Édition Belfond Noir. Traduit de l’anlais (royaume Uni) par Alexandre Prouvèze.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Lorsqu’un roman policier est proposé au club de lecture, je sais qu’il a une dimension autre que l’énigme. C’est le cas ici, la toile de fond de ce roman est l’enlèvement d’enfants aborigènes de 1910 à 1975, pour les élever dans un milieu plus » favorable » à leur éducation. C’est une horreur dont l’Australie a honte aujourd’hui mais qui a bouleversé à jamais la vie des enfants qui en ont été victimes. L’auteure britannique veut aussi en faire une charge contre le colonialisme anglais.

L’intérêt du roman vient aussi de l’emprise de l’alcool sur le principal suspect. C’est une originalité de ce roman, aucun personnage n’est vraiment sympathiques. J’explique rapidement l’intrigue, le roman se situe sur deux époques en 1967 et en 1997. Ces deux époques voient deux drames se passer.

En 1967, on suit un policier Steve qui est chargé d’enlever les enfants aborigènes pour les conduire dans un orphelinat. Il est torturé par sa mauvaise conscience, et de plus son couple bat de l’aile. Son épouse Mandy ne veut pas d’enfant et ne se sent plus amoureuse de Steve. Ils ont comme voisin Joe Green, sa femme Louisa et leur fille Isla, Joe est alcoolique et sa femme enceinte ne le supporte plus et décide de repartir dans son pays d’origine : l’Angleterre.

En 1997, Isla s’est installée en Angleterre mais elle revient en Australie car son père est accusé du meurtre de Mandy qui a disparu depuis vingt ans.

Les deux histoires vont évoluer en parallèle car la clé de l’énigme policière se passe en 1967. En attendant le roman se déroule avec des personnages auxquels on ne peut pas s’attacher : Joe l’alcoolique qui bat sa femme Louisa, qui reste finalement avec lui sans que l’on comprenne pourquoi, Mandy la voisine qui prend en cachette la pilule tout en ne le disant pas à Steve son mari qu’elle n’aime plus. Steve auteur des rapts d’enfants et qui sera directement responsable de la mort d’un bébé aborigène sans qu’aucune enquête ne soit diligentée. Et enfin Isla, alcoolique elle aussi, qui cherchera à innocenter son père, contrairement à sa mère qui essaiera de faire inculper son mari.

J’ai vraiment été gênée par le peu d’empathie avec laquelle l’auteure a décrit ses personnages, on a l’impression d’un exercice littéraire autour d’une histoire mais que les différents protagonistes n’ont pas de chair. Et les grands absents ce sont les Aborigènes, alors que c’est pour eux que cette écrivaine a voulu écrire cette histoire. Bizarre !

 

Citations

Une image qui ne marche pas en français.

Isla constate en effet que la clôture autour de la véranda vient d’être peinte. La haie à l’avant de la maison a été taillée en pointe et des corbeilles, accrochées de part et d’autre de la porte, débordent d’une forme rose et violette. Le bardage a l’air vétuste, à côté de la peinture fraîche et de ces suspensions ridicules . Du mouton servi comme de l’agneau.

 

Souvenir d’un homme qui boit trop.

 Il y avait trop bu le vendredi précédent Louisa avait vu Mandy. Le lendemain, il avait retrouvé la bouteille de whisky vide, dans la poubelle, mais il ne se souvenait pas de l’y avoir mise. Il s’était penché sur Louisa dans son lit puis ils s’étaient battus. Ça, oui il s’en souvenait. La proximité de son visage dans l’obscurité. Puis plus rien ensuite. Elle n’en avait pas parlé le lendemain. Il s’était réveillé sur le canapé -ce qui, en soi, n’avait rien d’exceptionnel- en se demandant s’il avait rêvé. Mais un terrible sentiment de culpabilité le rongeait, comme s’il avait disjoncté. En même temps. Les comas éthyliques lui donnaient toujours l’impression d’être un monstre.

En 1997.

 La radio diffuse une interview d’un membre du gouvernement. C’est la même rengaine qui passe en boucle depuis son arrivée : le Premier ministre John Howard, refuse de s’excuser auprès des Aborigènes pour les enlèvements de leurs enfants. À l’époque, les gens pensaient agir comme il le fallait, assure le ministre. C’étaient d’autres mœurs.

Une jeune femme alcoolique.

 Elle n’avait pas bu devant lui, les premiers mois. elle commandait un jus d’orange au pub, après le travail, tout en remplissant son frigo de cannettes de bière blonde et forte. C’est devenu plus difficile quand il a emménagé chez elle. Il lui avait passé un savon, la fois où il l’avait surprise à boire de la vodka pure à la bouteille, alors qu’elle le croyait au lit. Elle avait minimisé la portée de son geste, lui avais promis de changer. Il l’avait crue. Il s’était mis à lui parler mariage, tandis qu’elle songeait à la bouteille qu’elle avait gardé planquée dans la sacoche de son vélo. Et puis plus tard, des années plus tard, il était devenu l’adversaire, celui dont elle se cachait, celui qui la forçait 0à se regarder en face. Et sur lequel elle se défoulait quand elle détestait ce qu’elle voyait.

Scène clé du roman le rapt d’enfant aborigène.

 -On va s’occuper du petit », dit-il. Ses propres mots lui donnaient la nausée. « Ça lui fera un bon. de départ dans la vie.
– Mensonge ! Elle pointa son index vers le visage de Steve. « Ma tante a été enlevée quand elle était petite. Elle m’a racontée comment c’était. »
Les pleurs du bébé s’amplifièrent tandis qu’il fermait la porte derrière lui. elle prit l’enfant dans ses bras, le serra contre elle, sanglotant en silence, son visage appuyé contre celui du bébé.

Édition Albin Michel Traduit de l’anglais (Canada) par Sarah Gurcel

Je dois cette lecture passionnante à Krol et je la remercie du fond du coeur. Je pense que toutes celles et tous ceux qui liront ce livre en resteront marqués pour un certain temps. À la manière des cernes concentriques d’une coupe transversale d’un arbre, le roman commence en 2038 avec Jacke Greenwood, guide dans une île préservée du Nord Canadien qui a gardé quelques beaux spécimens de forêts primitives. Puis nous remontons dans les cernes du bois avec son père Liam Greenwood, en 2008 charpentier, lui même fils de Willow Greenwood militante activiste écologique de la cause des arbres, élevée par un certain Harris Greennwood un puissant exploitant de bois en 1974, nous voyons la misère causée par la crise de 29 en 1934 et la naissance de Willow puis le début du récit en 1908. Ensuite nous remonterons le temps pour comprendre les décisions que devra prendre Jacke Greenwood en 2038.

Ne croyez pas vous perdre dans ce récit aussi dense qu’une forêt profonde. L’auteur a besoin de tout ce temps pour nous faire comprendre les catastrophes écologiques qui se sont passées dans son pays dont la nature semblait résister à tous les prédateurs, l’homme aura raison de ses résistances. On suit avec passion l’histoire de la filiation de Jacke Grennwood, mais ce n’est vraiment pas aussi important que l’histoire des arbres canadiens que Michael Christie raconte sur plus d’un siècle. Les récents incendies de forêts et les inondations de la région de Vancouver prouvent que l’écrivain n’écrit pas tant un roman du futur mais plutôt ce qui se passe aujourd’hui. Dans un article de Wikipédia voilà ce que vous pourrez trouver :

Facteurs aggravants

Les scientifiques sont d’avis que les coupes à blanc et les feux de forêts des dernières années ont joué un rôle dans les inondations dans l’intérieur de la Colombie-Britannique. La coupe à blanc a tendance à faire augmenter le niveau de la nappe phréatique et la perte des arbres par les deux phénomènes conduit à un plus grand ruissellement. Une étude par l’université de la Colombie-Britannique constate que la suppression de seulement 11 % des arbres d’un bassin versant double la fréquence des inondations et en augmente l’ampleur de 9 à 14 %93.

 

Tout commence donc par l’installation des colons au Canada qui chassent sans aucune pitié les habitants de cette région boisée. Dans cet univers très violent certains (très peu) font fortune et exploitent la misère de ceux qui ont cru trouver dans ce nouveau monde un pays accueillant. Puis nous voyons l’argent que l’on peut se faire en exploitant des arbres qui semblent fournir une ressource inépuisable, c’est vraiment le coeur du roman et qui peut s’appliquer à toutes les ressources que la terre a fournies aux hommes. Bien sûr, au début tout semble possible, il s’agit seulement d’être plus malin que les autres pour exploiter et vendre le bois dont les hommes sont si friands. Et puis un jour, des pans entiers de régions aussi grandes que des départements français sont rasés et rien ne repousse. La fiction peut s’installer : et si les arbres qui restent étaient tous en même temps atteint d’un virus mortel ? Alors comme dans le roman nous serions amenées à ne respirer qu’à travers un nuage de poussière de plus en plus dense ? Tous les personnages acteurs de ce grand roman, ont des personnalités complexes même si parfois, ils enfouissent au plus profond d’eux-mêmes leur part d’humanité.
Avec Keisha et Kathel je vous le dis : lisez et faites lire ce roman je n’ai vraiment aucun autre conseil à vous donner.
Et si, encore un conseil, je me permets de faire de la publicité pour une petite entreprise bretonne (Ecotree) qui vous permettra d’offrir un arbre comme cadeau. L’idée est originale et a plu à tous les parents à qui j’ai fait ce cadeau pour la naissance d’un bébé qui sera donc propriétaire d’un arbre dans des forêts françaises.

 

 

Citations

La catastrophe planétaire sujet de ce roman.

Dans l’absolu, Jake est libre de mentionner les orages de poussières endémiques, mais la politique de la Cathédrale est de ne jamais en évoquer la cause : le Grand Dépérissement – la vague d’épidémies fongiques et d’invasions d’insectes qui s’est abattue sur les forêts du monde entier dix ans plutôt, ravageant hectare après hectare.

Formule percutante.

Il n’y a rien de tel que la pauvreté pour vous faire comprendre à quel point l’intégrité est un luxe

Je pense souvent à ce paradoxe lorsque je vois la jeunesse écologique partir en vacances en avion aux quatre coins de la planète.

 Y en a-t-il seulement un parmi vous, poursuit Knut, pour apprécier « l’indicible ironie » de voir les membres de l’élite dirigeante est des célébrités venir jusqu’ici se revigorer spirituellement avant de pouvoir retourner, ragaillardis, à des vies qui, directement ou indirectement, portent notre planète à ébullition, condamnant un peu plus encore les merveilles de la nature auxquelles appartiennent les arbres sacrés qu’ils prétendent vénérer ?

Époque où on pense la ressource en bois éternelle.

Le papier lui-même a la couleur des amandes grillées. Il s’en dégage une robustesse qui date d’un temps où les arbres, en nombre illimité, étaient une ressource inépuisable. Un temps où l’on épongeait ce qu’on venait de renverser avec un rouleau entier d’essuie-tout et où l’on imprimait l’entièreté de sa thèse (ce fut son cas à elle) sur les seuls rectos d’une grosse pile de papier blanc comme neige.

1934.

Au cours de sa carrière, Harris Greenwood a présidé à l’abattage de plus de deux cent cinquante millions d’hectares de forêts primaires. certains arbres parmi les plus larges, les plus beaux, que la planète ait jamais portées sont tombés sur son ordre.
Sans les journaux et le papier, Greenwood Timber aurait déjà sombré. Harris fournit tous les périodiques canadien et la moitié de l’édition américaine. Il sera bientôt obligé de réduire en pâte à papier des arbres qui, jadis, auraient servi de colonne vertébrale à des palais, ce qui pour un homme du métier, revient à faire des saucisses avec un filet de choix. Tout ça pour que les gens puissent faire leurs mots croisés idiots et lire des romans de gare.

L’installation des colons en 1908.

 Quand le couple arriva au « Pays des Arbres », ils découvrirent que les trente arpents densément boisés qu’ils avaient demandés au Bureau du cadastre canadiens étaient déjà occupés par une bande d’Iroquois nomades, chassés des territoires où ils posaient d’ordinaires leurs pièges par une entreprise locale exploitation forestière. Malgré ses façons charitables James Craig acheta un fusil et monta une milice de gens du coin pour chasser les Indiens de sa propriété un acte brutal mais nécessaire auquel beaucoup d’entre nous avaient déjà été contraints. Certains ont refusé de partir, montrant tant d’arrogance qu’il n’y eût eu d’autre choix que de les exécuter pour l’exemple et de brûler leurs femmes et leurs enfants.

En 1934 des Américains vendent du bois aux Japonais.

Je ne suis toujours pas convaincu qu’il soit dans notre intérêt de conclure ce contrat. le Japon a envahi la Mandchourie et s’est retiré de la Ligue des Nations. Kes gens parlent de cette Hirohito comme si c’était le frère aîné de Jésus et on ne pourrait pas jeter une balle de baseball dans le port sans toucher un navire de guerre. À mon avis ils n’ont qu’une envie c’est se battre. Et devinez avec qui ?

Réflexions sur le Canada

S’il est vrai que les États-Unis se sont construits sur l’esclavage et la violence révolutionnaire, songe-t-elle en regardant les hommes travailler, alors assurément son propre pays, le Canada, est né d’une indifférence cruelle, vorace, envers la nature et les peuples autochtones. « Nous sommes ceux qui arrachent à la terre ses ressources les plus irremplaçables et les vendent pour pas cher à quiconque a trois sous en poche, et nous sommes prêts à recommencer le lendemain » telle pourrait être la vie la devise de Greenwood et peut-être même du pays tout entier.

 

 

Édition Métallier, Traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Sur Luocine, de cette écrivaine, vous trouverez » le territoire des barbares » « Le roi transparent » « L’idée ridicule de ne jamais te revoir » et mon grand coup de coeur : « La folle du logis« . « La bonne chance » m’a fait passer un très bon moment et pour une fois je recopie une phrase de la quatrième de couverture avec laquelle je suis d’accord :

La plume de Rosa Montero est un heureux antidote contre les temps qui courent.

J’aime que l’on me raconte des histoires et Rosa Montero fait partie des auteurs qui les racontent parfaitement. Je ne cherche pas à être objective, donc, je la remercie de m’embarquer dans son imaginaire.

Le récit démarre de façon magistrale et très accrocheuse : un homme dont on ne sait rien achète comptant un appartement qui longe la voie ferré, sur laquelle roule les trains à grande vitesse. Cet appartement est dans un immeuble crasseux dans une petite ville Pozonegro, autrefois riche d’une exploitation minière et complètement à l’abandon. Que fait cet homme dans cet endroit sinistre ? Quel lourd secret cache-t-il ? Que fuit-il ? Toutes ces questions trouveront leur réponse et peu à peu se mettra en place une intrigue romanesque qui oppose la gentillesse de Raluca la jeune fille d’origine roumaine, la bêtise des voyous du villages, en particulier l’homme qui a vendu l’appartement à Pablo car il soupçonne celui-ci d’avoir largement les moyens de leur donner encore beaucoup plus d’argent, mais surtout à la cruauté absolue de militants nazis qui planent comme une grave menace au-dessus de la tête de Pablo.

C’est le sens de tout le roman : que peut la gentillesse face à la bêtise et à la méchanceté ? La fin trop heureuse du roman m’a gênée et m’a empêchée de mettre 5 coquillages à ce roman. Je ne crois pas hélas que la gentillesse puisse lutter contre la cruauté, mais comme l’auteure j’aimerais le croire. La culpabilité de Pablo face aux choix de son fils, l’entraîne à inventer des histoires où il se donne à chaque fois le mauvais rôle , sans doute car il ne peut que s’en vouloir de la dérive ultra-violente dans laquelle s’est enfoncé celui-ci . J’ai bien aimé aussi l’évocation de la vie dans une petit ville autrefois ouvrière et où, aujourd’hui, le seul point vivant et le moins triste est un supermarché !

Sans doute pas le roman du siècle, mais un bon moment de détente et un écriture qui permet de comprendre un peu mieux la vie des espagnols d’origine modeste.

 

Citations

le cadre.

Pozonegro, une petite localité au passé minier et au présent calamiteux, à en juger par la laideur suprême des lieux. des maisons miteuses aux toitures en fibrociment, guère plus que des bidonvilles verticaux, alternant avec des rues du développement urbain franquiste le plus misérable, aux inévitables bloc d’appartements de quatre ou cinq étages au crépi écaillé ou aux briques souillées de salpêtre.

L’autocar arrive enfin à Pozonegro, qui confirme ses prétentions de patelin le plus laid du pays. Un supermarché de la chaine Goliat à l’entrée du village et la station-service qui se trouve à côté, repeinte et aux panneaux publicitaires fluorescents, sont les deux points les plus éclairés, propres et joyeux de la localité ; seuls ces deux endroits dégagent une fière et raisonnable d’être ce qu’ils sont, une certaine confiance en l’avenir. Le reste de Pozonegro est déprimant, sombre, indéfini, sale, en demande urgente d’une couche de peinture et d’espoir.

Une façon étonnante d’interpeller le lecteur.

L’AVE (train à grande vitesse espagnole) tremble un peu, il se balance d’avant en arrière, comme s’il éternuer, il s’arrête enfin. Surprise : cet hommes a levé la tête pour la première fois depuis le début du voyage et il regarde maintenant par la fenêtre. Regardons avec lui : un aride bouquet de voies vides et parallèles à la notre s’étend jusqu’à un immeuble collé à la ligne de chemin de fer.

La beauté.

Ou peut-être simplement parce qu’il est grand et mince et assez séduisant, ou que jeune il l’était. Pablo trouve ridicule cette valeur suprême que notre société accorde à l’aspect physique. C’est étudié par les neuropsychologues : les individus grands, minces et au visage symétrique sont considérés comme plus intelligents, plus sensibles, plus aptes, et comme de meilleures personnes. Quel arbitraire.

Vision du monde.

 Tu sais, à mon âge j’en suis venu à la conviction que les gens ne se divisent pas entre riches et pauvres, noirs et blancs, droite et gauche, hommes et femmes, vieux et jeunes, maures et chrétiens, dit-il finalement. Non. Ce en quoi se divisent vraiment l’humanité, c’est entre gentils et méchants. Entre les personnes qui sont capables de se mettre à la place des autres et de souffrir avec eux et de se réjouir avec eux, et les fils de pute qui cherchent seulement leur propre bénéfice, qui savent seulement regarder leur nombril.

Une personnalité heureuse et l’explication du titre.

 Par contre, j’ai été inconsciente tout le temps, à ce qu’on m’a raconté. C’est merveilleux, non ? tu imagines si j’avais été consciente de tout, tu imagines si je m’étais rendu compte que ce bout de ferraille s’était planté dans mon œil, quelle horreur super horrible, j’en ai la chair de poule rien que d’y penser ! Mais au lieu de ça je me suis évanouie et, quand je me suis réveillé, il m’avait déjà vidé l’orbite et ils avaient fait tout ce qu’ils avaient à faire. Quelle chance ! C’est que moi, tu sais, j’ai toujours eu une très bonne chance. Et heureusement que je suis aussi gâtée par la chance, parce que, sinon, avec la vie que j’ai eue, je ne sais pas ce que je serais devenue.

Remarque sur le pouvoir d’une belle voiture.

 Et puisque on en parle, à quel instant démentiel a-t-elle eu l’idée de s’acheter une lexus etc ? Elle a toujours aimé les voitures, mais s’infliger une telle dépense, commettre un tel excès… Elle a fait comme ces pathétiques vieux croûton bourrés d’argent qui s’achètent une décapotable pour draguer. Même si, à vrai dire, elle ne l’a pas tant acheter pour draguer que pour se sentir un peu moins minable que ce qu’elle se sent réellement. Les voitures donnent du pouvoir, et les vieux croûtons le savent bien.

Felipe a décidé de se suicider à 82 ans.

 Les mois de sa dernière année s’écoulaient et Felipe ne trouvait pas le jour pour se tuer, tantôt parce qu’il était fatigué, tantôt parce qu’il était enrhumé et d’autres fois encore parce qu’il se sentait plus ou moins à son aise. Et ainsi, bêtement, le temps avait passé, et il avait eu quatre-vingt-trois ans, puis quatre-vingt-quatre, et il a maintenant quatre-vingt-cinq ans et il est toujours là sur ses pieds, sans avoir la force de prendre la décision finale, bien qu’ils dépendent désormais complètement des bonbonnes d’oxygène et qu’il ait été pris en otage par un vieillard qu’il ne reconnait pas. Car vieillir, c’est être occupé par un étranger : à qui sont ces jambes des décharnées couverte d’une peau fragile et fripée, se demande l’ancien mineurs, hébété. Eh bien, même comme ça Felipe n’est pas capable de se tuer. Trop de lâcheté et trop de curiosité. Et la fascination de cette vie si âpre et si belle.

 

 

 

Les Éditions minuit 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Voilà un auteur qui écrit à la perfection, dans un style remarquable, une histoire triste à donner le bourdon à quelqu’un qui aurait un moral à toute épreuve ( ce qui n’est pas mon cas en ce moment !). Mais lisez aussi le point de vue de Krol qui a beaucoup aimé cet auteur et qui met bien en valeur les qualités de son écriture.

Je suis certaine que c’est un pur hasard mais ce roman m’a fait penser au scandale qui atteint Nicolas Hulot. J’explique : une jeune fille essaie de se reconstruire dans la ville bretonne du bord de mer où son père un ancien boxeur est devenu chauffeur du maire. Tout se tient dans cette histoire. La trop belle Laura a, quand elle avait à 16 ans, posé nue pour un magazine. Elle veut oublier tout cela. Son père a été un grand champion de boxe mais l’argent trop facile l’a entraîné dans une quasi déchéance. Il a retrouvé l’emploi de chauffeur personnel du maire à qui, hélas, il demandera une faveur pour sa fille : que celui-ci lui trouve un logement.
Laura sera logée au casino dirigé par Franck toujours habillé de blanc, personnage qui a ses petits arrangements avec le maire et dont la sœur, Hélène a participé à la descente aux enfers de son père.
Détail absolument horrible : le chauffeur du maire, donc le père de Laura conduira le maire à ses rendez-vous au casino pour satisfaire ses besoins sexuels sans qu’il sache que c’est sa fille qui est dans le studio au-dessus du casino.
Le roman est parfaitement construit, on entend la plainte de Laura auprès des gendarmes et ceux-ci se montrent assez compréhensifs mais quand les photos seront découvertes et que le maire sera nommé ministre, le procureur préfère classer cette histoire sans suite. Cela n’empêchera pas un drame d’avoir lieu mais comme je vous en ai déjà sans doute trop dit je m’arrête là.
Ce roman fait beaucoup réfléchir sur la façon dont l’emprise se construit pour une jeune fille face à un homme politique. Et aussi comment lui même peut se persuader facilement qu’elle est consentante.
Le nœud dramatique de ce roman est très bien imaginé, trop sans doute pour moi car je l’ai trouvé profondément triste. Mais que cela ne vous empêche pas de le lire, ce n’est absolument pas glauque c’est seulement humainement triste et comme je l’ai dit au début parfaitement écrit.

Citations

Portrait d’un élu

 Et d’avoir été réélu quelques mois plutôt, d’avoir pour ainsi dire écrasé ses adversaires à l’entame de son second mandat, sûrement ça n’avait pas contribué au développement d’une humilité qu’il avait jamais eu à l’excès – à tout le moins n’en n’avait jamais fait une valeur cardinale, plus propre à voir dans sa réussite l’incarnation même de sa ténacité, celle-là sous laquelle sourdaient des mots comme « courage » ou « mérite » ou « travail » qu’il introduisait à l’envi dans mille discours prononcés partout ces six dernières années, sur les chantiers inaugurés ou les plateaux de télévision, sans qu’on puisse mesurer ce qui dedans relevait de la foi militante ou bien de l’autoportrait, mais à travers lesquels, en revanche, on le sentait lorgner depuis longtemps bien plus loin que ses seuls auditeurs, espérant que l’écho s’en fasse entendre jusqu’à Paris, ou déjà les rumeurs bruissaient qu’il pourrait être ministre.

Le style de Tanguy Viel

 À Max donc il arriva donc d’en être, de ce monde inversé ou certaines femmes butinantes se glissent volontiers dans la corolle des hommes et les délestent alors de toutes leurs étamine, à ceci près que les étamines ici on a forme de billets de cent euros que par dizaines ils sortent de leur poche et distribuent sans compter – elles, guêpes plutôt qu’abeilles, qui ne pollinisent rien du tout, plutôt disséminent les graines au gré des verres, Hélène plus acharnée que toutes, ayant fait admettre cette loi tacite et inaliénable que c’était son prix et sa liberté à elle, la plus onéreuse et la plus libre des hôtesses. 

Édition « romanBelfond » . Lu dans le cadre de masse critique de Babelio

Mais pourquoi diable me suis-je laissée tenter par ce titre ? En lisant la présentation, j’ai cru que j’allais découvrir un aspect que je connaissais mal de la carrière de Clark Gable à savoir, son engagement dans l’aviation pendant la seconde guerre mondiale. J’ai été élevée par une mère qui adorait cet acteur et j’ai partagé son enthousiasme pour le célèbre film « Autant en emporte le Vent » , et à mon tour j’ai fait aimer ce film à mes filles. Je me suis pâmée d’amour pour Rhett Butller mais je dois dire plus dans le roman que dans le film. (Tant pis pour Clark !)
Bien sûr ce roman parle de Cark Gable, mais le principal sujet de ce récit c’est le projet qu’aurait eu Hitler de s’emparer de ce célèbre acteur pour renforcer le prestige du troisième Reich et de son Führer. Le début de l’engagement de l’acteur dans l’aviation américaine doit être assez proche de la réalité, mais son aventure en France et en Allemagne est de la pure fiction. Ce n’est là que pour permettre à l’auteur quelques chapitres sur la résistance française et tout le roman est construit ainsi, un mélange de la réalité historique avec une fiction digne d’un film de guerre Hollywoodien, c’est sans doute ce que voulait l’auteur, peut-être que d’autres que moi accepteront son parti pris.
L’auteur part dans une succession d’aventures avec, comme arrière fond, les horreurs de la guerre menée par les nazis. Le mélange de la réalité historique et de la fiction m’a mise très mal à l’aise. Les aventures d’Eva Braun avec un bel officier SS m’ont semblé être une entreprise de racolage pour pimenter un peu plus les récits habituels sur ce qu’il se passait dans l’entourage d’Hitler, les différentes scènes sexuelles n’ont pas d’autre intérêt selon moi.
À partir de ce moment, je me suis détachée du projet de l’écrivain et tout me semblait faux, je lui en voulais d’avoir pris ce cadre historique chargé des horreurs les plus insoutenables de l’histoire de l’humanité, pour donner vie à son imagination. Tout ce qu’il raconte : la bataille de Stalingrad, l’extermination des populations juives dans les pays baltes, la consommation de drogue par Hitler tout cela est vrai et est connu mais se servir de ce décor pour une histoire d’amour entre Eva Braun et son bel officier, pour imaginer la capture puis l’évasion de Clark Gable c’est pour moi à la limite de l’indécence.
Bref un flop total et je retrouve ma question du début : Pourquoi me suis-je laissée tenter ?

 

 

Citations

La pervitine

 Développée dès l’automne 1937 par la firme pharmaceutique Temmler, la Pervitine a d’abord été accessible à toute la population allemande sans restriction. On la trouve alors au coin de la rue, dans son officine habituelle. Par la suite, elle est massivement distribuée aux soldats de la Wehrmacht qui, en attaquant la Pologne puis la France avec une sauvagerie inouïe, ont prouvé son efficacité. Le concept de « guerre éclair » est né. Les troupes de choc parcourent des dizaines de kilomètres par jour, galvanisées par cette substance qui leur confère un sentiment d’invincibilité. Elles attaquent avec rage, comme possédées, terrorisent l’ennemi qui ne peut que battre en retraite devant tant de détermination et de violence .
 

Un peu ce que j’attendais de ce roman.

 Il se rappelle soudain une scène qui l’a marqué trois ans auparavant. Lors de la première mondiale d' »Autant en emporte le vent », au Fox théâtre d’Atlanta, l’actrice afro-américaine Hattie McDaniel, qui incarnait une domestique, n’a pas été autorisée à assister à la projection. Pour la soutenir, Gable a menacé de rester chez lui. Elle l’a supplié de revenir sur sa décision pour ne pas gâcher la soirée. L’acteur à obtempérer. Deux mois plus tard, le 29 février 1940, Hattie McDaniel remportait l’oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour sa prestation dans ce film qui deviendra le plus grand succès de tous les temps. Là encore, elle avait dû emprunter une entrée réservée aux gens de couleur pour participer à la cérémonie. Dans la salle, elle avait même dû s’asseoir au dernier rang , à bonne distance de l’équipe du film.

Édition Philippe Picquier . Traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu.  Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.       Du charme, de l’ennuie, et une petite dose de bizarrerie , tout cela soupoudré de l’étrangeté des mœurs japonais et vous avez l’essentiel de ce roman. Je vous en dis plus ? Cela se passe dans une brocante tenue par Monsieur Nakano qui emploie deux étudiants Hitomi et Takeo. Ces deux personnages finiront par se rendre compte qu’ils s’aiment mais cela sera bien compliqué. Il y a aussi la sœur de Monsieur Nakano qui est artiste, toutes les maitresses de son frère et les clients les plus remarquables. Le roman se divise en chapitres qui portent le nom d’un objet le plus souvent en vente dans la boutique (le bol), ou en rapport avec le récit (le presse-papier) . Ce n’est pas un magasin d’antiquité mais bien une brocante et les objets n’ont pas de grande valeur. La patron monsieur Nakano, est souvent mesquin et j’ai eu bien du mal à m’intéresser à ses réactions. Aucun des personnages n’est vraiment très attachant, le charme du roman vient sans doute( « sans doute » car j’y ai été peu sensible) de tous les petits gestes de la vie ordinaire ; tant dans les objets que dans les relations entre les individus. J’étais très contente d’entrer dans l’univers de cette auteure, mais au deux tiers du livre, je m’y suis beaucoup ennuyée.

Citations

L’amour

 Takeo est arrivé en apportant de nouveau avec lui une odeur de savonnettes. L’espace d’une seconde, j’ai pensé que j’aurais dû prendre une douche, mais l’instant d’après, je me suis félicitée d’avoir renoncé, car il aurait pu avoir l’impression que je l’attendais de pied ferme. C’est bien pour ça que c’est difficile, l’amour. Ou plutôt, ce qui est difficile en amour c’est de savoir d’abord discerner si on veut être amoureux ou non.

Le tabac

 « En ce moment, mes poumons, c’est pas ça ! » C’est le tic de langage du patron depuis quelque temps. « Toi, Takeo, et vous aussi, ma petite Hitomi, je vous assure que c’est dans votre intérêt de ne pas fumer, dans la mesure du possible. Moi d’ailleurs, si je voulais, je pourrais m’arrêter n’importe quand. Seulement voilà, je préfére respecter la raison pour laquelle je ne m’arrête pas. Hé oui, c’est comme ça que les choses se passent quand on arrive à l’âge que j’ai. »

La tonalité du roman

 Il y avait dans le monde une foule de gens que je ne détestais pas, parmi eux, quelques-uns faisaient partie de la catégorie de ceux que je n’étais pas loin d’aimer ; il y avait aussi le contraire ceux que je détestais presque. Mais alors, qu’elle était la proportion des gens que j’aimais vraiment ?

Le téléphone portable et les amours d’Hitomi

 Le portable, objet haïssable. Qui a bien pu inventer cette chose incommode entre toute ? Quelque soit la perfection du message reçu, le téléphone portable est pour l’amour -aussi bien l’amour réussi que l’amour raté- la pire des calamités. Pour commencer, depuis quand est-ce que je suis amoureuse de Takeo pour de bon ? Et pourquoi je m’obstine à lui téléphoner ?

    Éditions Gallimard Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard    Après « Chevrotine » et « Korsakov » voici un livre d’amour filial qui se brise sur un suicide. C’est peu dire qu’Eric Fottorino à aimé son père, celui qui lui a donné son nom en l’adoptant à 9 ans alors qu’il était le fils d’une mère célibataire. Le mariage de Michel Fottorino avec la mère d’Éric a été le plus beau cadeau que l’on pouvait faire à cet enfant qui à son tour a adopté cet homme en trichant parfois sur ses propres origines : il lui arrivait de faire croire qu’il était né à Tunis plutôt qu’à Nice, et que sa graphie était influencée par l’écriture arabe qu’il n’a jamais apprise (évidemment !). Dans cette autobiographie, l’auteur nous fait revivre ce père et tout ce qu’il a su donner à son fils. C’est un livre très touchant et écrit de façon très simple. Nous partageons toutes les interrogations et la tristesse de l’écrivain : pourquoi son père s’est-il suicidé ? Et est-ce que Éric, aurait pu empêcher ce geste terrible ?

Michel, celui qu’Éric a appelé « papa » même quand il a réussi à reprendre contact avec son père biologique n’a peut-être pas réussi à faire de son fils un champion cycliste mais il lui a donné assez de force et d’amour pour écrire un très beau livre qui respecte l’homme qu’il a été.

Citations

 

Comme je comprends !

 Cette phrase qui m’a ravagé, qui a ouvert la vanne des sanglots, disait : « Chapeau Éric, il a fait du chemin le gamin du Grand-Parc », allusion à la cité où j’habitais avec ma mère à la fin des années 1960 à Bordeaux, avant qu’ils se rencontrent et se marient, avant qu’il m’adopte, qu’il nous donne son nom à elle et à moi, ce nom que je porte comme un talisman, qui sentait la Tunisie du sud, les pâtisseries orientales, l’accent de là-bas, la chaleur et le bleu du ciel, Les dunes de Tozeur et le miel, quelque chose d’infiniment généreux qui passait dans sa voix ou dans ses seuls gestes quand il estimait que les mots étaient de trop et qu’il préférait se taire, promenant seulement sur moi un regard d’une tendresse sans fond ou recherchant la complicité d’un clin d’œil.

Quel amour !

Envie de l’appeler, d’entendre sa voix une dernière fois, pour la route, la longue route sans lui. Je ferme les yeux et il apparaît. Ce n’est pas un fantôme mais tout le contraire. Il a passé son chandail couleur corail, nous montons le Tourmalet, j’ai treize ans. Il est d’autant mieux devenu mon père que, de toutes mes forces et de toutes mes peurs, j’ai voulu devenir son fils. 

Et cette question que nous nous posons tous face à un suicide :

 Nous sommes rentrés à Paris, je n’avais pas parlé à mon père. il avait parfaitement donné le change, bravo l’artiste. Nous nous sommes embrassés. C’était la dernière fois. Je ne le savais pas. Lui si.
 Aurais-je pu l’empêcher ? Tous mes proches, la famille, mes amis, me disent « non ». Au fond de moi, je crois que « oui », et c’est horrible de vivre avec cette pensée. Je me dis que si je m’étais montré plus spontanément généreux, plus insistant pour l’aider, malgré sa répugnance à l’être, il aurait peut-être différé son geste, et là dessus le versement d’une retraite venu le dissuader d’en finir ainsi. À quoi bon se le dire ? Je me le dis pourtant. Ce que j’éprouve n’a pas de nom, de nom connu. Quelque chose de moi s’est détaché et flotte dans l’air, invisible et pourtant consistant. Je me sens triste sans tristesse, seul sans solitude, heureux sans joie.

  Éditions Rivages Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard    Au club de lecture, il y a deux listes, celle des nouveautés et celle du thème. Le thème du mois de février, c’est le Japon. Ce roman va nous dévoiler un aspect terrible de ce pays dans les années 70 : l’auteur décrit avec une précision et une absence de pathos les horreurs commises par « l’armée rouge » japonaise, la lecture est parfois à peu près insoutenable, et quand je levais les yeux de ce roman pour vérifier les faits, je découvrais avec horreur que l’auteur n’avait rien inventé. Il s’agit d’un roman car pour construire ce récit Michaël Prazan, a créé le personnage principal, un Japonais qui aurait participé à toute les exactions des terroristes et aurait réussi à survivre sous un nom d’emprunt. Il crée aussi un personnage allemand pour permettre aux deux de se faires des confidences et ainsi nous faire découvrir de l’intérieur l’engagement et la vie des terroristes. Ce qui s’applique aux fanatiques japonais peut être vrai pour tous les terroristes capables de tuer des innocents pour leur cause. Ce roman permet de comprendre le cheminement particulier de la jeunesse japonaise . Le personnage principal découvre que son père a participé aux massacres de Nankin que le Japon a toujours préféré oublier. Lui, il participera aux révoltes étudiantes des années 70 pour lutter contre la présence américaine et l’aide que le Japon apporte dans la guerre du Vietnam. À travers les romans, on voit (encore une fois) que ce pays n’a jamais fait le travail de mémoire sur son passé impérialiste et fasciste. Les Japonais se sont considérés comme victimes de la force nucléaire américaine. La jeunesse dans les années 68, trouvait insupportable que le gouvernement Nippon apparaisse comme le vassal des américains. Il y a eu un aspect ultra violent dans les rangs de la jeunesse comme dans la répression policière. Un des épisodes les plus insoutenables se passe dans les montagnes japonaises où la folie meurtrière s’empare des dirigeants de l’armée rouge qui épurent en les torturant jusqu’à la mort ses propres membres. Ces meurtres marqueront la mémoire du Japon. Les rares survivants chercheront une autre cause pour s’enrôler, et ils rejoindront les rangs des terroristes palestiniens. Le roman se termine par les « exploits » de Carlos en France. Malgré le poids de l’horreur et du cafard que pourront vous donner la lecture de ce livre, je salue par mes cinq coquillages, le sérieux du travail de cet auteur. Il écrit comme un journaliste de façon simple et directe. J’ai eu des difficultés au début avec les noms japonais, mais on s’habitue parce qu’ils sont régulièrement répétés au cours de cette histoire. Ces noms tournent en boucle dans la mémoire du personnage principal et je suppose dans celle de l’écrivain. Lorsqu’on a passé cette difficulté des noms, on est pris par ce récit sans pouvoir le lâcher. Ce fut le cas pour moi.  

Citations

Quand le fanatisme tue toute humanité

 Yoshino est un grand type dégingandé et taiseux qui porte une barbe courte et peu fournie, ainsi que de grosses lunettes. Pauvre Yoshino. Il est venu ici avec Kaneko Michiyo sa femme enceinte de huit mois. Personne ne l’a ménagée pendant les entraînements militaires. On s’est demandé si elle n’allait pas perdre le bébé. Yoshino ne lui jette jamais un regard. Yoshino est un vrai soldat. Un soldat docile. Un soldat exemplaire. De ceux qui exécutent les ordres. Tous les ordres. Sans discuter. Sans rien penser. Yoshino ne pense plus depuis longtemps. Yoshino est un robot. Le plus robot de tous. C’était un jeune homme gai et sympathique, autre fois. Il aimait la musique. Il jouait de la guitare. Il aimait sa femme. Yoshino de plus rien. 
Yoshino est un meurtrier.

Les nuits et les cauchemars des assassins.

 Il tournait en rond. Il ne voulait pas se coucher. Il savait qu’il ne parviendrait pas à dormir. La perspective de se voir trahi par un rêve qui me replongeait dans les eaux boueuses de son passé le remplissait de terreur. Certains souvenirs sont comme des bombes à fragmentation. On en vient jamais à bout.

Discours, anticolonialistes

 Les thèses de Fanon s’appliquent autant aux Palestiniens qu’aux Caribéens, qu’aux Africains, qu’aux Algériens. C’est pourquoi le colonisateur ne doit jamais être considéré comme une victime. On nous reproche la mort de civils innocents… C’est le principal argument utilisé par les impérialistes pour nous discréditer… En réalité, il n’y a ni civil, ni victimes chez les sionistes ! Tous sont coupables ou complices de l’oppression subie par les Palestiniens. Pour illustrer cela, prenons le cas le plus problématique, celui des enfants. Comme dans toutes les guerres, il arrive que des enfants meurent au cours de nos opérations. Les impérialistes nous accusent de barbarie, de commettre des meurtres… Or, personne n’est innocent dans le système colonial, pas même les enfants. La progéniture des juifs grandira, elle fera le service militaire qui est une obligation chez eux. Ça veut dire que ces mêmes enfants porteront un jour des armes qu’ils pointeront sur nous !

Et voilà !

 Le « fedayin » fait deux têtes de plus que lui. Sa virilité sauvage le tétanise. 
le « fedayin » le regarde et il sourit. 
Il ajoute qu’il aime bien les Japonais. il dit qu’ils ont fait le bon choix pendant la guerre. Il admire Hitler depuis toujours. Un homme extraordinaire. Un meneur d’hommes. Le fedayin regrette qu’Hitler n’ait pas pu finir d’exterminer tous les Juifs. 
Il le regarde et il sourit.

C’est tellement vrai !

On peut considérer cela comme des erreurs de jeunesse, il y a prescription.
– Pour nos victimes, il n’y a pas de prescription. Je suis persuadé que leur famille pense encore chaque jour au mal qu’on leur a fait.

Édition Harper Collins Traversée . Lu dans le cadre de Masse Critique Babelio   Le sujet m’intéressait et je n’ai pas hésité à participer à cette édition de Masse Critique. Je ne suis pas déçue ! Tout ce qui tourne autour de la notoriété des œuvres d’art m’interroge. Et c’est bien le sujet du roman. Soutenue par une enquête plus ou moins policière, l’écrivaine décrit avec un regard acéré les rapports entre les artiste, les galeristes, les directeurs de musée , les critiques … tous ceux qui construisent ou détruisent la réputation d’un artiste et qui lui créent une côte financière. C’est un monde de menteurs, d’affabulateurs, de personnalités cruelles avides d’argent de reconnaissance et de pouvoir. Tout le roman est sous tendu par la recherche de qui est vraiment Peter Wolf , de lui on ne connaît que des tableaux qui font l’unanimité et qui sont défendus par sa femme Petra Wolf. Lui, Peter a disparu de la scène publique et ne répond plus à aucun journaliste. Le directeur du Moma qui a prévu une rétrospective de l’oeuvre de Peter Wolf veut absolument que celui-ci soit présent au vernissage, il lance une enquête avec des moyens financiers énormes, il est, peu à peu, persuadé que Petra Wolf a fait disparaitre son mari et est devenu l’unique bénéficiaire de la valeur des œuvres de son mari. D’un autre côté, un écrivain français cherche à faire la biographie du couple Wolf et enfin une journaliste américaine cherche à son tour à en savoir plus. L’autre aspect de ce roman, c’est la différence des côtes financières entre une oeuvre signée par une femme ou par un homme . Enfin le dernier thème c’est la censure et la surveillance policière de la Stasi . Tout cela fait un excellent roman, dont on devine assez vite une partie du dénouement, à savoir qui aurait dû signer ces tableaux que le monde entier admire. J’ai beaucoup aimé l’ambiance sans aucune concession du monde des critiques d’art. Cela va du travail des jeunes stagiaires qui n’ont comme salaire de recherches épuisantes utilisées par leur mentors que la joie de côtoyer des artistes célèbres, jusqu’aux réunions où les petites phrases assassines tuent les réputations les mieux établies . Et puis tous ces gens qui s’approprient les petites anecdotes qu’ils ont entendues ailleurs, sont criants de vérité (hélas !). Et au-dessus de tout ce petit monde qui grouille pour se faire reconnaître, il y a l’art mais est-ce autre chose que la reconnaissance de tous ces gens là ? et donc de la côte financière que ces mêmes gens attribuent à la création. Ce roman ne cesse pas de nous ouvrir sur des questions intéressantes, par exemple est-ce que nous ne sommes pas tous influencés par la renommée pour apprécier une oeuvre ? Ce n’est pas une vision très réjouissante à propos de l’art mais cela donne un très bon roman dont j’ai parfois eu du mal à apprécier l’écriture qui utilise des expressions un peu trop « branchées » pour moi.  

Citations

Les artiste de l’ex-Allemagne de l’Est.

 Ce n’était pas cet aspect sombre de l’usine qui avait causé la perte de Rüdigere, non. Cette image réaliste de l’environnement ouvrier serait passée. La peinture a été qualifiée de hautement subversive pour d’autres raisons. Le parti n’était pas dupe et avait intercepté le message caché : le manque de fenêtres symbolisait une dénonciation de l’enfermement de la Nation. L’élan dans les cheveux des ouvrières était un appel au soulèvement. Comme nombre de ses collègues, Rüdiger s’était retrouvé du jour au lendemain démis de ses fonctions. L’ensemble de sa production fut passée au crible et le jugement fut sans appel : il était un ennemi de l’état.
 – Heureusement pour moi ! À l’époque, j’ai cru que je ne m’en remettrais jamais, mais une fois le Mur tombé c’est ce qui m’a sauvé la vie. J’ai des amis artistes, peintres, des personnes incroyables qui se font traîner dans la boue par des petits connards de l’Ouest qui ne connaissaient rien à rien. Sous prétexte qu’ils étaient au VBK c’était des vendus. Mais c’était des artistes, de vrais artistes, des gens complexes avec une vision.

L’utilisation des stagiaires.

Juste avant de s’envoler pour les États-Unis Hilary avait recruté Aminata et Justin deux stagiaires qu’elle avait réussi à débaucher respectivement des pages « Modes » et « Accessoires ». Elle pouvait enfin leur refiler le bébé du supplément « Design en RDA » Aminata et Justin avait trouvé une mine d’information en français, dans un site dédié à l’Ostalgie, véritable encyclopédie, concernant les produits du quotidien des Allemands de clic en clic, ils avaient débarqué à pieds joints dans l’histoire d’un pays dont ils avaient vaguement entendu parler. Ils n’en revenaient pas. « C’est dingue, avaient-il raconté à la rédaction, on est fait pour ce boulot, on est nés tous les deux en 89 ! »
Pour motiver ses troupes, Hilary leur avait promis un voyage à Berlin avec Éloïse, une photographe pigiste qui jouissait d’une petite notoriété rock. Cette nouvelle avait accru leur intérêt pour le projet et enflammé leur envies d’ailleurs, de rencontres nocturnes et de lieux atypiques.

Le critique sur de lui.

Sven Sön s’emporta avec justesse. Tout sonnait juste en lui, même lorsque ses phrases étaient dénuées de sens. Il maîtrisait l’exercice. Tant et si bien qu’il pouvait dire tout et son contraire, et même n’importe quoi, avec un tel aplomb que c’était son interlocuteur qui se remettait en cause quand il n’avait pas tout compris.

Description d’une rédaction d’un journal de mode.

Devant les couloirs de « Vanité Fair » les gens allaient et venaient avec autant de détermination que d’habitude. L’étage était divisé en deux. Dans le couloir de droite se trouvaient les bureaux des journalistes chargés des sujets de société, la direction artistique et la rédaction. Dans celui de gauche, c’étaient les assistants de mode, les filles de la beauté, la boutique et la pub. Un réceptionniste organisait la vie frontalière entre ces deux monde : ceux qui pouvaient écrire à droite ; et ceux qui savaient s’habiller à gauche. C’était comme ça. 

Le scandale et le succès .

Mais au fond, qu’importe la façon dont cette affaire allait se terminer, l’onde de choc qu’il avait provoquée allait à coup sûr garantir un succès sans précédent à son projet : le scandale attise bien plus la curiosité que le seul amour des arts plastiques. Ça, il le savait bien.

 

Éditions Anne Carrière  Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard    Quel livre ! et quel exploit littéraire : raconter le vide et intéresser le lecteur. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : du vide de nos civilisations fondées sur l’argent qui n’existe pas ! Comment résumer le vide et vous donner envie de vous y plonger alors que j’ai failli abandonner cette lecture. J’aurais vraiment eu tort, heureusement que je m’impose la règle des cinquante pages (je n’abandonne jamais un roman avant d’avoir lu la cinquantième page). Tugdual Laugier est recruté dans un prestigieux cabinet de conseil , Michard et associés, payé sept mille euros par mois pour occuper un bureau et ne rien faire. Trois années passent et il remplit ce vide sidéral à se nourrir, déféquer, et mépriser sa jeune fiancée qui est loin de gagner autant que lui en travaillant huit heures par jour. Il lui rappelle sans cesse que c’est grâce à ses sept mille euros par mois qu’elle peut vivre dans ce grand appartement et qu’ils peuvent sortir le soir : la scène au restaurant de « La Tour d’Argent » est un moment très réussi, drôle aussi, mais de cet humour grinçant parfois féroce qui est la marque de fabrique de l’auteur. Enfin, « on » lui demande un rapport, et il fabrique donc un texte de mille quatre cent pages sur la relance de l’économie chinoise. Utilisant pour cela une seule idée qui lui a été soufflée par sa fiancée qu’il méprise tant, imaginer que les Chinois veuillent investir dans la boulangerie française, le reste de son rapport est une compilation de Wikipédia, et des descriptions de ses expériences gastronomiques dans les différents restaurants chinois de la capitale. Mais la police française, toujours bien informée subodore un trafic de drogue, puis finalement comprend qu’il s’agit surtout de détournements d’argent . Tout va maintenant reposer sur le rapport de Tugdual Laugier, s’il est vide, on aura à faire à des emplois fictifs et des rémunérations qui ne correspondent à aucun travail. Si ce rapport de mille quatre cent pages (je le rappelle) est un vrai rapport financier alors cette affaire qui aura mis trois ans avant d’être jugée sera vide, elle aussi, malgré les énormes dossiers empilés sur le bureau du juge. Il faut savoir aussi que tous ceux qui ont essayé de lire le rapport chinois s’y ennuient tellement qu’ils sont pris de vertiges et de dégoût à tel point que personne n’ose se prononcer sur sa validité. Le regard de cet auteur sur notre monde actuel et terrible, je n’ai finalement pas mis cinq coquillages, que son talent mériterait largement car c’est une vision tellement triste. C’est un livre original, écrit par un écrivain de grand talent , mais qui donne le bourdon !   (Les passages que j’ai recopiés sont assez longs, c’est le style de Pierre Darkanian qui veut cela.)  

Citations

 

C’est la première fois que je lis dans un roman la description de cette activité !

 Longtemps après les dernières éclaboussures, il refermait son journal, se relevait avec la mine fataliste qu’il affichait au réveil et, avant de s’essuyer le derrière, jetait un œil attentif à sa production du jour. Était-elle ferme comme l’entrecôte qu’il avait dévoré au déjeuner ou mollassonne comme son tiramisus ? Était-ce une pièce unique et massive ou un chapelet de petites crottes ? Son œuvre, qu’elle fût imposante ou figurative, le rendait si fier qu’il rechignait à tirer la chasse. N’était-ce pas une part de lui-même après tout, qui flottait là, au pied du trône ? N’était-ce pas la seule matière qu’un homme pût véritablement engendrer ? Quel dommage en tout cas qu’il fut l’unique expert à profiter de la vue d’un si bel étron. Enfin, dans un bruit de cataracte, survenait l’anéantissement de sa production ultime que Tugdual veillait à faire disparaître dans la tuyauterie de l’immeuble, usant du balai s’il en était besoin, afin qu’ils n’en demeurât aucune trace pour la postérité.

Les discussions entre cadres importants .

Le cycle des approbations mutuelles se poursuivit, Dong approuvant Relot d’avoir approuvé Laugier qui avait approuvé Relot d’avoir approuvé Dong. Pris dans ce manège d’auto-approbations et de considérations d’ordre général sur les vertus et les dangers de l’audace, Tugdual hésita à recentrer le débat sur le fond de son rapport. S’agissait-il d’une conversation qui n’en était qu’à ses balbutiements et qui n’attendait que la grande idée de Laugier pour qu’elle prît sa véritable tonalité, ou bien était-ce au contraire une habile mises en garde de la part de Relot pour l’empêcher d »en trop pour dire, sans attirer l’attention de Dong ?

Tugdual et son rapport à l’argent et à sa compagne.

 Au moment de payer l’addition, Tugdual insista pour que Mathilde ne vit pas la note bien qu’elle n’eût pas demandé à le faire. Comme maintenant il arrêtait pas de répéter qu’à ce prix-là, il espérait qu’elle avait bien mangé, elle finit par se sentir mal à l’aise et se dit qu’à l’avenir elle ferait en sorte d’éviter les grands restaurants si c’était pour n’entendre parler que de prix et de rapports chinois. Mais Tugdual tenait à lui faire deviner le montant du déjeuner, non pas pour fanfaronner, mais pour qu’elle prît conscience de la valeur des choses. 

Je retiendrai cette image

Bête comme une valise sans poignée 

Le bilan de son couple

Tugdual refusa d’y croire. Mathilde plus là ? Pourquoi donc ? Partie faire une course ? Dîner chez sa mère ? Un pot de départ qui s’éternisait ? Il inspecta de nouveau une par une les preuves de la vile dérobades : point de chaussures, point de manteau, point d’affaires, point de Mathilde. Mathilde partie ? Partie pour quoi ? Pour un autre ? C’était inconcevable. Mathilde était une fille bien, éduquée, droite, pas de celles qui se laisse compter fleurette. Elle n’était ni volage ni légère. Alors pourquoi ? À cause de lui, Tugdual ? Et comment donc ? il gagnait sept mille euros par mois, travaillait d’arrache pied pour la contenter, lui offrait tout ce qu’elle désirait, les draps en satin, le dressing de leur chambre, des vêtements de grande marque. Il l’invitait régulièrement au restaurant, et récemment à la tour d’argent, lui avait offert un repas à quatre cent quatre-vingt quatre euros -la preuve était dans l’entrée, pour qui en doutait- , l’avait emmenée l’été précédent faire le tour des châteaux de la Loire, lui avait fait découvrir des relais et châteaux notés trois étoiles dans le Guide Michelin, la baladait dans le quartier chinois, la gâtait autant qu’un mari pouvait gâter sa femme… Il était dans la vie un compagnon stable, équilibré, qui faisait en sorte que Mathilde n’eût à s’occuper de rien. 
 Mathilde était partie.

Les fraudeurs intouchables.

 – Michard ? il n’y a pas de quoi s’inquiéter. le montage et structuré depuis longtemps, et pour l’instant il n’y a rien à faire. 
– Sauf à croiser les doigts pour que l’on ne remontent pas jusqu’à Jean-Paul..
De nouveaux, Valade retira ses lunettes et en essuya les verres avec la pochette de sa veste. – -Comment le pourrait-on ? Tout pénaliste que tu es, tu sais bien qu’il n’apparaît nulle part, à part sur le réseau crypté de mon cabinet et sur celui de Mossack à Panama. Le compte suisse du cabinet correspond à un profil numéroté dont le titulaire n’est pas Jean-Paul mais la CHC, société suisse elle-même détenue par une autre société, panaméenne cette fois …

L’argent

Zhou L’avait initié à sa conception de l’économie : l’argent était qu’une croyance, qui n’avait ni plus ni moins d’existence que Dieu, la démocratie où les droits de l’homme. Si personne n’y croyait, l’argent n’existerait plus. Mais puisque l’essence même de l’argent était une croyance, il n’y avait rien de malhonnête à faire croire qu’on en avait. À force d’y croire, les gens finissaient par vous en accorder, espérant en recevoir davantage en retour, et vous donnaient ainsi raison. Une banque prêtait bien de l’argent qu’elle n’avait pas sur la seule certitude qu’on lui en rendrait d’avantage. Zhou en parlait sur le même ton qu’un guérillero prêchant le marxisme léninisme au coin d’un feu de camp. Ensuite était arrivé les concepts plus pragmatiques, la pyramide de Ponzi, la surfacturation, les rapports fictifs, les sociétés écrans, les prête-noms…

L’expert auprès des tribunaux devient fou et me fait sourire

(Il a décidé de ne pas se nourrir avant d’avoir fini la lecture du rapport chinois) :

 Mais souder un réfrigérateur n’est pas chose aisée, surtout pour qui n’est pas bricoleur, et l’expert passa la matinée du samedi à la recherche d’un transducteur électromagnétique et d’une sonotrode, à lire des modes d’emploi et à souder autant qu’il le put la porte de son réfrigérateur Smeg de couleur bleue à volumes de 244 de litres et congélateur de 26 litres, qu’il avait payé mille trois cent quatre-vingt-dix-neuf euros chez Darty en dix mensualités et offert à sa femme, ce qui avait à l’époque provoqué une dispute parce que Simone de Beauvoir ne s’était quand même pas battue pendant des années pour qu’au XXI° siècle un mari offrît un réfrigérateur à sa femme.