Édition Acte Sud , traduit du néerlandais (Belgique) par Philippe Noble.

 

J’ai suivi pour cette lecture une de mes tentatrices habituelle : Keisha ! Mais me voilà bien ennuyée car ce petit livre m’a mise en colère. Comme Keisha le destin de ce petit territoire le village de Moresnet, capitale mondiale pendant un siècle de l’extraction du Zinc et qui fut aussi un « pays neutre » ni allemand, ni néerlandais ni belge m’intriguait.

Si vous avez, vous aussi cette curiosité, lisez l’article de Wipédia vous en saurez beaucoup plus , mais ma colère ne vient pas de là , sauf que quand même dans un livre de 60 pages cela prend beaucoup de place pour ce qui me semble être seulement de l’information. Keisha m’a répondu : oui … mais dans le roman, il y a Emil . Pour vous économiser l’achat de ce livre je vous livre la phrase de la quatrième de couverture et vous saurez tout :

Emil Rixen . Né en 1903, cet homme ordinaire changera cinq fois de nationalité sans jamais traverser de frontières : « Ce sont les frontières qui l’ont traversé ».

Avouez que là aussi on se dit voilà un destin intéressant, mais l’auteur n’a pas su nous rendre la vie du personnage intéressant. Il lui a manqué soit un talent romanesque pour faire vivre ce Emil, soit il a voulu rester si près de sa source sans rien déformer qu’il n’a pas pu en dire plus. Peu importe ma frustration était là, et j’ai regretté les huit euros cinquante ( le prix du livre que je veux bien envoyé à qui veut tenter cette expérience du vide !)

Citation

 

Une déclaration prémonitoire sur le contenu du livre

Mais depuis le temps, j’ai appris que les dernières années d’un être humain ne nous apprennent pas grand-chose de sa vie antérieure. De paisibles vieillards peuvent s’avérer avoir été, durant des décennies, de sinistres individus. Avec le temps, de joyeux drilles sont souvent de vieux grincheux. Et un suicide vient parfois mettre un terme à une vie pleine d’exubérance. 

Édition Pocket

Le bandeau me promettait une lecture inoubliable et un roman qui a connu un énorme succès. Même « la souris jaune » en avait dit beaucoup de bien, je dis même car il est très rare que je trouve chez elle des livres à grand succès. Je l’avais remarqué chez « Sur mes brizées« . J’ai été beaucoup plus réservée qu’elles deux. Je trouve que la première partie sur la montée du nazisme en Autriche est bien raconté mais je crois que j’ai tellement lu sur ce sujet que je deviens difficile. Il y a un aspect qui a retenu mon attention, c’est à quel point les Autrichiens ont été parfois pires que les Allemands dans le traitement des juifs. Ils n’ont pourtant été que peu jugés après la guerre pour ces faits. On comprend bien la difficulté de s’exiler, même quand l’étau antisémite se resserre, la famille que nous allons suivre a beaucoup de mal à laisser derrière elle leurs parents âgés et ils espèrent toujours au fond d’eux que cette folie va s’arrêter. Quand ils se décideront à partir au tout dernier moment, les frontières se sont refermées et les pays n’accueilleront plus les juifs. Ils passent donc un moment en Suisse dans un camp assez sinistre. Ils iront finalement dans le seul pays qui a accepté de recevoir des juifs : La République Dominicaine. C’est toute l’originalité du destin de ces juifs qui ont été accueillis dans ce pays si loin de leurs traditions autrichiennes. Dans ce gros roman l’auteure décrit avec force détails l’installation de ces intellectuels dans un kibboutz où chacun doit cultiver, élever les animaux, construire une ferme dans le seul pays qui a accepté officiellement d’accueillir jusqu’à la fin de la guerre des juifs chassés de partout. Nous voyons ces Autrichiens ou Allemands tous intellectuels de bons niveaux s’essayer aux tâches agricoles et de faire vivre un kibboutz et ensuite la difficulté de se reconstruire avec des origines marquées par la Shoa . Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas entièrement adhéré à ce roman. Je n’avais qu’une envie le de finir sans jamais m’intéresser vraiment à ces personnages.

 

Citations

 

Beau rapport père fils

Je ne pus retenir un soupir de soulagement : finalement il n’y avait eu ni affrontement ni querelle. Je lus dans les encouragements de mon père une grande ouverture d’esprit et une tolérance que je ne soupçonnais pas. Ses yeux perçants souriaient et je sentis une puissante vague d’amour déferler et m’envelopper tout entier. Je savais quel renoncement et quels regrets c’était pour lui. J’étais fier de mon père. Il m’aimait. Je ne le décevrais pas.

Vienne

Je ne me sentais pas juif, mais simplement et profondément autrichien. J’étais né dans cette ville, comme mon père et ma mère avant moi. C’était mon univers, dans lequel je me sentais en confiance et en sécurité, et qui devait durer éternellement. L’Autriche était ma patrie, et être juif n’avait pas plus d’importance qu’être né brun ou blond. Bien sûr nous étions juifs, mais notre origine ne se manifestait guère plus qu’une fois par an le jour du grand Pardon, quand mon père s’abstenait de fumer ou de se déplacer, plus pour ne pas blesser les autres dans leurs sentiments que par convention conviction religieuse.

Vienne et ses juifs

Malgré les signaux d’alerte qui ne cessaient de se multiplier, nous nous raisonnions : nous étions si nombreux, quelques 180000 rien qu’à Vienne, et tant de juifs occupaient des positions clés dans l’économie et la culture. Nous étions héros de guerre, artistes, scientifiques, universitaires, médecins, notre pays ne pouvait se passer de nous.

 

 

 

Un petit trésor que cette BD, à lire avec la musique jouée par cet incroyable interprète . La vie de ce musicien hors du commun a déjà inspiré de nombreux ouvrages, le talent de Sandrine Revel nous plonge dans l’univers mental de Glenn Gould à celui qui disait :

Je tenais pour acquis que tout le monde partageait ma passion pour les ciels nuageux. J’ai eu tout un choc en apprenant que certaines personnes préféraient le soleil.

elle a répondu par ces dessins absolument magiques de nuages

Elle raconte très bien à la fois son obsession pour la pureté du son et le respect de la musique. C’est une vie triste mais aussi merveilleuse car habitée par la musique la seule chose qui pour lui avait de la valeur et était sa seule lumière. On retrouve tout ce que l’on sait de cet homme et quand on referme cette BD on pense que c’est si triste qu’il soit disparu trop tôt . Il ne s’est jamais épargné et il a tout le temps mis sa vie en danger par des peurs réelles ou imaginaires.

La BD vaut autant pour ce qu’on découvre de la vie de cet artiste si original que par le talent de la dessinatrice.

Une BD à regarder et un artiste à écouter encore et encore

Édition Folio

 

J’ai certainement suivi l’avis d’un blog pour acheter ce roman, qui n’est vraiment pas pour moi. C’est un très joli texte, écrit de façon poétique. Mais je ne suis absolument pas rentrée dans cette histoire ni dans l’écriture. Ce livre raconte à la fois une histoire d’amour très puissante pour un homme des bois dans une région qui ressemble à la Sibérie. Mais c’est aussi l’histoire des violences dues à la guerre et à l’intolérance des hommes pour des gens différents. C’est aussi l’évocation d’une contrée si rude que l’on peut mourir de ne pas se protéger du froid ou de la force des éléments. Je crois qu’en « livre lu » par une belle voix ce livre aurait pu me toucher mais je ne devais pas, ce jour là, être d’humeur à me laisser portée par les esprits , les guérisseurs, les animaux sauvages qui peuvent avoir des relations avec les hommes. Non, ce jour là, je n’étais pas réceptive à ce roman qui a pourtant de belles qualités.

 

Citations

Pour vous donner une idée du style de l’auteure :

Chez les Illiakov, on se contentait de ce qu’en avait toujours dit la grand-mère, « Ajoute une herbe sèche dans le désert et ce n’est plus le désert ». La mère avait repris ses gestes et ses paroles. Elle les avait à son tour transmis à Olga. La décoction avait un goût de terre. L’haleine d’humus rappelait que sous l’écorce de glace, la glèbe sommeillait, prête à réapparaître. Matin après matin, ce goût nous accompagnait un peu plus loin dans la fonte des neiges. Combien de fois l’hiver l’emportait-il sur le courage ? Combien de fois nous ôtait-il la force de nous lever ? Les ancêtres avaient trouvé des ruses. Déjoué la tentation de l’abandon. « Ajoute une herbe sèche dans le désert et ce n’est plus le désert. »

Les esprits

Immobile auprès d’Igor, je souris dans le vague. Je sais que ma bouche est traversée par une trace grise. On ne revient jamais indemne du Grand-Passage. Il faut bien payer un tribut aux esprits. Je n’en connais pas la nature. Je sens seulement, après chaque rituel, que mon corps pèse si lourd qu’il pourrait s’enfoncer dans la terre. Mes mains pendent au bout de mes bras, plus lourdes que des outres pleines. On dirait que du plomb a coulé dans ma tête. Je souris car j’ai accompli mon devoir mais il me semble aussi que dans ma chaire devenue viande on m’a ôté un peu de vie. Alors Igor pose sa main sur ma tête, ainsi que Baba le faisait, et la régularité de son pouls, l’enserre de ses doigts m’allège de cette pesanteur. Je sors de ma torpeur comme on recouvre progressivement la vue après avoir regardé trop longtemps le soleil en face.

Édition Presse de la Cité. Traduit du japonais par Jean-Baptiste Flamin

 

C’est avec « Treize marches » que j’avais découvert cet auteur et malgré la classification thriller de celui-ci et ses 740 pages je m’étais promis de le le lire. Voilà qui est fait mais je ne suis pas certaine de relire de sitôt un thriller ! Les trois coquillages s’expliquent par ma grande difficulté à lire un roman où le ressort essentiel est dans le suspens. Mais si cela ne vous dérange pas, précipitez vous sur cet énorme roman, car dans le genre il doit être bienfait et le côté « science à peine fiction » fonctionne bien. Pour une fois, le point de vue n’est pas américain mais japonais et ça change pas mal de choses. D’abord sur les révélations des pratiques peu glorieuses des services secrets américains. Par exemple : les lieux de tortures et d’assassinats des personnes soupçonnées de terrorisme, pour respecter les règles du droit américain ces prisons sont dans des pays étrangers. Le plus grand scandale c’est certainement la guerre en Irak qui a laissé cette région complètement dévastée. Un jour où l’autre les États-Unis seront jugés pour avoir déclenché une guerre sous un prétexte qu’elle savait faux. Dans ce roman, il y a quelques personnages positifs des hommes désintéressés qui œuvrent pour le bienfait de l’humanité et qui prennent des risques incroyables pour réussir à créer un médicament qui sauvent des enfants atteints d’une maladie rare, ce sont des scientifiques japonais, et c’est très amusant de voir les rôles habituellement tenus par des américains donnés à de jeunes nippons.
Je dois évoquer le côté science fiction du roman.Un enfants est né dans une tribu pygmée dans la forêt africaine au Congo avec une tête très bizarre mais surtout des capacités cognitives complètement hors normes. Une expédition organisée par la CIA sous la responsabilité directe du président des États-Unis veut absolument liquider cet enfant. Comme tout roman de science-fiction celui-ci repose sur une question intéressante que ferait notre espèce à l’arrivée d’une mutation d’hommes avec des capacités nous dépassant complètement. Dans ce roman tout est mis en œuvre pour la détruire et cela permet de décrire tous les plus mauvais côtés de la puissance américaine, relayée par les pires instincts de violence des humains plongés dans les guerres tribales. Les violences dans les villages africains sont à peine soutenables et hélas elles ne sont pas loin de la vérité. Bref, 750 pages de tensions et d’horreurs de toutes sortes, ce n’est vraiment pas pour moi. Mais je suis quand même contente de l’avoir lu car je trouve que cet auteur pose de bonnes questions, et n’hésite pas à décrire ce qui d’habitude est soigneusement dissimulé. Après la peine de mort du Japon, (dans treize marches) voici les pratiques de la CIA américaine, l’humanité est vraiment loin d’être un havre de paix !

 

Citations

 

Le personnage principal japonais.

Kento n’avait pas décidé de continuer en doctorat parce que le monde de la recherche l’attirait, mais parce qu’il n’avait plus se résoudre à rentrer dans celui du travail. Au contraire, depuis son premier jour à l’université, Kento ne s’était jamais senti à sa place, comme s’il s’était trompé de voie. Il n’avait pas éprouvé une once d’intérêt pour la pharmacie ou la synthèse organique. Comme il ne pouvait rien faire d’autre, il s’était résigné à poursuivre, sans plus. Si rien ne changeait, dans vingt ans, il serait devenu un de ces chercheurs ennuyeux ayant trouvé refuge dans une niche, comme son père.

Les rapports amoureux chez les scientifiques (Humour)

On s’approche, on s’éloigne, sans jamais se heurter. Une vraie liaison de van der Waals.
– Ah, le plaignit Doi. Dommage.
– Et toi, tu as quelqu’un ? Il y a une fille mignonne dans mon labo. Avec elle c’est plutôt une liaison métallique. On bouge comme des atomes dans un groupe sans parvenir à se toucher. 
– Ce serait bien si je pouvais avoir une petite liaison covalente…
-Pareil…

Le danger

Le conseiller scientifique avait mesuré avec justesse l’ampleur de la menace biologique née dans la jungle congolaise. Cette menace c’était « le pouvoir » . Ce qu’il fallait craindre, ce n’était ni la force destructrice de la bombe nucléaire ni le potentiel des technologies et des sciences les plus avancées, mais la puissance intellectuelle qui les engendrait.

La guerre des drones

La brusque onde de choc l’assaillit par-derrière transperça tout son corps, la vague de chaleur et le souffle embrasé le firent voler en avant.

Il tomba la tête la première dans un ruisseau, ce qui lui évita de perdre conscience. Il ne récolta que des éraflures au visage. L’explosion l’avait rendu sourd, il se tapota les côtés du crâne pour tenter de retrouver l’ouîe. Il se releva, se retourna, et là, à cinquante mètres de l’endroit qu’il avait foulé quelques secondes plus tôt, découvrit un gigantesque cratère, bordée d’arbrisseaux aplatis par le souffle.
Yeagger se coucha à plat ventre, dégaina son fusil, sans la moindre idée du point de tir de les nuits. Il leva finalement les yeux, regarda à travers les branches qui recouvraient sa tête, et frémit. L’ennemi était dans le ciel. À six cents mètres d’altitude un Predator, drone de reconnaissance armée, avait lancé un missile antichar Hellfire. Son pilote avait déclenché ses flammes infernales depuis une base de l’armée de l’air situé dans le Nevada : un dispositif de pilotage semblable à une console de jeux lui permettait de manœuvrer cet engin à distance, de l’autre côté du globe.

Ce passage résonne aujourd’hui :

Il y a entraide parce qu’il est lucratif de s’entraider. Un exercice simple : l’aide publique au développement des pays industrialisés n’a d’autre but que de permettre à terme d’investir dans les pays en développement. Tôt ou tard, l’Afrique sera suffisamment développée pour garantir assez de ressources et de consommateurs. Allons plus loin : prenez les traitements médicaux. Dans ce domaine le profit passe avant tout le reste, même dans le développement de traitements contre les maladies graves. Les remèdes aux infections les plus rares ne sont pas développés faute de débouchés assez juteux.

 

J’aime beaucoup cette auteure, au point d’acheter deux fois son livre et de le lire deux fois aussi. Au fur et à mesure que je le lisais, je retrouvais les personnages et l’histoire que j’avais déjà lue, et comme je fais partie de la minorité, si injustement décriée, des lectrices qui adorent qu’on leur raconte la fin des intrigues, c’était le bonheur total. C’est vraiment une lecture distrayante et que vous aimerez si vous avez gardé le plaisir que vous l’on raconte des histoires. Le procédé narratif n’est pas banal , car pour expliquer pourquoi cette mère Tatiana a dû empêcher sa fille Nine d’aller à la fête du lycée, elle doit d’abord l’emmener dans une cabane perdue près d’un lac, où malheureusement aucune connexion n’est possible , mais surtout raconter son enfance et révéler peu à peu les secrets de sa famille. Ceux-ci sont si lourds et si complexes qu’il ne faut surtout pas les révéler trop brutalement, et il faudra bien tout le temps d’un roman, pour que Nine sente combien sa mère l’a aimée plus que tout et qu’avant sa mère, Rose-Aimée sa grand mère avait fait preuve d’un courage incroyable pour que ses trois enfants puissent vivre à l’abri d’un père on ne peut plus destructeur. L’auteure termine son roman quand les différents personnages vont se retrouver et j’avoue que j’aurais bien aimé savoir comment leurs retrouvailles allaient se passer . Mais son histoire est terminée quand tant d’autres la commenceraient.

C’est un roman qui est classé « ado », et oui, je pense que cela peut plaire à des jeunes lecteurs car l’intrigue est bien ficelée, mais surtout l’adolescence est parfaitement décrite. Dans ses excès, ses fragilités et son incroyable sens de l’humour. Et c’est ce qui rend ce roman lisible pour les adultes qui aiment cet âge. Quand elle était jeune Tatiana qui s’appelait alors Consolata a supporté les errances de sa mère qui changeait assez souvent de compagnon. L’auteure décrit très bien les difficultés de l’enfant lorsque sa mère change de partenaire, elle aimait l’ancien et détestait le nouveau qui pourtant a bien des qualité qu’elle découvrira petit à petit. Elle se crée des pères biologiques au gré de ses passions, un célèbre footballeur ou un chanteur de rock Elle ne sait rien des difficultés réelles de sa mère mais une chose certaine elle n’a pas manqué d’amour dans sa vie. À son tour elle aimera de toutes ses forces sa fille, Nine, même si elle ne lui offre pas le dernier IPhone le même que celui de toutes ses amies . D’ailleurs le rapport à l’argent de Tatania-Consolata semble bien compliqué, et on découvrira pourquoi. Rassurez-vous je respecte les anti-divulgâcheuse et je n’en dirai pas plus !

Je crois que j’ai préféré « et je danse aussi » du même auteur mais il est bien dans la même veine que « le temps des miracles » et pour le côté combat des femmes : « Pépites »

 

Citations

Tellement bien vu !

C’est une vieille voiture de marque allemande, le genre de tank démodé qui polluent l’atmosphère depuis la fin du 20e siècle et qui fait honte à la fille assise à l’arrière.
 La fille, c’est Nine, 16 ans la semaine prochaine, cinq cents kilomètres de silence au compteur.

Une autre époque

D’une certaine façon, le monde était plus lent et plus vide qu’aujourd’hui. Chaque chose que nous faisions prenait du temps, réclamait des efforts, mais personne ne s’en plaignait puisque c’était normal. Les photos, par exemple. Il fallait apporter la pellicule chez un photographe pour qu’elle soit développées dans un labo. Parfois, il s’écoulait plusieurs mois entre la prise de vue et le tirage, si bien qu’en découvrant le résultat, on ne se souvenait même plus qui était sur le cliché ! Rien n’était instantané, à part le chocolat en granulés et le café en poudre ! Si tu étais fan de musique, pour écouter ton morceau préféré, tu devais attendre qu’il passe à la radio. Ou bien, tu devais aller acheter le disque vinyle dans un magasin spécialisé. Et si par malheur tu n’avais pas de magasins de disques près de chez toi, tu devais le commander sur le catalogue, ce qui supposait d’attendre encore plus longtemps…

Édition NRF Gallimard. Traduit de l’anglais par Élodie Leplat

J’avais lu des réserves sur ce roman, réserves que je partage, pourtant son premier roman : » Le Chagrin des Vivants » m’avait beaucoup plu, j’étais moins enthousiaste pour « La salle de Bal’ et encore moins pour celui-ci. On suit le destin de trois amies : Hannah qui cherche à avoir un bébé à tout prix, Clare qui se remet difficilement de la naissance de son fils et Mélissa (Lissa) qui veut réussir sa vie d’actrice. Ces trois femmes sont les filles de la génération qui pense avoir libéré la femme des carcans qui avaient tellement pesé sur elles. Libérées ? je ne sais pas si elles le sont mais en tout cas heureuses elles ne le sont pas tellement. Lissa, malgré un succès dans une pièce de Tchekhov, finira par renoncer à sa carrière . Hannah détruira son couple à force de FIV et de traitement hormonaux, et Clare ne sait plus si elle est homosexuelle ou amoureuse encore d’un mari qui fait tout pour l’aider à élever leur fils. L’auteure promène son lectorat dans l’enfance et la jeunesse de ces trois femmes et je lui reconnais un soucis d’honnête très poussé au détriment des effets romanesques trop faciles. Je pense qu’elle cerne bien les personnalités des jeunes femmes à l’heure actuelle , mais c’est loin d’être passionnant. Tout tourne autour de la transmission mère/fille et du désir d’enfant. ( je me suis demandé si l’auteure n’étais pas confrontée à un bébé un peu fatigant quand elle a écrit ce roman). Les difficultés de notre société, et la vie des couples d’aujourd’hui sont très bien rendues, et beaucoup d’entre nous reconnaîtrons leur mère, leur fille, leurs amies. Il n’empêche que cette lecture m’a quelque peu ennuyée et je sais que j’oublierai assez vite ces personnalités sans grand intérêt. Je crois que c’est particulièrement compliqué de rendre compte de la vie « ordinaire » ! ( pas si ordinaire que cela puisque deux d’entre elles sont diplômées d’Oxford !)

 

Citations

 

L’université

C’est là, d’après Lissa, l’enseignement principal de l’Université, comment raconter des conneries avec conviction. Plus la fac est réputée, meilleures sont les conneries.

Droite et gauche en Grande Bretagne

Comparés à ses propres parents, la mère et le père de Cate paraissent jeunes. 
Chez Cate on vote à gauche. Chez Hannah on vote à droite.
 Chez Cate il y a Zola et Updike. Chez Hannah il y a les Reader Digest et l’Encyclopaedia Britannica. 
Le père de Cate fait un métier en rapport avec l’ingénierie. Le père d’Hannah est gardien à l’hôpital Christie.
 Chez Cate il y a de l’huile d’olive. Chez Hannah il y a de la vinaigrette toute prête.

 

 

 

Édition L’Élan . Traduit du suédois par Marguerite Gay

 

Encore une fois , j’ai oublié comment j’ai noté ce roman. Et en plus, de façon suffisamment forte puisque je l’ai même acheté . Finalement je crois qu’il vaut mieux se plonger dans « la saga des émigrants » le livre qui a fait connaître Vilhelm Moberg, mais je ne le ferai sans doute jamais. En lisant cette passion amoureuse racontée dans les moindres détails, je croyais vivre un film d’Ingmar Bergman , tourné au ralenti … Je dois avouer que j’ai fait l’impasse sur quelques pages au milieu du livre tellement il me pesait. Inutile de vous dire qu’on comprend dès le début que cette belle Märit épouse du trop sage et trop gentil Pavel va succomber au charme de Hakan grâce à qui elle éprouve le plaisir physique pour la première fois de sa vie.

Si j’ai acheté ce roman, c’est certainement qu’il promet au delà de la passion amoureuse, une peinture de la société rurale du 19° siècle. C’est vrai on apprend pas mal de détails sur l’organisation foncière de la Suède et la difficulté pour les petits paysans à sortir de la misère. On voit aussi le poids de la religion protestante, peu encline au plaisir physique. Mais cela n’a pas suffi pour m’embarquer dans une lecture plus attentive. On peut même penser parfois à Flaubert ou Maupassant mais à la suédoise donc sans une once de joie ou d’humour : pour moi, un ennui total que la qualité d’écriture n’a pas pu soulever.

 

Citations

 

Le mariage

Il est vrai qu’on ne se marie qu’à deux périodes de la vie : ou avant d’avoir tout son bon sens ou quand on l’a perdu.

L’amour physique

Les hommes et les femmes sont faits pour se donner mutuellement du plaisir par leur corps. Et, pourtant, ils s’écartent sans nécessité l’un de l’autre, tant le prêtre leur inspire la peur de l’enfer et dans l’enfer leur inspire la peur du prêtre. Que de volupté perdues chaque jour dans le monde ! Et dire qu’un pareil gaspillage reçoit des louanges ! Celui qui le premier à prêcher cela était d’une bien grande naïveté !

La femme d’un paysan « gentil » !

Pour lui, elle fait partie de son bétail. Dans cette situation, elle a tout de même eu de bons jours, bien que qu’elle ne les ait peut-être pas appréciés à leur juste valeur. Car il l’a entourée de soins. Il s’est préoccupé de son bien-être. On tient à voir son bétail bien portant et prospère. Il a peur qu’elle ne travaille trop. Celui qui est raisonnable ne veut pas surmener ses boeufs . Il a veillé sur elle d’une manière parfaite. Un homme raisonnable ne laisse pas dépérir ses animaux. Un paysan raisonnable profite de de la santé et des forces de son bétail, il gagnerait moins si ses bêtes se portaient mal ou s’affaiblissaient. Et quand elle était bien disposée, il lui donnait parfois une tape sur la hanche, comme il caressait à l’occasion les flancs d’une jument.

 

 

 

Édition le Nouvel Attila. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Roman très atypique et très loin du monde si rapide de notre époque. Il s’appuie sur un autre roman, celui d’Ernest Pérochon, « Nêne » qui a obtenu le prix Goncourt en 1920. (Je vous mets le lien si cet auteur est tombé pour vous comme pour moi dans les oubliettes.) Ce roman, que je n’ai pas lu, raconte la vie d’une servante à la campagne qui consacre sa vie à élever les enfants de son maître et qui oublie de vivre elle-même. Après la guerre 14/18, les femmes qui viennent de vivre quatre ans en prenant toutes les responsabilités de la vie sociale ont du mal à rentrer dans les anciens schémas. Ernest Perochon est visiblement sensible au statut de ces femmes puisque c’est lui aussi qui a écrit « Les Gardiennes » dont a fait un film en 2017 avec Nathalie Baye et Laura Smet. Et c’est bien là, au-delà de l’intrigue, le thème principal du roman qui se situe après la guerre 14/18 qui a tant marqué les hommes mais aussi les femmes. Ce roman permet de croiser des femmes au destin incroyable comme Madeleine Pelletier et Marie Curie dont l’invention des ambulances avec radio ont permis d’énormes progrès pour soigner les soldats blessés à la guerre 14/18.

Ce roman se divise en trois parties. nous sommes d’abord avec le pasteur du village qui tremble d’un amour coupable pour la belle Gabrielle . C’est la partie la plus longue et qui m’a le plus intéréssée , ensuite vient le temps des Femmes et en particulier celui de la sienne Blanche qui souffre de se sentir trop proche de Nêne l’héroïne du roman grâce auquel elle a appris à lire. Même leur fils Jaques ne réussira pas à l’arracher à sa détresse. Enfin le temps du fils qui vivra lui aussi un grand amour .
Je ne peux pas en dire plus sans vous dévoiler la fin mais vous la devinerez dès la première partie Seulement, je sais maintenant que la majorité des blogueurs et des blogueuses ne commencent pas comme moi tous les romans par la fin. Le suspens ne joue pas un grand rôle dans cette histoire, mais en revanche la vie dans une petite ville dans l’entre deux guerres est bien racontée. J’ai beaucoup aimé l’amitié entre les deux hommes : le pasteur et le curé de ce village. Ils ont à eux deux créé, bien avant 1962 et le Concile œcuménique Vatican II, la réunion des gens de bonne foi qu’ils soient protestants ou catholiques. Un roman hors du temps et dans la lenteur de la vie de village mais aussi dans l’histoire de femmes qui ne veulent plus être ni des suivantes, ni des servantes. Et cela est souligné par un style particulier un rien vieillot qui convient bien à cette histoire. Je n’ai pas lu Ernest Pérochon mais je me demande s’il n’écrit pas un peu comme cela. J’ai essayé d’en rendre compte dans les extraits choisis . Si je n’ai pas mis plus de coquillages, c’est que j’ai trouvé que les trois parties étaient de valeur inégale, et surtout ce qui est vraiment dommage l’intérêt allait décroissant. La première partie est très belle et méritait (selon mon goût) cinq coquillages.

 

Citations

Le changement d’époque et le style imagé de l’auteure

 Il s’imaginait avoir un œil ouvert sur le monde mais ce n’était pas le bon, le gauche. Son iris se concentrait sur un ordre des choses tissé dans l’étoffe d’une nature qu’il croyait éternelle, or la fibre est friable et se délite lorsque sous l’habit on se heurte au moine, ce vieux fossile entravant depuis la nuit des temps l’horizon des femmes. Que certaines puissent être lasses de marcher à l’ombre, il n’y avait jamais songé. Que Gabrielle mérite la lumière, c’est une évidence. Adelphe s’en veut. Il s’en veut d’autant plus qu’il n’est pas frileux, plus maintenant qu’il a vécu la guerre, qu’il a vu l’homme dans le plus laid des bourbiers, déchiqueté, les boyaux a l’air, hurlant comme un goret, alors oui, que le monde bouge mais comme il faut cette fois.

Jolie phrase

 Ainsi vont peut-être certains hommes de père en fils sans la clé des femmes, avec l’incertitude pour seule boussole.

Cette auteure aime les images

En réalité ce soir tout en lui est repu, l’heure est la douceur, il n’est pas d’humeur à égratigner quiconque et assure à sa gouvernante que son pot-au-feu est un véritable délice. Elle répond d’un borborygme ponctué d’un sourire mesquin ; une éclaboussure qui le plonge instantanément dans un court-bouillon désenchanté.

Le pasteur et le curé

Le curé est une vieille connaissance qu’il a un peu délaissé cette année . Pourtant c’est un bon compagnon, toujours partant pour la modernité avec qui il a déjà partagé des bières et deux ou trous déconvenues, des espoirs communs qui n’avaient pas trouvé preneur

 

Édition Jacqueline Chambon. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Gilbert Cohen-Solal.

Un livre d’apparence légère mais qui exhale aussi un parfum de tristesse : Arthur Mineur essaie de se remettre d’une rupture amoureuse en faisant le tour des invitations pour écrivains à travers le monde. Nous suivons donc la tristesse d’un homme amoureux américain qui est souvent maladroit et fait de mauvais choix. Arthur Mineur se raconte lui-même de façon très drôle à l’image de son apprentissage de la langue allemande et la joie d’être,enfin, dans un pays dont l’auteur parle la langue – du moins le croit-il- ses propos se terminent ainsi :

Toujours est-il que Mineur arrive à Berlin et se rend en taxi jusqu’à son appartement provisoire à Wilmerdorf en se jurant de ne pas parler un seul mot d’anglais durant son séjour. Bien sûr, le vrai défi est de parler un mot d’allemand.
Il s’amuse beaucoup et nous fait sourire à propos de toutes ses approximations dans la langue de Goethe, il n’hésite jamais à souligner le ridicule dans lesquelles ses différentes maladresses le mettent souvent. Comme l’image de la couverture  : sa carte magnétique n’ouvrant plus la porte de son appartement, il entreprend de passer par le balcon ! Il scrute avec précision la moindre de ses réactions en particulier sur sa place en tant qu’écrivain. Est-il un écrivain important ? Il n’en est absolument pas certain, d’autant qu’il a vécu pendant longtemps avec un génie de la poésie américaine et qu’il sait bien que lui n’est pas un génie. Et puis il y a cette barre des cinquante ans qu’il doit franchir pendant son périple, on voit alors le problème du vieillissement pour un homme dont la jeunesse a été le principal atout de séduction. La lecture est rendue plus difficile par le changement de narrateur, sans prévenir le lecteur on ne sait jamais si c’est Arthur d’aujourd’hui qui prend la parole ou Mineur l’écrivain connu pour un premier roman et à qui a-t-il donné la parole au dernier chapitre ? je ne peux vous le dire sans dévoiler la fin. Je ne suis pas enthousiaste à propos de ce roman et contrairement aux lectrices du club, je n’aurais certainement pas mis de coup de cœur mais c’est un roman original très agréable à lire.

Citations

Humour

Mineur n’est pas vraiment connu en tant que professeur, de même que Melville ne l’était pas vraiment en tant qu’un inspecteur des douanes. Et pourtant, les deux hommes occupent respectivement ces fonctions.

Un hommage à la traductrice

Mineur se met à imaginer (tandis que le maire marmonne toujours son discours en italien) qu’on a mal traduit, où – comment dire ?- qu’on a comme « super-traduit » son roman, confié à un poète de génie méconnue (elle s’appelle Giulliana Monti), qui a réussi à faire de son pauvres anglais un italien stupéfiant. Son livre a été ignoré en Amérique, on en a à peine rendu compte, sans qu’un seul journaliste ait demandé à l’interviewer (son attaché de presse lui a dit : « L’automne est une mauvaise période »). Mais ici, en Italie, il se rend compte qu’on le prend au sérieux. Et en automne, de surcroît. Pas plus tard que ce matin, on lui a montré des articles de la « Républica », du « Corriere della Serra », de journaux locaux et de revues catholiques, avec des photos de lui dans son costume bleu, fixant l’appareil du même regard bleu saphir, naturel et inquiet, qu’il avait lancé à Robert sur cette plage. Mais la photo devrait être celle de Giuliana Monti, c’est elle, en fait, qui a écrit ce livre .

L’humour et la sexualité

Mais leurs rapports sexuels n’était pas idéaux : Howard était trop directif.  » Pince-moi là ; oui c’est ça ! Maintenant, touche-moi là ; non, plus haut ; mais non, plus haut ! Non, plus haut, je te dis. » Mineur avait presque l’impression de passer une audition pour une comédie musicale.

Je vois bien la scène

Pendant qu’il patiente, une jeune femme en robe de lainage marron pollinise l’un après l’autre des groupes de touristes, avec les mouvements circulaires d’une sorte d’oiseau-mouche vêtu de tweed. Elle se penche sur un bouquet de chaises, pose une certaine question et, mécontente de la réponse, s’élance à tire-d’aile vers un autre groupe.