Édition de l’Olivier

 

Une lecture que je n’oublierai pas, un roman facile à lire et très bien construit écrit dans une langue simple et efficace. Une jeune femme Bess renoue ses lacets, elle doit pour cela lâcher la main de l’enfant qui était avec elle. Geste normal et simple, sauf que l’écrivaine entraîne son lecteur en Alaska en plein blizzard. L’enfant en quelques secondes a disparu. Le roman commence sous forme de monologues intérieurs, tous les habitants de ce coin perdu d’Alaska vont partir à la recherche de Bess et de l’enfant qui vont mourir de froid si on ne les retrouve pas immédiatement. Les quatre personnages que nous allons entendre ont tous les quatre un poids énorme d’une souffrance de leur passé que cette recherche dans le froid extrême et le blizzard va mettre à jour.

Bess tout d’abord qui s’en veut d’avoir lâcher la main de cet enfant, et nous comprendrons que peu à peu son rôle dans cette histoire et pourquoi elle est arrivée auprès de Bénédict et son « fils » dont elle s’occupe.

Bénédict le père de l’enfant qui fou de douleur part à leur recherche. C’est un homme des bois adapté à cette région et il sait que ces deux personnes sont en grave danger. Il racontera l’histoire de sa famille et la fuite de son frère Thomas qu’il n’a jamais acceptée, c’est en le recherchant que sa route croisera celle de l’enfant qu’il a reconnu comme le sien.

Cole le personnage négatif mais vous découvrirez pourquoi et son acolytes Clifford.

Freeman le policier Noir vétéran du Vietnam qui donne à cette histoire un côté suspens qui est bien fait.

J’ai aimé découvrir les quatre personnalités qui vont peu à peu construire l’histoire, le blizzard la difficulté de la vie dans cette partie du monde fait tout le charme de ce livre. Un bémol à mon enthousiasme, mais très léger les personnages sont sans doute un peu simples, certains diront un peu faciles. Mais j’ai apprécié que les hommes si proches de la nature ne soient pas meilleurs que les New – Yorkais, ma fréquentation du monde rural m’a prouvé qu’il y a des gens biens partout et des crapules aussi. La différence c’est que, en ville, on peut parfois les éviter à la campagne beaucoup moins !

Citations

 

L’angoisse

 Rétrospectivement, je crois que j’ai senti que quelque chose ne tournait pas rond. C’est un peu comme lorsque vous avez la sensation qu’un insecte vous chatouille l’oreille. Vous faites un geste pour vous en débarrasser, mais en réalité c’est une alarme, votre alarme interne, réglée au strict minimum. Pas assez forte pour vous faire bondir, mais juste assez pour vous empêcher de dormir tranquillement. Je dormais justement et je me suis réveillé en sursaut.

L’Alaska en hiver

 La poudreuse m’arrive à mi-cuisse. Chaque pas est un effort. chaque pas est une brûlure. Pourtant, j’ai déjà connu ça. il nous est arrivé quelques fois, quand nous étions mômes, de nous retrouver coincés avec papa, alors que nous étions partis relever des pièges ou chasser, à cause d’une chute de neige un peu plus importante que ce qu’il avait prévu, même s’il avait un sixième sens pour prévoir le temps qu’il allait faire. Il arrivait toujours à nous ramener sains et saufs si nous n’étions pas trop loin de la maison pour que maman ne s’inquiète pas, ou alors il nous trouvait un abri de fortune.

 

Le personnage négatif (Cole)

 J’ai jamais eu envie de m’encombrer d’une bonne femme et, comme il en faut une pour faire des gosses, j’en ai pas eu. Les bonnes femmes, c’est que des ennuis. Elles sont jamais contentes. À croire que le bon Dieu les a créés imparfaites pour nous faire tourner en bourrique. Maintenant, en plus elles veulent tout comme les hommes, le travail, les salaires, les mêmes droits, comme si elles voyaient pas la différence. pourtant, ça saute aux yeux qu’elles sont pas faites comme nous. Elles sont faibles et géniales, elles savent pas ce que c’est la vraie camaraderie des hommes entre eux.

Retour de la guerre d’Irak

La guerre nous avait pris notre fils et elle nous avait restitué que le négatif de la photo, juste une ombre blanche sur un fond désespérément sombre.

Éditions Gallmeister. Traduit de l’américain par Françoise Happe

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Le club de lectures me conduit à lire des livres que je ne choisirai jamais, et souvent ce sont de bonnes surprises. Ici il s’agit d’un roman policier, on ne peut plus classique, et, ce fut un vrai pensum pour moi. Le seul intérêt réside dans le suspens ce qui entrave toujours ma lecture. J’ai essayé de jouer le jeu et de ne pas commencer le roman par la fin mais pas de chance les ficelles sont si grosses que j’ai immédiatement compris de quoi il s’agissait. Comme l’enquêteur est un personnage récurent on sait qu’il ne va pas mourir puisqu’il doit être disponible pour les autres enquêtes.

Calhoun est un homme amnésique qui a été un agent très performant d’une agence secrété américaine. Même s’il ne se souvient de rien ses réflexes d’enquêteurs sont parfaits et donc la même agence l’utilise pour résoudre une affaire étrange dans laquelle un de leurs hommes a trouvé la mort. Ce qui est bizarre c’est qu’on l’a retrouvé avec une balle en plein coeur alors qu’il était déjà mort de botulisme à côté d’une jeune femme morte dans les mêmes conditions.

J’espérais qu’en dehors de cette enquête sans le moindre intérêt, j’allais me plaire dans des paysages somptueux du nord américain. Mais à part une partie de pêche rien n’est venu égayer cette lecture. Je vais sans aucun doute choquer touts les amateurs du genre et de cette prestigieuse maison d’édition, mais je le redis les polars dont l’intérêt ne réside que dans le suspens, ce n’est vraiment pas pour moi.

 

 

Citations

Humour, choix des mouches et psychologie des poissons

 Il y a des jours, dit Calhoun en hochant la tête, ils restent là sans bouger et ils se disent, je mordrais à rien, sauf si c’est une Matuka jaune avec trois bandes de Flashabou de chaque côté, fixée à un hameçon Limerick 4XL avec du fil blanc. D’autrefois, ils vont attendre une Black Ghost Carrie Steven toute la journée, et s’ils s’aperçoivent que ce n’est pas une authentique, ils disent : Bn, je laisse tomber, ils préfèrent rester sur leur faim. 
Fallows fronça les sourcils comme s’il se disait qu’on était peut-être en train de se payer sa tête, mais il n’en était pas sûr.
– Stoner a raison, dit Kate. On emporte jamais trop de mouches parce que, comme vous l’avez dit, on ne sait jamais ce que les poissons pourraient penser.

,

Édition Acte Sud

C’est peu dire que j’aime cet auteur, je veux bien partir avec lui dans toutes « ses traversées » à l’origine de la famille Desrosiers sans jamais m’ennuyer. Après, « Victoire » et surtout « La traversée du Continent » qui avait vu la petite Rhéauna, arriver chez sa mère Maria qui l’a fait venir pour s’occuper de son petit frère né d’un autre père, nous voilà avec elle, sa mère et son petit frère en 1914 à Montréal. Rhéauna, a fini par accepter et aimer son sort car son petit frère est adorable et sa mère fait tout pour qu’elle aille à l’école et satisfasse son envie de lecture. Elle ne s’occupe du petit que lorsque sa mère travaille dans le bar le soir. Mais cette enfant écoute les conversations des grands et évidemment, en 1914, on parle de la guerre, comme c’est une enfant courageuse, elle décide de sauver sa mère et son petit frère et d’acheter des billets de train pour rejoindre ses grands-parents et ses deux sœurs à la campagne dans le Saskatchewan. On suit donc le trajet de cette enfant à travers la grande ville de Montréal et tous les dangers qu’elle est capable d’affronter seule. Mais le roman n’est pas construit de façon linéaire, parfois nous sommes en 1912 quand Maria arrive chez son frère Ernest et ses deux sœurs Tititte et Tina et qu’elle explique pourquoi elle est venue les rejoindre : elle est enceinte d’un homme qui n’est pas de son mari et qui a disparu .

Dans « la traversée des sentiments » les enfants sont un peu plus grands et les sœurs ont décidé de revenir à Duhamel. Là où la famille a des attaches racontées dans le roman « Victoire ». Ce roman est l’occasion de plonger dans la vie des trois sœurs dans ce qu’elle a de plus intime. Michel Tremblay est un analyste de l’âme féminine d’une finesse et d’une délicatesse incroyable. Les huit jours de vacances à Duhamel le petit village de campagne vont donner le courage à Maria pour aller chercher ses filles chez ses propres parents dans le Saskatchewan.

Tout le charme de ces romans vient du style de l’auteur et du temps qu’il prend avec chaque personnage pour nous faire comprendre leurs choix de vie. Et puis il y a le charme du québécois qui chante à mes oreilles. C’est un auteur qui me fait du bien alors qu’il ne raconte pas des vies faciles, je préfère largement cette approche par la littérature de la vie très dure aux romans où l’auteur se plaît dans le glauque.

 

Citations

Maria

 Maria marchait vite, s’intéressait peu aux vitrines pourtant magnifiques devant lesquelles elles passaient et n’arrêtait pas de lui dire de se dépêcher alors qu’elle n’étaient pas du tout pressées. Sa mère ne se promènent pas, elle se « rend » quelque part.

Théorie médicale

 Leur mère avait terrorisé ses enfants pendant des années en guettant chez eux le moindre petit symptômes de rhume pendant les vacances estivales. « Un rhume en hiver, c’est normal, il fait frette, on attrape froid au pieds, pis c’est plein de microbes. Un rhume en été, c’est parce que le corps va pas ben, que le sang est pourri, pis on peut attraper des numonies sans même s’en apercevoir ! C’est hypocrite, les numérisés d’été. Ça tue le temps de le dire. »

J’aime cette façon de raconter :

 C’est un drôle de mot succomber. C’est un mot qui fait honte après, qu’on trouve laid après, mais qui est tellement différent pendant que ça se passe. Succomber quand t’es pas marié, ça fait peur avant, t’as honte après, mais si t’es en amour, c’est tellement magnifique pendant.

Le plaisir et le bonheur des femmes

 Les autres femmes n’osent pas intervenir. Elles ne se regardent même pas. Titille à connu un mariage blanc catastrophique avec un Anglais frigide, Tina a aimé avec passion un homme qui l’ a laissé tomber quand il a appris qu’elle attendait un enfant de lui, Maria a quitté deux ans plus tôt un vieux monsieur bien gentil et fort généreux mais qui était loin de combler ses attentes après avoir été marié à un marin toujours absent et qui ne revenait que pour lui faire des enfants. Et voilà que leur cousine disparue de la Saskatchewan des années avant elles, celle qu’on tant conspué dans les soirées de famille, dont elle disait qu’elle était allée s’enterrer dans le fond des Laurentides, dans l’Est Du pays, pour cacher sa vie de misère avec un batteur de femmes, celle qu’on donnait en exemple pour faire peur aux jeunes filles qui voulaient quitter le village à la recherche du grand amour, Rose Desrosiers, qui portait presque un nom de sorcières, se révélait être la seule comblée d’entre elles, sans doute la plus heureuse, en tout cas la plus satisfaite de son sort.

 

Éditions Robert Laffont

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Cela fait très longtemps que je n’ai pas autant souri à la lecture d’un livre. J’espère que vous savourerez les extraits que j’ai choisis ; j’ai failli recopier des pages entières, tellement j’appréciais l’esprit si caractéristique du XVIII° siècle de cet auteur. Louis-Henry de La Rochefoucauld est drôle, ne se prend jamais au sérieux et manie l’ironie aussi bien que Voltaire (que pourtant il déteste !). Mieux que l’ironie, je parlerai plutôt d’humour car l’auteur n’a aucune pitié pour lui ni pour les descendants de sa si noble famille.

En deux mots voici l’histoire, l’auteur rencontre dans un café Louis XVI et sa pauvre épouse Marie-Antoinette et, en panne d’inspiration, il décide d’écrire un livre pour réhabiliter la mémoire de ce roi. Au passage, il égratigne l’idéal révolutionnaire, mais on peut l’excuser sa famille a payé un lourd tribut à la chasse aux aristocrates – quatorze personnes auront la tête tranchée ou seront noyées ou fusillées car elles étaient apparentées à sa famille.

Le livre parcourt notre époque avec un regard décalé qui lui donne le droit de tout dire même ce qui peut sembler inconvenant . Je dois dire que le dernier quart du livre est moins pertinent et la défense des gilets jaunes comme bastion de l’esprit français ne m’a guère convaincue. Je passe au delà de cette réserve tant j’étais bien avec son interprétation de la révolution et de ses difficultés dans la vie actuelle.

 

 

Citations

J’adore l’humour de cet écrivain( il faut rapprocher ces deux passages) :

Son ancêtre à la cour du roi Louis XVI

 Chaque matin, à son réveil, il (Liancourt) tirait la chemise de nuit royal par la manche droite le premier valet s’occupait de la manche gauche.

lui

En 2018, j’occupais la charge de grand-maître de la garde-robe de ma fille. Quand j’habillais Isaure le matin, je ne réglais pas que la question épineuse de la manche droite : les caisses de mon ménage étant ce qu’elles étaient, je n’avais pas les moyens d’engager un premier valet pour la manche gauche.

C’est simple mais j’aime bien que ce soit dit comme ça :

 Je passais là-bas trois semaines chaque été avec mes soeurs, mon frère Jean, mes cousins Alexandre et Charles-Henri et les nombreuses vaches du coin, élégantes montbéliardes qui venaient brouter jusqu’aux abords de la maison. Elles étaient tolérées, les touristes, non. 

Les repas

Nous, les enfants, étions soignés par les plats du terroir de Mme Bichet, robuste cuisinière qui eut la chance de mourir avant d’avoir entendu parler de recettes au quinoa et d’allergies au gluten.

J’ai éclaté de rire et c’est si rare !

– Vous êtes quoi, vous, La Rochefoucauld ? Duc ?
– Bien que je porte le prénom des princes de Condé, je ne suis rien, Votre Majesté. Un modeste comte sans la moindre terre.
– Un comte hors-sol. mais enfin, c’est fâcheux ! il faut y remédier. 

– Aucun homme politique n’en a encore fait sa priorité.

Interview d Arielle Dombasle :

 Souriant jusqu’aux oreilles, elle m’a sorti ces mots typiquement thalasso qui m’ont secoué plus qu’un jet tonifiant : 
 « Moi, Louis Henri, je veux bien mourir pour le peuple, mais sûrement pas vivre avec le peuple ! »

Propos d ‘aristo

Je ne sais plus qui parlait de la perpétuelle déception du peuple par la bourgeoisie, du perpétuel massacre du peuple et par la bourgeoisie… Les démocrates-républicains prétendent représenter le peuple, mais, dès que les gens du peuple pointent le bout de leur nez, ils sortent les blindés de la gendarmerie, leur tirent dessus et prennent la poudre d’escampette. On me diras que je caricature, je ne caricature pas : c’est comme ça que les Thiers traitent le tiers état.

Fabcaro Édition 6 pieds sous terre Thierry Beauchamp ÉditionWombat

Ces deux livres la BD de Fabcaro et les courtes nouvelles de Thierry Beauchamp n’ont en commun que d’avoir fait rire Jérôme et moi aussi. Pour Fabcaro je reconnais que depuis Zaï Zaï Zaï je suis une inconditionnelle. Je suis prête à partir dans le rire immédiatement. Mon préféré est sans doute, Mourir d’aimer, sans oublier Formica. 

Encore une fois, j’ai ri mais peut être un peu moins, je connais un peu tous les ses procédés de Fabcaro qui manie avec dextérité un humour décalé jamais méchant :

 

( Si le texte vous emble flou en cliquant sur la photo il sera plus net)

dans cette BD l’auteur essaie différents procédés, le roman photo, le Western, mais aussi les réactions autour de lui, quand il parle de son projet l’étonnement de son éditeur :

 Tout un livre à partir d’un dessin de bite sur la joue ? …Euh… tu es sûr de ton projet là ?

et bien pour ceux et celles qui aiment l’absurde de Fabcaro ne doutez pas, vous allez partir dans une aventure passionnante pleine de rebondissements. N’écoutez pas les propres enfants du dessinateurs qui ont du mal à comprendre toute la grandeur du projet de leur père :

– Papa t’es connu maintenant , tu peux pas faire n’importe quoi

Les gens ils attendent ton prochain livre, tu vas pas faire une histoire de bite sur la joue ? ! !

Un sourire garanti pour ceux qui, comme moi, aime cet humour.

 

 

Précieux conseils pour entrer dans la légende du sport

 

Quand l’important n’était pas (toujours) de gagner

 

Pour ce deuxième livre, il s’agit d’un recueil de nouvelles autour des histoires pittoresques des débuts des jeux olympiques. Sous forme de 24 courtes nouvelles nous découvrons le côté amateurs des jeux et c’est très amusant. Le livre se prétend une aide pour réussir les jeux olympiques et les conseils me semblent très judicieux :

En fait, il faut savoir raison garder et ne pas se tromper d’étiquettes, car ces règles précises et complexes ne possèdent pas de principe magique intrinsèque. Ce fut là une erreur récurrente chez bon nombre de nos compatriotes. Ainsi, lors des jeux olympiques de 19o0 à Paris, la mystérieuse Mme Froment-Meurice disputa le tournoi de golf en talons hauts, ce qui lui coûta probablement une gloire éternelle puisqu’elle s’enfonça dans le green et ne parvint pas à accéder à la troisième marche du podium. Quant au discobole Jules Noël, le colosse de Norrent- Fontes, sans doute crut-il prêcher l’exemple en sirotant du champagne entre deux lancers aux jeux de Los-Angeles, alors que la prohibition minait encore le moral de la grande nation américaine. Probablement indignés, les juges préférèrent regarder le saut à la perche plutôt que son jet final, qui aurait pourtant dû lui valoir la médaille d’argent.

Vous apprendrez que le premier tir aux pigeons se faisait avec de vrais pigeons, qu’un homme avec une jambe de bois remporta six médailles d’or, qu’une femme ayant gagné le tournoi de golf ne l’a jamais su car elle est partie avant les résultats. Et tant d’autres petites anecdotes savoureuses.
Merci Jérôme pour ces deux sourires.

 

 

 

 

 

Édition Grasset

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Excusez le flou de la photo !

J’ai bien aimé ce roman qui raconte le désespoir d’une enfant qui ne retrouve pas, un soir en revenant de l’école, sa mère, à la maison. « Elle est partie » lui dit son père, et elle n’en saura jamais plus.

Sa mère grande dépressive, était depuis quelques temps devenue mutique et restait allongée sur un lit. Son père et sa fille venaient lui parler sans que jamais elle ne leur réponde. Et puis, trente ans plus tard, un message téléphonique lui apprend où vit sa mère. En abandonnant immédiatement tout, elle part retrouver celle qui lui a tant manqué.

Le roman suit le voyage de cette femme vers sa mère et la lente remontée dans ses propres souvenirs. On comprend sa colère contre son père et ses grands-parents qui l’ont élevée mais qui n’ont jamais voulu lui dire où était sa mère. Le savaient-ils ? Elle a choisi le théâtre pour se reconstruire et cette adolescente blessée a retrouvé dans la personnage d’Antigone un écho à sa propre douleur. Son père va refaire sa vie et la laisse près de ses grand-parents. On a du mal à comprendre pourquoi ce silence qu’elle ne peut interpréter et en conséquence de quoi la prive d’un rapport normal avec eux. Ils n’ont pas su l’aimer mais elle ne s’est pas laissée approcher d’eux. Pourtant, si sa grand-mère est très brusque, son grand-père semble plus tendre. Elle retrouvera sa mère mais n’en saura pas beaucoup plus.
Le lecteur n’aura jamais toutes les clés pour mieux comprendre les personnages de ce roman. La dépression de sa mère, le silence de son père et de ses grands-parents, et pourquoi adulte, elle n’a pas plus cherché où était sa mère. Cela m’a un peu gênée, pour faire de ce roman un vrai coup de cœur.

En remplissant mon abécédaire je me suis aperçue que j’avais déjà lu un livre dette auteure : « Rêves oubliés » (que j’avais bien oublié, il est vrai !)

 

 

Citations

Départ de sa mère

 Elle se souvient du jour où son père, Isidore, lui avait dit : maman est partie.
 Une phrase simple sujet verbe participe passé. Une phrase tout à fait intelligible. Magdalena la comprenait, mais la trouvait trop courte. Il manquait au moins un complément de lieu, ainsi que plusieurs paragraphes d’explications. Une maman ne part pas comme ça.

Le courrier

 Les gens ne s’écrivent plus, disait-il à Appolonia, des courriers électroniques, c’est de l’écrit impalpable, et ce qui ne se touche pas ne compte pas. À la fin, je ne portais plus que des publicités, des factures, des relevés de banque, aucune trace de stylo, d’écriture, une carte postale de temps en temps pour une grande tante parce qu’on sait qu’elle aime ça. Souvenir de Rome, de Budapest.

Métier d’actrice

 Chaque personnage est un manque de plus, un effacement du trait, un détour sur le chemin, un sentier sauvage à défricher, une bifurcation, une excuse, une halte, encore une, pour ne pas s’approcher du cœur, du poumon, et rester en lisière de soi, de son propre désir, se remplir du regard des autres, pour le prendre en embuscade, le séduire, s’en emparer, afin d’éviter toujours d’être soi-même ?

 

Édition Babel. Traduit du russe par Wladimir Berelowitch et Bernadette du Crest

 

C’était il y a si longtemps (n’est-ce pas ?) la guerre en Afghanistan menée par les soviétiques de 1979 à 1989. Dix longues années dans un pays qui a tout fait pour se débarrasser de cette puissance étrangère aidée en cela par les Américains. Ce n’est pas le conflit que raconte Svetlana Alexievitch, elle donne la parole aux survivants soviétiques ou à leurs mères quand on leur a ramené des cercueils de zinc censés contenir le corps de leurs fils. Son livre est donc, une succession de témoignages. On retrouve la même ambiance que dans  » la fin de l’homme rouge »

C’est une lecture à peu près insoutenable car de témoignage en témoignage, on découvre l’horreur de la guerre. Les jeunes soldats sont partis sur un mensonge de la propagande soviétique : « Ils allaient aider un pays frère à combattre, ils allaient être accueillis en héros « . Rien ne les préparait à faire la guerre dans des villages où on les haïssait, et plus ils le découvraient plus ils devenaient féroces et plus les Afghans les assassinaient sans pitié.

Et puis, il y a l’armée soviétique, dans laquelle une très ancienne tradition de bizutage mène les anciens gradés (ou non) à faire de la vie des nouveaux arrivés un véritable enfer.
Et enfin, il y a le poids du silence dans les médias au pays, personne ne sait rien en URSS de cette guerre menée au nom de l’idéal communiste.

Dans ces conditions, quand les soldats reviennent, en soldats vaincus, personne n’est là pour écouter le récit de leur drame.
La dernière partie du livre est consacrée au procès que des femmes veuves de guerre ont mené contre Svetlana Alexievitch disant qu’elle avait déformé leurs propos. Heureusement pour l’auteure tous les interviews de son livres étaient enregistrés, elle a donc gagné son procès.
Un livre à lire absolument mais qui m’a plombé le moral tout au long de la lecture. Je redoutais de le retrouver et de tourner les pages, j’imagine le courage de ces hommes et celui de cette auteure qui mérite ô combien son prix Nobel de littérature. Et finalement, cette guerre a eu quel résultat ? On peut se poser cette question pour tant de guerres menées par les « trop » grandes puissances.

Citations

L’art de dissimuler en URSS

 J’ai été appelé en 1981. Il y avait déjà eu deux ans de guerre, mais, dans le civil, on n’en savait pas grand chose, on n’en parlait pas beaucoup. Dans notre famille, on pensait que si le gouvernement avait envoyé des troupes là-bas, c’est qu’il le fallait. Mon père, mes voisins raisonnaient de cette façon. Je ne me rappelle pas avoir entendu une autre opinion là-dessus. Même les femmes ne pleuraient pas : tout cela était encore loin, ça ne faisait pas peur. C’était une guerre sans en être une, une guerre bizarres, sans morts ni blessés. Personne n’avait encore vu les cercueils de zinc. Plus tard nous avons appris que des cercueils arrivaient dans la ville, mais que les enterrements avaient lieu en secret, la nuit, et que les pierres tombales portaient la mention « décédé » et non « morts à la guerre ». Personne ne se demandaient pourquoi les gars de dix-neuf ans s’étaient mis soudain à mourir, si c’était la vodka, la grippe, ou une indigestion d’oranges. Leurs familles les pleuraient, mais les autres vivaient tranquillement, tant que ça ne les touchaient pas Les journaux écrivaient que nos soldats construisaient des ponts, plantaient des allées de l’amitié, que nos médecins soignaient les femmes et les enfants afghans…

La presse soviétique

 La presse a continué à écrire : le pilote d’hélicoptère X a effectué un vol d’exercice… Il a été décoré de l’étoile rouge… Un concert a eu lieu à Kaboul en l’honneur du 1er mai avec la participation de soldats soviétiques… L’Afghanistan m’a libéré. Il m’a guéri de l’illusion qui consiste à croire que chez nous tout va bien, que les journaux et la télévision ne disent que la vérité. Je me demandais ce que je devais faire. Il fallait faire quelque chose… Aller quelque part… prendre la parole, raconter… Ma mère m’a retenu et aucun de mes amis de m’a soutenu. Ils disaient : « Tout le monde se tait. Il le faut. »

Un récit parmi tant d’autres tous différents et pourtant si semblables.

 La guerre ne rend pas les gens meilleurs. Elle les rend pires. Ça ne marche que dans un sens. Je ne revivrai jamais le jour où je suis parti à la guerre. Je ne pourrai pas redevenir comme j’étais avant. Comment est-ce que je pourrais devenir meilleur après avoir vu ce que j’ai vu… Il y en a un qui a acheté à des médecins deux verres d’urine d’un gars qui avait la jaunisse. Contre des bons. Il les a bus. Il est tombé malade. Il a été réformé. On se tirait des balles dans les doigts, on s’estropiait avec des détonateurs, des culasses de mitrailleuses. Le même avion ramenait des cercueils de zinc et des valises pleines de peaux de mouton, de jeans, de culottes de femme… Du thé de chine. 
Avant, j’avais les lèvres qui tremblaient quand je prononçais le mot « patrie ». Maintenant je ne crois plus en rien. Lutter pour quelque chose, tu parles. Lutter pour quoi ? Contre qui ? à qui le dire tout ça ? On a fait la guerre, d’accord. Et puis c’est tout.

Un chirurgien

 J’enviais les collègues qui étaient allés en Afghanistan : ils avaient une expérience colossale. Comment l’acquérir dans la vie civile ? J’avais derrière moi dix ans de pratique : j’étais chirurgien dans l’hôpital d’une grande ville, mais quand j’ai vu arriver le premier convoi de blessés, j’ai failli devenir vous voyez un tronc, sans bras, sans jambes, mais qui respire. Vous ne verriez pas ça dans un film d’horreur. J’ai pratiqué là-bas des opérations dont on ne peut que rêver en URSS. Les jeunes infirmières ne tenaient pas le coup. Tantôt elles pleuraient à en avoir le hoquet, tantôt elles riaient aux éclats. Il y en avait une qui passait son temps à sourire. Celle là, on les renvoyait chez elles.
 Un homme ne meurt pas du tout comme au cinéma où on le voit tomber dès qu’il reçoit une balle dans la tête. En réalité, il a la cervelle qui gicle et ils courent après en essayant de la retenir, il peut courir ça cinq cents mètres de cette façon. C’est au delà du concevable.

La violence des rapports entre soldats

C’est les nôtres qui m’ont fait le plus souffrir, les « douchs » faisaient de toi un homme et les nôtres faisaient de toi une merde. Ce n’est qu’à l’armée que j’ai compris qu’on pouvait briser n’importe qui, la différence n’est que dans les moyens et dans le temps qu’on a. Tu vois un « ancien » qui a servi pendant six mois, le ventre en l’air, les bottes aux pieds et il m’appelle : . »Lèche mes bottes, qu’il m’a dit, lèche les jusqu’à ce qu’elles soient propres. tu as cinq minutes ». Je ne bouge pas… Alors lui : « le rouquin, viens ici », et le rouquin, c’est un des gars avec qui je suis arrivé, on est copains… Et voilà que deux connards bourrent la gueule du rouquin et je vois qu’il vont lui briser les vertèbres. Il me regarde… Et alors tu commences à lécher les bottes pour qu’il reste en vie et qu’ils ne l’entropie pas. Avant l’armée je ne savais pas qu’on pouvait frapper quelqu’un sur les reins jusqu’à ce qu’il perde le souffle. C’est quand tu es seul et qu’il n’y a personne pour t’aider, alors t’es foutu.

L’impression d’abandon par sa patrie

 Quant à ceux qui nous jugent aujourd’hui, comme quoi nous avons tué… J’ai envie de leur flanquer mon poing dans la gueule ! Ils n’y sont pas allés, eux.. Ils ne savent pas ce que c’est… Ils n’ont pas le droit de juger ! Vous ne pourrez jamais vous aligner sur nous. Personne n’a le droit de nous juger… Personne ne veut comprendre cette guerre, on nous a abandonnés seul à seul avec elle. Qu’on se débrouille, en somme. C’est nous les coupables. C’est à nous de nous justifier. aux yeux de qui ? On nous y a envoyé. Nous avons cru ce qu’on nous a dit. Nous nous sommes fait tuer pour ça. On n’a pas le droit de nous mettre sur le même plan que ceux qui nous y ont envoyés.

Un lieutenant sapeur

Qu’est-ce que je vois en rêve ? un long champ de mines… Je dresse un inventaire, le nombre de mines, le nombre de rangées, les repère pour les retrouver… Et puis je perds la feuille… Et c’était vrai, on les perdair souvent, ou encore c’était les repères qui disparaissaient, un arbre qui avait brûlé, un tas de pierres qui avaient sauté… Personne n’allait vérifier… On avait trop peur… Alors on sautait sur nos propres mines… Dans mon rêve, je vois des enfants courir près de mon champ de mines… Personne ne sait que c’est miné… Je dois crier : »Attention, n’y allez pas ! C’est miné… Je dois rattraper les enfants… Je cours… J’ai retrouvé mes jambes… Et je vois, mes yeux voient de nouveau… Mais c’est seulement la nuit, en rêve. »

Édition Liana Levi, traduit de l’anglais par Franchita Gonzales Battle. 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Sur Luocine, c’est mon deuxième billet sur cet auteur dont j’apprécie l’humour et surtout la concision et la précision des récits. Après « Une canaille et demie » voici donc « Un voisin trop discret ». Après une série de romans américains qui mettent six cent pages à dessiner une intrigue et des caractères, voici un roman de deux cent dix huit pages que je ne suis pas prête d’oublier.

Un couple risque de perturber la vie de Jim, un chauffeur Uber, on devine assez vite, que la vie de ce soixantenaire a dû être un peu compliquée. En attendant, il va aider sa voisine qui vient d’emménager à côté de chez lui : Corina mariée à un soldat Grolsch. et mère d’un petit garçon de quatre ans Après la mort tragique(ô combien !) de son coéquipier, il fera équipe avec Kyle qui bien qu’homosexuel se mariera avec Madison pour l’aider à élever son enfant et ainsi s’assurer une couverture pour faire carrière dans l’armée. Les fils de cette histoire sont incroyablement bien tissés et au passage on découvre les ravages que peut faire une guerre dans la personnalité de ceux qui la font et à qui on donne le droit de tuer. La vie très artificielle dans la base militaire ponctuée par la visite de deux gradés en uniforme qui viennent annoncer la mort du mari soldat, la difficulté des femmes qui élèvent seule leur enfant, et comme je l’ai déjà souligné les conséquences de la guerre en Afghanistan, tout cela en peu de pages (mais tellement plus efficace qu’un énorme pavé) est percutant et si bien raconté !

L’intrigue autour de Jim est très bien conduite avec une fin originale mais cela je vous le laisse découvrir seul, évidement !

 

Citations

La voisine idéale

 Il espérait qu’elle serait aussi calme que la femme qu’elle remplaçait, une étudiante timide de troisième cycle qui faisait de son mieux pour toujours éviter que leurs regards se croisent, l’idée que se fait Jim de la voisine idéale.

La vieillesse

 La pire des choses quand on devient vieux ce n’est pas de se rapprocher de la mort, c’est de voir sa vie effacée lentement. on cesse d’abord d’être insouciant, ensuite d’être important, et finalement on devient invisible.

La guerre

C’est un petit drone caméra, un jouet d’enfant, un rectangle de moins de trente centimètres de long avec un rotor à chaque coin. Pas un vrai drone lanceurs de missile Helfire comme ceux que nous utilisons, pense-t-il. C’est un drone contrôlé à distance par les hadjis du village. Il vole juste au-dessus d’eux et repère les effets du mortier. Grolsch se débarrasse vite de son paquetage et sort son pistolet Glock. Quand il le pointe sur le trône, la minuscule machine s’envole vers la gauche, puis elle revient vite à droite. Ils me voient, pense-t-il. Ils me voient pointer mon arme. Ils voient nos gueules.

Un couple

 Il venait d’une longue lignée de fermiers allemands du Middle-West qui était bon en sport et en travaux des champs, et elle d’une longue lignée de Portoricains vendeurs de drogue, strip-teaseuses et voleurs de voiture. Les opposés s’attirent, jusqu’au jour où ils cessent, sauf que maintenant il a un fils de quatre ans qui courent se cacher, effrayé, chaque fois qu’il rentre de mission.

Édition Gallimard. Traductrice Fanchetta Gonzalles-Battles

Je lis très peu de romans policiers , mais j’avais déjà noté le nom de cet auteur chez Keisha et j’ai vu dans ma médiathèque préférée qu’il avait reçu un coup de cœur de « mon » cher club de lecture. Je me suis donc plongée avec grand intérêt dans ce récit qui se passe à Calcutta au Bengal dominé par l’orgueilleuse puissance britannique. C’est le principal intérêt de ce roman, car la trame policière est assez faible, selon moi, mais j’accepte volontiers ne pas être un bon juge en la matière. La description de la vie en Indes en 1919 est riche en considérations socio-politiques. Le principe de base est : ce qui est bon pour les Anglais ne l’est pas pour les Indiens, en corollaire toutes les façons de faire comprendre aux Bengalis si peu développés que leur seul intérêt est d’accepter la domination des êtres supérieurs que sont les Anglais sont utilisées, de l’humiliation individuelle à la répression de manifestants pacifiques. Et bien sûr toutes les richesses du pays sont entre bonnes mains c’est à dire des mains anglaises ou écossaises. Tout cela, sous un climat très difficile à supporter qui ronge les esprits et les corps de ceux qui sont habitués à la saine fraîcheur de Londres et de sa campagne environnante. Comme dans tout polar, l’enquête est menée par un couple de policiers que l’on retrouvera sans doute dans les autres romans de cet auteur (car il y en a d’autres) : le capitaine Whyndham qui a laissé toutes ses illusions sur l’humanité et sur la couronne britannique dans les champs de bataille de la guerre 14/18 et le sergent Barnejee un Indien partagé par son amour de l’ordre et son amour pour son peuple que l’armée anglais ne pense qu’à mettre au pas. C’est un couple intéressant et je pense que les prochaines enquêtes vont voir les failles de ces enquêteurs créer de nouvelles tensions. Le roman est écrit par un auteur anglais, de parents indiens immigrés en Écosse. Et cela fait tout l’intérêt du livre car, héritier de deux cultures, Abir Mukherjee est loin d’avoir une vue simpliste de ce qui s’est passé dans le pays dont ses parents sont originaires.

Un roman policier comme je les aime, c’est à dire qui permet de comprendre une société avec un regard original.

 

 

Citations

 

Toujours cette façon de se débarrasser des enfants en Angleterre

Hardeley n’était pas différent de la myriade d’autres établissements mineurs qui parsèment les comtés du centre du pays. Provincial par son emplacement et paroissial par son comportement, il apportait une éducation passable, un vernis de respectabilité et, plus important un lieu commode où parquer les enfants de la classe moyenne qu’il fallait caser dans un endroit discret pour une raison ou une autre .

Le style colonial

 C’est une caractéristique de Calcutta. Tout ce que nous avons construit ici est dans le style classique. et tout est plus grand qu’il n’est nécessaire. Nos bureaux, nos résidences et nos monuments crient tous : »Regardez notre œuvre ! nous sommes vraiment les héritiers de Rome. »
C’est l’architecture de la domination et tout cela paraît un tantinet absurde. Les bâtiments palladiens avec leurs colonnes et leurs frontons, les statues, vêtues de toges, d’Anglais depuis longtemps décédés et les inscriptions latines partout des palais aux toilettes publiques. En regardant tout cela, un étranger serait en droit de penser que Calcutta a plutôt été colonisée par les italiens.

Et c’est hélas vrai !

 L’opium n’est vraiment illégal que pour les travailleurs birmans. même les Indiens peuvent s’en procurer. Quant aux Chinois, eh bien nous pourrions difficilement le leur interdire, attendu que nous avons mené deux guerres contre leurs empereurs pour avoir le droit de répandre ce maudit truc dans leur pays. et nous l’avons bel et bien fait. Au point que nous avons réussi à faire des drogués d’un quarts de la population mâle. Si on réfléchit, cela fait probablement de la reine Victoria le plus grand trafiquant de drogue de l’histoire.

Ambiance du matin

 Mieux vaut parfois ne pas se réveiller. 
Mais à Callcutta c’est impossible. Le soleil se lève à cinq heures en déclenchant une cacophonie de chiens, de corbeaux et de coqs, et au moment où les animaux se fatiguent, les muezzins démarrent de chaque minaret de la ville. Avec tout ce bruit, les seuls Européens à ne pas être déjà réveillés sont ce qu’ils sont ensevelis cimetière de Park Street.

Le passage que j’avais noté chez Keisha et qui m’a fait retenir le nom de cet auteur de ce roman policier

 Sur une plaque de cuivre vissée sur une des colonnes on peut lire  » Bengal club, fondé en 1827″. À côté d’elle un panneau de bois annonce en lettres blanches :
ENTRÉE INTERDITE AUX CHIENS ET AUX INDIENS
Barnerjee remarque ma désapprobation.
« Ne vous inquiétez pas, monsieur, dit il. Nous savons où est notre place. En outres, les Britanniques ont réalisé en un siècle et demi des choses que notre civilisation n’a pas atteinte en plus de quatre mille ans.
– Absolument, » renchérit Didby.
Je demande des exemples.
 Banerjee a un mince sourire. « Eh bien, nous n’avons jamais réussi à apprendre à lire aux chiens. »

Les oiseaux

Je suis réveillé par ce que l’on appelle par euphémisme le chant des oiseaux. En réalité c’est plutôt un affreux raffut, neuf dixième de cris stridents pour un dixième de chant. En Angleterre le chœur de l’aube est aimable et mélodieux et ils rend les poètes lyriques pour parler des moineaux et des alouettes qui montent dans le ciel. Il est aussi divinement court. Les pauvres créatures, démoralisées par l’humidité et le froid, chantent quelques mesures pour prouver qu’elles sont encore vivantes puis elles plient boutique et vaquent à leurs occupations. À Calcutta c’est différents. Il n’y a pas d’alouette ici, rien que de gros corbeau graisseux qui commencent à brailler aux premières lueurs de l’aube et continuent pendant des heures sans une pause. Personne n’écrira jamais de poème sur eux.

Édition Belfond. Traduit de l’anglais(États-Unis) par Catherine Gibert .

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Je pensais avoir fait un billet sur « Il faut qu’on parle de Kevin », mais visiblement non alors que j’ai lu . En revanche j’ai chroniqué et peu apprécié « Double-Faute« de la même auteure. Je suis déçue par cette lecture qui pourtant commençait bien : un couple de sexagénaires se trouve à la retraite devoir résoudre la question qui traverse tant de couples : Que faire de tout ce temps libre que l’on doit maintenant passer ensemble, sans le travail ni les enfants ?

La femme était une grande sportive elle a complètement détruit les cartilages de ses genoux à force de courir tous les jours, l’homme au contraire n’a pratiqué aucun sport mais vient de se faire virer de son boulot à la ville car il s’est opposé à une jeune femme noire qui est une spécialiste du « Woke » à défaut se s’y connaître en urbanisme. Le roman commence par son annonce surprenante et qui m’a fait croire que j’allais aimer ce roman : il annonce à sa femme qu’il va courir un marathon. Sa femme vit très mal cette nouvelle passion de son mari. D’ailleurs cette femme vit tout très mal, il faut dire qu’il n’y a rien de très réjouissant dans sa vie. Sa fille est confite en religion et en veut terriblement à sa mère, son fils est délinquant et sans doute dealer, et elle souffre le martyre tout en continuant à s’imposer le maximum d’efforts physiques que son corps peut supporter.
Tout cela pourrait faire un bon roman, mais moi je m’y suis terriblement ennuyée. Comme pour beaucoup d’auteurs nord-américains c’est beaucoup trop long, mais ce n’est pas la seule raison. Cette écrivaine ne sait résoudre les problèmes de ses personnages qu’à travers des dialogues qui s’étirent en longueur. Cela a provoqué chez moi une envie d’en finir au plus vite avec cette lecture. Il faut dire aussi que je n’étais bien, ni avec la femme, ni avec son mari et son coach Bambi absolument insupportable, ni avec la fille confite en religion qui va faire le malheur de tous ses nombreux enfants. Je n’ai toujours pas compris -mais je l’avoue ma lecture a été très rapide à partir de la moitié du roman- pourquoi après tant d’événements qui déchirent ce couple, ils restent ensemble finalement.
Ce n’est donc pas une lecture que je peux conseiller, mais si ce roman vous a plu, je lirai volontiers vos billets.

 

Citations

C’est bien vu

 – Ce qui m’agace à propos de ces expressions subitement ubiquitaires… 
Tommy n’allait pas demander la signification de « ubiquitaire »
– … c’est-à-dire celles que soudain tout le monde emploie, ajouta Serenata, c’est seulement que ces gens qui balancent une expression à la mode a tout bout de champ sont persuadés d’être hyper branchés et plein d’imagination. Or on ne peut pas être branchés et plein d’imagination. On peut être ringard et sans imagination ou bien branché et conformiste.

Bizarreries du couple

 En fait, toute honte bue, Serenata était en train de se servir de leur fille difficile pour réveiller un sentiment de camaraderie entre-eux. Ils s’étaient sentis tous les deux maltraités, avaient tous les d’eux été sidérés par le sombre grief que leur fille entretenait contre eux et tous les deux désespérés de son adhésion à l’Église du Sentier Lumineux, dont les fondateurs ignoraient certainement qu’il s’agissait du nom d’une organisation terroriste péruvienne. Unis dans la consternation, ils n’en demeuraient pas moins unis, et elle ne se sentait même pas coupable d’étaler effrontément l’histoire inconséquente de Valeria pour faire émerger une solidarité. les chagrins devaient avoir leur utilité.