Édition de l’Olivier

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy

 

Roman très étrange à côté duquel je suis passée sans accrocher. L’auteur nous raconte la vie de la famille Edelstein dont chaque membre possède un don surnaturel qui leur rend la vie impossible. La grand mère envoie des colis au contenu très bizarre, un savon à moitié utilisé, par exemple. Le père sait qu’il ne doit jamais rentrer dans un hôpital, le fils, Joseph, se fond (au sens propre) dans les décors et la fille Rose ressent les sentiments de ceux qui ont cuisiné pour elle. Chaque bouchée est une atroce souffrance quand les cuisiniers sont malheureux. Rose est amoureuse du grand ami de son frère Georges qui la trouve trop jeune. Joseph est un surdoué qui ne réussira pas à se faire admettre dans une bonne université.
On suit donc cette famille dont aucun des membres n’est vraiment heureux et en particulier Rose qui, à cause de ce don, nous fait découvrir peu à peu ce qui ne va pas dans sa famille et dans la nourriture aux USA.

Je suis certaine d’être passée à côté de l’intérêt de ce roman que j’ai lu pourtant avec attention car c’était un des rares romans que j’avais sur le bateau pour une navigation ralentie par l’anticyclone au large des Açores. J’espère que je rencontrerai des avis qui contrediront ces impressions d’une lecture inutile. Comme celui de Brize par exemple. Mais lisez aussi l’article de Jérôme qui en plus d’être beaucoup plus drôle que le mien décrit très bien combien les critiques officielles peuvent dire n’importe quoi !

 

Citation

Dans la famille Edelstein le fils

Tout ce que j’ai comprenais , c’est qu’il n’avait pas inséré le pied de la chaise dans sa jambe , mais que, je ne sais comment, sa jambe était devenue le pied de la chaise , tout en gardant sa chaussette qui rentrait dans sa chaussure. La chair était invisible, ou plutôt, il ne restait qu’un reflet de jambe que je distinguais vaguement. S’était-il coupé la jambe ? Non. Encore une fois : pas de sang, rien. À la place, il n’y avait que ce reflet de jambe humaine autour du pied de la chaise, un halo tamisé d’humanité qui tendait à disparaître autour du solide pied en métal, un changement de texture qui, d’une certaine façon, faisait sens. On aurait dit que la chaise prenait naturellement l’avantage sur lui, comme si elle le dissipait ou l’absorbait avec une simplicité qui ferait croire qu’elle avait cet effet sur tout le monde. Et puis il avait le pied de la chaise, le bout en caoutchouc qui entrait dans la chaussure, chaussures qui ne paraissait plus contenir de pied humain.

 

Traduit du néerlandais (Belgique) par Isabelle Rosselin

Edition poche Folio

En lisant le billet de Dominique je m’étais fait une promesse, mettre ce livre dans ma liste, puis dans ma pile à côté de mon lit, et puis finalement de le lire. Promesse tenue. J’ai bien aimé cette lecture dont un bon tiers est occupé par le récit de la guerre 14/18 vu du côté des Belges. Stefan Hertmans a voulu redonner vie à un grand-père très digne et très pieux. Il a voulu aller plus loin que son apparence d’homme sévère habillé en costume et portant tous les jours une lavallière noire et un borsalino. Il a trouvé un homme meurtri par la guerre et qui ne s’est jamais remis des souffrances qu’il a ressenties dans son corps et celles qui ont blessé et tué de façon horrible ses compagnons. La force avec laquelle sont racontés ces combats m’ont permis de me rendre compte de l’héroïsme de cette armée dont je savais si peu de chose avant de lire ce roman. Un autre aspect que j’ai découvert, c’est la domination à l’époque du français sur le flamand (les temps ont bien changé !). Les pauvres soldats flamands non gradés devaient donc obéir à des ordres parfois absurdes et qui, surtout, pouvaient les emmener à la mort donnés par des officiers qui ne s’exprimaient qu’en français d’un ton le plus souvent méprisant. Plusieurs fois, dans ce récit on ressent la langue française comme une façon de dominer les flamands. Comme ce lieutenant qu’il entend dire derrière son dos

Ils ne comprennent rien, ces cons de Flamands

 

Au delà des récits de guerre, on découvre un homme Urbain Martien (prononcez Martine) qui a aimé et a été aimé par ses parents. Son père, grand asthmatique, lui a donné le gout du dessin mais malheureusement, il laissera trop tôt sa femme veuve avec ses quatre enfants. Urbain connaîtra la misère celle où on a faim et froid et pour aider sa mère il travaillera dans une fonderie sans aucune protection et dans des conditions effroyables. Finalement il s’engagera à l’armée et sera formé au combat ce qui le conduira à être un cadre sous officier pendant la guerre.
Il connaîtra l’amour et sera passionnément amoureux d’une jeune femme qui ne survivra pas à la grippe espagnole ; il épousera sa sœur et ensemble, ils formeront un couple raisonnable.

J’ai eu quelques réserves à la lecture de cette biographie, autant le récit de la guerre m’a passionnée car on sent à quel point il est authentique : nous sommes avec lui sous les balles et les des canons ennemis, on patauge dans la boue et on entend les rats courir dans les tranchées. Autant la vie amoureuse de son grand-père m’a laissée indifférente. En revanche, sa jeunesse permet de comprendre cet homme et explique pourquoi la religion tient tant de place dans sa vie. Pour la peinture puisque c’est l’autre partie du titre disons que le talent d’un copiste même merveilleux n’est pas non plus très passionnant, la seule question que je me suis posée c’est pourquoi il n’a que copié des tableaux et n’a pas cherché exprimer ses propres émotions.

Quand je suis étonnée d’apprendre que la ville où j’habite se situe dans le Nord de la France :

Blessé une deuxième fois sur le front de l’Yser, touché par une balle à la cuisse, juste en dessous de l’aine, il avait été évacué ; pour sa rééducation, il avait été envoyé dans la ville côtière de Dinard, dans le nord de la France. Depuis la ville voisine de Saint-Malo, il avait fait la traversée, avec quelques compagnon en rééducation, vers Southampton, pour rendre visite au fils de son beau-père, mais à peine était-il en haute mer une tempête s’était levée, qui avait duré un jours et demi.

Et voici la photo de la foule qui attend l’arrivée des blessés de la guerre 14/18 qui vont être soignés à Dinard dont a fait partie Urbain Martien .

 

Citations

 

Pourquoi cette référence à Proust

Le tailleur l’envoie d’un ton bourru chercher à l’école le fils de cette famille bourgeoise. Au bout d’un certain temps, il est chargé chaque jour de cette tâche et doit porter le cartable rempli de livres du jeune monsieur en prenant garde de rester deux pas derrière lui, pour éviter de recevoir un coup de canne que ce garçon de douze ans manie déjà avec une suffisance proustienne.

Le couple de ses grand-parents

Son mariage avec Gabrielle était sans nuages pour quiconque n’était pas plus avisé.Enchevêtrés comme deux vieux arbres qui, pendant des décennies, ont dû pousser à travers leurs cimes respectives, luttant contre la rareté de la lumière, ils vivaient leur journée simple, uniquement entrecoupées par la gaieté apparemment frivole de leur fille, leur unique enfant. Les journées disparaissaient dans les répliques du temps diffus. Il peignait.

Le 20 siècle

Il a consigné ses souvenirs ; il me les a donnés quelques,mois avant sa mort en 1981. Il était né en 1891, sa vie semblait se résumer à l’inversion de deux chiffres dans une date. Entre ces deux dates étaient survenus deux guerres, de lamentables massacres à grande échelle, le siècle plus impitoyable de toute l’histoire de l’humanité, la naissance et le déclin de l’art moderne, l’expansion mondiale de l’industrie automobile, la guerre froide, l’apparition et la chute des grandes idéologies, la découverte de la bakélite, du téléphone et du saxophone, l’industrialisation, l’industrie cinématographique, le plastique, le jazz, l’industrie aéronautique, l’atterrissage sur la lune, l’extinction d’innombrables espèces animales, les premières grandes catastrophes écologiques, le développement de la pénicilline et les antibiotiques, Mai 68, le premier rapport du club du club de Rome, la musique pop, la découverte de la pilule, l’émancipation des femmes, l’avènement de la télévision, des premiers ordinateurs – et s’était écoulé sa longue vie de héros oublié de la guerre.

Les goûts musicaux

En revanche, il éprouvait du dégoût et de la colère en entendant Wagner et faisait ainsi sans le savoir le même choix que le grand philosophe au marteau : Nietzsche écrivit en effet à la fin de sa vie qu’il préférait la légèreté méridionale, l’affirmation de la vie et de l’amour chez Bizet, au fumerie d’opium teutonnes des ténèbres mystique de Wagner. Offenbach rendait mon grand-père joyeux, et quand il entendait les marches militaires, il se ranimait . Il connaissait par cœur la pastorale de Beethoven surtout le mouvement où le coucou lance son appel dans la fraîche forêt viennoise.

L’accent français en Belgique

En face, dans la boutique d’allure viennoise du boulanger juif Bloch, les femmes de la bonne société prenaient un café servi dans une petite cafetière en argent accompagné d’un croissant beurré, tandis qu’elle lisait un livre acheté chez Herckenrath, le papier d’emballage soigneusement plié en quatre à côté de leur main baguée. Elles étaient tellement chics qu’elle affectaient une pointe d’accent français en parlant flamand.

Avancées techniques allemande 1914

Le fort de Loncin est mis hors de combat par un tir de plein fouet sur la poudrière. Le béton n’était pas encore armée, ce qui fut fatal au vieux mastodonte, dernier vestige d’une époque candide. (…..) En chemin nous apprenons que presque tous les forts sont tombés et que toute résistance est devenue vaine. Les Allemands utilisent des mortiers lourds d’un calibre de 420 millimètres dont nous ignorions totalement l’existence. Leurs tirs ont ouvert des brèches dans tous les forts liégeois ; ces citadelles désuètes peuvent tout au plus résister un calibre 210 millimètres.

Les troupes allemandes en Belgique

Un matin, une semaine plus tard, nous entendîmes pleurer un enfant. Un garçonnet d’une dizaine d’années était debout sur l’autre rive. Le commandant nous interdit d’aller le chercher. Carlier dit que c’était une honte, il retira son uniforme, sauta dans l’eau et nagea jusqu’à l’autre côté. Au moment où il voulut tendre la main à l’enfant, celui-ci détala . Les Allemands se mirent à tirer avec toutes leur bouches de feu, nous n’avions aucune idée d’où provenaient les tirs. Carlier tomba à la renverse, roula sur la berge jusque dans l’eau, plongea en profondeur, ne ressortit que lorsqu’il fut arrivé de notre côté. Tout le monde avait suivi la scène en retenant son souffle ; Carlier fut hissé à terre, le commandant dit qu’il méritait en réalité une lourde sanction, mais en voyant à quel point le procédé des Allemands nous avait indignés, il en resta là.
Nous prîmes conscience que nous avions en face de nous ennemi sans le moindre scrupule. Ce genre de tactique de guerre psychologique était nouveau pour nous, nous avions été éduqués avec un sens rigoureux de l’honneur militaire, de la morale et de l’art de la guerre, nous avions appris à faire élégamment de l’escrime et à réaliser des opérations de sauvetage, nous avions appris à réfléchir à l’honneur du soldat et de la patrie. Ce que nous voyons ici et était d’un autre ordre. Cela bouleversant nos pensées et nos sentiments, nous ressentions, le cœur rempli d’angoisse, que nous revenions d’autres hommes prêts à tout ce que nous avions évité auparavant.

Les atrocités de la première guerre ont-elles entraîné celles de la seconde ?

Toutes ses vertus d’une autre époque furent réduites en cendres dans l’enfer des tranchées de la Première Guerre mondiale. On enivrait sciemment les soldats avant de les amener jusqu’à la ligne de feu (un des plus grands tabous pour les historiens patriotiques, mais les récits de mon grand-père sont clairs à ce sujet) ; les bouis-bouis, comme les appelait mon grand-père, se multipliaient, on en voyait pour ainsi dire partout à la fin de la guerre, de ces lieux où l’on encourageait les soldats à apaiser leurs frustrations sexuelles pas toujours en douceur -une nouveauté en soi, sous cette forme organisée. Les cruautés les massacres transformèrent définitivement l’éthique , la conception de la vie, les mentalités et les mœurs de cette génération. Des champs de bataille à l’odeur de prés piétinés, des mourants comme au garde-à-vous jusqu’à l’heure de leur mort, des scènes picturales militaires avec en toile de fond la campagne du dix-huitième siècle remplie de collines et de boqueteaux , il ne resta que des décombres mentaux asphyxiés par le gaz moutarde, des champs remplis de membres arrachés , une espèce humaine d’un autre âge qui fut littéralement déchiquetée.

Toutes les après-guerres se ressemblent

Partout surgissent de véhéments patriotes, qui pendant la guerre se livraient à un commerce clandestin mais intensif avec les Allemands. Partout des traces et des témoignages sont fiévreusement effacés. Partout j’assiste à des querelles, de l’animosité, des ragots, des trahisons, des lâchetés et des pillages, tandis que les journaux exultent en évoquant une paix bienheureuse. Nous, les soldats qui revenons du front, nous sommes mieux informés. Nous nous taisons, luttons contre nos cauchemars, éclatant parfois en sanglots en sentant l’odeur du linge fraîchement repassé ou d’une tasse de lait chaud.

Explication du titre, et fin du livre

Ainsi, ce paradoxe fut une constante dans sa vie : ce ballottement entre le militaire qu’il avait été par la force des choses et l’artiste qu’il aurait voulu être. Guerre et térébenthine. La paix de ces dernières années lui permit de prendre peu à peu congé de ses traumatisme. En priant Notre-Dame des Sept Douleurs, il trouva la sérénité. Le soir avant sa mort, il est parti se coucher en prononçant ces mots : je me suis senti si heureux aujourd’hui, Maria.

Édition Sonatine. Traduit de l’anglais par Marc Barbé.Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Deux romans policiers dans la même journée ! Je dois ce tour de force à mon club de lecture. Et toujours, pour moi, aussi peu d’intérêt . Pourtant celui-ci fait partie de la sélection pour notre « coup de cœur des coups de cœur » de juin 2020. Cela veut dire qu’il a beaucoup plu à nos amies fidèles au genre « polars » mais son intérêt a dû s’étendre aux amatrices du genre romans historiques (désolée, Messieurs, seules les femmes font partie de ce club pourtant ouvert à tous et toutes !). Ce roman se situe en 1931, au milieu de la crise financière mondiale. Le ressort amoureux de cette histoire est si faible que j’ai dû de toutes mes forces m’accrocher au fait que seules celles qui lisent l’ensemble des romans peuvent participer à notre délibération du mois de juin pour le finir. Ce qui est original, c’est que le personnage principal est un escroc, donc le narrateur ne représente pas le bien face aux puissances du mal. Il est un « mauvais » ordinaire et les autres sont des méchants extraordinaires qui manipulent le monde bien au delà des politiques qui ne sont que des marionnettes dans leurs mains qui peuvent s’ouvrir pour faire couler de telles sommes d’argent que personne ne peut résister. D’ailleurs résister, veut dire que l’on retrouvera un cadavre de plus dans les rues de Londres ou ailleurs. Et tout cela pourquoi ? Pour satisfaire des gens de la finance qui d’après ce roman sont à l’origine de la guerre 14/18. C’est la partie la plus intéressante du roman mais ce ne sont là que les trente dernières pages et qui ne sauvent pas ce roman pour moi, j’ai trop attendu pour y arriver sans que cela enrichisse le propos.
Mais je le répète, il a beaucoup plu aux lectrices de mon club, alors si vous aimez les polars, faites vous votre propre idée

Citations

(Pour une fois glanée chez Babelio car je m’ennuyais trop pour annoter ce roman)

La duperie est cumulative : un mensonge en engendre une douzaine d’autres, qui à leur tour en engendrent chacun une douzaine.

 

L’argent est moins éphémère que la vérité et la beauté. Il fructifie, tandis qu’elles s’étiolent.

 

Dans un monde qui se croyait si sage et se comportait pourtant si bêtement , il semblait parfois que seuls les fous voyaient les choses telles qu’elles étaient vraiment, que seuls les gens comme mon frère étaient prêts à admettre ce qu’ils apercevaient du coin de l’œil. 

Édition Cohen&Cohen

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Voici un roman policier bien classique qui n’apporte vraiment rien de nouveau au genre, si ce n’est pour moi, qu’il se passe à Dinard pendant le festival du film britannique. C’était amusant de mettre des images sur tous les lieux où se passent ces meurtres. Amusant aussi, de revivre en forme de clin d’œil, les films d’Alfred Hitchcock. Mais sinon, les amateurs du genre risquent d’être déçus par ce roman qui ne brille pas par son originalité.

 

J’ai bien aimé l’humour de l’épilogue

Dinard a repris son visage habituel.

Mais sur son socle Alfred Hitchcock, complice malgré lui de cette sanglante histoire, semble avoir une moue encore plus boudeuse que de coutume, comme s’il n’approuvait pas le scénario qu’on a eu l’impudence d’écrire sans sa permission

 

Édition l’école des Loisirs 

Illustré par Nicolas Pitz , traduit de l’espagnol(castillan) par Anne Cohen Beucher

 

J’ai hâte de raconter cette histoire absolument merveilleuse à mon petit fils, il adore être plongé dans des histoires et celle là est merveilleuse car aussi palpitante que drôle. Jérôme avait bien raison, il appelle ce genre de trouvaille « une pépite » et il est souvent rejoint par son acolyte Noukette. Un jeune Pirate, Feu-Follet est adopté dans la bande des terribles marins de Barracuda dont le nom seul résonne comme une menace terrible sur toutes les mers. Ils naviguent sur « La croix du Sud » à la recherche du trésor du plus terrible écumeur des mers disparu quand se passe cette histoire : le capitaine Krane. Celui-ci a laissé un trésor qui rendrait riche pour toujours un équipage entier de pirates. Ce qui n’est pas chose aisée car, comme on le sait, ils sont genre paniers percés les pirates.
Prêt pour l’aventure ? Ne tremblez pas moussaillon car si la mer est le lieu de tous les dangers c’est aussi le lieu d’aventures merveilleuses. Je ne peux vous dévoiler qu’une chose, le trésor en question est trouvé et c’est un … livre ! oui, vous avez bien lu , un livre pour des gaillards qui ne savent pas lire c’est une belle déception. Mais lisez et faites lire ce roman car vous verrez que la lecture mène à tout. Et aussi à la richesse en espèce sonnante et trébuchante !

 

Citations

la difficulté de la lecture et de l’écriture

Ajouter à cela le fait que Deux-Dents lui-même avez des connaissances un peu, voire très, limitée sur le sujet… Souvent, il confondait des lettres, surtout le B et le P, du coup, au lieu de boulet, on lisait poulet. C’est pour ça que personne ne comprit ce que nous dit Éric le Belge, quand il nous lut, malade de nervosité et en prenant sur lui : « Le vieux canonnier lançait sans arrêt des poulets. » Il se fâcha tout rouge quand Jacques le boiteux lui dit :. »Mais qu’est-ce que tu me chantes là ? Pourquoi il passait son temps à balancer des poulets ? – Qu’est-ce que j’en sais ? Répondit-le Belge. Je ne l’ai pas écrit. Je ne fais que le lire. 

 

Illettrisme vaincu et les mauvaises surprises

Évidemment, il n’y eut pas que des bonnes nouvelles. Aller demander à ce pauvre Jack le Boiteux, qui vivait convaincu qu’un chaman amazonien lui avait tatoué sur le bras droit, sous le dessin d’un jaguar, la devise « Férocité et Courage » , jusqu’à ce qu’il puisse déchiffrer lui-même qu’en réalité il y avait écrit. « Adorable chaton ». Vous n’imaginez pas les plaisanteries qu’il dut supporter à partir de ce moment-là. Il pensa même se couper le bras, mais nous réussîmes à le convaincre qu’il lui manquait déjà une jambe, et que cela faisait beaucoup de membres en moins pour une même personne.

 

Édition Quidam (version poche)

J’avais été intriguée par ce que Keisha avait écrit à propos d’Owana , mais les commentaires sur son blog à propos de l’ETA m’avaient un peu refroidie. J’ai donc acheté et lu celui-ci qui, de plus, est paru en poche. C’est peut de dire que j’ai apprécié cette lecture, elle m’a transportée loin de ma Bretagne natale, au Québec, là où tant de Bretons ont trouvé du sens à leur vie et ont fait fortune : comment se sont-ils conduits là-bas ? Sans doute ni mieux ni moins bien que les protagonistes des personnages mis en scène par Éric Plamondon dans ce roman qui s’appuie sur des faits historiques : le 11 juin 1981 la police du Québec débarque dans la réserve de Restigouche pour confisquer les filets à saumons des Indiens Mi’gmaq. C’est là et à cette époque que l’auteur a décidé de faire vivre Océane une jeune indienne qui va malheureusement croiser la route de redoutables prédateurs . Elle rencontre aussi un homme qui va l’aider à se sortir d’un piège redoutable et une institutrice française qui lui donnera le goût des études. Le suspens à travers cette nature superbe est haletant et j’ai retrouvé mes plaisirs d’enfance lorsque je passais une grande partie de la nuit à lire Jack London -dont il est aussi- question ici aussi. Car c’est la grande force de ce roman, dans des chapitres très courts, il rappelle tout ce qui a constitué ce grand pays, pourquoi et comment on en est arrivé à réduire les indiens à ce qu’ils sont aujourd’hui . On suit la remontée dans le temps du passé de ces territoires comme le saumon qui remonte le fleuve et lorsqu’il est Taqawan, c’est à dire un saumon d’eau douce qui jaillit hors des chutes d’eau pour assurer la survie de son espèce le lecteur se sent transformer. Oui, ce roman emporte et pourtant il est très court, chaque chapitre en deux ou trois pages apporte un petit cailloux à un édifice qui ouvre nos yeux sur un nouveau monde. On peut, sans doute, lui reprocher d’être trop manichéen mais la charge contre les colonisateurs de ces régions me semble plutôt mesurée : en même temps qu’on enlevait des filets aux Indiens, le gouvernement laissait des compagnies privatiser des rivières entières pour que de riches Américains puissent satisfaire leur envie de pêcher tranquillement. Tous les faits sont historiques, les rassembler dans un même roman donne une force peu commune à cette histoire, qui se termine sur l’espoir que la jeune Océane trouve dans l’étude du droits des lois qui permettront aux Indiens de se défendre autrement qu’en s’opposant à la police. Pour celles et ceux qui trouvent que ce roman est trop à charge recherchez et lisez ce que l’église catholique a fait aux enfants indiens. Le terme de génocide est sans doute un peu fort mais l’horreur est absolue.

Citations

Les scènes d’autrefois avant l’arrivée des blancs

Quand le soleil a dépassé la pointe de la baie, un éclaireur rentre au village. Parti depuis trois jours, il revient avec une mauvaise nouvelle. Les ennemis du Sud, ceux de la tribu du Grand Aigle, arrivent. Il faut rapidement éteindre le feu, rapatrier les enfants, défaire les wigwams préparer les canots. Pour ce petit groupe, la fuite se fait souvent par la mer. C’est le meilleur moyen de ne pas laisser de traces et de s’éloigner au plus vite. Alors méthodiquement, parce que cela fait partie de leur vie, et que chacun sait ce qu’il doit faire, on lève le camp. En fin d’après-midi, ils prennent la mer pour fuir l’ennemi lancés sur le sentier de la guerre. Si tout se passe bien, ils seront hors d’atteinte avant la nuit. On campera et on continuera un peu plus loin demain. Les ennemis du Sud repartiront bredouilles à moins qu’ils ne croisent un groupe moins prudent et le déciment . Le Grand Aigle est vorace. 
Le lendemain, ils reprennent donc la mer pour se mettre à l’abri de tout danger pour un long moment. C’est du moins ce qu’ils croient. Les douze canots glissent au large vers l’estuaire du grand fleuve. Un canot de guerrier est en tête du convoi, un autre à l’arrière. Ceux du milieu transportent femmes, enfants et vieillards. Ceux qu’ils doivent pagayer pagayent. Le dernier canot laisse flotter dans son sillage une branche de sapin de la longueur d’un homme. Attachée à la poupe, elle traîne dans les ondulations salées d’une eau baignant un continent qu’on a pas encore baptisé en l’honneur d’Amerigo Vespucci. La branche qui glisse derrière et un leurre. En ce jour où la tribu est partie bâtir son nouveau campement, une énorme gueule surgit des profondeurs et se referme sur la branche. Le dernier canot tangue, le leurre est arraché, les guerriers lancent des cris d’avertissement, il est là, ramener vers la terre, ramer vite vers la terre. Pendant que la ligne des embarcations bifurque vers la rive et que la cadence des rameurs s’accélère, un des guerriers du dernier cadeau canaux prépare les lances et détache un ballot de cuire. Bientôt un aileron émerge. On tire du ballot une peau qui servait de porte à un wigwam. On la lance dans la mer. L’aileron passe et plonge. La peau a disparu. Arqués sur les rames, les autres ne regardent pas derrière. Il faut gagner la plage au plus vite. L’aileron a resurgi et fonce vers la dernière embarcation. Une fois sa proie choisie, la bête s’entête. Cette fois, elles frôle le frêle esquif et reçoit en échange une pointe de lance hauteur de la dorsale. La forme noire plonge, disparais, reviens dans le sillage du canot d’écorce. Les hommes sont prêts. Ils savent que les chance d’échapper aux monstres des mers sont faibles. Ils savent que les Corses ne résiste pas aux dents de cet ennemi là. Comme il revient, on jette une autre peau pour le tromper à nouveau mais cette fois il ne mord.pas. Il arrache la pagaie des mains du rameur le plus fort. L’esquif ralenti. D’un autre paquet, on sort des morceaux de saumon séché. À l’assaut suivant, la gueule se satisfait de la chair de poisson, repart, tourne vite et revient. Les autres canots ont déjà parcouru la moitié de la distance. Ils sont bientôt en sûreté. Le dernier canot, lui, perd du terrain. Ses occupants n’ont plus qu’une rame, une lance, un ninog, trois peaux de castor et leurs vêtements. Quand la bête repasse. Le ninog se brise violemment sur son flanc. Ce trident conçu pour la pêche au saumon ne peut rien contre la créature. Les trois hommes se rapprochent de la terre. Il vient de jeter la dernière peau de castor pour occuper les crocs de l’assaillant. Le guerrier au milieu du chant, celui avec la lance, retire son pagne en cuir en vue de la prochaine attaque. il est prêt à jeter son vêtement quand la charge arrive, de côté cette fois-ci. Il se lève, tangue et brandit sa lance au-dessus de l’écume. Il veut donner le coup de grâce à cette chose qui s’en prend à lui et à ses frères. La gueule surgit. La gueule s’ouvre. La lance s’enfonce dans le nez noir de la chose. L’homme est soulevé. Accroché à la lance, il monte vers le ciel, s’envole puis retombe. Il retombe dans la gueule béante. Son flanc droit s’affale sur les dents qui se referme. L’homme est avalé comme un phoque par une nature plus grande que lui. À peine a-t-il le temps de hurler qu’il est emporté sous l’eau.

En 1981

La police assiège le territoire des Amérindiens. Les bateaux fendent l’eau et déchirent les filets. Côté Nouveau-Brunswick, le pont Van Horne est bloqué par la gendarmerie royale. Les Indiens sont encerclés par la cavalerie. Le ton monte. On serre les rangs. On se regroupe. Le pouvoir veut en découdre. Ça s’appelle une démonstration de force. On ordonne de reculer. On repousse. Sa gueule, ça crie, ça prie . Les gyrophares tournent à vide dans le soleil de juin. Il est bientôt midi. Sur l’eau, les gardes se lancent à l’abordage. Ils saisissent, confisquent. La moindre protestation dégénère. Un colosse d’un mètre quatre vingt dix, dans la police depuis trois ans, empoigne Bob Bany, qui met trop de temps à sortir de son bateau. Il lui aboie de se grouiller. Baby fait ce qu’il peut avec sa jambe de bois. Le policier tire, arrache la chemise, le plaque à terre, un coup de genou dans les côtes l’air de rien,un point sur la nuque parce qu’il faut qu’il obtempère. La clé de bras disloqué l’épaule. Un cri de douleur jaillit, étouffé par un « fuck you » hargneux. Ils sont maintenant 4 sur le dos de l’homme à terre. Il n’avait qu’à obéir. Refus de se plier aux ordres des représentants de l’autorité. Il n’avait qu’à ne pas traîner. Ils lui maintiennent les jambes et lui passe les menottes. Un coup de matraque dans le dos pour finir. Les forces de l’ordre sont en train de sauver le Québec des terribles agissements de ces sauvages qui ne veulent jamais rien entendre. Il faut les discipliner et, leur apprendre. On est dans la province de Québec, sur le territoire provincial. Quiconque s’y trouve doit obéir aux lois et aux injonctions venues de la capitale. Le ministre a dit, la police exécute. Elle répand la parole de l’ordre par le bout des fusils, les gaz lacrymogènes et les barreaux de prison.

Mon pays c’est l’hiver

Je suis né dans le froid. La glace et la neige sont dans mes veines. Il n’y a pas de ciel plus clair et d’air plus pur qu’au milieu de l’hiver. Il n’y a pas d’odeur plus parfumée que celle de la neige fraîchement tombée sur les branches des sapins. Il n’y a pas de silence plus parfait que celui d’une nuit étouffée sous les flocons d’un début de tempête. J’aime cette saison parce que les choses y sont claires. On sait exactement ce qui se passe dans les bois quand tout est blanc. La moindre forme de vie laisse une trace. Les branches sans feuilles permettent de voir clairement des corneilles en haut des cimes. Les rivières sont des routes pour s’enfoncer au plus profond de l’inconnu. On est pas emmêlé dans les broussailles, on file droit, en raquettes ou en ski-doo. C’est une sensation de fuite qui n’est possible que dans la neige. Ceux qui se plaignent du froid n’ont jamais passé une nuit dehors à moins quinze devant un feu de camp et sous la lune qui éclaire comme en plein jour. 

Il a vraiment l’air sincère. Ses yeux se sont mis à briller. Elle a envie de lui demander s’il a un peu de sang indien pour parler ainsi mais elle sait que c’est la dernière question à poser à quelqu’un dans ce coin de pays. Elle a suffisamment gaffé lors de son arrivée pour savoir que le sujet est plutôt sensible. Le vieux fermier qui lui loue sa maison en planche vers tu lui as dit. :
Au Québec, on a tous du sang indien. Si c’est pas dans les veines, c’est sur les mains.
 
https://www.youtube.com/watch?v=CH_R6D7mU7M

 

Édition ACTES SUD . Traduit du finnois par Anne Colin du Terrail

Je ne sais plus comment ce roman est arrivé chez moi, peut-être l’ai-je trouvé dans une brocante. Et, hélas pour moi, je ne me souvenais pas non plus que j’avais dit à Kathel que ce roman ne m’attirait pas plus que ça. J’ai vraiment peiné à le lire et je n’ai pas compris grand chose à ce que veut nous expliquer cette auteure. Le résumé est simple, un homme photographe publicitaire recueil un petit animal que des voyous essaient de tuer à coups de pied en bas de son immeuble. Cet animal est en réalité un troll auquel Ange va s’attacher et essayer de sauver. Cela nous vaut des digressions sur les légendes autour des trolls qui tentent à prouver l’existence de ces étranges créatures. Aucune réflexion sur les croyances et ce qu’elles représentent dans la mentalité des peuples qui croient à ces créatures. Par exemple en Bretagne, il existe de nombreuses légendes autour des fontaines, les Groac’h , les sorcières peuvent entraîner les imprudents dans l’eau, je pense que bien des accidents ont été évités lorsque les enfants couraient librement dans les campagnes. S’approcher de l’eau reste un danger et le petit enfant est sensible à ce genre d’histoires. Est-ce la même chose avec les trolls finnois. On n’en saura rien dans ce roman. Je me suis même demandé si ce n’était pas plutôt une analyse de l’homosexualité car il s’agit surtout de cela du désir sexuel entre hommes. Une mauvaise pioche pour moi, mais lisez vite l’avis de Kathel, de Keisha qui peuvent complètement vous faire oublier le mien.

Citations

Rapport sexuel avec un troll

La porte grince, Pessi sort de la salle de bain l’air repu et content, sa petite langue rouge pourlèche ses babines telle une flamme. Il bondit droit dans mes bras sur le canapé et se pelotonne sur mes genoux. Son enivrante odeur de baies de genièvre me monte aux narines et son poids chaud sur mes cuisses, rayonnant de l’excitation de la chasse, est à peine supportable. Pessi nettoie paresseusement le sang des commissures de ses lèvres et, sans vraiment savoir ce que je fais, je le tire un peu plus près de moi, à peine et tout doucement et au moment où sont au chaud touche mon ventre, j’explose tel un volcan. 

Mon cœur bat aussi vite et fort qu’un marteau-piqueur. Le dos de Pessi est taché de sperme, comme mes cuisses, et j’essaie de toutes mes forces de ne pas penser à ce qui vient de se passer. Instinctivement, j’éloigne le fragile bouquin jauni et, au même moment, Pessi s’écarte un peu, pas par irritation mais par commodité, il n’a pas fini sa toilette, et je le repousse de mes genoux d’un geste si soudain, presque violent, qu’il prend peur, file dans l’entrée et cherche à grimper sur le porte chapeau. Ses puissantes pattes de derrière battent l’air et heurtent le cadre du miroir, qui tombe avec un bruit sourd sur l’épais tapis au moment où je me rue dans la salle de bain pour laver le liquide honteux.

 

Édition Gallimard NRF (du monde entier)

Traduit de l’italien par Danièle Valin

 

Quand j’ai chroniqué « le poids du Papillon » Dominique m’avait conseillé de lire ce roman. Comme elle, j’ai parfois des lectures moins enthousiastes de cet auteur par exemple « le jour avant le bonheur » et même « le tort du soldat » m’avaient moins convaincue que ces deux derniers romans. Encore un coup de cœur pour celui-ci. Un des sujets du roman c’est le travail du « passeur » artisan (il refuserait le titre d’artiste) qui doit « exposer la nature » du christ c’est à dire son sexe. Oui, j’ai appris grâce à ce roman que les crucifiés étaient nus sur leur croix. Il existe de rares statues du christ nu.

 

Un sculpteur décide au début du XX° siècle de faire une sculpture du crucifié nu, mais l’église a imposé que l’on cache le sexe sous un pagne de pierre. Notre personnage principal est donc chargé d’enlever le rajout et sculpter le sexe du christ.

Le personnage, – voilà l’autre thème du roman- est un habitant des montagnes mais il doit trouver refuge dans une petite ville de bord de mer car il est devenu bien malgré lui trop célèbre dans son village. Habitant des régions frontalières, il est devenu « passeur », pour « des gens » qui veulent continuer leur périple en Europe. Ces immigrés sont, comme il nous le dit, les nouveaux nomades de notre époque. Il s’acquitte avec succès de cette tâche, en acceptant le prix fixé par deux passeurs du village mais lui rend aux immigrés leur argent dès la frontière passée. Cela se sait et tous les médias s’intéressent à lui. Ses anciens amis se sentent trahis et ne veulent plus de lui dans le village. Il part donc et trouvera ce travail dans une église du bord de mer. C’est pour lui, et pour nous, l’occasion de se confronter au travail du sculpteur sur marbre et de réfléchir au sens des trois grandes religions monothéistes. Tout le livre très court -cet auteur écrit souvent de moins de deux cent pages- est plein d’une sagesse, d’humour et de réflexions qui font sourire parfois, nous troublent souvent. J’ai aimé ce roman , j’espère me souvenir de quelques une des citations que j’ai notées -celle sur Charlot a fait éclater de rire mes amis-. À mon tour de vous en recommander chaudement la lecture.

 

Citations

J’adore ….

Je grave des noms pour les amoureux endurcis qui les préfèrent sur des branches et des cailloux plutôt que sur des tatouages. Ils durent plus longtemps sans pâlir. 

Les frontières dans les montagnes

Ils sont cocasses ces États qui mettent des frontières sur les montagnes, ils les prennent pour des barrières. Ils se trompent, les montagnes sont un réseau dense de communication entre les versants, offrant des variantes de passage selon les saisons et les conditions physiques des voyageurs.

Le personnage principal doit sculpter le sexe du Christ qui a été enlevé et caché par un linge en granit

Il m’apprend que je suis le dernier d’une longue liste d’artistes, confirmés ou non, qui ont été consultés. L’un d’eux a dit que l’enlèvement traumatique de la couverture suffirait déjà à représenter la nudité et son histoire censurée. Ceux qui ont accepté d’essayer ont proposé des solutions bizarre. À la place de la partie détachées, quelqu’un a imaginé un oiseau, plus précisément un coucou, parce qu’il met ses œufs dans le nid des autres. Un deuxième à penser à une fleur. Un jeune artiste a eu l’idée d’un robinet.

Le vin

Le curé continue à m’écouter tout en prenant une bouteille de vin et deux verres. Il remplit le mien à ras bord. C’est l’usage chez les ouvriers. Si on offre du vin, on remplit le verre. Ce sont les riches qui en verse peu. Eux, ils ne boivent pas ils sirotent. Si on en offre à un ouvrier, on en verse jusqu’à ce que le verre déborde.

Vous la portez à droite ou à gauche ?

Il est curieux de connaître celui qui a finalement été chargé de restaurer la gêne. Son père qui était tailleur, l’appelait ainsi quand il prenait les mesures pour un pantalon. Il demandait au client de quel côté, droit ou gauche, il portait la gêne. 

Traverser la place de la gare à Naples

J’observe ce que font les passants pour atteindre la rive opposée du trottoir. Le courant d’automobiles est continu.
Ils font comme ça, ils descendent du bord tandis que le flux s’écoule indifférent à eux. Ils l Ils avancent dans le gué , frôlés et contournés par les voitures comme des rochers qui affleurent. Ils avancent rapidement jusqu’à la berge d’en face. Il ne faut pas croire que la mer Rouge s’ouvre en deux pour eux, mais c’est une mer rouge locale, élastique, qui coule en évitant le peuple en marche. Elle l’incorpore et le repose indemne de l’autre côté. Je regarde sans bouger. Je prends des notes visuelles étonné sur la dynamique du lieu, sans me décider à tenter l’expérience. Il est impératif de ne pas hésiter une fois dans le courant. La mer Rouge s’adapte à l’intrus si son pas est décidé, mais devient coléreuse et impétueuse s’il hésite ou change d’avis.

Charlot

Charlie Chaplin a participé au concours des imitateurs de Charlot et il est arrivé troisième. 

Le prix et la langue des passeurs

Les voyageurs paient comptant, forcé de faire confiance. On utilise un anglais de dix mots, le jargon des déplacements.

Destins d hommes

J’écoute les histoires de destins bizarres, des façons nouvelles de mourir : dans une soute asphyxié par les gaz du moteur, gelé dans le compartiment du train d’atterrissage d’un avion, étouffé dans un camion garé l’été en plein soleil.

Cruauté des hommes

Nous parlons de tout le mal que l’espèce humaine a inventé pour elle-même. Aucun animal ne se rapproche de notre pire. Aucune autre créature vivante n’a imaginé le supplice de l’emballement. L’habileté du bourreau consistait à prolonger l’agonie.

Nous cessons de manger pendant un moment, nous nous regardons, nous baissons les yeux. Il y a peu de temps encore, nous aurions assisté à ces exécution dans la rue sans détourner le regard. Décidé par les autorités : cela suffit à leur donner force de loi.

Édition Slatkine&compagnie. Traduit de l’allemand par Isabelle Liber

 

Voici donc ma troisième et dernière participation au challenge d’Éva. Un livre de langue allemande que j’ai lu grâce à la traduction d’Isabelle Liber. Mes trois coquillages prouvent que je n’ai pas été complètement conquise. Pourtant je suis sûre de l’avoir acheté après une recommandation lue sur le blogosphère. Ce roman m’a permis de me remettre en mémoire l’horrible accident du ferry Estonia entre l’Estonie et la Suède, accident qui a causé la mort de 852 personnes en 1994. Mais si ce naufrage est bien le point central du roman, celui-ci raconte surtout la difficulté de rapports entre un fils et ses parents. Laurits Simonsen rêvait d’être pianiste, mais son père d’une sévérité et d’un égoïsme à toute épreuve l’a forcé à devenir médecin. Le jour où Laurits comprendra l’ampleur des manœuvres de son père, il fuira s’installer en Estonie.
De ruptures en ruptures, de drames en drames, il est, à la fin de sa vie, redevenu pianiste sous l’identité de Lawrence Alexander, loin d’être un virtuose, il anime les croisières et tient le piano-bar. C’est ainsi que nous le trouvons au deuxième chapitre du roman, le premier étant consacré à l’appel au secours de l’Estonia le 28 septembre 1994. Les difficultés dans lesquelles dès l’enfance le narrateur s’est trouvé englué à cause de l’égo surdimensionné d’un père tyrannique nous apparaît peu à peu avec de fréquents aller et retour entre le temps du récit et le passé du narrateur.

Le récit est implacable et très bien mené mais alors pourquoi ai-je quelques réserves, j’ai trouvé le récit un peu lourd, très lent et trop démonstratif pour moi. J’ai vraiment du mal à croire au personnage du père mais peut-être ai-je tort ! Il existe, sans doute des êtres incapables à ce point d’empathie ! Je pense, aussi, que je lis beaucoup de livres et que j’en demande peut être trop à chacun d’entre eux. Mais, à vous, donc de vous faire une idée de ces quelques « feuilles allemandes ».

 

 

Citations

l’alcool et le chagrin

J’ai vidé dans le lavabo ce qui restait de la bouteille de whisky. Ce truc n’a fait qu’empirer les choses. Ça n’avait que le goût du chagrin.

 

Le titre

J’étais heureux d’arriver dans le port de Venise après un long voyage -cette ville est la seule que j’arrive à supporter plus de trois jours, elle est un entre deux, ni terre, ni mer.

 

Le naufrage

1h48. Au plus noir de la nuit, dans les lotissements de la tempête, le bateau bleu et blanc dressa une dernière fois sa proue vers le ciel et, moins d’une heure après son appel de détresse, disparut dans les eaux avec un profond soupir. Avec lui sombraient les rêves et les espoirs, les désirs, les inquiétudes, les peurs et les lendemains de tout ceux qui était restés à bord.

Édition Gallimard (Du Monde Entier)

Traduit de l’allemand par Bernard Lortholary

 

Après « Le liseur » que j’ai beaucoup apprécié (mais pas chroniqué), j’ai bien aimé ce roman. Cet auteur allemand, Bernhard Schlink, sait raconter la vie de gens simples. On sent aussi chez lui, un grand intérêt pour les femmes et une confiance dans leur bon sens venant sans doute de l’amour maternel. Olga a eu le malheur de ne pas connaître cet amour, trop tôt orpheline, elle sera élevée par une grand mère qui ne l’aimait pas. Intelligente, elle deviendra institutrice. Très vite, elle rencontrera Herbert fils du notable de son village. Voilà le premier (et le seul en tant que femme) amour de sa vie, elle aimera Herbert de toute la force dont elle est capable, sans vouloir pour autant l’empêcher de vivre sa vie d’aventurier pour le garder près d’elle. Elle souffrira de tous ses départs, et ne partagera pas ses certitudes. Ses combats contre les Heréos lui semblent peu glorieux mais son amour est plus fort que tout. Quand Herbert, en 1913, part en Artique, elle a peur et commence à l’attendre. Elle lui écrit et par un tour de passe passe romanesque l’auteur retrouve ses lettres. On a ainsi plusieurs voix et plusieurs moments de la vie d’Olga qui se rejoignent dans ce roman que l’on peut qualifier de roman choral. Pour Olga tout le mal de l’Allemagne vient de Bismarck qui a appris à son peuple à se voir et se croire trop grand.

Ce personnage historique aura une très grande importance dans la vie et la mort d’Olga.
Cela a fait remonter en moi, un souvenir personnel : en 1960, mes parents m’avaient envoyée en Allemagne, j’étais très jeune et la famille chez qui j’étais m’avait fait rencontrer une femme très âgée qui parlait bien le français et comme Olga, elle m’avait dit que toutes ces guerres c’était la faute faute de Bismarck, plus tard quand j’ai étudié l’histoire je me suis rendu compte qu’elle ne disait pas n’importe quoi. Cette femme aurait peut-être pu prononcer les mêmes paroles qu’Olga :

Elle estimait que c’était avec Bismarck que le funeste malheur avait commencé. Depuis qu’il avait assis l’Allemagne sur un cheval trop grand pour qu’elle pût le chevauchée, les Allemands avaient tout voulu trop grand.

Ce roman est une façon de revisiter le passé de l’Allemagne et de comprendre ses habitants pendant ce si douloureux vingtième siècle sans, pour une fois, le faire de façon trop tragique. Dans ce jour du 11 novembre cela fait du bien de se replonger dans toutes les méandres des erreurs de ce grand pays et de tout faire pour être définitivement à l’abri des guerres fratricides en Europe et coloniales hors de nos frontières. Et une bonne façon de participer au challenge d’Eva.

 

Citations

L’amour de deux êtres séparés, hier et aujourd’hui.

Nous étions plus patients que vous autres. Beaucoup de couples, à l’époque, étaient séparés pendant des mois et des années, et se trouvaient réunis pour peu de temps seulement. Nous étions forcés d’apprendre à attendre. Aujourd’hui, vous téléphonez, vous prenez le train, la voiture, l’avion, et vous pensez que l’autre est à votre disposition. En amour, l’autre n’est jamais à disposition.

Le manque d’amour

J’ai senti l’aversion que grand-mère avait pour moi, comme je l’avais toujours sentie. Parfois elle me frappait, et souvent elle me criait dessus. Mais même quand elle n’en faisait rien, l’élevait même pas la voix, son aversion était dans l’air comme une odeur. 

Tel père tel fils (le père disparu en Artique en 1913 et le fils nazi en 1936)

Je me suis souvent demandé, ces dernières années, quelle position tu aurais prise, par rapport à tout ça. Je n’ai pas l’impression que les nazis rêvent de colonies ou de l’Arctique, et peut-être que ça te sauverait d’eux. Mais tout est trop grandiose, avec eux, et quand on est dans le grandiose, les rêves chimériques ne sont pas loin. Peut-être que tu voudrais leur apprendre à rêver de colonie et d’Arctique.
Je suis plein d’amertume, contre Erik et contre toi. C’est la chair de ta chair et le sang de ton sang. Il est aussi bête que toi et aussi lâche que toi. Il également capable d’être aussi gentil que toi. Mais la gentillesse ne saurait compenser la bêtise et la lâcheté.