Édition Gallimard NRF

J’avais peu apprécié « Le dernier hiver du Cid » même si cet écrivain raconte bien le deuil. Il s’agit encore de deuils dans cet essai, celui de sa mère un belle personnalité puis six mois plus tard celui de son frère qui était handicapé. C’est un récit très sensible qui raconte bien sa peine, sa mère était était une femme courageuse et énergique elle a fait face à la mort du jumeau de Jérôme, à l’âge de 6 ans puis de son mari et enfin elle a soutenu son dernier fils . À l’occasion de la découverte du handicap de cet enfant, les médecins découvrent une maladie génétique dont sont porteurs les hommes de la famille. Cela fait partie des « fragiles » de sa lignée, on sent le poids de cette révélation sur le destin de cet écrivain.

Je pense qu’écrire fait du bien à l’auteur et lui permet de surmonter ses peines. Je reste quand même un peu étonnée qu’il ait autant besoin de les raconter à un plus large public Je sais que j’oublierai vite cette lecture .

 

Citations

Le début.

 J’avais un frère fragile. Maintenant qu’il est mort, il me parait plus fort, et je me sens plus faible. En vérité je ne sais plus qui, de nous deux, était le plus fragile.

Sa mère .

 En roulant, chaque mois d’août, dans un Paris désert et surchauffé, pour aller la voir à l’hôpital, je rendais même grâce aux maladies, qui, durant la dizaine d’années où elle les a combattues, où nous les avons affrontées ensemble, nous ont rapprochés et soudés comme jamais auparavant.

Le rapport mère fils handicapé .

 Mais la famille n’était pas au complet. Un seul être manquait à l’appel de la mère, au faire-part de la mort. Il était pourtant le plus précieux. Son fils Laurent. Son grands petit garçon. Son émotif. Son informulé. Son attendrissant. Celui qu’elle s’obstinait à refuser de voir vieillir. 

 




Éditions Pocket . traduit de l’anglais (États-Unis) par Christine Auché

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

La mythologie grecque a toujours été, depuis l’enfance, une de mes passions. Et pour une fois, je ne suis pas encombrée par le suspens car, oui, je connais la fin de l’histoire et vous aussi n’est ce pas ? Ce qui peut vous conduire à lire ce livre, ce n’est donc pas si Achille survivra à la guerre de Troie, ni même comment il mourra, tous les épisodes de sa courte vie, on les connaît. Achille celui qui a choisi la gloire et la mort précoce plutôt que la survie et l’oublie pour les générations futures peut-il encore passionner les générations actuelles. Vous toutes, les antidivulgâcheuses qui me surprennent tant malgré votre nombre, je sais comment vous attirer vers ce roman : je trouve très intéressante la relecture d’une autrice américaine à propos de ce personnage grec. J’ai quelques réserves sur ses partis pris , pour elle le personnage d’Achille se définit à travers son amour homosexuel pour Patrocle et elle décrit avec une sensibilité contemporaine cet amour plus ou moins interdit. Elle dit bien que le sexe entre garçons était accepté mais pas pas l’amour. Ça se discute. Ce que j’ai aimé c’est le rôle des dieux et déesses qui interviennent tout le temps dans les histoires humaines, c’est simplifié par rapport à mes souvenirs mais cela rend le roman facile à lire. Ensuite la deuxième partie du roman la guerre, elle même, est aussi horrible que dans mes souvenirs.

J’ai bien aimé retrouver les personnages tels qu’on les connaît : le rusée Ulysse, l’horrible Agamemnon qui n’hésite pas à trancher la gorge de sa douce Iphigénie, les différents rois de la Grèce. Leurs débats sans fin, leur jalousie et leur mesquinerie . Pour résumer mes réserves je dirai que je me suis senti à Hollywood au pays de la culture mythologique grecque (cet avis ‘engage que moi) mais si ce livre permet à une jeune génération de se mieux connaître cette culture, alors, pourquoi pas ! J’ai été loin, très loin du plaisir que m’avait procuré  » L’univers, les Dieux Les hommes » de Pierre Vernant.

 

Citations

Les demi dieux

 Le sang divin coulait différemment dans les veines de chaque enfant né d’un dieu. La voix d’Orphée faisait pleurer les arbres, et Héraclès pouvait tuer un homme en lui tapant dans le dos. Ce qui était miraculeux chez Achille, c’était sa rapidité. Lorsqu’il entama la première passe d’armes, sa lance bougeait si vite que je n’arrivais pas à la suivre du regard.

Discussion à propos de la guerre.

 -Peut-être bien, mais je ne vois pas de raison de le tuer, répondit froidement Achille. Il ne m’a rien fait. 
Ulysse s’esclaffa comme s’il venait d’entendre une bonne plaisanterie.
– Si chaque soldat ne tuait que les ennemis qui l’ont personnellement offensé, Pélides, il n’y aurait aucune guerre, oberva-t-il narquois. Quoique ce ne soit peut-être pas une si mauvaise idée.

Édition NRF Gallimard

Comme vous le voyez sur ma photo ce petit livre n’a obtenu que deux coups de coeur à notre club, je ne l’avais pas lu, mais je n’arrive pas à comprendre pourquoi il y a eu une réserve d’une ou deux lectrices. Pour moi cet essai de Xavier Le Clerc, à la gloire de son père est un petit bijou d’authenticité et courage de la part de ce fils rejeté du cocon familial parce qu’il est homosexuel et très cultivé.

Il a retrouvé l’enfance de son père, Mohand-Saïd Aït-Taleb dans un petit village de Kabylie, grâce aux textes d’Alber Camus, « Misère en Kabylie » écrit en 1939 . Son grand père est mort pour la France à Verdun et son père en 1940 en défendant le sol français contre les nazis. Cet enfant mourait de faim dans son village de Kabylie, mais il ne l’a jamais raconté à son fils. Celui-ci en a compris toute l’horreur en découvrant les articles d’Albert Camus, il s’appuie donc sur ces textes pour nous dévoiler ce que son père a vécu enfant. Pour la suite, il puise dans ses souvenirs pour retrouver qui était ce père ouvrier toute sa vie à la SMN à Caen . Le portrait de son père est très bien rendu : cet homme était la dignité même et l’obéissance personnifiée, jamais un mot de révolte et une lutte incessante pour sortir de la misère sa famille. Les seuls moments de joie, en particulier pour sa mère , ce sont les retours au pays où la famille semble riche aux yeux des plus pauvres qu’eux. Comme tous les immigrés, ils étalent leur soi-disant richesse et cachent toutes les difficultés de leur vie en France.

Puis l’auteur évoque sa propre enfance, complètement séduit par la langue française, il fréquente de façon assidue la médiathèque et écrit des poèmes. Peu à peu sa différence creuse un fossé entre lui et sa famille.

À la préretraite trop tôt arrivée , son père va s’enfermer dans le silence. Et enfin l’auteur explique pourquoi il a traduit son nom en français : grâce à cela il a obtenu un poste de cadre important dans le monde du luxe . Hamid Aït- Taleb malgré ses deux masters n’aurait jamais pu obtenir le poste pour lequel Xavier Le Clerc a été si facilement recruté !

Le titre de cet essai vient du seul papier que son père a gardé toute sa vie : sa carte d’ouvrier à la SMN. Le fils trouve que ce père qui n’a aucun titre les mérite tous tant il a franchi avec une belle dignité les difficulté de sa vie. J’ai tout aimé de ce livre et je ne peux que vous le conseiller.

 

Citations

La misère et la colonisation .

 Avec sa petite sœur Cherifa, ils ont vécu comme les neuf enfants sur dix qui n’allait pas a l’école. Eux auss ont fouillé les détritus du ruissellement des eaux usées. Le code forestier interdisait aux montagnards jusqu’au glanage des pignons, utilisés pour les galettes rudimentaires ou même de ramasser du bois pour se chauffer :  » Il n’est pas rare qu’ils se voient saisir leur seule richesse, l’âne croûteux et décharné qui servit à transporter les fagots. » (Albert Camus misère de la kabyle 1939)

La formation du futur écrivain .

 Le mercredi matin, alors que la fratrie regardait le « Club Dorothée », j’allais de mon propre chef aux ateliers de langue française. L’école primaire Malfilâtre les dispensait en premiers lieu pour des enfants en difficulté, que l’on appellerait aujourd’hui des « migrants ». L’instituteur volontaire, surpris de me retrouver là, avait sans doute compris que je me sentais à ma place, entouré de dictionnaires, ébahi par la beauté du français. Il n’avait pas mesuré que l’enfant sage que j’étais, et qui chez lui ne parlait que le kabyle avec ses parents, ne s’amusait pas. J’étais au contraire concentré dans une bulle absurde. Je voulais apprendre le français une deuxième fois en quelque sorte, mémoriser sa texture, ses ingrédients et son goût, comme pour emporter une deuxième rations de mot, qui je ne le sais que maintenant devait nourrir un père affamé. 
L’après-midi à l’heure de « Dragon Ball » et de « ken le survivant, je m’asseyais sur la moquette de la bibliothèque municipale. Les mots m’apprenaient non pas à rêver mais à exister. Une vie marginale avec des lectures qui feraient de moi tôt ou tard un étranger dans ma famille. Chez nous, dans ce que nous continuions d’appeler la baraque, il n’y avait pas de livres, hormis les annuaires téléphoniques.

La faim.

Pour survivre tu as dû te nourrir de racines, puis te déraciner. Quant à la tyrannie du ventre vide. Il n’y a guère que l’école pour lui résister. La faim s’arrête-t-elle vraiment une fois le vide de l’estomac comblé ? Ou est- ce un ogre intérieur qui jamais ne sera repu et qui, une fois logée dans nos peurs les plus profondes, finit par nous dévorer l’esprit comme les entrailles ? Je repense à toi qui avalais ton casse-croûte la bouche grande ouverte, ne prenant pas même le temps de mastiquer, à t’en étouffer. Et enfant déjà, je sentais bien que ton empressement compulsif avait une histoire. J’étais aussi né de ton ventre d’homme, ton ventre d’affamé.

Édition Pocket

L’auteur, pour écrire ce roman que j’ai beaucoup apprécié, s’appuie sur l’histoire véridique de Wilhem Furtwängler, pour évoquer le rapport des Nazis avec la musique classique. Il crée des personnages romanesques, nous suivons donc la formation de Christophe Meister excellent musicien et de sa mère Christa grande cantatrice qui déteste le nazisme et sera déportée car elle a un père juif. Tous deux personnages fictifs.

Comme tous les romans qui se passent lors de la montée du Nazisme, j’éprouve une angoisse pour tous les personnages juifs. Quand on sait ce qui va leur arriver, on a envie de leur dire : « fuyez mais fuyez vite ». C’est le cas pour la mère de Rodolphe, Christa qui hélas sera déportée alors qu’elle s’était réfugiée en France.

Mais j’oublie de vous dire le thème principal de ce roman, qui s’appuie sur des sources historiques très sérieuses, à savoir les rapports de Wilhlm Furtwängler avec le nazisme. Dès 1920, il est un chef d’orchestre reconnu et à la tête de l’orchestre de Berlin, il est une gloire internationale. Il n’a jamais été membre du parti Nazi et on le sait aujourd’hui à aidé de nombreux juifs à s’échapper de la persécution nazie. mais en revanche, il est resté en Allemagne jusqu’à la fin et a joué pour les dirigeants Nazis dont leur chef Hitler. Il était de façon évidente une caution pour le régime.

Pourquoi n’est-il pas parti de ce pays dont il détestait le régime ? Sans doute, c’est la thèse du livre, mettait-il la musique au dessus de la politique. Il voulait, aussi, montrer que l’Allemagne avait autre chose à montrer que ces horreurs nazies. Les paradoxes de la dénazification feront qu’il aura beaucoup de mal à se disculper alors que Karajan, nazi convaincu et membre du parti n’aura aucun ennui.

La partie romanesque, permet de raconter beaucoup de choses sur la direction d’orchestre et de rendre plus incarnée la montée du Nazisme. Je n’ai pas du tout aimé la révélation finale et cela ne rajoute rien au roman. J’espérais de toute mes forces que l’auteur n’oserait pas, mais si …

Un bon roman qui fait revivre une période si détestée sous un angle original

 

Citations

Mélange histoire et fiction.

 Le pays est envahi par des uniformes, des bruns des fauves, des oriflammes noir et rouge pendent aux fenêtres, avec cette croix ridicule au centre de chacun. Le nombre d’uniformes augmente chaque jour, depuis les élections. Pareil pour les drapeaux.
Furtwängler fend la foule qui s’est agglutinée autour d’un crieur de journaux. Des policiers patrouillent, raides et sévères dans leur uniformes verts. Les gros aigles de fer sur le front de leurs képis jettent des éclats dans le soleil rasant de la fin de journée. Des SA marchent à leurs côtés, un chien en laisse la gueule bavant dans une muselière.

Hitler.

Furtwängler ne l’avait pas pris au sérieux le mépris est toujours mauvais conseiller. L’homme au physique de garçon coiffeur tient à présent le destin de l’Allemagne dans ses mains qui paraissent fragiles. Il l’éventre, son pays le balafre en tout sens, fait sortir de terre le monde d’en dessous, celui des mauvais génies. Des grues et des bennes vont et viennent. Berlin est devenu un vaste chantier qui patauge dans la boue froide. L’ Allemagne n’est plus à genoux devant l’Europe. Elle accueillera les jeux Olympiques dans un an.

Un chef d’orchestre parle de son art.

J’ai bien connu Nikish, dit il notre père à tous. Il savait faire chanter un orchestre chose extrêmement rare. Il ne se préoccupait que de la sonorité, de la création et de l’accomplissement de cette sonorité. Pour moi, diriger un orchestre, c’est comment s’y prendre pour qu’il ne joue pas seulement de façon rythmique précise, mais qu’il chante avec toute la liberté indispensable à une réalisation vivante de la phrase mélodique. N’oubliez jamais que diriger signifie pouvoir créer librement.

L’espoir humain.

Rodolphe se met à espérer. C’est bête on ne croit jamais vraiment au pire. L’homme est ainsi fait, il n’envisage jamais vraiment le mot de la fin. À moins d’en avoir la certitude absolue.


Édition Nathan . Traduit de l’anglais Anne Guitton

livre lu dans le cadre de la masse critique Babelio

 

Quel roman ! Chaque chapitre est une nouvelle douleur ! La lecture en est une véritable épreuve, bien sûr nous avons entendu les horreurs de la guerre en Syrie, mais une guerre en chasse une autre et nos yeux sont, aujourd’hui, tournés vers l’Ukraine et on a, peut-être, oublié que les Syriens ont tellement souffert. Cette auteure rassemble dans un roman tout ce qui est arrivé à Homs, les bombardements, les tirs des snipers, les missiles sur les hôpitaux, les enlèvements des principaux dirigeants de l’opposition et enfin l’utilisation du gaz contre la population. Pour construire son roman , elle choisit une jeune femme qui est victime d’hallucinations. Un personnage qu’elle sait être le fruit de son cerveau malade lui donne des ordres et lui ordonne de fuir. « Khawf » c’est son nom, n’hésite pas à lui montrer toutes les horreurs qui l’attendent si elle reste en Syrie.

Elle travaille dans l’hôpital qui voit arriver tous les blessés de cette guerre sans pitié. Certains passages sont insoutenables, mais c’est dans ce cadre qu’elle rencontrera l’amour , on va la suivre jusqu’à sa fuite. L’auteure visiblement a hésité entre deux fins, la mort en Méditerranée ou sa reconstruction en Allemagne.

J’ai des réserves sur ce roman car je préfère les témoignages : l’aspect romanesque ne rajoute pas grand chose et même, pour moi, affadit le propos.

Je n’oublierai jamais, par exemple, Akim, le personnage principal de la BD de Frank Toulmé qui m’a beaucoup aidée à comprendre la tragédie Syrienne. Sans doute plus que le récit de cette jeune écrivaine qui met pourtant toute son énergie pour réveiller nos consciences.

Pauvre pays ! toujours sous la botte du même dictateur bien aidé par son allié russe.

 

Citations

 

Quand dès la première phrase on sait que tout va mal.

 Trois citrons fripés posés sur une étagère et un sachet de pains pita plus sec que moisi. 
Voilà tout ce que la supérette a à offrir.

Scène d’horreur.

Je vois un enfant appelé sa mère en pleurant. 

Je vois un garçon aux lèvres crispées, dix ans à peine, blanc comme un linge, un énorme morceau de métal planté dans le bras droit. Il grimace de douleur mais n’émet pas le moindre son, car il ne veut pas effrayer sa petite sœur qui s’accroche à sa main en répétant « te’eburenee. 
 Je vois des médecins, les derniers de Homs, secouer la tête devant des petits corps frêles et sans vie avant de passer au suivant.
Je vois des fillettes aux jambes tordues dans des positions anormales. Leurs yeux expriment déjà toutes les angoisses de ce qui les attend. L’amputation.
Je voudrais que ce spectacle soit diffusé en live sur toutes les chaînes de télé et tous les écrans de smartphones du monde pour que les gens sachent ce qu’on fait aux enfants dans ce pays

 

 

Édition Bleu et Jaune. Traduit du Croate par Chloé Billon

Merci à Keisha pour cette suggestion de lecture, elle avait su me donner envie et j’ai beaucoup aimé ce roman. Comme Keisha, j’ai recherché les jeunes femmes guitaristes que l’autrice signale à chaque début de chapitre et comme elle, je suis allée de bonheur en bonheur.

 

Ce roman suit cinq femmes qui sont mêlées au destin d’une superbe guitare construite par un luthier extraordinaire : Albert, je n’ai pas réussi à savoir si ce luthier a vraiment existé ou de quel modèle l’écrivaine s’est inspirée. Le récit commence avec une femme qui a planté la graine d’un arbre d’exception : le palissandre. Puis on trouvera celle qui a transgressé les codes de son village pour abattre cet arbre somptueux au creux de la forêt interdite aux femmes. Mais celle-ci a ainsi réussi à sauver sa famille de la faim en ramenant ce bois précieux au village. Nous suivrons ensuite le destin d’une troisième femme qui est appelée l’orpheline car elle est sortie de la forêt sans se souvenir de ses parents. Elle accompagnera Albert dans la fabrication de la guitare en palissandre. L’orpheline accompagnera cette guitare vers un jeune compositeur prometteur, nous suivrons alors le destin de cet homme qui a perdu son inspiration. Il la retrouvera grâce à une femme étrange qui sera notre quatrième femme éprise de liberté et qui recevra cette guitare pour finalement l’offrir à la cinquième femme pour un prodigieux concert. Ce récit est construit comme une composition musicale qui monte vers un moment superbe, avec des reprises et des moments de doutes.
Tout le roman est rempli du rôle des femmes porteuses du pouvoir de donner la vie, l’écriture est superbe et le côté « conte peu réaliste » qui souvent me gêne je l’ai accepté, mais quand même parfois un peu de réalisme m’aurait fait du bien, par exemple, je ne peux pas imaginer comment une femme peut ramener seule un tronc d’un palissandre adulte. Mais je ne dois pas être trop rationnelle pour un livre qui m’ a apporté tant d’autres choses.

L’écriture est à la fois légère et puissante, et nous enveloppe dans une musique douce et pénétrante. C’est un livre en dehors du temps ou seulement le temps des rêves, j’ai eu l’impression de revenir au meilleurs moments de ma vie, celui où pour m’endormir on me racontait des histoires avec des fées et une nature avec laquelle les humains avaient des liens qui permettaient leur survie. J’ai retrouvé ces plaisirs intenses en lisant des livres à mes enfants et à mes petits enfants.
Il me manque une dimension pour bien apprécier ce roman, celle de la composition musicale, car le livre suit visiblement une partition de musique . Les moments se nomment Glissando, Pizzicato, Vibrato.
Un superbe moment de lecture hors du temps !

 

Citations

 

La perte de l’inspiration.

 Sa panne durait depuis l’automne précédent, elle s’était éternisée trop de mois et était à présent devenue son état naturel, le prolongement de ses doigts, il ne savait plus comment s’extirper de ce quotidien de frustration. Il avait l’impression d’être en train de crier au fond d’un puits asséché. Personne ne l’entendait et il mourait de soif

Je suis tellement d’accord.

 Oui, les nuages sont magnifiques, mais tout le reste dans les voyages en avion me tape sur les nerfs. Arriver en avance à l’aéroport, faire la queue, des tapis roulants, enlever ses chaussures et vider ses poches, la nourriture d’avion dans de petits récipients en plastique et l’air froid qui souffle pile sur votre tête, le décalage horaire, les hôtesses de l’air aux sourires artificiels, tout ça est si contre nature si inhumain. Si j’avais le temps, je préférerais voyager en train ou en bateau, lentement.

Travail d’une musicienne classique.

Depuis déjà d’années, j’avais le même emploi du temps, et je m’entraînais au moins six heures par jour. Même pendant les pauses, au restaurant, dans le bus, au cinéma, mes doigts s’agitaient et répétaient toujours les mêmes exercices. Petite fille, déjà, mon professeur m’avait expliqué que le talent ne suffisait pas, et que c’était la discipline qui faisait la différence entre un bon et un excellent musicien.

La guitare.

 Fini le sciage, le ponçage et la découpe. Les sons perçants avaient cédé la place aux chuintements et au vernissage. Il avait commencé par polir toute la surface de la guitare avec un papier de verre très fin, pour en effacer l’empreinte de ses doigts. Puis il avait caressé la guitare au pinceau, lui appliquant un enduit qui renforçait sa fermeté. L’odeur du vernis étouffait le parfum du bois, mais il soulignait sa beauté. Les poils du pinceau, dont Albert affirmait qu’ils étaient faits en queue d’écureuil, se courbaient, laissant derrière eux une trace brillante.

 L’apothéose.

Le chef d’orchestre fit un signe de la main, et je me mis à jouer. Bientôt, la clarinette puis l’orchestre tout entier se joignirent à moi. À un moment, il me sembla que la guitare avait pris possession du morceau et s’était mise à raconte sa propre histoire à travers lui. Le public écoutait, concentré, buvant les notes. L’enfant s’était calmé dans mon ventre, comme s’il écoutait lui aussi attentivement une berceuse. Je pouvais sentir la musique résonner dans mon ventre, mon visage, mes pieds.

 


Édition Les Presses de la Cité

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Toujours ce club qui me pousse à lire des romans que je laisserais sagement sur les étagères sans mon grand plaisir à confronter mon avis avec celui de mes amies. Evidemment là les dès sont un peu pipés, bien sûr que mon avis est mitigé mais bien sûr aussi que des amatrices du genre (ou amateurs ?) peuvent être plus enthousiastes que moi. Il s’agit en effet d’un roman policier et ce n’est vraiment pas mon genre préféré.

Ce roman surfe sur la période troublée du début de la prise de pouvoir par Bonaparte qui est encore en campagne en 1800 en Italie : Est-il mort, comme le bruit en court à Paris ?

Auquel cas, il s’agit de prendre le pouvoir au plus vite et nous retrouvons nos deux compères, Fouché et Talleyrand qui se jouent de tous ceux qui croient se jouer d’eux.

Sur fond historique sûrement assez proche de la réalité, l’auteur a imaginé un jeune aventurier Armand de Calvimont et une jolie Julie héroïne qui fait tourner bien des têtes. L’auteur n’hésite pas à accumuler les cadavres ni les coups fourrés au point parfois de me faire sourire. Quand nous étions étudiants, nous lisions pour le plaisir de nous envoyer les phrases les plus cocasses de Pardaillan , vous savez du genre « ils sont 100 nous sommes 3, encerclons les ! ».
Bref on ne peut pas croire aux exploits du jeune Armand mais en revanche la duplicité de celui à propos duquel Bonaparte aurait dit

« vous êtes de la merde dans un bas de soie »

est bien rendue.

 

bref à vous de juger et sachez que cela se termine sur un baiser fougueux et une promesse d’une suite avec les mêmes héros.

 

Citations

Genre de phrases qui sonnent bien.

Avec les puissants, surtout quand ils le sont depuis peu, on a toujours tort.

Talleyrand.

Charles-Maurice (Talleyrand) restait un homme de l’ancien monde. Et quiconque avait le tort de s’empresser à le satisfaire se rendait vite compte qu’il n’existait plus que pour le servir.

Dialogue savoureux .

 « George oublie de dire qu’il était médecin à l’époque, coupa la Gaîté, mais que la passion de la bouteille lui a fait couper la mauvaise jambe d’un colonel. Une faute qui a … amputé sa carrière… »

 


Édition JCLattès

Sur Luocine, vous trouverez , Veuf, Ma mère du Nord, Mon autopsie, et ceux qui n’y sont pas sont très bien aussi, bref, un petit moment de cafard et Jean-Louis Fournier est là pour vous rendre encore plus triste mais avec la classe et le sourire.

J’ai commencé ce livre en me disant que je le lisais juste pour moi, et que je ne le mettrai pas sur Luocine, et puis il m’a fait tellement de bien que je viens le partager avec vous. C’est une réflexions sur la solitude qui est à la fois drôle et émouvante par un auteur dont j’adore la mauvaise foi.

Des réflexions qui font parfois une demi page jamais plus de deux et qui sont la preuve que même le plus grincheux des hommes n’est pas fait pour vivre seul et pourtant c’est le lot de tant de gens qui vieillissent. En le lisant, on se dit « mais c’est tellement vrai' » ou « il exagère » peu importe on sourit souvent et on admire son art de jouer avec les mots et son incroyable talent de décrire de façon impertinente (comme sa grammaire !) la société dans laquelle il ne sent plus à sa place. J’espère que les passages que j’ai choisis vous feront sourire et donneront envie de lire ce livre ou n’importe quel livre de Jean-Louis Fournier.

 

Citations

 

Le ton du livre.

 J’en ai marre d’être seul, de plus en plus seul, de plus en plus vieux, de plus en plus moche..
 Si j’avais su, je ne serais pas vieux. 
C’est la canicule et je crève de chaud et malgré les injonctions du gouvernement, mes proches devenus lointains, ne m’appelle pas pour savoir si je bois consciencieusement de l’eau.

 

Bien vu !

Je suis dans le métro, debout au milieu d’une bande de jeunes, on est très serrés les uns contre les autres, j’étouffe. Il y en a qui lit un livre, « Les rêveries du promeneur solitaire », les autres qui ne savent plus lire, ont des germe de pommes de terre que leur sortent des oreilles, ils ont le regard perdu, certains accompagnent une musique avec leur tête.

J’adore et lisez jusqu’à la fin et dites moi si vous riez !

 C’était superbe un concert dans la cathédrale d’Arras, ils étaient au moins cent, des hommes, des femmes, des enfants. Ils ont chanté ensemble, en chœur, l’hymne à la joie de Beethoven 
Ils n’avaient pas tous des voix extraordinaires, c’était des amateurs, mais ensemble c’était bouleversant. 
Ce qu’on fait à plusieurs est quelque fois mieux.
 Regarder les cathédrales, ils s’y sont mis à plusieurs pour les construire.
 C’est quelque fois pire aussi …
Penser à la tour de Babel et au concours de l’Eurovision.

Les apartés concernant ses voisins.

 Les volets de mes voisins d’en face sont fermés. Ils ont dû partir.
Ils ne m’ont même pas prévenu…
 Les volets en fer de mes voisins sont encore fermés.
 Mes voisins ne sont pas rentrés, pourtant on est dimanche soir, ils ne sont pas très sympas…

Humour grinçant. Et plaisir des mots.

 J’en ai marre de moi, je m’invente des histoires pour me faire peur, j’imagine le pire, je fais des cauchemars.
J’ai autant peur de la mort de peur de la vie. Que choisir ?
 Je bois pour oublier, de l’eau de vie par peur de l’eau delà. 

 

Édition Robert Laffont

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’avais beaucoup aimé « un été au Kansaï » qui m’avait permis de connaître le quotidien des Japonais pendant la deuxième guerre mondiale. Dans ce roman l’auteur raconte les huit jours de « la débâcle » française en juillet 1940 . Il choisit pour cela des personnages qui lui semble typiques de la France de l’époque , un soldat qui va se battre courageusement, et dont la fiancée une superbe mannequin fuit Paris. Sur les routes de l’exode, nous suivrons une famille très riche qui sera plus émue par la mort du petit chien que de leur petite bonne, un couple qui part aussi avec beaucoup d’argent.
Nous verrons les trains bombardés, et qui avancent au grè des déplacement des troupes, nous verrons aussi les avions allemands mitrailler sans relâche la population sur les routes.

Nous entendrons les propos qui dessinent une France tellement divisée , ceux qui pensent que tout est de la faute du « youtre » Blum , ceux qui attendent les troupes russes avec tant d’espoir. Nous verrons l’armée totalement désorganisée et les actes de bravoures absolument inutiles. L’horreur absolue arrive avec le traitement des soldats d’origine africaine, les allemands ont commis des massacres dont on a peu entendu parler après la guerre.

Ce roman est pénible à lire car il y a peu de gestes de simple humanité, il y en a parfois. Il montre trop bien les mesquineries dans une France où aucune valeur ne tient debout. La partie historique est sérieuse mais je n’ai pas compris que pour la partie romanesque l’auteur aille aussi loin dans l’horreur, le père incestueux qui non seulement fait de sa fille son jouet sexuel mais qui de plus a fait assassiner les petites bonnes quand elles étaient enceintes de ses oeuvres, est pour le moins surprenant. Je crois que l’horreur de la guerre me suffisait largement. Les cadavres qui jonchent les routes, la peur des enfants, la soif sous ce mois de juillet trop chaud, l’impression qu’on ne peut fuir nulle part tout cela est bien rendu. Mais les côtés romanesques m’ont semblé plaqués sur le fil de l’histoire, comme la jeune fille de bonne famille de quinze ans qui veut absolument « baiser » avec le premier venu pour connaître le plaisir sexuel . C’est peu de dire que les personnages sont caricaturaux, il le sont à l’excès et de plus la documentation historique semble encombrer l’auteur qui inflige aux lecteurs les détails techniques qui alourdissent bien inutilement le roman.

J’étais très triste en lisant ce livre car j’ai pensé qu’aujourd’hui encore la France était divisée et je me demande si nous serions capables de nous unir pour sauver la République et ses valeurs.

Bref une déception, ou un mauvais jeu de mot une débâcle ! et je ne serai certainement pas aller jusqu’au bout de ce roman sans mon club de lecture.

 

Citations

Humour !

 Un des surveillants Jean Lasne, qui peignait et écrivait des vers, a été tué le seize mai dans les Ardennes au début de la catastrophe. Elle ne le connaissait pas, mais apprenant son sort Jacqueline a fondu en larmes. Très fiere de ses beaux yeux verts, elle pense de toute facon que pleurer la rend plus intéressante. 

C’est un récit que j’ai déjà entendu par mes parents : l’arrivée des Allemands en France .

Comme à la parade défilent des chars légers de combat, et de curieux véhicules, semi-chenillés, sortes d’autobus découverts dans lesquels sont assis cinq par cinq, sur quatre rangs, des fantassins boches casqués se tenant bien droit leur armement entre les jambes ; en tête, des officiers dans des petites voitures plates décapotées, et, en serre-file, les motocyclistes avec des side-cars. 

La guerre.

 Il est frappé un court instant par l’incongruité de la chose : ces types qu’il ne connaît pas, avec qui il aurait pu échanger des propos aimables lors de sa traversée touristique de l’Allemagne, avancent gavés de slogans nazis pour le tuer ou le capturer, lui, Lucien Schraut. Et lui doit les tuer pour se défendre. Parce que c’est la guerre. Parce qu’on ne porte pas le même uniforme. 

L’auteur a fait des recherches donc je pense que c’est vrai !

 Et puis les industriels déteste toujours augmenter le salaire des ouvriers, ça diminue leurs profits et les dividendes de leurs actionnaires. Voilà pourquoi on a regardé de plus en plus du côté d’Hitler qui face à Staline, représente le dernier espoir pour l’Europe Unie ! Notamment dans la manière de traiter les rouges et les syndicalistes. Dès 1933 Schneider-Creusot fournissait au Reich des chars français du dernier modèle, les expédiant en catimini via la Hollande. Et, depuis le début de la guerre, la France a livré des quantités considérables de minerai de fer à l’Allemagne et reçu du charbon en retour. Cette fois le transit s’effectuait par la Belgique … Ce que je te raconte là espt des plus secrets, bien entendu.

Aux hasards des rencontres de l’exode.

 L’officier est inscrit au PPF : durant tout le trajet, il ne cesse de se vanter de ses relations politiques et journalistiques, de critiquer le gouvernement, les juifs, les francs-maçons, les instituteurs, de faire l’éloge de Weygand et de Pétain. 
 La femme hait Daladier, déplore la politique d’apaisement et la reculade de Munich. C’était mal, et en plus idiot d’avoir abandonné la Tchécoslovaquie, qui en 1938 possédait une armée solide et pouvait nous aider à combattre Hitler.

 

Édition Gallimard . Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Après Les invités et Le portrait voici ma troisième lecture de Pierre Assouline. Il s’agit là d’un roman de 400 pages qui se passe sur la Paquebot « Georges Philppar » connu pour avoir été celui où Albert Londres a perdu la vie en revenant de Chines en 1932.

Pierre Assouline connaît bien Albert Londres, puisqu’il lui a consacré une biographie que je n’ai pas lue. Mais ce grand journaliste n’arrivera dans ce livre qu’à la page 300. Tout le roman est construit autour d’un personnage collectionneur de livres rares qui est venu sur ce bateau pour vendre et acheter à l’escale de Shangaï des raretés très très chers, mais aussi pour rencontrer Alber Londres. Comme on ne connaît que tardivement les raisons de cette volonté je ne la dévoilerai pas, même si je la trouve sans aucun intérêt.

Donc pendant 300 pages nous suivons les réflexions, les descriptions des passagers et les penchants amoureux du narrateur, c’est parfois intéressant et souvent très ennuyeux. C’est certain que lors d’une croisière de plusieurs mois, confinés dans un espace assez réduits les gens s’ennuient et ce n’est pas toujours le meilleur d’eux même qui apparaît au grand jour. Les passages les plus intéressants racontent la montée du National Socialisme en Allemagne et la façon dont des grands industriels allemands voient en Hitler un pantin qu’ils sauront dominer. On retrouve dans ce huis clos toutes les peurs et les discussions qui ont animer les salons d’avant la guerre et cela rappelle les discussions autour du danger de la Russie et de Poutine avant 2014.

Sinon, chacun le sait, Pierre Assouline est très cultivé et peut citer un nombre d’auteurs absolument stupéfiant, bien sûr ce n’est pas lui qui parle mais son personnage , mais cette érudition à toutes les pages ou presque est très pesante. Le livre fonctionne comme une mise en abîme de tous les livres qu’il a lus (l’auteur ou son narrateur). Je ne peux pas toutes les citer sans apparaître moi même pédante et en oublier certains ce qui montrerait mon inculture ! Mais cela m’a agacée autant que le plaisir des traits d’esprit qui me semble un plaisir assez vain.

Et Albert Londres dans tout ça  ? il semble bien loin de ce monde là, lui qui toute sa vie a ouvert les yeux sur la vraie vie : Les bagnards à Cayenne, les malades dans les asiles psychiatriques, la misère absolue dans la Russie soviétique… On ne saura jamais ce qu’il voulait écrire sur le communisme en Chine car son article a disparu avec lui et ses amis morts dans un crash d’avion. De là, à imaginer un complot pour le faire taire définitivement … mais ce n’est visiblement pas ce que pense l’auteur …

Il y a aussi un autre aspect qui m’a bien plu : les paquebots étaient très dangereux en particulier pour les risques d’incendies. La sécurité passait après le désir de construire un superbe décor, le plus important c’était de faire appel aux plus célèbres décorateurs, tant pis pour les risques que l’on faisait courir aux passagers. Ainsi, sur ce bateau, les fils électriques, très mal isolés, couraient derrières des lambris de bois vernis qui se sont enflammés comme une boîte d’allumette. La raison du départ de l’incendie est plus complexe, sans doute l’utilisation du courant continue alors que l’installation ne le supportait pas bien.

Un roman, que toutes les lectrices et tous les lecteurs, qui aiment cet auteur liront avec plus de passion que moi.

 

Citations

Première phrase

On peut adorer s’en aller. Ivresse du départ, volupté de l’arrivée ; encore faut-il revenir.

Les privilégiés.

 Un certain nombre de passagers des catégories de luxe sont des invités de la compagnie. Ceux-là vivront le voyage comme une pure villégiature. Certains parmi ces heureux du monde se connaissent, d’autres se reconnaissent. Tout dans leur attitude insouciante reflète le seul tourment d’avoir à se laisser vivre. Ils se comportent comme des invités permanents de la société.

Je ne sais pas si c’est vrai ?

 Si tout paquebot est une ville flottante, et le nôtre possédait même une cellule, une salle de quarantaine et une cabine capitonné pour aliénés, son pont promenade en est le boulevard à ragots.

Un portrait cruel

 Notre célibataire de l’art, ce bellâtre italien à l’évidence entretenue par la compagne hors d’âge appuyée d’ordinaire à son bras (on le sait depuis la belle Otéro, la fortune vient en dormant, mais pas en dormant seul) se faisait appeler Luigi Caetani et laissait croire à qui voulait l’entendre une parenté avec l’illustre famille de cardinaux. Tout en lui suintait l’arrivisme, jusqu’à son eau de toilette ; son ambition avait quelque chose de pestilentiel.

Encore un portrait cruel.

 La crainte de paraître goujat inciter sa petite cour brillante au bar de la piscine, à la contempler comme l’ébouissant vestige d’un révolu ; à force de fréquenter son mobilier, son visage en était devenu Art déco ; son corps, un temple autrefois beaucoup visité, conservait ses adorateurs bien que des racines en eussent remplacés les piliers, un peu comme à Ankor ; en vérité c’était une ruine.

Mot d’esprit.

Le genre de type qui devait porter sa rosette de la Légion d’honneur jusque sur le revers de sa veste de pyjama.

Un français attiré par les thèses nazies.

 Je monte régulièrement à cheval au bois de Boulogne et j’ai constaté une chose : à peine est-on en selle que, de là-haut, on se sent déjà moins républicain ..

L’horrible Modet-Delacourt.

 « Non vraiment, n’insistez pas, vous comprenez les bourgognes, les vins de la Loire, tout ce que vous nous proposez, ça ne vaut même pas d’être pissé », ce qui contrasta brutalement avec l’arôme de violette qui mûrit puis s’épanouit en un goût de pétales de roses à peine fanée que le sommelier venait d’évoquer. Il aurait pu réussir à être blessant sans se montrer grossier, mais non, pas son genre. C’est aussi à cela que l’on juge une éducation :cette faculté d’humilier
 publiquement le personnel, lequel n’en peut mais, par définition.

Citation et trait d’esprit.

 Elle me paraissait incarner la femme telle que Beaumarchais la définissait : une âme active dans un corps inoccupé.

Genre de remarque qui truffe ce roman et le rend pédant.

 Milk n’en fit même pas cas, tous occupé à discuter des vertus de l’odontomettre pour mesurer la dentelure des timbres ou à plus de plaider, une fois de plus, la cause de l’adoption du néologisme « timbrologie » en lieu et place de « philatélie » au motif que si l’on avait vraiment voulu s’en tenir à l’étymologie grecque, c’est de « philotélie » qu’on devrait parler.