Édition Seuil

 

Dicton syrien

 « En chaque personne que tu connais, il y a quelqu’un que tu ne connais pas. »

 

Je vais finir par croire que les apiculteurs sont des humains supérieurs après « les abeilles grises » et « les abeilles d’hiver » voici l’histoire de deux apiculteurs pris dans la tourmente de la guerre en Syrie. Le portrait de ces apiculteurs ont des points communs, ils résistent tous à l’ambiance totalitaire ou à la guerre. est-ce le fait qu’ils sont amenés à mieux comprendre le comportement des abeilles qui les conduit à relativiser les engagements politiques extrémistes ?

J’avais déjà bien aimé de la même auteure « Les oiseaux chanteurs » sur un drame se passant à Chypre le pays dont elle est originaire.

En tout cas le portrait de Nuri et de son cousin Mustapha, les deux apiculteurs d’Alep est de la même trempe que celui de Sergueï – héros involontaire ukrainien ou celui d’Egidius Arimond – cet homme qui cachaient des juifs dans ses ruches. Les deux cousins, non seulement récoltent le miel de leurs abeilles mais ils ont également crée une petite entreprise autour de l’exploitation des ruches : miel, cire et autres produits dérivés, leur affaire marche très bien. La guerre va hélas tout détruire et comme les deux cousins tardent à partir – pour ne pas abandonner leurs abeilles- leurs deux fils vont être tués. La douleur est trop intense, en particulier pour Afra, la femme de Nuri qui en état de sidération et ne veut plus quitter la Syrie alors que c’était encore assez facile de le faire. Elle finira par accepter et avec Nuri les voilà sur le chemin de cet exil si douloureux pour les syriens qui ne sont pas partis assez vite. Ils connaîtront la traversée vers la Grèce dans un canot pneumatique, les camps en Grèce. C’est d’ailleurs là que tous les deux rencontreront l’horreur absolue. On sent que l’écrivaine y a elle même séjournée longuement , car elle sait nous rendre palpable l’insoutenable. Puis finalement ils arrivent en Grande Bretagne où les attend le cousin Mustapha.
Ne vous inquiétez pas je ne divulgâche rien du récit , car Chrsty Leftery commence son récit en Grand Bretagne, dans la pension où Afra et Nuri attendent de recevoir un statut de réfugiés politiques. Cette écrivaine mêle avec talent les trois temps forts du récit : Alep et la guerre, les destructions par les bombardements russes, les meurtres gratuits de l’état islamique, et le parcours des exilés via la Grèce. Afra est devenue aveugle de trop de souffrance et Nuri a des crises de panique totale pendant lesquels il revit les horreurs de son passé récent.
Je ne dis rien d’un petit Mohammed de l’âge de leur fils (7 ans ) qui va les accompagner pendant leur fuite car je ne veux pas enlever l’effet de surprise que vous aimez tant.

Un livre d’une beauté totale grâce à une écriture très en finesse. On sent bien la retenue de Christy Lefteri face aux horreurs qu’elle a rencontrées en Grèce.

 

Citations

J’ai tout de suite aimé le style de cette écrivaine .

 Il y avait notamment un tableau du Qouiiq que j’aimerais revoir. Elle en avait fait un pauvre caniveau traversant le parc de la ville. Afra avait don. Elle révélait la vérité des paysages. Cette toile et sa rigole dérisoire représentent à mes yeux notre combat pour rester en vie. À une trentaine de kilomètres au sud d’Alep. Le Qoueiq renonce à lutter contre l’impitoyable steppe syrienne et s’évapore dans les marais.

Destruction d’Alep.

Je lui avais pourtant dit que le souk était vide, une partie des allées bombardée et incendiée. Ces ruelle qui grouillaient naguère de marchands et de touristes étaient devenues le territoire de l’armée, des chiens et des rats. Tous les étals étaient abandonnés, hormis un, où un vieil homme vendait du café aux soldats. La citadelle convertie en base militaire était entourée de chars.

Procédé de mise en forme , je n’ai pas trouvé le pourquoi de ce procédé sauf peut être que tout s’enchaîne ?

Chaque chapitre se termine avec un mot en moins
Qui est à la fois le nom du prochain chapitre
Exemple :
Mes yeux restent ouvert dans le noir, car j’ai peur de
Le Chapitre suivant s’appelle :
la nuit
et débute ainsi :
tombait ; nous étions à Bab al-Faradj, dans la vieille ville.

La mer, l’attente .

 Le bateau parti la veille avait chaviré et la plupart des gens à bord avaient disparu. Seules quatre personne avaient été repêchées et on avait retrouvé huit cadavres. Voilà le genre de conversations que j’entendais autour de moi.

Genre de pensées qui torturent les survivants.

 Souvent, je regrette d’être resté à Alep, de ne pas être parti avec ma femme et ma fille, car, alors, mon fils serait encore parmi nous. Cette pensée me donne envie de mourir. Nous ne pouvons pas revenir en arrière, changer les décisions que nous avons prises. Je n’ai pas tué mon fils. Je m’efforce de m ‘en souvenir pour ne pas errer à jamais dans les ténèbres.

Les camps de réfugiés.

 C’était sale et, même à l’air libre, l’odeur était pestilentielle : un mélange de pourriture et d’urine. Mais notre guide poursuivit son chemin sans s’arrêter. Plus on s’enfonçait dans le parc, plus les sentiers étaient défoncés et envahis de mauvaises herbes cassantes. Quelques personnes promenaient leur chien, des retraités bavardaient sur des bancs. Plus loin des drogués préparaient leur dose. Enfin, nous débouchâmes sur un autre campement. Neil nous trouva un espace sur des couvertures entre deux palmiers. En face se dressait la statue d’un ancien guerrier. Un homme émacié était assis sur le piédestal. Ses yeux me rappelèrent ceux des jeunes dans la cour de l’école la veille.
 Cet endroit avait quelque chose de malsain, mais je ne m’en aperçu que bien plus tard, après le départ de Neil lorsque la nuit se referma sur nous . Les hommes se regroupaient en meutes, comme des loups. Les Bulgares, les Grecs, les Albanais. Ils regardaient et attendaient quelque chose : ça se voyait dans leurs yeux. Des yeux de prédateurs intelligents.
 Il faisait froid. Afra frissonnant. Elle n’avait quasiment rien dit depuis notre arrivée. Elle avait peur. Je l’enveloppais de couvertures. Nous n’avions pas de tente, seulement un grand parapluie qui nous protégeait du vent du nord. Quelqu’un avait allumé un feu à côté. Il nous réchauffait un peu mais pas assez pour nous procurer du confort

 

Édition J’ai lu

Est-ce que je peux vraiment remercier Krol de m’avoir conseillé ce roman ? j’en ressors tellement pessimiste sur la nature humaine et si effrayée par les conduites des hommes pendant la guerre que celle qui frappe à notre porte me fait encore plus peur ! À mon tour, je vais vous dire qu’il faut lire ce roman même si comme moi vous serez horrifié par ce que vous allez découvrir sur cette guerre au Cambodge qui semble si lointaine dans le temps.

Saravouth est un jeune Cambodgien élevé par un père intègre fonctionnaire de l’état cambodgien et d’une mère dont le père était français, il a une petite soeur, Dara. Sa vie est harmonieuse, c’est un enfant à l’imagination débordante nourrie de la lecture de « Peter Pan » et « L’Odyssée ». Il se construit un monde intérieur imaginaire qui le protège de toutes les horreurs du monde de l’extérieur.

Hélas ! la guerre commence et la corruption du régime de Lon Nol sera bien incapable d’arrêter les Khmers Rouges qui gagnent du terrain par des méthodes d’une barbarie incroyables. Je ne résiste pas à citer le journal du « Monde » la veille de la prise de la capitale par les Khmers rouges. (Je cite l’auteur, je ne peux en vérifier la vérité de chaque mot, mais en revanche je peux témoigner de l’ambiance générale de la gauche bien-pensante française)

Les journaux anglais sont formels : le Cambodge n’en a plus pour longtemps. Phon Penh va tomber. Le peuple sera libéré écrit Philippe Saintes dans les pages du « Monde ».

« Libération » qui a couté deux millions de morts

La famille de Saravouth n’est pas victime des Khmers mais de la lutte du clan Lon Nol contre les habitants qui étaient suspectés d’être d’origine Vietnamienne ou comme son père d’être incorruptible. Ils sont emmenés en forêt et là commence la deuxième partie de la vie de Saravouth. Il est recueilli par une vieille femme qui le soigne grâce à des plantes, il est persuadé que ses parents et que sa soeur sont vivants et il veut absolument les retrouver. Dès qu’il le peut il repart à Phnom Penh pour retrouver sa famille. Mais ce parcours à travers le Cambodge dévasté, c’est une horreur absolue, il arrivera quand même dans la ville où évidemment il ne retrouvera pas ses parents.

Un jour l’horreur envahira complètement son monde intérieur et il perdra toute son innocence. Une dernière partie très courte c’est la vie de Saravouth aux USA, on peut le voir sur un très court reportage que l’auteur nous conseille de regarder. Sa tragédie et ses multiples blessures l’empêcheront de vivre normalement mais la prédiction de la la première femme qui lui a sauvé la vie dans la forêt cambodgienne, les gens auraient toujours envie de l’aider. D’ailleurs pour faire connaître son histoire Guillaume Sire dit qu’il l’a rencontré pendant trois ans et qu’il bénéficiait de l’aide de nombreuses autres personnes.

Citations

La tragédie.

Saravouth se souvient clairement de tout ce qui s’est passé jusqu’au moment où son père s’est mis à courir. Après, il a vu les palmiers devant lui s’effondrer. Il n’a pas senti la balle lui percuter la tête, mais une pression sur ses poumons, depuis l’intérieur, la langue de Shiva. La dernière chose dont il se souvient c’est d’avoir lâché la main de Dara.

La fuite dans les marais.

 Ils ont de la vase jusqu’au genou. Les moustiques se posent sur leurs fronts, près des paupières enflées, sous leur menton. Rida et Thol respirent par la bouche, fort, sûrement à cause du paludisme qui le jour est contrôlable mais la nuit grattent par l’intérieur des nerfs. Après une heure de marche, éclairés à la seule lumière d’un croissant de lune visqueux, ils sentent enfin la présence de l’eau. Derrière une ligne d’arbres abondants, les marécages débouchent sur une étendue de clarté.

Saravouth cherche ses parents.

 Quand il a l’idée de l’envoyer chez ce libraire français que Phusati aime tant, et qui est pour elle une espèce de confident, il reprend espoir, parce que c’est logique, depuis le début ses parents étaient cachés dans une librairie, à l’abri sous les ficelles des mots. Où est ce que sa mère aurait pu se cacher sinon chez Monsieur Antoine, le libraire avec son sourire gêné et ses lunettes au bout du nez ? Mais non, ils n’y sont pas. Vanak apprend à Saravouth que la librairie est fermée depuis un an. Monsieur Antoine a laissé un mot « Fermé à de la folie des hommes, les livres sont en vacances ».

Philosophie de Vanak.

– Tu es orphelin maintenant, dit Vanak en choisissant le cirage et la graisse de phoque.
-Qu’est-ce que tu racontes ? 
-Les adultes, quand ils volent, c’est parce que ce sont des voleurs. Les enfants, c’est parce que ce sont des orphelins.

Fin du livre.

 Saravouth a survécu à la guerre, mais rien en lui de ce qui était davantage que lui-même n’a survécu, sinon dix-neuf éclats d’obus. 
« Je ne suis pas mort, m’a-t-il dit un soir, mais la mort grâce à moi est vivante ».
Le cheval est entré à l’intérieur de Troie. 

 

Édition du Rocher

 

Curieuse coïncidence ce roman dont le sujet est l’amnésie est chez moi depuis un certain temps et j’ai complètement oublié comment il y est arrivé.
William Noone est un pauvre hère, il est recueilli dans un hospice pour indigents à Londres en 1889. Le médecin qui s’occupe de lui, Oscar Klives, comprend peu à peu que cet homme souffre d’une amnésie étrange. D’abord, il se croit toujours en 1847 et ne peut expliquer pourquoi il a été retrouvé sur les quais de Londres. Et de plus sa mémoire est si défaillante qu’il ne peut la faire fonctionner que par tranche de quatre minutes. Puis tout s’efface, et il repart à zéro. En revanche tout ce qui s’est passé avant 1847 est très précis dans sa mémoire. Le médecin qui le recueille est fasciné par ce cas si étrange . Lui-même a une personnalité que nous découvrirons peu à peu : son amour (hélas non partagé !) pour une infirmière plus humaine que la moyenne de celles qui s’occupent des indigents de cet hospice, ainsi que les raisons qui l’ont amené à suivre cette carrière moins glorieuse que celle à laquelle ses brillants études le destinaient.

Il comprend assez vite que le mystère de cette mémoire défaillante doit venir de traumatismes subis en 1847, date à laquelle tout s’est subitement effacé pour William Noone.
Il va donc partir au Canada pour pouvoir réécrire la vie de quelqu’un qui n’en a aucun souvenirs.

Ce roman permet de découvrir la vraie misère des gens sans ressource à la fin du 19° siècle en Angleterre ( cela ne doit guère être mieux ailleurs !). On voit aussi la dure condition des marins, mais le sujet principal c’est la souffrance apportée par l’amnésie. Jamais le malade qui en est atteint ne peut prendre sa vie en main et à l’époque, comme la médecine commençait tout juste à essayer de comprendre ce genre de phénomène le patient est considéré comme responsable de ses actes et il finit le plus souvent en prison.
Le roman m’a intéressée sans me passionner. La forme peut-être ? Nous découvrons cette histoire grâce au cahier personnel du médecin qui distille peu à peu ses confidences, sur son amour, le personnel de l’hospice, le marin amnésique, et enfin son incroyable recherche vers les trente années qui ont disparu de la mémoire de Willam Noone. Très vite le lecteur comprend qu’il n’y aura pas de solution pour ce pauvre hère et que, finalement, il a une certaine chance d’avoir oublié certains aspects de sa vie. Alors pourquoi en faire un roman ? Peut-être pour nous faire découvrir cette époque et ceux qui ont été broyés par l’ère industrielle. Sans doute, mais j’ai lu des textes plus prenants sur le sujet, tout en lisant attentivement ce roman je m’y suis ennuyée il manquait un souffle, ma lecture était plus appliquée qu’interessée.

Citations

Les hospices anglais en 1880.

 Chaque matin, ce sont plusieurs nouveaux spécimens de cette triste race qui attendent en silence, le regard éteint, sur le banc du couloir reliant mon cabinet à celui d’Irvin Owen, mon adjoint. et qu’attendent-ils ?… Leur tour de passer la visite médicale avant d’être conduit aux douches comme du bétail à l’abattoir ; le moment de se laisser dépouiller de leurs hardes et du peu qu’il leur reste, en échange de cet uniforme de pensionnaires qui sera la livrée de leur indignité. À vrai dire, ils n’attendent plus rien 

Observation logique est elle vraie ?

 J’en suis pour ma part venu à la conclusion que la folie naît et se fortifie de son propre déni ; que ce chancre de l’âme se nourrit principalement de l’horreur qu’il inspire ; ou, pour le dire autrement, que le fou ne devient (vraiment) fou que parce que l’impossibilité psychologique dans laquelle il se trouve de s’avouer qu’il déraisonne l’accule à sacrifier des pans toujours plus larges de la réalité à sa lubie initiale, exactement comme le menteur après un premier mensonges est contraint d’en inventer d’autres, toujours plus emberlificotés.

Mémoire et imagination.

 Sir Herbert insiste longuement sur les rapports étroits qu’entretiennent ces deux facultés de l’esprit humain, traditionnellement tenues pour distante par la philosophie classique, que sont la Mémoire et l’Imagination. Il y a une part d’imagination dans tout ce qui nous vient de notre mémoire, comme une part de mémoire dans tout ce que crée notre imagination, écrit-il. Et, pour suit-il, ces apports respectifs sont si bien mélangés dans notre esprit que la question de savoir laquelle de ces deux faculté s’exerce en nous à un moment donné et bien moins évidente qu’on ne poyrrair le penser au premier abord.

Les riches anglais.

Ce gentleman se trouvant néanmoins fort occupé par les préparatifs de son prochain voyage -fort occupé comme tous ceux que leur naissance et leur patrimoine dispensent de travailler : à croire que l’oisiveté est la plus apparente des conditions. 

Le Canada.

 Comme toute cette grande et forte nature n’a que peu à voir avec celle si familière et domestiqué de mon cher Devon ! C’est ici le royaume des sapins et des épinettes, des bises sifflant dans les cimes, des eaux glacées même en été. C’est ici le royaume des saumons remontant à toute force les torrents pour frayer … et des industrieux castor… et des paisibles élans. C’est ici le royaume des innombrables oiseaux de la création : fous blancs planant dans le ciel bleu, autours qui hantent les forêts, tant d’autres dont je ne sais pas les noms ! Malgré leurs trains et leurs gares, malgré leurs pauvres petites villes disséminées de loin en loin, on sent bien que les hommes ne sont point ici chez eux. Du moins pas les hommes que je connais, ceux qui portent des montres dans leurs goussets et qui ont depuis longtemps perdu l’habitude de se régler sur le lever et le coucher du soleil, ceux qui n’ont jamais eu besoin d’attraper ou de faire sortir de terre ce qu’ils mangent mais toujours de tromper leur ennui au club, au théâtre, au cabaret.

L’oubli.

 Quand les vivants qui ont connu les morts meurent à leur tour, quand plus aucun d’entre-eux n’est là pour entretenir leurs tombes et honorer leur mémoire, ces morts du temps passé meurent une seconde et dernière fois. Peu de temps sépare la mort organique de cette seconde mort définitive qui est la vrai et dont le nom est l’Oubli – une génération à peine , l’homme est si peu de choses 

Édition Liana Levi, traduit de l’anglais par Franchita Gonzales Battle. 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Sur Luocine, c’est mon deuxième billet sur cet auteur dont j’apprécie l’humour et surtout la concision et la précision des récits. Après « Une canaille et demie » voici donc « Un voisin trop discret ». Après une série de romans américains qui mettent six cent pages à dessiner une intrigue et des caractères, voici un roman de deux cent dix huit pages que je ne suis pas prête d’oublier.

Un couple risque de perturber la vie de Jim, un chauffeur Uber, on devine assez vite, que la vie de ce soixantenaire a dû être un peu compliquée. En attendant, il va aider sa voisine qui vient d’emménager à côté de chez lui : Corina mariée à un soldat Grolsch. et mère d’un petit garçon de quatre ans Après la mort tragique(ô combien !) de son coéquipier, il fera équipe avec Kyle qui bien qu’homosexuel se mariera avec Madison pour l’aider à élever son enfant et ainsi s’assurer une couverture pour faire carrière dans l’armée. Les fils de cette histoire sont incroyablement bien tissés et au passage on découvre les ravages que peut faire une guerre dans la personnalité de ceux qui la font et à qui on donne le droit de tuer. La vie très artificielle dans la base militaire ponctuée par la visite de deux gradés en uniforme qui viennent annoncer la mort du mari soldat, la difficulté des femmes qui élèvent seule leur enfant, et comme je l’ai déjà souligné les conséquences de la guerre en Afghanistan, tout cela en peu de pages (mais tellement plus efficace qu’un énorme pavé) est percutant et si bien raconté !

L’intrigue autour de Jim est très bien conduite avec une fin originale mais cela je vous le laisse découvrir seul, évidement !

 

Citations

La voisine idéale

 Il espérait qu’elle serait aussi calme que la femme qu’elle remplaçait, une étudiante timide de troisième cycle qui faisait de son mieux pour toujours éviter que leurs regards se croisent, l’idée que se fait Jim de la voisine idéale.

La vieillesse

 La pire des choses quand on devient vieux ce n’est pas de se rapprocher de la mort, c’est de voir sa vie effacée lentement. on cesse d’abord d’être insouciant, ensuite d’être important, et finalement on devient invisible.

La guerre

C’est un petit drone caméra, un jouet d’enfant, un rectangle de moins de trente centimètres de long avec un rotor à chaque coin. Pas un vrai drone lanceurs de missile Helfire comme ceux que nous utilisons, pense-t-il. C’est un drone contrôlé à distance par les hadjis du village. Il vole juste au-dessus d’eux et repère les effets du mortier. Grolsch se débarrasse vite de son paquetage et sort son pistolet Glock. Quand il le pointe sur le trône, la minuscule machine s’envole vers la gauche, puis elle revient vite à droite. Ils me voient, pense-t-il. Ils me voient pointer mon arme. Ils voient nos gueules.

Un couple

 Il venait d’une longue lignée de fermiers allemands du Middle-West qui était bon en sport et en travaux des champs, et elle d’une longue lignée de Portoricains vendeurs de drogue, strip-teaseuses et voleurs de voiture. Les opposés s’attirent, jusqu’au jour où ils cessent, sauf que maintenant il a un fils de quatre ans qui courent se cacher, effrayé, chaque fois qu’il rentre de mission.

 

 

 

Édition Hervé Chopin (H.C) . Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Je dis souvent (par exemple dans mes commentaires sur vos blogs) que je lis peu de romans policiers, et bien en voilà un que je vous recommande. L’enquête policière est moins passionnante que la toile de fond de ce roman, qui analyse en détails ce qu’on connaît bien maintenant « le choc post-traumatique ». Est-ce que le nom de Vukovar vous dit quelque chose ?

Ce roman décrit avec un réalisme à peine soutenable le terrible siège de cette ville par les Serbes, il est décrit par le petit Duso un enfant de huit ans qui a vu l’innommable. On comprend que Duso est, vingt plus tard, Nikola Stankovik accusé du meurtre de la jeune et jolie Ivanka, croate elle aussi réfugiée en Belgique à Bruxelles. Le lecteur en sait donc plus que les enquêteurs, l’avocat, et la psychiatre chargée de faire un diagnostique sur l’état mental de Nikola. Celui-ci est un dessinateur de talent et graffeur de génie. À travers ses dessins, il en dit plus que par les mots qui sont définitivement bloqués dans son inconscient. Le long processus pour remonter au traumatisme d’une violence absolue est bien décrit et sans doute très proche des efforts que doivent faire les thérapeutes pour libérer la parole de leurs patients. Ensuite ceux-ci doivent se reconstruire mais est-ce toujours possible ? Au moment où je rédige ce billet, l’actualité raconte le procès des assassins du Bataclan, et certains rescapés racontent des traumatismes qui les ont marqués à tout jamais, mais on mesure aussi l’importance de dire en public ce qu’ils ont vécu, ce que ne peuvent pas faire des enfants trop jeunes qui enfouissent leurs souvenirs traumatisants au plus profond de leur mémoire.

Je n’ai mis que quatre coquillages à ce roman car j’ai trouvé que le genre « policier » exigeait des simplifications dans les personnages qui m’ont un peu gênée. La psychiatre qui lutte contre un collègue arriviste qui ne soigne qu’à coups de calmants, est un grand classique du genre et c’est trop manichéen pour moi. Mais ce n’est qu’un détail et je retiendrai surtout la description du siège de Vukovar que j’avais déjà bien oublié, et les dégâts dans une personnalité d’un enfant qui a vu sans pouvoir en reparler des horreurs de la guerre civile : oui, quand la violence des hommes se déchaîne, les enfants sont des proies trop faciles, trop fragiles et même s’ils survivent on ne sait pas grand chose des répercussions sur leur personnalité.

Citation

L’image des Français en Belgique

 L’homme était d’origine française.
 Les français savent tout sur tout et tiennent à ce que ça se sache. Il avait d’emblée revendiquer sa nationalité, en précisant la région et la ville de naissance, comme ils le font généralement entre eux pour évaluer les forces en présence.
 Les chiens se reniflent le derrière, au moins, c’est silencieux.