Je sais que je dois cette lecture à un blog, mais j’ai hélas oublié de noter son nom . Si je le retrouve, je mettrai immédiatement un lien.

Ce livre est un essai du fils du « sauvé », Georges Heisbourg pour cerner la personnalité de son « sauveur » le baron von Hoiningen. C’est une plongée très intéressante dans la deuxième guerre mondiale et en particulier dans le nazisme. L’auteur s’attelle à une tâche rendue complexe par la personnalité du baron qui n’a jamais raconté ce qu’il a fait pendant la guerre et qui ne s’est jamais glorifié de quoi que ce soit. « Un taiseux » et un « hyper » discret nous est donc présenté par quelqu’un qui ne veut surtout pas romancer cette histoire. Au passage, je me suis demandé si ce n’était pas là un trait de la haute société luxembourgeoise, car le père de l’auteur n’a pas raconté grand chose non plus. Et si l’auteur se plaint de n’avoir qu’une photo du baron, il ne met aucune photo de son père dans ce livre. Les sources d’archives proviennent surtout de l’Allemagne, car la Gestapo avait la manie de tout écrire pour faire des dossiers sur tout le monde et ce militaire haut gradé et noble avait tout pour finir pendu. Il n’a dû son salut qu’à sa fuite au dernier moment de la guerre, alors que l’armée allemande reculait sur tous les fronts. Mais cela n’empêchait pas la Gestapo de lancer ses sbires à la recherche du fugitif soupçonné à juste titre d’avoir des accointances avec les conjurés qui ont essayés en vain d’assassiner Hitler. Tout ce qu’a fait ce baron est bien analysé et s’appuie sur des témoignages de ceux qui ont profité de son engagement. Tous le décrivent comme un homme « bien ». Mais alors pourquoi sa propre famille ne veut pas témoigner ? Par pudeur ? De crainte de révéler un secret ? L’auteur comme le lecteur en est réduit aux hypothèses. Enfin, le livre se termine sur une réflexion à propos du bien . C’est intéressant de voir que même dans le pire système, il y a des individus qui ne feront pas exactement ce que des tortionnaires au pouvoir attendent d’eux. C’est ce que l’auteur définit comme ‘la banalité du bien » qui est en chacun de nous . Alors que » la banalité du mal » expression si mal comprise d’ Hannah Arendt est le fait d’êtres sadiques et dépravés qui se cachent derrière des êtres dont l’apparence et la vie sont banales.

Citations

Le recrutement nazi

L’une des forces du Nazisme sera hélas d’avoir su recruter aux deux extrêmes du spectre des compétences : d’un côté les brutes menacées de déclassement , profil largement répandu chez les Gauleiter, de l’autre les surdiplômés, notamment dans les disciplines juridiques, qui aurait réussi dans n’importe quel système et que l’on trouvera souvent chez les SS, spécialement dans les Einsatzkommandos exterminateurs sur le front de l’Est.

Je ne savais pas ça !

Un pasteur proche de la branche national-socialiste du protestantisme, les tenant du « Deutscher-Christ » (un Jésus non pas juif mais aryen)

Cet étrange Nazi

En ligne de résultats : Franz von Hoiningen a contribué à tirer au moins 574 Juifs, (964 avec « le dernier convoi ») des griffes des nazis au Luxembourg, dont de l’ordre de 470 vers un naufrage définitif hors d’Europe. Les recherches les plus récentes estime à 890 le nombre total des Juifs du Luxembourg qui ont pu quitter l’Europe occupée pendant la guerre : plus de la moitié de ces sauvetages définitifs doivent être attribués, au moins entre autres, au baron.

Un luxembourgeois conservateur : son père.

Un conservateur luxembourgeois, c’est d’abord quelqu’un qui soutient l’existence même du grand-duché et de la dynastie grand-ducale. Nonobstant l’influence culturelle allemande et la langue allemande dans le pays, et spécialement à travers une église alors puissante, ce nationalisme est davantage antiprussien et antiallemand qu’antifrançais ou qu’antibelge. L’épisode de 1914/1918 avait eu pour effet de conforter ce positionnement. Mon père avait par ailleurs pris goût pour la culture et la langue françaises, d’où son choix d’entamer ses études supérieures à Grenoble et à la Sorbonne, à à l’époque, il n’y avait pas d’université au grand-duché, et les bacheliers pouvaient choisir de poursuivre leurs études en Belgique, en France ou en Allemagne. Réactionnaire, il l’était, mais démocrate aussi et affichera donc ses sentiments pro-Alliés pendant la drôle de guerre.

La banalité du bien

Pourtant, ils sont mis par une combinaison assez similaire d’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction. Ce ne sont pas des cyniques. La formule « noblesse oblige » ne s’applique pas au pied de la lettre, puisque seul Hoiningen fait partie de cette confrérie là : pourtant elle paraît résumer leur approche de la situation exceptionnelle dans ces années de feu. Aussi, on ne manquera pas de souligner l’importance capitale de la transmission éthique dans nos sociétés, transmission qui implique aussi une certaine compréhension de notre passé.

le cas de la Pologne et de la Hongrie

Des pays comme la Pologne où la Hongrie ne parviennent pas à apaiser leur relation au passé de la guerre froide en partie parce qu’ils n’ont fait que très imparfaitement leur travail de mémoire par rapport aux drames de la Seconde Guerre mondiale.

Appel au témoignage

Il y a une immense noblesse à faire le bien, surtout si cela implique de tourner le dos au système de croyances de son clan, de sa tribu. Cependant, l’action doit être prolongée par sa narration. Le taiseux baron, mais pas seulement lui, n’y était pas porté. Il est temps d’en parler. Et, en parlant, peut-être susciterons- nous d’autres vocations : des langues de proches se délieront, des archives familiales ou publiques s’ouvriront. En d’autres mots, et en retournant l’adage familier : pas seulement des actes mais aussi des paroles. Telle est la condition d’une transmission durable.

 Homère, pour autant qu’il est réellement existé, paraît avoir été de cet avis. Qui lui donnerait tort trois mille ans plus tard ?

Édition le Seuil

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Après « la villa des femmes » et « l’empereur à pied« , voici ma troisième lecture de ce grand écrivain libanais. Ce texte est très court et les chapitres qui le composent font parfois moins d’une demi-page. Le titre dit beaucoup sur cette biographie : Raphaël Arbensis aurait pu, en effet mener des vies bien différentes. L’auteur sent que sa destinée tient plus du hasard et de la chance que de sa propre volonté. Ce sont des idées bien banales aujourd’hui mais qui, au début du XVII° siècle, sentent l’hérésie pour une élite catholique toute puissante et peu éclairée. Elle vient de condamner Galilée et donc, regarder, comme le fait le personnage, le ciel à travers une lunette grossissante relève de l’audace. L’auteur ne connaît pas tout de la vie de cet aventurier du pays des cèdres comme lui, mais malgré ces périodes d’ombre qu’il s’empêche de remplir par trop de romanesque, il sait nous rendre vivant ce personnage . Le plus agréable pour moi, reste son talent d’écrivain : grâce à son écriture, on se promène dans le monde si foisonnant d’un siècle où celui qui voyage prend bien des risques, mais aussi, est tellement plus riche que l’homme lettré qui ne sort pas de sa zone de confort. Chaque chapitre fonctionne comme une fenêtre que le lecteur ouvrirait sur la société de l’époque, ses grands personnages, ses peintres, sa pauvreté, ses paysages. Un livre enchanteur dont les questionnements sont encore les nôtres : qu’est ce qui relève de notre décision ou de la chance que nous avons su plus ou moins bien saisir ?

 

Citations

De courts chapitres comme autant de cartes postales du XVII° siècle

Chapitre 6
Il fréquente aussi les lavandières qui lavent le linge dans le Tibre . Il fait rire et les trousse à l’occasion. À cette époque , les rives bourbeuses du fleuve sont envahies par les bateliers , et les teinturiers y diluent leurs couleurs. Nous sommes dans les premières années du pontificat d’Urbain VIII. La colonnade du Vatican n’est même pas encore dans les projets du Bernin, Borromini n’a pas encore construit la Sapienza, le palais des Barberini s’appelle encore palais Sforza et la mode des villas vénitienne intra-muros commence à peine. Mais il y a des chantiers et l’on creuse des allées et des voies. Des peintres et des sculpteurs habitent en ville. Le Trastevere et un village séparé de la cité, cette dernière n’a pas la taille de Naples, mais depuis le bord du fleuve on voit les dômes de Saint-Pierre et le palais Saint-Ange. Les grands murs du temps de l’Empire sont toujours debout, roses et briques parmi les cyprès et les pins, et sous la terre dorment encore bien des merveilles. Un jour de 1625, sur la place du Panthéon, un larron interpelle Raphaël pour lui vendre quelque chose en l’appelant Monsignore. Ardentis s’arrête, méfiant, le larron rit en découvrant une horrible rangée de dents abîmées et lui indique sa brouette sur laquelle il soulève une petite bâche. Avensis se détourne du spectacle de l’affreuse grimace du mendiant pour regarder ce qu’il lui montre et là, au milieu d’un bric-à-brac fait de clous, de chiffons, de morceaux de plâtre et de divers outils abîmés, il voit une tête en marbre, une grande tête d’empereur ou de dieu, le front ceint d’un bandeau, les lèvres pulpeuses, le nez grec et le cou coupé, posé sur le côté, comme lorsqu’on dort sur un oreiller.
Chapitre 27 un des plus courts
Dans le ciel, il y a toujours ces grands nuages blancs qui se contorsionnent tels des monuments en apesanteur, qui prennent des postures fabuleuses et lentement changeantes comme les anges et les êtres séraphiques improbables de Véronèse.

Á travers une longue vue les personnages regardent Venise et le lecteur croit reconnaître des tableaux

Une autre fois, il voit un homme buvant du vin à une table sur laquelle, en face de lui, une femme nue est accoudée qui le regarde pensivement, le menton dans la main. Il voit un maître de musique près de sa jeune élève devant un clavecin, il voit une table un globe terrestre dans une bibliothèque déserte et un jour, dans ce qui semble une chambre à coucher, il voit une femme en bleu, peut-être enceinte, debout et absorbée dans la lecture d’une lettre.

Le hasard ou le destin

Nos vies, écrit-il, ne sont que la somme, totalisable et dotée de sens après coup, des petits incidents, des hasards minuscules, des accidents insignifiants, des divers tournants qui font dévier une trajectoire vers une autre, qui font aller une vie tout à fait ailleurs que là où elle s’apprêtait à aller, peut-être vers un bonheur plus grand si c’était possible, qui sait ?, mais sans doute souvent plutôt vers quelque chose de moins heureux, tant le bonheur est une probabilité toujours très faible en comparaison des possibilités du malheur ou simplement de l’insignifiance finale d’une vie ou de son échec.

 

 

 

 

Édition LA TABLE RONDE

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Qui aurait pu imaginer que je lise avec autant de passion une biographie de Jeanne d’Arc ? Sandrine et Dominique peut être, et d’autres sans doute, qui avaient mis des commentaires élogieux sur leur blog et qui semblaient prêts à se lancer dans cette lecture… Cet auteur a un don, chaque livre est un cadeau car ils nous transportent dans un univers qui n’est pas le nôtre et que pourtant nous connaissons. Quelles connaissances avais-je de Jeanne : Bergère à Domrémy … entend des voix … Pucelle… délivre Orléans… fait couronner le roi Charles VII à Reims… brûlée sur la place publique à Rouen. C’est peu ! mais si on réfléchit, c’est déjà beaucoup. J’en sais beaucoup moins sur Charles VII qui pourtant a été roi de France. J’ai détesté les statues la représentant que je voyais dans les églises du temps de mon enfance et encore plus sa récupération par un parti qui n’a guère ma sympathie.

Malgré toutes ces remarques, je savais que je lirai cette biographie puisqu’elle avait été écrite Par Michel Bernard dont j’ai tant aimé « Les forêts de Ravel » et  » Deux remords de Claude Monet« . Aucune réserve sur ce roman qui a été couronné du prix du roman historique en 2018. Il nous plonge au XV°siècle dans une époque terrible pour la France, les Bourguignons sont alliés avec l’Angleterre et ces deux puissances réduisent le royaume de France à un très petit territoire. C’est dans ce contexte, très bien rendu par l’auteur que s’inscrit l’épisode de Jeanne d’Arc, qui par sa bravoure et son assurance a rendu le courage aux troupes du roi. C’est raconté avec une économie de moyens étonnante, ce qui fait la preuve qu’un bon roman historique n’a pas forcément besoin de milliers de pages pour faire comprendre beaucoup de choses même si la situation est complexe. Le plus frappant chez Jeanne, c’est sa détermination, et le fait que grâce à cela elle s’impose à tous ceux qui l’ont connue de près même les horribles soudards chefs de guerre. Les autres traits de son caractère même s’ils nous étonnent aujourd’hui sont plus ordinaires pour son temps : son immense piété qui s’accorde bien avec celle de son roi, son courage et sa bravoure au combat, à cette époque, on se tue et on se fait tuer avec plus ou moins de panache. Mais là, il s’agit d’une femme enfin d’une Pucelle, c’est à dire un peu plus qu’une enfant et un peu moins qu’une femme. Une femme héroïne de guerre et dominant les hommes, il y a peu d’exemples dans l’histoire de l’humanité et en plus elle a permis à la France de retrouver son énergie pour bouter les anglais hors des frontières de son pays. Elle a mal fini, certes, mais quand même un court moment on a pu croire que la domination (nom féminin) pouvait changer et devenir l’apanage des femmes.

 

Citations

Première rencontre avec Baudricourt

Des folles, des illuminées, il en avait vu des dizaines depuis quinze ans qu’il commandait la place au nom du roi, mais comme celle-là, qui non seulement lui demandait une lettre de recommandation et une escorte pour la conduire sur la Loire, auprès de son souverain, mais prétendait qu’il lui donnerait, à elle , cette gamine, l’armée à conduire, ça jamais il n’avait connu. Les extravagants couraient les rues et la campagne en ces temps calamiteux. La guerre, la famine et les épidémie les faisaient sortir de nulle part, pulluler et brailler sur les places les carrefours et jusqu’aux porches des églises, chaque fois en se réclamant de Dieu, de la Vierge et de tous les saints.

Le portrait de Jean d Orléans

Jean d’Orléans l’avait vue à Chinon et il avait encouragé le roi à l’écouter et tenter le coup. Il n’était pas sûr qu’elle parviendrait à délivrer la ville, mais sa promesse, en versant l’espoir dans le cœur des gens, l’aidait à tenir. C’était déjà ça. Le roi lui avait confié la défense de ces murs. C’était son affaire, puisque le fief de la famille se trouve et là, et que Charles d’Orléans et son autre demi-frère étaient détenus en Angleterre. Il n’avait que 27 ans, mais c’était aussi l’âge du roi. Assez vieux pour s’être beaucoup battu, il avait non seulement du courage, chose commune chez les gens de guerre, mais de l’instruction, du jugement et de la mesure. Sa bâtardise empêchait que lui soit donné le commandement de l’armée, mais il avait l’estime du roi et de ses pairs qui cherchaient ses avis. Lui aussi avait décelé dans la paysanne de Domrémy ce qui faisait le plus défaut en France, la foi, le désintéressement et le sens d’une grandeur retrouvée. 

Des formules bien trouvées

Le commandant de l’armée anglaise Lord Glasdale, était préoccupé. Les affaires prenait mauvaise tournure. Mécontents de leurs alliés, les Bourguignons avait retiré leur force du siège à la fin de l’hiver. L’entente entre les deux puissances, celle qui faisait bouillir le bœuf et celles qui le mouillait de vin rouge, s’était refroidie.

Un autre portrait et un soldat vaincu par le charme de Jeanne d’Arc

La Hire, de la gueule dirigeait sa compagnie, des yeux suivait sa Pucelle et le grand guerrier qu’il avait dévolu à sa sauvegarde. Le capitaine le plus brutal de l’armée française se montrait le plus attentif à son intégrité. Dans la furie du combat, s’il la savait près de lui, il ravalait ses jurons, ce qui lui coûtait plus que de renoncer à achever un Anglais à terre. Cela aussi, au nom de Dieu, elle l’avait interdit

L’aspect très religieux de Jeanne et de l’époque

Dans cette petite ville sur le Cher , en lisière de la forêt de Sologne, se trouvait une des grandes abbayes du royaume. D’Alençon considérait l’appui logistique que les moines pourraient apporter à un grand rassemblement d’hommes et de chevaux , Jeanne pensait au soutien spirituel que les saints hommes dispenseraient à une armée de pêcheurs. La débauche ne pourrait se donner libre cours dans un pays bâti et labouré par les hommes de Dieu. C’est par la vertu que nous vaincrons, répétait Jeanne, car c’est elle qui donne au bras sa force et à l’épée son tranchant.

Traduit de l’espagnol (Chili) par A.M Métailié Èdition Métailié/Seuil

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Il s’agit d’un livre de jeunesse que les adultes ont grand plaisir à lire. J’ai hâte de le faire lire à des enfants parce que c’est très drôle et que cela rend la leçon de vie complètement acceptable. Je pense que l’auteur aime bien les chats, tellement, qu’il a voulu leur donner ce qui leur manque : « la parole » . D’ailleurs tous les animaux parlent mais ils font bien attention à ne pas communiquer avec les hommes car, lorsque, par hasard ils ont commencé à le faire, ils leur arrivent bien des malheurs : les perroquets doivent répéter « Coco » toute la journée enfermés dans une cage. Et les dauphins doivent faire des cabrioles dans des piscines qui au regard de leur espace naturel leur semblent des petites baignoires !

Un chat devient la mère adoptive d’une mouette et doit lui apprendre à voler, vous pensez que ce n’est pas possible et complètement farfelu et bien lisez donc ce roman et vous verrez que pour un chat rien n’est impossible, il faut beaucoup de cœur, du courage il faut aussi et une grande solidarité entre les animaux. Bref un petit bijou de lecture qui fait beaucoup de bien !

 

Citations

Leçon de vie

Nous t’aimons tous , Afortunada. Et nous t’aimons parce que tu es une mouette , une jolie mouette . Nous ne te contredisons pas quand tu cries que tu es un chat , quand nous sommes fiers que tu veuilles être comme nous , mais tu es différente et nous aimons que tu sois différente. Nous n’avons pas pu aider ta mère , mais toi nous le pouvons. Nous t’avons protégé depuis que tu es sorti de ton œuf. Nous t’avons donné toute notre tendresse sans jamais penser à faire de toi un chat. Nous t’aimons mouette. Nous sentons que toi aussi tu nous aimes, que nous sommes tes amis, ta famille, il faut que tu saches qu’avec toi, nous avons appris quelque chose qui nous emplit d’orgueil : nous avons appris à apprécier, à respecter et à aimer un être différent. Il est très facile d’accepter et d’aimer ceux qui nous ressemblent, mais quelqu’un de différent c’est très difficile et tu nous as aidé à y arriver. Tu es une mouette et tu dois suivre ton destin de mouette. 

Les humains

Par l’encre du calamar ! En mer il arrive des choses terribles. Parfois je me demande si quelques humains ne sont pas devenus fous, il essaie de faire de l’océan une énorme poubelle. Je viens de draguer l’embouchure de l’Elbe et vous ne pouvez pas imaginer la quantité d’ordures que charrient les marées ! Par la carapace de la tortue ! Nous avons sorti des barils d’insecticides, des pneus, des tonnes de ces maudites bouteilles de plastique que les humains laissent sur les plages.

La fin

« Seul vole celui qui ose le faire » 

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Ce livre n’est pas pour moi, et je dois faire un aveu qui me coûte encore plus : je le mets sur Luocine alors que je ne l’ai pas terminé et que je ne le terminerai jamais. Je me demande si les habituelles amoureuses de la nature iront jusqu’au bout de ce livre très étrange. Monsieur Henri dont on ne sait rien se réveille un jour ; se réveille de quoi ? de sa nuit ? d’une maladie ? avec l’envie de découvrir le monde. Il est aidé par une gouvernante, un médecin et un nouveau voisin, qui ont comme rôle de l’aider dans ses entreprises de découvertes. Le roman n’a rien de réaliste, il évoque tout ce que l’on peut faire si on ouvre les yeux et que l’on sait s’émerveiller d’être en vie. Monsieur Henri ira de plus en plus loin mais sans moi car au bout des deux tiers du livre, j’étais agacée puis je me suis ennuyée à ces évocations sorties de tout contexte. Aucun paysage n’apparaît vraiment tout passe par les sensations de ce Monsieur et les plus beaux paysages vus par le plus petit des détails ne m’ont à aucun moment transportée mais peut-être comme je l’ai dit en commençant ce livre n’est pas pour moi tout simplement.

Citations

Les mots

Monsieur Henri s’engage sans difficultés  : il reconnaît un adjectif, trouve une famille d’articles qui lui manquait, évite un inconnu, tombe dans un trou, se perd, fait machine arrière, débroussaille un tunnel, découvre une pépite (adverbe infundibuliformément long, achéiropoïètement imprononçable, oryctognosriquement rare) coûte que coûte cherche à poursuivre.

Un des charmes de ce livre mais qui finit par lasser : les mots rares.

Vers midi le docteur a souhaité déjeuner, par contre si je déjeune je ne conduis pas : , les vapeurs postprandiales m’endorment.
L’espace interdidal ….
Ni ne s’enfoncera vers l’intérieur des terres à la recherche de l’orobranche améthyste ou de l’inule fausse criste par exemple.

Le voyage

On n’avait pas avancé, tourner en rond pour des raisons de préparation mais tourner en rond est une façon d’avancer, le docteur regardant sur la carte, le nouveau voisin comptant pour progresser sur les indications du docteur qui ne savait pas lire une carte et finissait par avoir mal au cœur à défaut de dormir. Un GPS eût été fort utile même si le docteur on a connu un qui proposait systématiquement de faire le tour de la terre puis de tourner à gauche. C’est un peu ce qu’ils avaient l’impression d’entreprendre.

Traduit de l’anglais (Ètats-Unis) par Brice Matthieussent ; collection 10/18

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

J’ai oublié sur quel blog j’avais lu qu’il fallait absolument lire ce petit roman de John Fante, mais quand je l’ai vu au club de lecture de notre médiathèque, j’étais très contente. Oui, c’est un excellent moment de lecture tout en humour grinçant et méchant qui décoiffe, parfois un peu trop pour moi. Le personnage principal est un écrivain qui trouve un soir un énorme chien devant chez lui. Un chien de race Akita qui, sur cette photo, semble bien sympathique mais qui est un véritable danger dans une famille qui n’allait pas non plus très bien avant son arrivée

Ce chien mérite très bien son nom, Stupide, il saute sur tout ce qui lui semble un compagnon sexuel acceptable et comme il est très puissant cela donne des scènes aussi comiques que gênantes. L’écrivain, narrateur de ce roman se sent mal de tous les livres qu’il ne réussit plus à écrire. Il se sent raté aussi bien socialement que dans sa vie familiale. Même s’il le raconte avec beaucoup d’humour, on sent son désespoir à l’image de la scène finale qui donne peu d’espoirs sur la survie de son mariage. Ce roman raconte aussi très bien le choc des familles lors des départs des enfants qui occupaient une place si importante au quotidien dans la maison. J’ai trouvé très originale dans ce roman la peinture de chaque personnage, on peint souvent la famille américaine comme une force en soi. Dans les films, les séries, les romans, la famille made-in US semble un lieu d’engagement et de résistance à toute épreuve. Ici, au contraire chaque individualité est caractérisée par une destinée propre et leur seul point commun lors de ce roman c’est ce chien, qu’elle le rejette ou l’aime. Un point de vue et un humour très particulier qui fait du bien en contre point des images trop lisses que nous renvoie « la culture » américaine : John Fante est issu de l’immigration italienne, et a connu la misère, ceci explique cela. Je ne voudrais pas donner une fausse image de ce livre qui est surtout très drôle même si on sent une grande tristesse sous cette façon de rire de tout et surtout de lui.

 

Citations

Beaucoup de pères pourraient écrire cela

Jimmy avait cinq mois, et je l’ai détesté comme jamais parce qu’il avait des coliques et braillait encore plus que Tina. Les hurlements d’un enfant ! Faites-moi avaler du verre pilé, arrachez-moi les ongles, mais ne me soumettez pas aux cris d’un nouveau-né, car ils se vrillent au plus profond de mon nombril et me ramènent dans les affres du commencement de mon existence.

Un père reste une fille s’en va

Pendant qu’Harriet sanglotait dans le patio, je suis allé dans mon bureau écrire à Tina une lettre que je ne posterai jamais, je le savais, quatre ou cinq pages éplorées d’un gamin qui avait laissé tomber son cornet de glace par mégarde. Mais je lui disais tout, ma culpabilité, mon terrible désir de pardon. Quand je l’ai relu, la force et la sincérité de ma prose m’ont bouleversé. Je l’ai trouvé par endroits très belle, j’ai même envisagé d’en tirer un bref roman, mais je n’avais pas mon pareil pour tomber en extase devant ma prose, je n’ai pas eu trop de mal à déchirer ce que j’avais écrit et à le mettre à la poubelle.

Édition Albin Michel

Traduit de l’italien par François Brun

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Je suis désolée pour ma bibliothécaire préférée, je n ai pas réussi à aimer ce roman, je l’ai en grande partie parcouru en sautant les passages qui m’arrachaient des larmes. Non pas qu’il ne soit pas bien mais il est trop dur . Tous ces êtres humains par milliers que des passeurs entassent dans des embarcations en sachant fort bien que la plupart périront mer c’est absolument insupportable. Mais pourquoi pourquoi des gens se laissent-ils conduire à cette mort plus que probable ? Ce n’est pas le sujet du livre. Le sujet c’est cette île dont le nom à te donner à nos oreilles, pendant de longues années :  » Lampedusa » .
Comment vivent tous les habitants de cette île ? C’est vrai que c’est un point de vue que l’on n’a peu entendu et c’est pour cette raison qu’il a été choisi pour être lu à notre club. Qu’est ce qu’il se passe quand des cadavres viennent s’échouer sur vos plages ? et bien quelles que soient vos opinions politiques, vous ferez tout pour sauver un maximum de personnes.
L’auteur a choisi de passer trois ans à Lampedusa , il y rencontre le maximum d’habitants de cette île, tous habités par des récits qui sont aussi horribles que ce que vous pouvez imaginer et plus encore. L’auteur parle aussi de son père médecin et de son oncle atteint d’un cancer dont il ne guérira pas. Les histoires de naufrages sont tellement atroces que je lisais avec soulagement la descente vers la mort de son oncle bien aimé. Comme son père le dit un moment, je me suis demandé à quoi sert ce genre de témoignages, puisque visiblement rien ne peut arrêter ceux qui fuient leur pays, et des tortionnaires Libyens avides d’argent faciles seront toujours là pour les pousser sur des bateaux de fortune après les avoir torturés, rançonnés et violés pour les femmes. Je ne mets aucun coquillages à ce livre à vous de juger si vous voulez le lire .

Citations

Le métier de médecin

En tant que médecin , je récolte une foule d’indices pour les assembler et leur trouver un sens  : des symptômes , des signes, des résultats d’analyses. Au fond, ce métier, c’est ça : faire la somme des symptômes, des signes, des analyses pratiquées et chercher l’explication. On pose une hypothèse diagnostique, puis on examine ce qui la corrobore. Pour ça, je dois pouvoir m’orienter, savoir quoi chercher et quoi regarder. La médecine d’aujourd’hui est aveugle, ces examens tous azimuts sont bien la preuve que le médecin ne sait plus regarder.

Utilité des photos

La photographie te met face à une réalité : la petite fille nue qui crie et qui pleure, le milicien qui meurt, l’enfant syrien noyé -une des photos les plus terribles, on a eu raison de la prendre et de la publier. Et cette réalité est une douleur, immense, lancinante. Pourtant, malgré cette souffrance qui nous est donnée à voir, nous ne comprenons pas plus. Qu’est-ce qui a changé, au bout du compte ?

L’horreur

Le corps est un journal intime où se lisent les événements des derniers jours de la vie. La raideur de certains muscles dit l’extrême privation d’eau. La faible présence de chair dans la cage thoracique témoigne de l’absence de nourriture pendant de longues périodes. Les lésions sont les signes visibles d’une grande violence subie, dans les prisons libyenne comme sur le bateau. Pendant la traversée, certains sont tués à coups de bâton devant les autres pour que ceux-ci comprennent que protester, où demander de l’eau est puni par la mort immédiate. Généralement, les corps sont jetés à la mer. Il arrive aussi que ceux qui ose se plaindre des conditions du voyage soient lancés vivants dans les vagues.

Édition du seuil

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Un roman déjanté comme je les aime … presque. Cuné chez qui je l’avais noté a moins de réserves que moi. Il y a, en effet, un aspect que j’ai toujours du mal à accepter : la dérision des meurtres et ici d’un tueur en série. C’est ce qui lui a fait rater une étoile sur Luocine , mais que les amateurs de cet esprit de dérision se précipitent car dans le genre c’est très bien raconté. C’est drôle et c’est une très bonne satyre des comportements des humains d’aujourd’hui. La famille belge qui arrive dans un camping avec la radio à fond qui dérange tout le monde avec la plus grande désinvolture est à mourir de rire. Le personnage principal à qui nous devons cette histoire est un gigolo Dino Scala, il vit au crochet de Lucienne une femme de vingt ans son aînée immensément riche. Seulement, malheureusement pour lui, il y a aussi la belle mère Macha qui n’aime pas du tout Dino. Celui-ci doit fuir le Luxembourg paradis des millionnaires et de Dino et Lucienne après avoir été quelque peu violent avec un banquier. La description du Luxembourg fait partie des morceaux de bravoure de ce roman. Il arrive dans un camping de la côte d’Azur et rencontre un écrivain qui pour des raisons personnelles veut connaître le peuple d’en bas. Charles Desservy et Dino font un couple improbable lié par un secret qui les conduira très loin et au passage vous fera beaucoup sourire avec ce qui pour moi est une limite que l’on peut pour rendre la vie encore plus agréable se séparer en les assassinant des empêcheurs de tourner en rond.

 

Citations

Les vieux

Les vieux sont sympathique , en général . Même ceux qui , plus jeunes, étaient des crevures. On ne peut d’ailleurs jamais savoir comment ils étaient, avant , car ils finissent tous en mode « friendly » . Étant donné qu’il n’y a pas neuf humains dur dix de bienveillants, on peut en déduire que nos chers aînés s’assagissent avec l’âge. D’une certaine façon ce sont des faussaires, des fourbes, à l’image de tous ces dignitaires qui ont terminé leur vie en Argentine et qui s’appelaient Muller. Après avoir bien pourri leur monde, ils se détendent. La raison en est simple : ils se retrouvent en position de faiblesse. Fini l’autorité, fini les décisions et fini le permis de conduire, tiens, plus rien, tu demandes à ta fille pour aller pisser et t’es bien content qu’on te sorte à Noël. La peau comme du carton mouillé, le ventre gonflé, les pommettes tout en bas, les cheveux violets des femmes et le pue-de-la-bouche des hommes. Un naufrage.
La seule arme qui leur reste pour se défendre, c’est la gentillesse. Ils deviennent adorables pour qu’on les préserve et qu’on ne les pique pas.

Humour

J’étais présentement assis dans une berline de luxe, attendant que la porte du garage achève de se lever, dans le silence capitaliste de Kirchberg, ce quartier si paisible de Luxembourg. Ici, les Porsche et autres Maserati vieillissaient comme leurs propriétaires, jamais à plus de 70 km à l’heure.

Le Luxembourg

J’ai pris les courses dans le coffre et je les ai mises dans le monte-charge. Parce que ici, on ne monte pas ses courses. Ce sont les gens qui montent leurs courses et au Luxembourg, On n’est pas des gens, on est des Luxembourgeois.

Portraits

J’imaginais très bien quel genre de fille cela pouvait être. De bonnes intentions et de l’altruisme. Elles trouvent que l’Inde est un pays extra et le Pérou l’avenir de l’humanité. Plus tard, elle rouleront dans une voiture hybride à quarante mille euros et elles dormiront dans des draps de chanvre. Elles mangent des graines et boivent du jus de pomme artisanal diarrhéique , font des Nouvel An tofu-tisane et partent à l’autre bout du monde pour enseigner l’anglais a des animaux malades.

Des regrets de n’avoir pas fait d’études

Et pourquoi je n’ai pas fait des études, tiens ? Pour devenir, je ne sais pas moi, médecin ? Tout le monde peut le faire, médecin, c’est qu’un boucher avec beaucoup de mémoire, un médecin.

Le Luxembourg

Le site le plus visité du Luxembourg ce n’est ni le Palais-Royal, ni le Musée d’Art Contemporain, ni rien de ce à quoi on pourrait s’attendre. Le site le plus visité du Luxembourg est l’aire d’autoroute de Berchem. On y trouve ce que ce pays a de mieux à offrir aux frontaliers et aux Européens de passage, de l’essence et des clopes moins cher qu’ailleurs. Cette station service Shell, démesurée par sa taille et par le nombre de cartouches de cigarettes vendues, qui compte un McDonald’s et un café Starbucks, contient en elle-même toute la quintessence du Luxembourg. Elle est la parfaite métaphore du Grand-Duché, un pays où on ne fait que passer et où l’on ne vient que pour l’argent. Une banque, quoi, avec le petit plus d’une décoration sympa, la famille royale.

La différence de classe

Charles et moi avons gentiment entrepris de préparer notre soirée, sur sa terrasse à lui. Dans l’effet, je me suis retrouvé avec le couteau à huître dans les mains et Charles avec une coupe de champagne. Le colon et son bougnoule. Avec lui les bulles, moi les doigts massacrer. Les huîtres, allez, au boulot.

La famille belge tatouée

La famille avait un point commun : les tatouages. Ils évoluaient en portant sur eux les autocollants de frigo de leurs convictions, des messages si obscurs qu’ils devaient certainement passer des heures à expliquer le sens des c’est Post-it qu’ils se trimbalaient. Genre leur prénom traduit en dialecte inca. Et comment on dit Kevin en Maya, hein ? Et Cindy, en aztèque ? J’imaginais qu’ils devaient aussi avoir des slogans quelque part, sur un quelconque tibia, sur un bout de fesse. Un cri de ralliement de la contre-culture d’il y a trente ans. D’où j’étais, je pouvais reconnaître sur l’épaule de la mère, une mésange. Enfin ce qui avait dû être une mésange, à l’époque, ressemblait maintenant davantage à un chapon.

Chez Albin Michel

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Je suis partie, grâce au talent d’Antonin Varennes, dans le Paris de 1900, complètement chamboulé par l’exposition universelle, j’ai suivi la jeune et belle Aileen Bowman correspondante de presse d’un journal new-yorkais. Elle a imposé à son rédacteur en chef son séjour à Paris. Elle nous permet de découvrir cette ville courue par les artistes, ce qui va du classicisme absolu tant vanté par Royal Cortissoz, le critique d’art à qui le gouvernement américain a confié le choix des tableaux, par exemple celui qui lui plait le plus et dont il dit :

Puissante, avait déclaré le critique . Simple et fort. Équilibré. Parlant d’elle-même. Il y a chez cette bête la force tranquille et la persévérance des travailleurs américains de la terre.

Aillen a tendance à n’y voir qu’un taureau dans un étable et préfère les nus de Julius Stewart qui lui fera découvrir le Paris des artistes (Picasso y faisait ses débuts), l’auteur nous fait vivre dans le détail l’élaboration des tableaux de cet artiste mi-américain mi-français (comme elle)

 

 

Nous suivons aussi la construction de l’exposition universelle qui fait de Paris un village de décors et où on invite les populations indigènes à se donner en spectacle. C’est là, la première raison de la venue à Paris d’Ailleen , elle veut retrouver son demi-frère Joseph jeune métis mi-indien mi -blanc qui est devenu fou à cause de ce partage en lui de civilisations trop antinomiques, il fait partie du spectacle que les indiens donnent à Paris mais il n’est que souffrance et apporte le malheur partout où il passe ; encore que… la fin du roman donne peut être un autre éclairage à ses actes terribles..

On suit aussi l’énorme enthousiasme qu’apporte la révolution industrielle ; le progrès est alors un Dieu qui doit faire le bonheur des hommes, c’est ce que pensent en tout cas aussi Rudolf Diesel qui expose son moteur révolutionnaire, et Fulgence Bienvenüe, qui construit le métro avec un ingénieur Charles Huet marié à une si jolie femme.
Enfin le dernier fil, c’est le combat des femmes pour pouvoir exister en dehors du mariage et de la procréation et en cela Aileen aussi, est une très bonne guide.
On suit tout cela et on savoure les récits foisonnants d’une autre époque, la belle dit-on souvent, certainement parce qu’elle était pleine d’espoirs qui se sont fracassés sur les tranchées de la guerre 14/18.

 

 

Citations

Conseils de son père

Arthur lui donnait des conseils sur la façon d’affronter le monde : savoir se taire, garder sa poudre au sec, être toujours prête. Et peut-être aussi être belle. À la façon dont Arthur Bowman appréciait la beauté : quand elle naissait d’une harmonie entre un objet et son utilité, une personne et la place qu’elle occupait dans le monde.

Réflexion sur le passé

La maîtrise du temps, l’instruction, est aux mains des puissants. Les peuples, occupés à survivre, n’en possèdent pas assez pour le capitaliser, le faire jouer en leur faveur. Ils empilent seulement les pierres des bâtiments qui leur survivront.

Propos prêtés à Rudolf Diesel vainqueur du grand prix de l’exposition universelle

Vous ne croyez pas, comme Saint-Simon, que les ingénieurs seront les grands hommes de ce nouveau siècle ? Que la technologie apportera la paix et la prospérité ?
 Il lui fallut encore un peu de silence pour trouver ces mots, ou le courage de répondre.
– Je suis un pacifiste, madame Bowman , mais je sais que ce ne sont pas les ouvriers ni la masse des pauvres qui lancent les nations dans des guerres. Il faut avoir le pouvoir des politiciens pour le faire. Et politiciens ne se lanceraient pas dans des conflits armés s’ils n’avaient pas le soutien des scientifiques, qui garantissent les chances de victoire grâce à leurs découvertes et leurs inventions. Non je ne partage pas l’optimisme du comte de Saint-Simon.

Réflexion sur la bourgeoisie et la noblesse en 1900

Les bourgeois comme les Cornic et mes parents sont convaincus que la bonne éducation de leurs enfants est leur meilleure défense contre les préjugés dont ils sont victimes. Ils se trompent.Les aristocrates, dont les privilèges sont l’héritage du sang, ne méprisent rien tant que l’éducation.

 

Édition livre de poche Folio

J’avais noté le nom de cette auteure à propos d’un autre livre « J’irai danser si je veux » chez Cuné d’abord, puis chez Aifelle. Voilà une tentation que je ne regrette absolument pas et je vais certainement lire les autres romans de Marie-Renée Lavoie. J’ai commencé par son enfance, car ce livre est paru en poche et que les deux amies blogueuses en disaient du bien. Je vous le recommande sans aucune réserve. J’ai beaucoup ri et souvent retenu mes larmes. J’étais rarement à l’unisson avec Joe-Hélène qui pleure comme une madeleine lorsque son héroïne Oscar du dessin animé qui va enchanter toute son enfance, mourra dans un dernier combat pendant la révolution française. Au contraire quand Joe-Hélène reste digne en nous racontant les souffrances ordinaires des habitants de son quartier, je me suis sentie très émue, les portraits de ces vieux sortis de l’asile qui ont tout perdu sont presque tragiques, même s’ils sont « ordinaires » pour la petite fille qui a toujours vécu parmi eux. « Le vieux » Roger qui veille sur elle à sa façon lui sera d’un précieux secours lors d’une agression où le courage et la beauté de l’enfance ont failli se flétrir définitivement sur un trottoir. La galerie de portraits des habitants du quartiers est inoubliable, cela va de la famille des obèses, à ceux confits en religion, et ce Roger (c’est lui « le vieux ») qui ne dévoilera jamais son secret à la petite fille pour qui il a tant de tendresse, et qui jure dès qu’il ouvre la bouche. J’ai encore oublié ce détail, la langue ! Le québécois a pour moi des charmes qui me forcent à sourire et les « Ostie » « Jériboire » « Face de Bine » « Calvaire » « Crisse » »En Maudit » chantent dans ma tête. J’ai toujours eu des coups de cœur pour les livres qui savent raconter l’enfance. Ce n’est pas si facile : il faut, à la fois, retrouver la naïveté de cet âge-là et en même temps faire comprendre à l’adulte lecteur la réalité du monde dans lequel vivait cette enfant. Joe-Hélène est une petite fille d’un courage incroyable et si elle se trouve bien banale à côté de son modèle « Oscar » jeune fille déguisée en soldat pour servir Marie-Antoinette, elle va faire l’admiration de tous ceux qui, enfants, qui n’ont jamais eu à se lever deux heures avant tout le monde pour distribuer des journaux, afin de gagner quelques sous pour aider la famille. Sa famille est tenue de main de maître par une mère courage. Tout aurait pu se passer à peu près normalement si son père, enseignant, ne trouvait pas dans l’alcool et le tabac des compensations naturelles à un métier où il souffre de ne pas pouvoir imposer son autorité. D’ailleurs de l’autorité, il n’en a pas, il est seulement gentil et profondément humain. Sa femme heureusement tient la famille et grâce à elle cette bande de cinq petites va sans doute s’en sortir. Oui, ils n’ont n’a eu que des filles ! mais quand on voit le portrait des hommes dans ce roman , on se dit que c’est mieux d’être une fille, elles ont plus de courage et sont moins portées sur l’alcool.

Citations

Portrait des voisins

L’énorme fille unique de nos voisins portait, à seize ans à peine, une petite centaine de kilos, une permanente bouclée serrée et une humeur adaptée à sa condition de victime injustement traitée par des légions de médecins incompétents qui osaient prétendre qu’elle était responsable, en grande partie, de son sort. Gargantua Simard, son père, cardiaque de profession, toujours vêtu d’un maillot de corps jauni au travers duquel perçaient des mamelons dont la texture et le mouvement imitaient la pâte à gâteau pas cuite, promenait sont imposantes panse sur le balcon en maudissant à peu près tout. La pauvre mère, la sainte femme, faisait des ménages en plus d’assumer à elle seule toutes les tâches de la maison. Comme elle se mouvait presque normalement, quand ses tâches le lui permettaient, c’est sur elle qu’ils déversaient leur fiel bien macéré. Plus on s’en prenait à elle, plus elle souriait. Elle opérait comme une photosynthèse de l’humeur qui rendait l’atmosphère à peu près respirable. Les deux ventrus – jambus, fessus, doublementonus, têtus- avaient des visages de plâtre plantés sur décor de gargouilles obèses, et jamais l’idée de se rendre sympathique ne leur était passée par la tête.

Deux expériences à ne pas tenter

Je n’avais pas peur de ma mère, je savais seulement qu’il n’était pas possible de tailler, ne serait-ce qu’une toute petite brèche, dans son imprenable personnage. Pas la peine de se plaindre, de pleurnicher, d’argumenter, de se monter un plaidoyer. Insister ne pouvait que condamner à une abdication des plus humiliantes. Je le savais pour m’être quelquefois frottée à son opiniâtreté. Chercher à gagner sur cette femme relevait de la même témérimbécilité que de se coller- avec la même intention de voir ce que ça fait vraiment- la langue sur une rampe de fer forgé bien glacé. Mais bon, j’avais mis un certain temps à le comprendre. Dans les deux cas.

La mort et les jeunes

 Je comprenais ça parce que j’étais à l’âge où la mort n’avait encore aucune prise sur moi. Je n’allais jamais mourir , moi , je n’avais même pas dix ans . Et, à cet âge-là, on accepte d’emblée que les vieux doivent mourir, ça semble même dans l’ordre des choses. Après, le temps coule et ça se complique parce que ça se met à nous concerner. C’est là qu’on a besoin de concepts philosophiques dérangeants, comme celui de l’absurdité, ou d’abstractions humanoïdes réconfortantes, comme la plupart des Dieux.

L’adolescence

De toute façon, les crises d’adolescence ne sont pas à la portée de tous : ça prend avec les parents qui ont de l’énergie pour tenter de discuter, s’énerver, crier et faire des scènes ou encore pour lire des bouquins de psychologie de comptoir et traîner les jeunes ingrats chez des spécialistes. Aucun adolescent ne prend la peine de se farcir une crise sérieuse sans avoir la conviction de susciter la colère d’au moins un petit quelqu’un en bout de ligne. Tous ces petits arrogants en mal de vivre, qui se faisaient les dents sur le dos des professeurs un peu mou, comme mon père, avant de jouer leur grand « Fuck the world » à leurs parents pas payés cette fois pour les endurer, usaient mon père prématurément.

L’obésité et la télécommande

L’emplacement qu’avait choisi mon père était le seul que la télécommande occuperait jamais : sur le téléviseur. Même si le raisonnement qui justifiait cette règle relevait d’un syllogisme des plus fallacieux ( Badaboum utilisait toujours à distance la télécommande, or Badaboum est obèse, donc les télécommandes rendent obèse), le caractère imposant du contre-exemple qu’elle représentait suffisait à nous convaincre de son bien-fondé. L’énormité de l’argument permettait à mon père de faire de petites entorses au sens commun.

Découvertes qui font grandir

Plus jeune, j’avais fait quelques découvertes qui m’avaient arraché un bout de naïveté, mais jamais rien d’aussi grave. Durant l’année de mes six ans, par exemple, j’avais dans la même semaine découvert tous les cadeaux du Père Noël entassés au fond du congélateur désaffecté et le petit Jésus, pas encore né, dans la boîte à fusibles placée dans l’armoire au-dessus du sèche-linge. Ça faisait tout un tas de croyances qui tombaient d’un coup. Mais la peine alors ressentie avait rapidement laissé place au bonheur de partager tous ces secrets avec mes parents qui tenaient à ce qu’on soit complices pour que mes petite sœur bénéficient du droit sacré de croire à n’importe quoi. Ce n’était au fond qu’une autre forme du même jeu. Seule l’image de mes parents, que je suspecterai désormais de tout, c’était trouver altérée par ce mensonge pieux

Le feuilleton télévisé qui a rythmé sa vie d’enfant

Et puis, je suis morte dans l’épisode suivant celui de la mort d’André. Un vendredi soir, à 16h17, sur Canal Famille. Les morts télévisuels sont toujours précis, comme les naissances de la réalité. Ça m’a semblé tout naturel, même si j’avais secrètement souhaité quelques grandes scènes encore pour pouvoir engranger dans ma mémoire des hauts faits d’armes de dernière minute. Pour ma postérité. Mais voilà, comme tous les destins étaient liés, Oscar ne devait pas survivre longtemps à la mort d’André, de son beau cheval blanc et de la vieille France. L’effet domino.

Les toilettes uniques dans une famille nombreuse

Je me suis réfugiée dans la salle de bain, le seul endroit où il était possible d’échapper aux poursuites de la bienveillance familiale. Assis sur le carrelage gelé,me suis pleuré pendant des heures.
Et comme il n’y avait toujours qu’un seul WC dans l’appartement, il s’est passé peu de temps avant qu’on ne se mette à piétiner devant la porte. Les plus grands drames de l’histoire n’ont jamais eu d’emprise sur les plus petits besoins de l’homme. Ça contrecarrait un peu mes plans, je voulais mourir là, par terre, misérable, seul, au moins jusqu’au dîner.