un endroit inconnu, je pensais pouvoir réaliser tout ce dont j’avais rêvé et que j’avais voulu faire depuis ma jeunesse, lorsque j’étais aux prises à chaque instant avec l’amour, la haine, le monde, perpétuellement impliqué, engagé, enserré répare la vie. Alors je serai libéré, pensai-je. Mais à cet instant même, tandis que je suis ici depuis deux jours, voilà que la marée monte sournoisement, commence à me rejoindre, et je prends obscurément conscience que la vie ne connaît pas la paix, pas tant qu’elle n’en n’aura pas fini avec moi.

Un bibliothécaire haut en couleurs

Derrière le comptoir de la bibliothèque se trouvait un vieil homme, muni d’un tampon encreur et d’un grand timbre ovale, au moyen desquels il menait une campagne passionnée et bizarre contre la dégradation des mœurs. La censure qu’il pratiquait était toute personnelle.(…) Le bibliothécaire qui rendait des services inestimable au lecteur avait en tête certains critères bien établis tandis qu’installé là il parcourait les pages, tripotant le timbre d’une main. Il admettait l’assassinat, mais pas la fornication. L’accouchement (surtout si l’intéressée en mourait), mais pas la grossesse. L’on était autorisé à supposer qu’un amour était consommé pourvu que personne n’y prenne plaisir. Certains mots à eux seuls suscitaient immédiatement le recours au timbre. Les personnages était autorisé à crier « Ô Seigneur » à la dernière extrémité, mais pas « Oh, bon Dieu ! » « Sein ».ne devait pas être au pluriel. « Viol » plongeait le timbre en convulsions dans l’encre violette.

Une remarque étonnante au cours d’une conversation

– C’était notre maison de vacances.
-Mon mari aimait faire de la voile. Il avait tendance à être riche.
– Est-ce que cela continue, où est-ce terminé en ce qui vous concerne ?
-Il me donne de l’argent, comme il le devrait et le doit. On ne peut pas permettre à un homme de garder la beauté d’une femme pour lui jusqu’à ce qu’elle soit fanée et remettre ensuite sa compagne sur le marché sans qu’elle ait rien à vendre.

Réflexions d’écrivain

Je ne suis pas un grand écrivain, ce que je fais à toujours été fait auparavant, et mieux, songea-t-elle tristement. D’ici dix ans, personne ne se souviendra de ce livre, les bibliothèques auront vendu d’occasion tous leurs exemplaires crasseux et les autres seront disloqué, tombés en poussière. Et puis, en admettant que je fasse partie des grands, qui attache de l’importance à la longue ? Quelle différence cela ferait t-il aux gens qui déambulent dans les rues, si les romans de Henry James n’avaient jamais été écrits ? Ce serait le cadet de leurs soucis. Personne ne nous demande d’écrire : si nous arrêtons, qui nous implora de continuer ? Le seul bienfait qui en sortira, c’est assurément l’instant présent ou je me demande si « vague » vaut mieux que « faible » ou « faible » que « vague », et ce qui doit suivre, en alignant un mot après l’autre comme on assortit des soies de couleur, un genre de jeu.

But du mariage

Je suis arrivé à la conclusion que le vrai but du mariage, c’est la conversation. C’est ce qui le distingue des autres formes de relations entre relations entre hommes et femmes, ce qui vous manque le plus, bizarrement, à la longue : le déversement de petits riens jour après jour. Je pense que c’est le besoin foncier de l’humanité, beaucoup plus important que…la passion violente, par exemple.

Je suis d’accord

Oh, balivernes. C’est une commère fouineuse avec une langue très médisante.
– Aucun être humain n’est jamais aussi simple que ça. Il y a toujours autre chose en plus… sa curiosité a été bridée par les circonstances et s’est orientée dans des voies indignes…

 

 

Édition Inculte

Il y a un an Keisha m’avait tentée avec ce titre que j’avais déjà remarqué chez « Lire au lit » . Le point de départ de ce roman est un fait exact qui m’a donné très envie de lire ce livre : savez-vous ce qu’est un « Copyright Trap » ? Personnellement, je n’en savais rien. Dans les années 1920/1930 au moment où l’utilisation de l’automobile explose et donc, la consommation d’essence, les grandes compagnies offraient à leurs clients fidèles des cartes routières. Fabriquer une carte demande un savoir faire et du personnel compétent donc, beaucoup d’argent, alors pour être certain de n’être pas copié, on demandait aux gens qui créaient ces cartes de mettre un détail faux comme une ville qui n’existe pas. Ainsi, si une autre compagnie copiait votre travail, on pouvait le voir grâce à ce détail. Ces villes fantômes ou villes de papier a inspiré Olivier Hodasava : démêler le vrai du faux dans ce roman devient un exercice très difficile car il mélange bien les sources et aussi son imaginaire. C’est ce qui a beaucoup plu à la blogueuse de « Lire au lit » . Inutile de chercher l’histoire de Rosamond sur Wikipédia , en revanche l’histoire de la ville d’Agloe lui ressemble beaucoup. Cette ville a fini par exister, mais je ne peux pas vous dire si une élection de Miss a été perturbée par la foudre, si Walt Disney avait décidé d’en faire une ville modèle, si une enquête permettrait de retrouver des descendants de celui qui avait créé cette ville fantôme ? J’ai aimé le passage où Walt Disney imagine une ville idéale, je dois dire que les villes utopiques m’intéressent beaucoup. Je vous conseille d’aller visiter le familistère de Godin à Guise, Richelieu aussi construit pour être ville idéale au 17° siècle . J’aime ces utopies de bonheur même si ça ne marche pas toujours très bien.

Voici la cour intérieure du familistère de Guise :

Mais revenons au roman, je l’ai trouvé moins enthousiasmant que les deux blogs que j’ai cités, car j’ai trouvé que le fictionnel se mélangeait assez mal avec le réel et que les personnages n’avaient pas assez de profondeur. En dehors du premier chapitre qui décrit ce qu’est un « Copyright Trap » la ville fantôme perd beaucoup de son intérêt et est remplacé par la création du roman car il y a bien là un travail de l’imaginaire par l’écriture et savoir démêler ce qui vient du cerveau talentueux de l’écrivain ou de faits pris dans la réalité est parfois impossible. « Une ville de papier » est bon roman sans être, pour moi, un coup de coeur.

 

 

Citations

 

Préjugé

Ce qui donne sens à sa vie, mise à part l’amour qu’elle éprouve pour Desmond Crother , c’est le violon. Ele le pratique deux heures par jour au moins. Depuis qu’elle a 8 ans. Elle est douée. Au point que ses professeurs estiment qu’une carrière professionnelle puisse être envisageable et ce bien qu’elle soit une femme, qui plus est d’origine mexicaine. Ses parents ne voient pas forcément d’un bon œil ses rêves de percer dans la musique mais son exaltation est telle qu’ils n’osent pas la contrarié. Secrètement, il espère que le mariage qui s’annonce changera sa façon de voir, sûr qu’elle rentrera dans les rangs quand il s’agira de s’occuper d’un foyer et plus encore d’élever des enfants.

La réalité :

– Et alors ? Elle est réelle ?

– Vous savez, tout dépend de la définition que vous donnez du réel. Si être réel c’est exister dans l’esprit des gens alors oui, pour moi, elle est bien réelle.  » Il s’empressa de noter cette dernière remarque dans son carnet. Il tenait là -il en était certain- une élégante chute pour son papier.

La ville rêvée de Walt Disney

Faire naître Rosamonde, vraiment.
 Construire une ville idéale au fur et à mesure. Louer ou vendre les bâtiments une fois ceux-ci construits mais toujours garder un œil sur la vision d’ensemble. … 
Deux questions fondamentales, se posent à lui et l’obsèdent. Régulièrement, il s’en confie à sa femme. La première pourrait se résumer ainsi : à partir du moment où la ville va exister, à quel point risque-t-elle de lui échapper ? Si des autorités, officiellement, se mettent à la gouverner, pourra-t-il seulement encore nommer ou changer les choses à son gré ? L’autre question, peut-être plus fondamentale encore, concerne les habitants potentiels de la ville. Comment choisit-on les gens que l’on voudrait voir habiter une ville idéale ? Faut-il qui faut-il que soient mis en place des quotas ? Et si oui, sur quelle base ? Par classe d’âge ? Par type de métier ? Par niveau de richesse ? Par origine ethnique ?… Walt Disney ne veut pas faire de sa Rosamon l’équivalent de l’un de ses parcs à thème. Il veut juste une cité aux proportions parfaites. Il voudrait qu’y naisse une société qui ensuite puisse prospérer « naturellement ». Mais alors, comment choisir, ou justement ne pas choisir, ceux qui habiteront un tel endroit ? La problématique est vertigineuse. Au point qu’il lui arrive même parfois de douter que son projet puisse être viable.

 

 

Édition JCLattès . Traduit de l’anglais par Johan Frederik Guedj.

J’ai reçu en cadeau cet essai de Tara Westover et je l’ai lu avec beaucoup d’émotion et d’intérêt. Cette jeune femme diplômée de l’université de Cambridge et de Harvard a commencé sa vie dans des conditions très particulières. Venant d’un milieu mormon, elle a grandi dans l’Idaho près du mont Buck’s Peak.

 

Cette montagne aura une grande importance dans la construction de sa personnalité, son père lui a raconté toutes les légendes qui peuplent ces lieux et elle représentera tout son univers pendant seize ans de sa vie. L’enfance qu’elle raconte dans ce livre est terrible car non seulement les mormons ont tendance à vivre entre eux en respectant des règles strictes mais en plus son père était « le plus mormon des mormons » et surtout c’est un malade mental qui est la proie de crises paranoïaques. Il faudra à Tara, seize longues années pour se défaire des liens qui l’attachaient à cette famille mortifère. Son frère aîné est d’une violence et d’une perversité incontrôlable, elle sera battue, humiliée et en grand danger de mort sans que ses parents n’interviennent. Il faudra une dernière crise de ce frère pour qu’enfin elle abandonne ses réactions de petite dernière de la fratrie des Westover pour aller vers des études qui lui permettront de trouver la femme remarquable qu’elle est vraiment.

Sa description de son enfance est émouvante, si elle n’est pas allée à l’école, elle a croisé des adultes qui savaient lui dire que ce n’était pas normal et cela a dû avoir une certaine importance dans la rupture avec ses parents qu’elle devra assumer. Elle tient beaucoup à ce titre « Éducation » , car oui elle a été éduquée et en particulier à trouver des forces en elle-même, savoir admirer la beauté de la nature mais à part cela c’est vraiment difficile de voir les valeurs que son père lui a données. On sent très bien que la religion n’est qu’un prétexte pour ce père afin de soumettre toute sa famille à des lois et des règles très dures. Les seuls qui se sont sortis de cette domination sont ceux qui n’ont pas accepté de faire partie du clan et qui tous grâce aux études ont pu assumer leur vie. Les autres vivent encore sous cette domination et le succès du livre de Tara n’a pas dû arranger la paranoïa de son père. Elle est définitivement passée du côté du gouvernement, celui qui impose le lavage de cerveau par l’école, qui ruine la santé par les vaccins et les soins à l’hôpital, qui ne croit pas à la fin du monde et donc n’encourage pas les constructions de souterrains pour survivre : bref, le monde de terreur dominé par le patriarche et assiégé par les forces du mal dont sa fille fait maintenant partie.

Le soucis de vérité de Tara Westover et son honnêteté sont très émouvants elle cherche à éviter la culpabilité que sa mère sa sœur et ses frères veulent lui inculquer. On sent tout le travail thérapeutique qu’elle a dû faire pour oser écrire ses souvenirs sans blesser personne et pouvoir retrouver sa famille sur des valeurs d’amour qui ne soient pas fondées sur la manipulation des uns par les autres.

Citations

Le début

Je n’ai que sept ans, mais je comprends que c’est surtout ça qui rend ma famille différentes : nous n’allons pas à l’école.
Papa redoute que le gouvernement ne nous force à y aller, et cela est impossible, parce que les autorités ignorent que nous existons. Quatre des sept enfants de mes parents n’ont pas d’acte de naissance. Nous n’avons pas de dossiers médicaux, parce que nous sommes nés à la maison et n’avons jamais vu un médecin ou une infirmière. Nous n’avons pas de dossier scolaire parce que nous n’avons jamais mis les pieds dans une salle de classe.

La propreté

« N’apprends-tu pas à tes enfants à se laver les mains après être allés aux toilettes ? »
Papa a pas mis le moteur en route. Le pick-up avançait lentement, il a fait un signe de la main. 
« Je leur apprends à ne pas se pisser sur les mains. »

La religion de ses parents

J’avais toujours su que mon père croyait en un Dieu différent. Enfant, j’avais conscience que si ma famille fréquentait la même église que tout le monde dans notre ville, notre religion n’était pas pareil. Les autres croyaient en la décence ; nous, nous la pratiquions . Ils croyaient au pouvoir de guérison de Dieu ; nous remettions nos blessures entre Ses mains. Ils croyaient en la préparation de la Résurrection, nous nous y préparions véritablement. Aussi loin que je me souvienne, j’étais convaincu que les membres de ma famille étaient les seuls vrais mormons que j’ai jamais connus.

Le final

Maintenant que j’y pensais, je me rendais compte que tous mes frères et soeurs exceptés Richard et Tyler, étaient économiquement dépendants de mes parents. Ma famille se scindait en deux -les trois qui avaient quitté la montagne, et les quatre qui étaient restés. Les trois titulaires de doctorat, et les quatre sans diplômes. Un fossé était apparu, et se creusait.

Édition Feux croisés Plon . Traduit de l’anglais (États-Unis) par Karine Lalechère

Un roman peu banal sur un sujet qui démarre pourtant de façon si classique dans la littérature et hélas dans les faits divers américains  : Un jeune homme, Roy, marié depuis peu à la belle Celestial est accusé d’avoir violé une jeune femme blanche dans le motel où il passait la nuit . Sa femme a eu beau dire qu’il était auprès d’elle cela n’a pas empêcher un jury de le déclarer coupable et de lui infliger douze ans de prison. Il n’a rien fait mais il est noir et c’est donc suffisant. Cela pourrait être le sujet du roman mais pas vraiment. Les traitements qu’il a dû subir en prison et sa lutte pour prouver son innocence ne sont évoqués qu’à travers les courriers que s’échangent Roy et Célestial. Courrier qui est plus allusif sur ces sujets car tous les deux parlent surtout de leurs liens amoureux . Roy et Celestial se sont aimés mais leur couple ne résistera pas à la prison , les parents de Roy se sont aimés toute leur vie . C’est un bel exemple de couple américain uni pour la réussite de leur fils, enfin le fils de sa mère car son père, Big Roy, l’a adopté quand il a épousé Olive . Le père biologique jouera pourtant un rôle dans l’histoire de Roy. Les parents de Celestial parents fortunés feront tout ce qu’ils peuvent pour aider Roy à sortir de prison. Il est effectivement acquitté au bout de cinq ans mais sa femme l’a quitté pour son ami d’enfance André. Un roman passionnant car complètement en dehors des évidences sur la condition des noirs aux États-Unis, tout en nuances mais qui par la même m’a beaucoup touchée.

 

Citations

L’amour

Mais en te perdant j’ai appris une chose au sujet de l’amour. Notre maison n’est pas simplement vide. Elle a été vidée. L’amour se crée une place dans ta vie, il se crée une place dans ton lit. À ton insu, il se crée une place dans ton corps, détourne tes vaisseaux sanguins, bat juste à côté de ton cœur. Et quand il part, il laisse un trou.
Avant de te rencontrer je ne me sentais pas seule. À présent je me sens si seule que je parle aux murs et chante pour le plafond.

 

Être noir aux USA face à la justice

Ce calvaire n’aurait alors été qu’une histoire que nous lui aurions racontée plus tard, pour qu’il comprenne qu’il fallait être prudent quand on était un homme noir aux États-Unis. Lorsque nous avons décidé qu’il valait mieux avorter, d’une certaine manière, nous nous sommes résignés. Nous avons cessé de croire que je serais acquitté.

Humour de prison

C’est le destin de l’homme noir. Porté par six ou jugé par douze. 

 

Les femmes

L’immense générosité des femmes est un tunnel mystérieux et nul ne sait où il mène. Partout, il y a des indices qui sont autant de pièges et, quand on est un homme, il faut être conscient que la logique ne nous conduira pas nécessairement à la sortie.

 

Édition les allusifs . Traduit du polonais par l’auteure relu par Martin Gipet

 

Je dois cette lecture à Aifelle et je suis ravie d’avoir découvert cette auteure. On a tiré une pièce de théâtre de ce petit livre et je pense que la pièce devait être plus passionnante que le livre. J’ai trouvé le texte trop court et il manque de la profondeur à chacun des personnages c’est plutôt un synopsis qu’un roman ou qu’une nouvelle. Voici donc le sujet : une femme, enfant cachée de la guerre découvre que la meilleure amie de sa mère morte à Birkenau lui a volé son manuscrit . Elle est devenue riche et célèbre. L’enfant de la femme juive, ne veut qu’une chose se venger et elle est complètement habitée par cette vengeance. En moins de 60 pages, l’auteure donne une idée des protagonistes de ce drame qui s’avance inexorablement vers une fin tragique , sauf que … la fin en forme d’épilogue et de carte postal enlève (maladroitement selon moi !) le tragique de l’histoire.

Citation

Épeler son nom

Voulez-vous savoir comment je m’appelle ? Voilà une question préliminaire qui m’horripile ! J’aimerais vous répondre Marie Smith ou Stanislawa Gorka ou Rachel Néguev. En faisant un effort, je vous dirai mon vrai nom, Irena Golebiowska. Si vous n’êtes pas slave, et cependant honnête et bien intentionné, vous allez aussitôt me demander d’épeler ce nom barbare. Et cela va m’irriter. On ne me demandait jamais cela en Pologne. C’est à des détails comme celui-ci qu’on s’aperçoit qu’on est en exil. Après toutes ces années, de telles requêtes provoquent toujours chez moi une réaction presque paranoïaque.
(PS : pour habiter la France je sais qu’il n’y a pas besoin d’être étranger pour épeler son nom les Lozac’h bretons en savent quelque chose)

Édition P.O.L

 

J’ai trouvé cette lecture chez « lire au lit » un blog qui propose des lectures originales et qui sont souvent éditées chez P.O.L. Comme cette blogueuse, je me suis attachée à Aymeric, le père du petit Jim, né d’une d’une maman, Florence qui mène sa vie un peu à « l’arrache ». Le roman couvre la jeunesse d’Aymeric et de Florence, puis raconte les dix ans de bonheur absolu pendant laquelle Aymeric sera le père de Jim, jusqu’au retour du père biologique. Ensuite, nous partageons la terrible souffrance de cet homme qui verra son « fils » partir au Canada avec ses parents biologiques. Aymeric et Jim se retrouveront, mais vingt ans plus tard et Jim aura beaucoup de questions à poser à ce père qu’il a tant aimé.
Résumé de cette façon, je ne sais pas si je vous donne envie de lire ce roman, pourtant c’est incroyable comme cette lecture m’a touchée. D’abord parce qu’on ne traite pas si souvent de l’attachement d’un homme pour un enfant jusqu’à penser à en être le père. Sans pour autant faire les démarches administratives qui officialiseraient le lien, pensant sans doute que le lien d’amour est plus fort que n’importe quelle administration. Ensuite parce que tous les personnages sont dans la nuance, trop sans doute, si Aymeric s’était plus imposé et avait plus rejeté Christophe le père biologique, il aurait sans doute moins souffert. Combien de fois dans ce roman, j’ai eu envie de lui dire : « mais réagis, impose toi , ne te laisse pas faire » . Comme il le dit si bien dans ce roman les conseils des autres qui ne vivent pas la situation sont souvent trop tranchants et n’aident pas à comprendre l’ensemble de la situation. Ces personnages sont des gens d’aujourd’hui ni en réussite particulière ni en échec, ils vivent dans une région que l’auteur aime profondément : le Jura. Une région de bois et de montagne, dans laquelle Pierre Bailly a ses attaches . Le centre du roman qui raconte l’enfance de Jim au milieu de la nature qu’il découvre grâce à son père et à une grand-mère qui vit dans une ferme au milieu des bois, est un moment magique. Comme tous les bonheurs, il y a des failles que le narrateur ne veut pas voir : est-il encore amoureux de Florence ? ou reste-t-il près d’elle pour élever leur (son) enfant ?

Le récit est très bien mené , le choix de la maman de le couper de ce père pour que l’enfant essaie de s’adapter au Canada est très logique mais que de dégâts derrière. Le personnage que je trouve le moins crédible mais aussi celui qui m’a le plus dérangé c’est Christophe le père biologique. Il n’a absolument pas voulu de cet enfant et a repoussé cette femme quand il a su qu’elle attendait un enfant de lui. Un terrible accident a tué sa femme et ses deux filles et c’est chez Florence qu’il vient se faire consoler. Il fallait bien un personnage pour le roman , mais lui je n’arrive pas à imaginer sa construction mentale.

Nous sommes aussi dans un monde que je connais peu, un monde où on va écouter des concerts pour tout oublier et la drogue aide bien dans ce cas. Je préfère et de loin quand le narrateur obtient le même résultat dans ses marches en montagne.

Un superbe roman et je me promets de lire les autres livres de cet auteur.

 

Citations

Psycho à la fac

En psycho que on devait être trois mecs pour deux cents filles. Je me souviens d’une soirée où j’ai dit à un type que je faisais psycho, il en est resté bouche bée pendant plus de dix secondes, estomaqué par ma réponse. Il a fini par s’exclamer : mais oui, t’as tout compris, toi, oh, le petit malin, en plus ça marche à ce que je vois, bien joué mon gars. Là, il regardait en direction de Jenny, et quand je lui ai annoncé qu’on se connaissait d’avant, qu’on ne s’était pas rencontré sur les bancs de la fac mais au collège, il a repris sa tête de poisson crevé. Il venait de trouver la seule raison pour un mec aller en fac de psycho finalement non, ce n’était même pas pour ça que j’y étais .

L’éducation d’un petit garçon aujourd’hui .

On avait beau avoir le souci, autant Flo que moi, de ne pas trop valoriser les codes masculin et de ne pas lui imposer des pratiques de petit mec, on avait beau l’encourager à s’autoriser à aimer la couleur rose ou tel jouet traditionnellement destiné aux filles, et j’insiste pour dire que je faisais ma part de boulot en la matière, et bien je ne pouvais pas m’empêcher de camper ce personnage de père qui bricole, de père qui n’a peur de rien, de père un peu brutal parfois .

Comment gérer une crise : les amis ne sont pas forcément les mieux placés .

Elle était au courant de tout, bien sûr, elle était encore plus remontée que moi. C’est toujours facile de s’emballer quand on est extérieur, on ne vit pas les choses, on n’est pas vraiment concerné, on ne souffre pas de la même manière, et puis on n’aura pas à assumer les conséquences de nos réactions et de nos actes, alors on adopte une position radicale, on joue les durs, et on ferait mieux de se taire, car on est souvent de mauvais conseil,