Éditions Christian Bourgeois, mars 2025, 376 pages.
Traduction de l’anglais (États-Unis) par Laura Bourgeois
Dans un précédent article, j’ai évoqué mon plaisir à lire des romans autour de la nourriture et des restaurants, ce livre je l’ai acheté dans une librairie qui fait aussi restaurant (Au chien qui lit à la cale du Mordreuc). Il raconte la douleur d’une jeune femme d’origine coréenne par sa mère, et américaine par son père, qui accompagne sa mère atteinte d’un cancer mortel. La relation à sa mère est compliquée, car celle-ci a beaucoup de mal à exprimer son affection pour sa fille qui va rejeter l’autorité stricte à la coréenne pour devenir plus américaine que n’importe quelle jeune américaine. Mais quand sa mère tombe malade, sa fille se rend compte à quel point sa mère l’a aimée. Cela ne passait par les mots, ni par des câlins, mais par un soucis constant de lui faire plaisir à travers des plats qui demandaient parfois une journée entière de travail. Sa mère savait observer la moindre de ses réactions lorsque sa fille mangeait, son état de fatigue, son besoin de dynamisme, son envie de changement ou au contraire son envie de retrouver un plat de son enfance, et elle adaptait sa cuisine en fonction de tous ces critères.
Lorsque sa mère tombe malade, sa fille va essayer de lui redonner ce que sa mère lui a prodigué toute sa vie, l’amour à travers des plats coréens. C’est compliqué, car cela exige un retour vers une culture qu’elle a repoussée, refusant même de faire l’effort d’apprendre la coréen.
L’intérêt de ce roman est multiple
- L’amour maternel
- La cuisine coréenne et toutes les saveurs qu’elle contient.
- La culture coréenne
- Le parcours d’une jeune fille qui est à cheval entre deux cultures
- L’accompagnement d’une maman atteinte d’un cancer mortel
Michelle a mis du temps à comprendre combien sa mère l’aimait, car en Corée dire qu’on aime son enfant et lui faire des compliments peut lui porter la poisse. Et pourtant cette mère a aimé son enfant au point d’avorter pour pouvoir se consacrer entièrement à sa fille. Elle a échoué à lui transmettre la langue et la culture de son pays mais elle lui a donné l’amour de cette cuisine complexe qui remplit ce roman d’odeurs et de sensations gustatives si bien décrites. La maladie va rebattre les cartes et Michèle va essayer de retrouver la langue de la famille de sa mère.
C’est un beau roman, un peu répétitif à propos des plats coréens mais qui donne, aussi, très envie de les goûter. La maladie et le deuil sont traités de façon originale grâce à l’évocation de la cuisine et cela permet d’alléger un récit qui serait seulement sombre sans cela.
Extraits
Début.
Depuis que maman est morte je pleure dans les rayons du H Mart.H Mart est une chaîne américaine de supermarchés asiatiques. Le H évoque une expression coréenne, « han ah reum » qui signifie plus ou moins les bras chargés de victuailles ». H Mart, c’est le lieu de rassemblement de tous les jeunes venus étudier aux États-Unis car ils y trouvent la marque de nouilles instantanées qui leur rappellera le goût du pays.
Portrait de sa mère.
Elle grignotait peu et ne prenait pas de petit déjeuner. Elle préférait le salé.Je me souviens de toutes ces choses, car c’est ainsi que ma mère témoignait son amour. Pas avec de pieux mensonges ni avec des mots d’encouragement et d’affection. Mais par une observation fine de ce qui apportait de la joie aux autres. Elle conservait cette information soigneusement pour les mettre à l’aise et les choyer sans même qu’ils ne s’en rendent compte. Ceux qui préfèrent le ragoût noyé dans du bouillon, les sensibles au piment, ceux qui détestent les tomates, les allergiques aux fruits de mer, les grands mangeurs, elle n’oubliait rien. Elle se souvenait du banchan dont on avait vidé la coupelle en premier, de sorte qu’au prochain passage à la maison, elle en prévoyait une portion double.
L’ennui des ado dans une petite ville américaine.
Mais la plupart du temps, on se contentait de rouler en écoutant des CD, voire de s’aventurer à une heure de route, jusqu’au lac artificiel Dexter ou à celui de Fern Ridge, juste pour s’asseoir sur le quai et regarder les eaux sombres, noires comme le pétrole dans la nuit, étendue sinistre qui servait d’oreille à l’expression de notre confusion identitaire et émotionnelle.
Le cancer.
Je n’arrivais pas à me faire à l’idée de ce diagnostic. Eunmi était si guindée. Elle n’avait que quarante huit ans. Elle n’avait jamais fumé une seule cigarette de sa vie. Elle faisait du sport et allait à l’église. En dehors de nos rares soirées poulet entre célibataires elle buvait peu. Elle n’avait jamais embrassé personne. Les femmes comme elles ne pouvaient pas attraper de cancer.
Des plats coréens (et je ne les ai pas tous notés !)
Tteokbokki (pourquoi commencer un mot par une double consonne)TangsuyukPojang-macha.Seolleongtang.GochuangSannakji (plat de pieuvre découpée vivante)Banchan.Kimchi de concombreKong paDes feuilles de perillaAnju (encas)Heamul pajeon.Jjajangmyeon.Miyeok muchinSamgyetang.Soondubu jjigaeYukgaejang.Yusanseul.