Comme vous le voyez, il a obtenu un coup de cœur au club de la médiathèque de Dinard

Je comprends très bien ce coup de cœur, car au-delà de l’humour qui m’a fait sourire, il s’y installe peu à peu une profonde tristesse que l’on sent sincère. Ce roman se construit, en de courts chapitres, autour d’événements de cette génération qu’elle appelle « millénium », celle de l’auteur qui grandit avec la coupe du monde de 1998, et la défaite de Jospin au premier tour des élections de 2002. Mais le fil conducteur de ces courts chapitres, c’est aussi son amitié avec Carmen, jeune femme dynamique qui n’a peur de rien, jusqu’au 11 août 2003, date à laquelle une erreur de conduite la rendra responsable d’un accident mortel. Carmen ne pourra pas surmonter sa culpabilité, ni « refaire sa vie » – expression que la narratrice trouve particulièrement vide de sens . Et tout cela au rythme des chansons du groupe ABBA dont l’auteur a la gentillesse de nous traduire les textes. Je ne connaissais pas, mais je trouve une belle nostalgie dans ces paroles.

 

Un roman vite lu, comme les SMS d’aujourd’hui mais qui laisse une trace dans notre mémoire et qui permet de mieux comprendre une génération, dans laquelle les hommes n’ont vraiment pas le beau rôle. Il faut dire qu’enfant son prince charmant était Charles Ingall qu’elle a eu du mal à rencontrer dans sa vie de parisienne de tous les jours ….

 

 

Citations

 

Son père

Quand j’étais petite, je disais à mon père que je voulais devenir « docteur des bébés ». Et lui, au lieu de prendre ça en compte, de me dire quelque chose d’encourageant, genre : « C’est bien », il répondait. « T’es pas assez intelligente pour ça. Toi, il faudrait que tu travailles dans une boulangerie. » Il avait des idées louches. Comme si tous les boulangers étaient bêtes.

Sa mère

Si j’avais le culot de contester une de ses décisions, si j’exprimais un désaccord, j’avais droit à un interminable monologue culpabilisant qui commençait par : « Je te rappelle que j’ai passé vingt huit heures trente sur la table d’accouchement ! Vingt huit heures trente ! » Elle finissait par : « Je me suis battue pour avoir ta garde et je me sacrifie pour t’élever ! Il est où ton père, hein ? Il est où là ? » Elle disait ça en regardant autour d’elle ou en levant les yeux au ciel. Comme si elle le cherchait. »Hein ? Il est où ?. Tu le vois quelque part toi. » 

 (J’en ai rêvé des dizaines de milliers de fois, qu’il sorte de derrière le canapé, ou qu’il rentre par la fenêtre en mode Jean-Paul Belmondo pour lui fermer son clapet. « Abracadabra ! Top top badaboum. Coucou c’est moi ! »)

Sa mère sarkozyste

Entre son divorce, son remariage avec une chanteuse et les affaires dans lesquelles il avait trempé, le nouveau président était au centre de toutes les discussions. 
« On peut pas changer de sujet maman ? J’en fais une overdose !
– T’avoueras qu’il a un certain charisme, il est viril…. Je dis pas qu’il est beau, mais il a un truc… 
-T’es sérieuse ?
– Nan, mais attends, c’est tout de même autre chose que le père Chirac et son pantalon remonté jusqu’aux tétons… »

Art de la formule

C’était étrange, mais elle regardait mon menton. Il fait s’y faire, Sylvia, la mère de Carmen, parle aux gens en les regardant droit dans le menton.

Humour de Carmen son amie

En ce temps-là, mon père était en couple avec Nadine : une Corse qui travaillait dans un bar PMU et louait le studio meublé juste au-dessus de chez lui. 
Elle faisait des permanentes pour se friser les cheveux et les teignait en blond platine. Carmen se moquait tout le temps :  » Ça va ton père ?… Et son caniche ça va ? » Des fois elle demandait : « Ça te fait pas bizarre que ton père il sorte avec Michel Polnareff ? »

La séparation

C’était une punition injuste. Je l’avais quitté, mais il m’y avait poussé avec tant d’ardeur. Ce n’était pas faute d’avoir fermé les yeux, d’avoir résisté. Voilà pourquoi j’ai eu longtemps le sentiment d’avoir « subi » cette séparation. 

Lui, je ne l’aimais plus. 
Mais j’aimais tant ce rêve d’avoir une famille. J’aimais tant l’idée de donner des frères et des sœur à ma fille. J’avais tellement peur qu’une fois de plus on dissocie aussi Papa ET Maman. 
Je me réconcilie à présent avec l’idée que le divorce n’est pas la fin. Il conclut simplement une histoire qui se brise depuis longtemps déjà.

Les musiques de téléphone

L’annonce sur sa messagerie vocale , je m’en souviens très bien , c’était un extrait de mauvaise qualité de »novembre Rain » des Guns N’Roses. Eddy adorait ce groupe de musiciens crasseux et chevelus. Moi, je trouvais qu’il avait l’air de sentir la pisse.
 » De quoi tu parles ? Tu connais rien à la musique !Tu écoutes de la merde ! Abba, sérieux ? Quelle genre de meuf et écoute cette merde ? »
J’ai toujours pensé que les gens qui n’aimaient pas Abba ont le cœur aride, ils n’aiment pas la vie. Les membres du groupe ABBA, eux, au moins, portaient des vêtements propres et pailletés, et donnaient l’impression de sentir la lavande. J’ai toujours pensé aussi que mettre un extrait pourri d’une chanson sur son répondeur, c’est le summum du ringard. (Tout ce que l’on veut entendre sur une messagerie c’est le bip, putain, que ce soit bien clair une fois pour toutes.)

 

 

18 Thoughts on “Millénium Blues – Faïza GUENE

  1. keisha on 27 mai 2019 at 13:22 said:

    J’ai lu un de ses romans précédents, ça faisait bien mouche aussi!

  2. Euh Abba ce n’est pas ma tasse de thé… Je ne le note pas pour l’instant, ton enthousiasme n’est pas assez marqué ! ;-)

    • j’ai honte de dire cela mais c’était juste un nom pour moi, mais j’imagine bien les filles (surtout les filles) danser comme des folles sur ces airs faciles à retenir)

  3. Charles Ingalls au coin de la rue aujourd’hui, c’est pas gagné en effet ! Je n’ai pas encore lu l’auteure, mais je n’hésiterai pas à essayer si je le vois à la bibli.

    • Voilà i faut donner une chance à cette auteure qui sait saisir les moments de notre société à travers des tics de langage et de comportements et en même temps faire réfléchir ses lecteurs Et lectrices.

  4. je suis d’humeur trop morose en ce moment pour lire ce type de roman
    J’ai souri à Charles Ingalls qui fut le héros de mes trois filles pendant quelques temps

    • moi aussi je suis morose, très morose même. Je crois que ce serait mieux de retourner aux classiques comme tu le fais parfois. Ceci dit j’ai rarement lu un livre décrivant aussi bien la culpabilité.

  5. Un roman lu comme des SMS ça ne donne pas très envie je trouve :)

    • moi j’ai des SMS que je garde longtemps sur mon téléphone, ce roman est écrit pas une auteure de cette génération là mais il vaut mieux que ça.

  6. J’aime beaucoup le court extrait de celle qui regarde droit dans le menton. Je connais des gens qui ne savent pas regarder dans les yeux, ils fuient tout le temps, c’est comique lorsqu’il s’agit de timidité.
    Un livre que je retiens.

    • Alors, vous aimerez ce livre plein de tendresse et d’observations assez justes sur cette époque (celle d’Abba) sous une apparence très légère . J’en profite pour expliquer pourquoi je mets autant de « citations » ou d’extraits des livres. Je lis beaucoup et j’étais désespérée d’oublier les livres que j’avais aimés ou non. Grâce à Luocine je retrouve assez vite ce que j’avais pensé du livre et grâce aux citations des pans entiers du roman me reviennent assez facilement en mémoire. Je suis ravie quand je vois qu’un passage plait à un lecteur ou lectrice.

  7. j’aime bien cette autrice mais je tique sur le « roman vite lu, comme les SMS d’aujourd’hui  » :)) A voir…

    • J’ai sans doute eu tort de dire cela. Je voulais montrer la façon moderne de s’exprimer que l’on retrouve dans les SMS.

  8. J’aime beaucoup les extraits, c’est un titre que je me note. Et, de plus, cela me permettrait de replonger dans l’écoute d’Abba !

  9. J’ai lu le premier roman de cette auteure il y a une éternité. J’ignorais qu’elle écrivait encore. A voir donc !

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