Édition Stock août 2023. Traduit de l’anglais par Carine Chichereau
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard
Ce livre qui raconte l’exode des Vietnamiens après la fin de la guerre et l’installation du régime communiste, m’a beaucoup marquée .Ma génération n’a sans doute pas oublié les « boat-people » et les différents drames qu’ils ont connus. Les camps, les attaques des pirates Thaïlandais, le peu d’empressement des pays occidentaux à les accueillir. Mais la mémoire est ainsi faite, un drame en chasse l’autre et même si on se souvient, on est moins dans l’émotion.
Le livre de Cécile Pin qui se fonde sur l’histoire de sa propre famille, incarne cette immense tragédie et nous ramène dans ces temps horribles où si peu de gens leur venaient en aide. En France, la victoire des communistes semblait une cause juste et il a fallu du temps pour ouvrir les yeux sur la répression qui s’abattait sur une population déjà meurtrie par la guerre.
C’est un récit à plusieurs voix : une voix narrative qui suit le parcours de Anh et de ses deux plus jeunes frères Minh et Thanh . Les parents les ont envoyés vers Hong Kong quelques jours avant leur propre départ. La voix de l’écrivaine Cécile Pin quand elle décrit différents faits historiques qui ont marqué son pays d’origine, et enfin la voix du petit Bao qui tel un fantôme hante cette histoire.
Anh a seize ans quand elle quitte son village et sa famille, hélas ! le bateau qui devait conduire ses parents à Hong-Kong a coulé. Ses parents, le bébé et le jeune Dao sont morts noyés. On retrouvera leur corps sur une plage, alors, à 16 ans, elle devient chef de famille et nous fait découvrir au plus près de la réalité le destin des Vietnamiens, on les suit dans différents camps de réfugiés à Hong Kong puis au camp qui les attendait à Londres et enfin dans le petit logement social qui leur a été attribué à Londres. Son malheur , c’est qu’elle ne sait jamais si elle en fait assez pour ses deux frères : Minh ne réussira pas l’école et Thanh ne sera pas pris à l’université. Elle même reprendra ses études et se mariera avec Tom un homme originaire de Chine. Elle va fonder une famille solide, unie, bien insérée socialement, mais pour autant le poids des morts pèsera beaucoup sur ses épaules.
Dans sa recherche historique, l’auteur rappelle des faits horribles qui se sont peut-être éloignés dans notre mémoire. Mais pourtant, c’est si important de se souvenir ! Dans ces textes nous trouverons l’origine du titre, lors de la guerre du Vietnam les américains n’ont pas manqué d’imagination morbide. Ils ont par exemple fait peur aux habitants en amplifiant des sons des mourants et en les envoyant dans la jungle. Mais aussi ce qui s’est passé avec les pêcheur Thaïs qui ont assassiné et violé des gens sans aucune défense .
Enfin la voix de Dao ce petit frère qui erre effectivement comme une âme qui ne trouve pas le repos.
Ainsi ce livre est un tout qui mélange le narratif et le récit historique et fait comprendre au plus près de la réalité ce que les Vietnamiens ont subi, le dernier épisode des 25 personnes mortes étouffées dans un camion sur une route anglaise montre que leur calvaire n’est pas terminé et rejoint celui des migrants contemporains.
Extraits
Début.
Novembre 1978- Vung Tham, Vietnam
Il y a les adieux, et puis on repêché les corps- entre les deux, tout est spéculation.Dans les années à venir. Thi Anh laisserait les souvenir atroce du bateau et du camp s’en aller, goutte à goutte, jusqu’à n’être plus que murmures.
Le titre.
Il leur a présenté un système de sonorisation en désignant la jungle toute proche. « Il faut aller là-bas poser l’engin pas trop loin du camp et appuyer sur lecture . » Il a sorti une cassette de sa poche avec une étiquette sur la tranche : « Cassette fantôme n° 10 » . Smith l’a insérée dans l’appareil et a jeté un coup d’œil aux deux soldats riant de leur perplexité.« Opération Âme Errante » a-t-il dit pour foutre une trouille de tous les diables à ces niakoués. »
Les pêcheurs thaïs …
Il semblerait qu’environ cinq-cents pêcheurs Thaïs aient violé à tour de rôle trente-sept femmes sur Ko Kra pendant vingt-deux jours consécutifs ce mois-ci. Ces femmes étaient à bord de quatre bateaux différents et elles ont été amenées sur Ko Kra par les pêcheurs qui ont pris d’assaut leurs embarcations pour les empêcher de fuir.
Ce qui a aidé son frère en Angleterre.
Son voisin ne connaissait que le début, et bientôt il passa à « Yesterday » et « Hey Jude » puis une fois son répertoire des Beatles épuisé, il retourna dans le bungalow en disant à Thanh de l’attendre. Quelques minutes plus tard, il revint avec un morceau de papier où il avait noté des mots en anglais dont Thanh ignorait le sens : Pink Floyd, Led Zeppelin, Fleetwood Mac.« Quand tu seras en Angleterre, il faut que tu trouves les disques de ces groupes-là. »
Le poids qui pèse sur les épaules de l’écrivain.
Je m’aperçois qu’il y aurait encore beaucoup à dire.Je pourrais raconter aux gens les viols, les meurtres, les rumeurs de cannibalisme.J’ai lu des témoignages, des livres, des journaux, des encyclopédies, et toute ces connaissances sont devenues un fardeau que je porte. Mais dans quelle mesure dois-je en parler ?
Les inquiétudes d’une mère .
Elle s’était inquiétée à propos des drogues et de l’alcool, du racisme et de la violence, mais elle n’avait jamais craint que Platon et Aristote, Kant et Marx puissent lui ravir sa fille. Anh imaginait Jane traînant avec ses amis défoncés, débattant du sens de l’existence, de la vie après la mort, et elle songeait : » Quelle perte de temps incroyable ». À ses yeux, la vie c’était la vie ; ce qu’il y avait après, c’était ce que vous vouliez. Mais elle taisait ses craintes. Elle n’avait pas envie de tomber dans le cliché – la mère immigrée, la mère-tigre. Ainsi encouragée par son mari, Android avait donné à Jane sa bénédiction pour aller faire ses études à Leeds, se préparant mentalement à ce qu’elle soit au chômage pour le restant de ses jours.
Hé oui, ne pas oublier; Cette fois tu as tes 5 coquillages!
c’est un beau roman et oui on oublie même si on ne le veut pas.
C’est sans doute un très beau roman, et terrible… Je ne me sens pas de le lire en ce moment, mais un jour, peut-être…
c’est un beau roman avec en toile de fond un drame terrible
Quel drame… les migrants sont toujours des proies faciles…
oui et ils sont si souvent oubliés après les guerres.
Une histoire a mettre en lumière avec ce qu’il se passe pour les migrants actuels, tu as raison.
voilà on sent que cela ne finit jamais mais c’est aussi un beau roman.
Ah tiens, je ne connaissais pas l’autrice. Tu as mis 5 coquillages donc je le note. Reste à voir s’il est à la bibli
j’ai découvert ce roman grâce à mon club et tout le monde l’a aimé
Ça l’air dur mais devant tes 5 coquillages, je ne peux que noter!
le fond est dur mais l’écriture sauve tout .
Une belle idée de lecture, je me souviens encore de cette période où les bateaux arrivaient pleins de migrants aux mains vides
c’est un très beau livre et une belle écriture.
Il ne faut en effet pas oublier, et ce livre a l’air très intéressant à ce sujet. Je ne le connaissais pas du tout !
c’est un beau roman et une belle écriture!
Pingback: De la saison sèche à la mousson – Littératures d’Asie du Sud-Est – le récapitulatif – Popup Monster
Deux livres que je note chez toi à suivre ^-^ … Il va falloir que j’arrête de te fréquenter !
je note tellement de lectures chez toi qui sont des coups de cœur pour moi aussi donc à charge de revanche !
Je pense qu’à l’époque des boat people, j’étais ado… Donc c’était juste un nom et une image, mais aucune conscience des conditions historiques, donc pourquoi pas ?!
c’est en plus une très belle plume, je te le conseille
Je n’ai pas tout-à-fait les mêmes souvenirs que ceux que tu rapportes par rapport à l’accueil des boat people. J’ai le souvenir d’un mouvement de solidarité et de communes qui proposaient spontanément d’accueillir une famille. Ce qui ne dit pas comment ils s’intégraient après. Et l’état d’esprit par rapport aux réfugiés n’est plus du tout le même c’est certan. Il n’y aura jamais trop de livres pour évoquer les ravages subis par les familles.
l’accueil individuel a sûrement fonctionné mais ce n’était pas vrai aux niveau des états et je me souviens aussi de la gêne des gens de gauche qui avait beaucoup scandé « US go home » « paix au Vietnam » et ont eu du mal à voir que les communistes ont eu la main lourde pour rééduquer les gens du Sud Vietnam.
J’ai besoin d’un peu plus de légèreté en ce moment, mais j’ai lu ton billet avec beaucoup d’intérêt et suis contente que ces livres existent pour garder certains faits de notre histoire en mémoire.
Le Vietnam a connu tant d’horreurs sur son sol mais visiblement il s’en sort actuellement.