Édition Charleston février 2023. Traduit de l’anglais par Sarah Tardy
Moi qui pensais que nous étions les maîtres de notre destin, j’ai appris qu’en temps de guerre, les citoyens ordinaires ne sont plus que des feuilles balayer comme des milliers d’autres par la tempête.
Je fais paraître ce billet le lendemain du roman de Cécile Pin : « Les âmes errantes » car ces ceux livres se complètent très bien. Ce roman nous décrit le Vietnam, pays martyre, du point de vue du Vietnam du nord. C’est pour moi une grande découverte, car j’ai déjà beaucoup lu sur le Vietnam du Sud et l’exode des Boat-People mais pas du tout sur le Vietnam du Nord. L’auteure se sert de l’histoire de sa famille et cela lui donne une base pour une grand fresque historique. La famille Tran est propriétaire d’un grand domaine qu’elle cultive grâce à des paysans qui leur sont très attachés.
Le roman suit plusieurs chronologies, celle de la grand-mère Diêu Lan qui élève sa petite fille Huro’ng, grâce à elle nous revivrons la présence des Français dont les Vietnamiens espèrent bien voir le départ. Hélas, les Japonais vont les remplacer et imposer aux paysans des cultures qui suppriment les traditionnelles cultures vivrières, une terrible famine va en résulter. L’auteure sait parfaitement rendre ce que représente la recherche de nourriture pour un peuple que l’on empêche de cultiver ce qui pourrait éviter à ses habitants de mourir de faim.
Le destin de cette grand-mère est incroyable, elle aurait dû mourir tant de fois : comme fille de propriétaire ennemi du peuple condamnée par les communistes, comme femme se débrouillant seule se heurtant à des brigands, comme mère de six enfants qui doit faire 600 kilomètres à pied pour sauver sa vie et celle de ses petits. Cette traversée du pays est inimaginable, on a vraiment une impression d’une hallucination au milieu de dangers mortels qui s’attaquent à elle et à sa volonté de survivre.
Ses enfants partiront à la guerre pour la réunification du pays, ils reviendront détruits moralement pour la mère de Huro’ng, sans ses deux jambes pour Dat, son fils Tuan est mort, un autre est revenu mais complètement asservi au parti communiste au grand désespoir de sa mère qui a gardé en toute occasion son esprit critique.
Nous suivons aussi le parcours de sa petite fille qui veut retrouver sa mère et son père, celui-ci ne reviendra pas et sa mère restera mutique et brisée jusqu’à ce que sa fille comprenne son drame. Nous la suivrons dans son parcours scolaire et dans son histoire d’amour. donnant lieu un rebondissement un peu trop étonnant (pour moi)
L’auteur utilise souvent le biais de lettres ou de journal intime pour nous donner le récit de différents personnages, par exemple le fils aîné qui a fui les communistes qui ont assassiné son oncle devant ses yeux, dans une grand lettre, il fera comprendre à sa famille ce qu’il a vécu. Le journal intime de la mère de Huro’ng qui lui permettra de casser la mutisme de sa mère.
En lisant ce livre, on se rend compte que ce qui a permis aux Vietnamiens de garder une unité morale, c’est la force des liens familiaux, peut-être aussi le culte des morts qui fait que l’on n’oublie pas ceux du passé. Ce lien très fort avec la famille élargie permet de résister aux assauts de la violence mais aussi à l’idéologie communiste. En tout cas c’est le cas de cette famille.
Ensuite, l’auteure a un véritable talent pour nous conduire à travers les différents épisodes du Vietnam et faire comprendre les retombées sur les populations. Il y a peut être un aspect trop « romanesque » dans cette fresque, je pense en particulier à une histoire de bijou perdu et retrouver de façon si miraculeuse pour la jeune fille, mais à la lecture je n’ai pas du tout eu l’impression que c’était trop romanesque, j’ai dévoré tous les épisodes et j’ai tellement admiré cette grand-mère capable de tous les efforts pour que les siens vivent correctement, même faire du marché noir au grand scandale de son fils devenu un membre du parti mais qui accepte quand même ses plats cuisinés avec tant d’amour.
Il me reste une question, ce livre est écrit en anglais, cette auteure vit-elle toujours au Vietnam et son livre est-il traduit en vietnamien ? C’est une telle critique du régime communiste que cela m’étonnerait mais cela me ferait aussi un grand plaisir.
Extraits
Début .
Quand meurent nos ancêtres, me disait ma grand-mère, ils ne disparaissent pas mais continue de veiller sur nous. Aujourd’hui, je sens sur moi son regard tandis que je frotte une allumette pour faire brûler trois bâtons d’encens.
La présence française au Vietnam .
Les Français occupaient notre pays. J’avais déjà vu des soldats battre des fermiers sur la route du village. Ils étaient même déjà venus chez nous, pour fouiller notre maison, à la recherche d’armes. Les cultivateurs et les ouvriers de notre provinces avaient même manifesté contre eux. Mes parents, eux, ne s’étaient pas joints à la protestation. Ils craignaient la violence et croyaient qu’attendre que les français nous rendent un jour notre pays éviterait un bain de sang.
Les erreurs des Viet Minh communistes.
Dans tes livres d’école, tu ne trouveras rien sur la réforme agraire ni sur les querelles intestines qui divisaient le Viêt Minh. Une partie de l’histoire de notre pays a été gommée et avec, la vie d’un nombre incalculable de gens. Il nous est interdit de parler des évènements liés aux erreurs du passé ou des méfaits commis par les dirigeants d’antan car nous réécririons l’histoire, ce faisant.
Le titre.
Grand-mère m’a dit un jour que les épreuves auxquelles le peuple vietnamien a fait face sont aussi hautes que les plus haute des montagnes. Je me suis tenue à une distance suffisante pour voir le sommet de la montagne, mais aussi suffisamment près pour ma percevoir que grand-mère est elle-même devenue la plus haute montagne : toujours présente, toujours forte, toujours là pour nous protéger.
D’après mes recherches, elle a pas mal bougé hors du vietnam…
je crois qu’elle vit aux Etats-Unis.
J’ai adoré ce roman. Il est très poignant. C’est une histoire de survie, de courage et de résilience. La grand-mère en effet est un personnage extraordinaire.
peut être un peu trop romanesque mais c’est un livre très prenant.
Ha super ! Voilà qui me tente beaucoup … Une fresque historique et familiale, du romanesque, un mélange de récits et de lettres … Parfait aussi pour le programme des lectures communes organisé par Miss Sunalee. Je note et surnote. Grand merci Luocine.
j’ai préféré la pudeur du précédent celui-ci est très romanesque peut être un peu trop !
Parfois par coïncidence les lectures s’enchainent sur un même sujet
tu nous donnes plusieurs idées de lecture que je suivrai vraisemblablement un jour ou l’autre par le jeu des petits cailloux à suivre
si tu dois choisir plutôt le premier celui-ci est un peu incroyable mais l’écrivaine a un vrai talent pour embarquer le lecteur ou la lectrice
Quel billet tentant, j’aime ces points de vue inhabituels sur des épisodes d’Histoire ! Je crois avoir vu passer un autre avis, tout aussi positif, sur ce titre récemment (si je le retrouve je reviendrai te signaler le lien). ET comme Athalie, j’allais te suggérer de proposer ce titre à Miss Sunalee pour son activité autour des littératures de l’Asie du Sud-Est : https://popupmonster.wordpress.com/2024/01/31/de-la-saison-seche-a-la-mousson-litteratures-dasie-du-sud-est-le-recapitulatif/
merci pour le lien je vais aller voir .
ah oui, tu restes sur la même thématique. J’en apprendrais sûrement beaucoup, j’en connais si peu !
et ce sont deux romans très différents mais tout aussi intéressants
J’ai beaucoup aimé ce livre aussi !
Si j’ai bien compris, l’autrice a étudié en Australie mais est retourné vivre au Vietnam.
en tout cas elle décrit sans aucune concession le régime communiste
Ce roman semble encore plus dur que le premier, donc je pense que le premier suffira !
c’est différent c’est plus une vision d’ensemble donc oui il y a plus d’horreurs car le Vietnam a été un pays martyre
Je n’ai pas beaucoup lu sur le Vietnam du nord, je pense que j’apprendrais beaucoup de choses avec ce roman. Je le note au cas où je le trouverais à la bibliothèque.
il est sûrement à la bibliothèque.
Une grande fresque historique – me voilà bien intéressée ! Je vois qu’il est disponible en poche et comme le côté romanesque est assez présent selon toi, je le garderai pour cet été.
Ce n’est pas vraiment un roman pour la plage … mais qui demande du temps alors pourquoi pas pour l’été.
Ça m’a intriguée et je viens de trouver un article complet qui explique que c’est le premier roman qu’elle a écrit directement en anglais (elle est aussi traductrice) pour que l’histoire du Vietnam touche un plus large public anglophone. C’est vrai qu’on connaît moins le sort des familles du Nord-Vietnam alors merci pour cette découverte.
C’était une découverte pour moi , j’ai donc lu le deuxième qui a comme sujet les enfants métis après la guerre. J’ai plus de réserves.
Le sujet me tente. Je note ce titre, merci.
Tant mieux !
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