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Traduit du norvégien par Terje SINDING.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard
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Deux hommes, la cinquantaine se croisent sur un pont, l’un est au volant d’une très belle voiture et possède tous les signes extérieurs de la réussite sociale, l’autre pêche et semble au bout du rouleau. C’est Tim, et Jim. Ils ont passé leur enfance et leur jeunesse ensemble, à l’époque Jim était destiné à une vie facile et vivait près de sa mère, ces deux là s’aimaient beaucoup, trop peut-être ? Tim, au contraire, a connu le départ de sa mère et les violences d’un père alcoolique qui le frappait sans retenue, lui et ses sœurs. La rencontre est rapide et rien ne se passe, sauf que tous les deux retrouvent leur passé. Par petites touches, en passant d’un personnage à un autre, l’auteur nous présente la vie ordinaire d’une famille détruite par l’alcool et la violence pour Tim, et la vie étriquée chez la mère de Jim écrasée par le poids de la religion. Il n’y a pas de misérabilisme dans la façon de raconter, l’humanité norvégienne qui est aussi la nôtre et notre époque sont toutes entières dans ce roman. Plutôt du côté de ce qui ne va pas, mais pas seulement.

Rien n’est idéalisé, ce qui caractérise le caractère norvégien c’est que la réalité n’est jamais embellie, les personnages préfèrent se noyer dans l’alcool que s’ouvrir à autrui. J’ai vraiment aimé ce roman, bien qu’il soit désespérant, j’ai du mal à comprendre également pourquoi Jim se laisse ainsi aller vers le néant. Je dois avouer que je me sens très étrangère à la psychologie norvégienne, rien n’est complètement expliqué, tout est dans le silence. C’est à la fois très fort et tellement dérangeant, par exemple, que cherchait Tya lorsqu’elle a appelé Tim, son fils de 5 ans, pour qu’il sauve le vieux chien de l’eau glacée ? Que l’enfant se noie ? De tuer le chien ? Et si elle a regretté son geste pourquoi n’a-t-elle pas sauvé elle-même le vieux chien ? Pourquoi a-t-elle appelé son fils qui n’avait pas pied dans cette marre alors qu’elle n’aurait eu de l’eau que jusqu’à la taille ? Aucune réponse à ces questions et à tant d’autres ? Même la fin est une porte ouverte sur ce qui peut se passer après , Tim sera-t-il heureux ? Jim va-t-il vivre ? Vont- ils se retrouver ?

Toutes ces questions sans réponse, ne m’ont gênée qu’une fois le livre refermé, pendant la lecture j’étais bien, même si je me sentais très triste, avec les personnages. Per Petterson est grand romancier, il laisse une trace très originale dans la littérature contemporaine.

Citations

Explication du titre

Je n’étais pas d’accord. Pas du tout. Moi, ça ne m’était pas égal.

– Mais tu peux refuser , ai-je dit

Il a de nouveau tourné la tête vers moi :

– On ne peut pas refuser de mourir, mon ami.

– Bien sûr que tu le peux.

L’absence de lien entre le père maltraitant et son fils

Et il serrait le col de sa veste ; c’était une veste grise, une sorte de blazer ou de vieux veston trop léger, qui semblait provenir de l’Armée du salut. Un pardessus aurait été plus approprié, ou une parka, quelque chose de chaud et de doublé ; il faisait un froid de loup, on était en décembre et il y avait des gelées blanches. Mais je n’ai pas traversé la place de la gare pour rejoindre mon père et lui offrir mon propre pardessus. Faire la paix, pas question. Tendre l’autre joue, non plus.

Retrouver son père alcoolo quarante ans après

– Tu peux pas quitter ton père sans prendre un café, ça fait une éternité qu’on s’est pas vu.T’as pas changé, pourtant. Je le savais ; mon Tommy, il est toujours le même, j’ai dit aux flics.

On ne s’est pas vu depuis quarante ans, comment pouvait-il dire une chose aussi absurde ? Toujours le même, et la batte de base-ball ? Je n’étais plus du tout le même, chaque jour je l’étais de moins en moins. Je changeais vite et pas en mieux.

On en parle

Chez Jérôme et Krol.

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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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Je n’ai visiblement peu de goût pour les romans historiques, et sans ma fidélité au club de lecture, je ne finissais pas ce roman. Tout m’agaçait prodigieusement dans cette relecture de l’histoire d’Aliénor d’Aquitaine et de son mari, le très pieux roi Louis VII. J’en voulais à l’auteure qu’elle fasse d’Aliénor une féministe en révolte contre la religion, avec des traits de caractère beaucoup plus proches du 21e siècle que du 12e.

Et puis, à la fin du roman, en quelques lignes, l’auteur dit qu’on sait si peu de choses sur cette femme qui a pourtant vécu quatre vingts ans, qu’elle a inventé un personnage sans vouloir respecter la vérité historique que, de toute façon, on ne connaît pas. Elle respecte la chronologie et les faits historiques avérés, elle invente les caractères des personnages et les motivations qui les poussent à agir Cela m’a quelque peu réconciliée, avec son texte. Si on ne peut lui en vouloir d’avoir enrichi ses personnages d’une analyse psychologique digne de Freud, on peut par contre aimer se retrouver dans cette époque grâce aux confidences des deux époux et sentir, à travers leurs récits, vivre et surtout souffrir les hommes , les femmes et les enfants du 12° siècle .

Aliénor est donc campée comme une femme dégagée de toute contrainte religieuse, elle devient sous la plume de Clara Dupond-Monod, une femme libre qui veut imposer sa vision guerrière à un roi confit en dévotion. Louis VII, mal aimé de son père, amoureux transi de sa belle guerrière, ne prend les armes que pour lui plaire et aurait préféré régner par la négociation plutôt que par le glaive. Il n’empêche qu’il matera la volonté de Poitiers de s’ériger en ville libre. Il ne tuera que les hommes en laissant vivre les femmes et les enfants ce qu’il ne fera pas à Vitry-en-Perthois où il n’hésitera pas à faire brûler 1300 habitants qui s’étaient réfugiés dans l’église, surtout des femmes et des enfants. De ce massacre horrible, il en gardera une culpabilité qui l’entraînera à faire une calamiteuse croisade pour tuer à nouveau femmes et enfants mais des infidèles cette fois ! Quelle époque sympathique ! Si l’auteure a pris des libertés avec la réalité psychologique des personnages, elle a su faire revivre cette période qui, pour le moins, ne m’attire pas du tout.

Citations

le roi Louis VII

Mon père (Louis VI Le gros) ne prêtait pas attention à moi. Il préférait Philippe. Il aurait pu me comprendre à défaut de m’aimer. Mais ma vocation de prêtre lui échappait complètement. Dès lors, j’ai pu devenir monarque sans crainte puisque j’étais sans modèle. Un père que l’on déçoit, comme c’est reposant.

Aliénor d’Aquitaine

Les chemins sont nécessaires. Ils ne sont pas là par hasard. Ils ont été inventés par l’homme. Ils ont un début et une fin. Ils sont comme la guerre. les chemins et la guerre n’existent que pour leur utilité. Personne ne les entreprend par plaisir. Ils servent. Ils sont des jalons fidèles de notre histoire, et sans eux il n’y a pas de royaume.

Aliénor la guerrière

Regretter un combat est bien pire que de le perdre.

Aliénor méprisant son royal époux

Par moi, il a goûté la haine. Par lui, j’ai découvert la honte. Quel magnifique couple nous formons ! J’aurais tant donné pour marcher à côté d’un roi. Qu’un monarque porte une couronne et un manteau d’hermine, est-ce trop demander ? Maudits soient ces abbés qui effacent les êtres !

On en parle

Peu de critiques négatives sur Babelio.

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Encore un roman que je peux rayer de ma liste. Quel succès sur Babelio ! plus de 617 lecteurs et 137 critiques, très favorables le plus souvent. Je ne connaissais pas l’auteure Lola Lafon, depuis, je l’ai écouté chanter et je lirai à l’occasion ses autres romans. Elle était particulièrement bien placée pour comprendre la vie de Nadia Comaneci : c’est une femme , elle vient des pays de l’est et a vécu en Roumanie. Elle revendique un point de vue féministe et fait très justement remarquer, dans les interviews qu’elle a données à propos de ce roman, que les commentateurs sportifs, le plus souvent masculins parlaient de magie quand Nadia avait un corps de petite fille et n’éprouvaient plus la même « attirance » quand elle a eu un corps de femme. Elle a construit sa biographie, en dialoguant avec l’ex-championne de gymnastique, celle qui est dans toutes les mémoires, pour avoir obtenu le premier 10 en 1976 aux jeux Olympiques de Montréal.

J’ai, dans un premier temps, pensé que Nadia C. avait donné son accord pour que ce livre décrive sa vie ainsi et qu’elle répondait aux questions de sa biographe, grâce à vos commentaires, je me suis rendu compte de mon erreur. En réalité, même si c’est bien un roman à deux voix , c’est Lola Lafon qui les imagine toutes les deux. Cela permet d’exprimer deux opinions. Nadia C. réagit fort pertinemment , à propos des différences en ce qui concerne les entraînements de sportifs de hauts niveaux en système communiste et capitaliste. Elle sait reconnaître également qu’elle est un produit du pays communiste roumains et elle n’a pas, loin de là, que des mauvais souvenirs. Elle mettra du temps à comprendre les abus du pouvoir. En réalité pour qu’une enfant réussisse à ce niveau en gymnastique, il n’y a pas deux systèmes, elle doit d’abord être douée, et son entraîneur savait reconnaître les dons chez les enfants. Il y avait beaucoup de petites Roumaines douées, mais il a su repérer le don unique de Nadia C. Ensuite tout n’est qu’entraînement et travail forcené.

Si la médaille d’or de 1976 est un choc extraordinaire, je trouve que l’on sent encore plus en 1980 le talent de son entraîneur, car Nadia a alors 18 ans, un tout autre corps et sa prestation est parfaite. D’ailleurs, Bella Karolyi recommencera avec le même succès aux États-Unis avec Mary Lou Retton qui apportera à ce pays sa première médaille d’or dans la spécialité . En revanche, on peut vraiment se poser des questions sur la violence des entraînements pour arriver à ce résultat : oui, un enfant peut le faire, et surtout on ne peut atteindre ce niveau que si on est un enfant, mais à quel prix ! Lola Lafon, nous plonge donc dans ce monde impitoyable de la très haute compétition et les ambiances des championnats, en particulier les jeux olympiques de Moscou alors que l’URSS envahit l’Afghanistan. J’ai lu avec grand intérêt cette biographie, alors que je ne m’intéresse pas du tout à ce sport, et cela m’a amenée à changer mes points de vue un peu simplistes sur cette spécialité. (Je me disais qu’il fallait interdire toutes les compétitions aux mineurs, mais ce n’est pas si simple !).

Citations

L’entraînement vu par Nadia

Nadia C. ne fait aucune remarque mais le lendemain, lorsque je lui demande comment elle explique l’obéissance absolue des gymnastes, elle paraît gênée par ce mot, obéissance : « C’est un contrat qu’on passe avec soi-même, pas une soumission à un entraîneur. Moi, c’étaient les autres filles, celles qui n’étaient gymnastes, que je trouvais obéissantes. Elles devenaient comme leur mère, comme toutes les autres. Pas nous ».

Le programme de Bella Karolyi

Il redessine les journées ; 6 heures-8 heures : entraînement. 8-12 heures : école. 12 heures-13 heures : repas. heures-14 heures : repos. 14 heures-16 heures : leçons. 16 heures- 21heures entraînement. 21 heures 22 heures : dîner, leçons et coucher.

Le système communiste roumain

Si vous avez souhaité écrire mon histoire, c’est que vous admirez mon parcours. Et je suis le produit de ce système-là. Je ne serai jamais devenue championne dans votre pays, mes parents n’auraient pas eu les moyens, pour moi tout a été gratuit, l’équipement, l’entraînement, les soins !

 Pour revoir le premier 10 en 1976 aux jeux olympiques de Montréal attribué à une jeune fille (au corps d’enfant) de 14 ans Nadia Comaneci :

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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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Je l’avais repéré en novembre chez Dominique. Je m’étais bien promis de le lire, et je suis ravie de ma lecture. Il a eu un coup de cœur au club de lecture, malgré les réticences de certaines lectrices qui m’ont étonnée. J’ai cru comprendre que le personnage du météorologue Alexexeï Féodossiévitch Vangenheim ne les a pas intéressées. « Ce n’est pas un héros » « Il n’a rien fait d’extraordinaire » … Mais ce sont exactement les raisons pour lesquelles j’ai aimé le travail d’Olivier Rollin. Il a choisi ce personnage parmi les millions de victimes du communisme. Je pense qu’il a été ému par les dessins que ce savant a envoyés à sa petite fille qui avait quatre ans quand il l’a vue pour la dernière fois. Ces dessins sont parvenus jusqu’à lui grâce au livre que sa fille lui a consacré .

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Ensuite, il a lu ses lettres , et toutes témoignent de sa foi en Staline, et dans le communisme. Il voulait qu’on lui redonne son honneur, comme tant d’autres, jusqu’au bout il s’est estimé victime d’une erreur et que si les « bons et loyaux communistes » pouvaient lire ses lettres, il serait immédiatement réhabilité. Ses lettres m’ont fait penser à celles que Dreyfus écrivait de l’île du Diable, lui aussi ne voulait qu’une chose : qu’on lui rende son honneur, lui aussi adressait ses suppliques à l’état major de l’armée qui avait ourdi le complot contre lui. Le météorologue, n’a donc pas vu ou pas voulu voir les excès du stalinisme, il n’a rien d’un héros. C’est un homme brillant, un véritable savant doué pour les arts, la musique, peinture, la sculpture…. Mais voilà , le communisme russe a inventé un système de terreur bien particulier, que l’on soit pour son régime ou contre lui, cela n’a vraiment aucune espèce d’importance, il faut remplir les quotas de prisonniers et de morts.

Heureusement, grâce à l’énergie des descendants, on a fini par retrouver les fosses communes et les circonstances de sa mort sont aujourd’hui complètement élucidées. Il ne s’agissait pas vraiment d’une appendicite comme on l’avait d’abord annoncé à son épouse. Olivier Rollin décrit sa mise à mort avec tous les détails qu’il a pu rassembler, se demandant à chaque fois à quel moment le météorologue a ouvert les yeux sur le système qui le broyait ainsi, pour finalement l’assassiner et jeter son corps dans une fosse cachée au cœur d’une forêt. Comme l’auteur, je me console en pensant que la plupart des commanditaires de ces meurtres abominable seront eux mêmes et fusillés, car lorsque la terreur s’emballe elle a beaucoup de mal à s’arrêter. A la fin de ce livre Olivier Rollin, remercie Nicolas Werth dont je veux lire depuis longtemps les livres, il a réussi à retrouver dans les archives russes ce qu’a représenté l’ordre opérationnel n° 04447 du NKVD qui a fait « disparaître » Alexexeï Féodossiévitch Vangenheim ainsi que 1111 personnes fusillées à Medvejégorsk.

Citations

Les saboteurs

Il y avait encore, à ma droite, du côté des saboteurs, le camarade (pour combien de temps ? ) Roussanov, directeur du chemin de fer Moscou-Bielomorsk (qu’emprunterait bientôt dans un wagon à bestiaux, Alexei Feodossievitch), qui se plaignait de ne pas avoir assez de matériel roulant alors qu’il en avait bien suffisamment, seulement il laissait prospérer les tire-au- flanc de telle façon que les trains n’étaient jamais prêts au départ. Et le camarade ou bientôt l’ex-camarade Joukov était dans le même cas. Et celui du chemin de fer du Sud, qui retardait le chargement du charbon du Donbass.Et les vauriens de la centrale électrique de Perm, alors, qui depuis le début de l’hiver désorganisaient la production par des coupures de courant intempestives.

Un Cadeau venant du Goulag

Aujourd’hui, jour de ton anniversaire, écrit-il le dix-sept décembre, j’ai pensé à t’envoyer un portrait du camarade Staline et une tête de cheval en éclat de pierre. Drôle de cadeau d’anniversaire.

La disparition de 1100 êtres humains

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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
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Pour que le club de lecture fonctionne correctement, il faut que les livres soient lus en moins d’une semaine, les romans courts et incisifs sont donc largement avantagés par rapport aux romans de cinq cent pages où il faut prendre son temps. Et dans celui-ci, Eric Fottorino prend tout son temps pour nous raconter au moins quatre vies.

  • Celle de son enfance chez les Ardanuit à Bordeaux où, jusqu’à l’âge de 10 ans, il sera « le petit » confronté à l’aigreur d’une grand-mère destructrice qui fréquente beaucoup trop les églises, Notre-Dame-des Chartrons entre autre. Tout est mortifère chez elle, un peu comme dans la chanson de Brel « ces gens là »

Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne pense pas, Monsieur
On ne pense pas, on prie

Frida serait Lina sa trop jeune maman du « petit François », elle est très belle et voudrait trouver un homme qui l’aime elle et son enfant.

  • Sa période heureuse, quand Lina se marie avec Marcel Signorelli, un ostréiculteur de la région de La Rochelle, les Signorelli, c’est le midi, le soleil qui chasse tous les miasmes de la bigoterie bordelaise.
  • La fin de sa vie, quand rongé par la maladie de Korsakov ,il s’approprie, au point de croire que c’est la sienne, la vie de Fosco Signorelli qui a dû partir de Tunis au moment de l’indépendance alors qu’il avait fait totalement sien ce fier et si beau pays du désert et de ses habitants.
  • Et par dessus tout cela, celle d’un certain MAMAN dont il est le fils naturel mais qui n’a pas pu ou pas voulu être son père.

Korasakov est une maladie étrange qui est le plus souvent le signe d’un alcoolisme sévère, elle ronge la mémoire à le manière d’un Alzheimer, mais en plus fait adopter au sujet qui en est atteint, une des personnalités qu’il a rencontrée. On peut se demander si tous les écrivains qui s’approprient la vie de leurs personnages ne sont pas, plus ou moins, passagèrement atteints de ce syndrome. En tout cas cela sert bien le roman d’Eric Fottorino. Il peut lui l’enfant sans père, s’approprier la vie de ce grand père d’adoption et nous la faire revivre.

Tout le long du roman, cet enfant qui n’a su dire le mot « papa » qu’à 10 ans découvre que son père biologique s’appelle « Maman » qu’il faut prononcer Mamane. On ne s’étonnera pas que cet enfant soit si attaché aux mots qu’il comprend parfois de travers, on se demande aussi si sa maladie ne vient pas du fait qu’il a dû assumer trois identités. J’ai lu récemment « Chevrotine » du même auteur et assez curieusement on retrouve le même thème dans une partie du roman. L’ostréiculteur au grand cœur, et surtout Carla la seconde femme du narrateur qui ne saura pas aimer Marco le fils pianiste, né du premier mariage, et comme dans « Chevrotine » le père un peu lâche laissera son fils s’éloigner de lui.

C’est donc un roman très dense où les vies se mêlent, j’avoue m’y être ennuyée car il veut brasser trop d’aspects qui n’ont rien à voir ensemble : la vie étriquée de Bordeaux dans un milieu aigri catholique, la vie d’un homme sorti de prison qui se pend , son oncle homosexuel qui se suicide , puis la mafia à Palerme, puis la Tunisie et les combats au moment de l’indépendance. Malgré les 500 pages on a l’impression de survoler et de n’entrer vraiment dans aucune histoire. Mais comme je l’ai dit en commençant , c’est peut-être un roman qu’il faut lire avec du temps mais alors, bon courage ! car le lecteur est souvent entrainé dans les sables mouvants d’une tristesse teintée de culpabilité. Évidemment, on pense à « Chevrotine » .

Citations

La bigoterie

– Il paraît que le père Castelain a le cancer, murmure la vieille je prie pour lui.
– Je priera aussi, renchérit Odette.

D’autres mots fusent à mi-voix. Méningite. Zona. Bile verte.

L’énumération des souffrance ragaillardit les deux vieilles.

Les Ardanuit oublient qu’ils ont passé leur vie à faillir. Failli réussir, failli s’en sortir, failli gagner à la loterie nationale, failli tout racheter, le Château-Gaillard, les terres de Sologne et les étangs à nénuphars, tout. Failli relever le nom et le blason, failli sauver l’honneur et les authentiques couverts en argent. Faili être heureux. Ils se tiennent chaud avec des presque et des peut-être, des demain si Dieu le veut. Dieu ne veut jamais.

IMG_2137 Suivant les conseils de Jérôme , j’ai offert « le grand méchant Renard », toute la famille a bien voulu écrire ce billet :

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Rémi
6 ans : Mon passage préféré c’est quand le renard a dit « on va creuser un trou très profond pour s’enfuir », et c’était des navets, il pensait que c’était les poussins et les a mangés et il a dit « pouah c’est des navets », mais toute la BD est très drôle. J’ai beaucoup aimé que papa me la lise tous les soirs. Je crois que je pourrai le lire tout seul mais ça me prendra du temps. Mon autre livre préféré c’est Anuki à qui lui mettrai 4 coquillages, je préfère « le grand méchant Renard ».

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Jules 9 ans : Je vais résumer l’histoire : « C’est l’histoire d’un Renard qui veut manger des poussins à l’aide du Loup, mais le Loup est terrifiant, il ne peut pas rentrer dans la ferme alors que lui, le Renard, il peut. Du coup, il vole des œufs, alors, voilà, il les vole, il dit « On attend qu’ils éclosent » et le Loup dit :  » Non c’est toi qui les couves », le Renard dit : « Ah bon t’es sûr , on ne peut pas faire un jour toi , un jour moi »  » Non, non  » « Peut-être que ça peut être que moi ? » « Oui oui, je préfère .. » En fait, il les a volés à la Poule. La Poule a dit au Chien de la ferme  » il faut que tu ailles me retrouver mes œufs », en fait le chien il va chercher dans le frigo. Quand la poule les prend, elle dit : « Depuis quand je ponds des œufs avec une date imprimée dessus ? ». La poule lui lance les œufs sur les yeux et le poursuit avec un bâton. Quand les œufs sont éclos le renard dit au loup : « Allez on les mange » « le loup dit ah non on va attendre qu’ils soient plus gras ». Six mois plus tard le loup dit : « Allez on va les manger », et le Renard dit « Ah bon tout de suite », le loup pense que le Renard s’est attaché aux poussins, les poussins ont fait un dessin pour le Renard ,un bouquet… Le Loup veut manger les poussins alors le Renard lui a donné un panier avec des navets à la place des poussins.
Le passage qui m’a fait le plus rire c’est quand la poule dit « depuis quand je ponds des œufs avec une date de « prévention » dessus ». J’ai bien aimé le dessin, il m’a fait penser à Anuki. Je conseille cette BD aux enfants de mon âge, car elle est très drôle, et je lui mets quatre coquillages.
Je mettrai 5 coquillages aux  » légendaires » et  » les Quatre de Baker Street ».

Le papa : j’ai bien aimé raconter cette BD, quand les adultes ont autant de plaisir à raconter une histoire que les enfants l’écouter, c’est plutôt bon signe. Et quand on glousse tous ensemble sur une blague, c’est la confirmation que ce livre a su nous rassembler. Il a fait l’unanimité.

La maman : J’ai beaucoup ri, je pense que les enfants de ma classe « moyenne section maternelle » ne seraient pas sensibles à l’humour, ils poseraient tout le temps des questions, et cela casserait l’humour. Je pense qu’on peut la faire lire vers 6 ans. Les dessins sont très bien. C’est une BD qui rejoint les deux publics, parents et enfants. J’ai beaucoup ri quand le Renard enferme les poussins dans un chaudron parce qu’il ne supporte plus leurs cris. Et puis quand tout est silencieux il commence à s’inquiéter. Il a peur qu’il soient morts, il ouvre le chaudron, les petits poussins dormaient, et… bien réveillés ils recommencent à piailler…

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J’ai cherché à la médiathèque un livre noté chez Jérôme L’incendie par Choplin et Mingarelli.Il n’y était pas, en revanche, j’y ai trouvé plusieurs romans de Mingarelli, dont celui-là. Il s’agit plus d’une longue nouvelle que d’un roman. Trois soldats allemands en Pologne préfèrent partir à la chasse aux juifs que passer leur journée à les fusiller. On les sent fatigués et mal à l’aise de devoir fusiller tant de gens. Ils auraient même eu quelques sentiments pour deux juifs qui avaient, pendant un mois laver et plier leur linge. Il partent donc dans un froid terrible et très bien rendu dans ce texte. Ils réussiront à trouver un juif caché dans un trou en forêt, et dans une scène assez dramatique passeront un certain temps dans une pauvre masure à chauffer une soupe qu’ils partageront avec un Polonais qui déteste encore plus les juifs qu’eux. Ils donneront donc une partie de la soupe chaude au juif pour, semble-t-il, uniquement ennuyer le Polonais.

J’avoue ne pas trop apprécier ce genre de fiction : que les Allemands aient été fatigués de tuer des juifs, qu’ils aient eu mauvaise conscience, et qu’ils se demandent ce que leurs enfants penseront d’eux, ne me semble pas très important au vu du résultat final. Cela me gêne aussi, qu’ils se sentent mieux que ce Polonais et qu’ils supportent mal sa haine des juifs. Mais, je le souligne, ce romancier sait créer une ambiance dramatique à cause du froid et de la faim, ils doivent brûler tout ce qui est en bois dans cette masure pour arriver à faire bouillir une marmite de soupe.

Citation

Formule très évocatrice

Tout à l’heure nous avions traversé un village polonais, triste comme une assiette en fer qu’on n’a jamais lavée.

Le froid

On s’arrêta pour fumer. Autour de nous il n’y avait que des champs immenses. Le vent avait fait onduler la neige, il avait construit des vagues longues et régulières que le froid avait figées depuis longtemps. nous regardions comme si nous étions au milieu d’une mère toute blanche. Au-dessus , c’était pareil, à part là-bas vers l’est, le voile à peine coloré devant le soleil.

On en parle

Tiens tiens, Aifelle avait vraiment beaucoup aimé en 2012.

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Reçu et lu dans le cadre de Masse critique de Babelio

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Loin des divers autofictions ou récits puisant dans une enfance tourmentée, voici une auteure qui s’appuie sur ses connaissances historiques pour inventer le sujet d’une fiction agréable à lire. C’est un livre de bonne compagnie, léger, comme le fut sans doute l’époque : nous sommes en 1928/1929, juste avant la crise boursière qui va secouer les États-Unis, puis l’Europe. Le personnage principal est un chef cuisinier, d’un grand restaurant parisien. Lui, et son ami maître d’hôtel sont des rescapés de la grande guerre, ils ont retrouvé une forme d’apaisement sinon de bonheur en créant un lieu luxueux consacré à la gourmandise ; une façon d’exorciser les souvenirs trop lourds des morts des tranchées. Michelle Tourneur fait vivre dans son roman, des personnages réels de la vie parisienne, comme le couturier et parfumeur Paul Poiret, (le titre du livre vient d’un des flacons de ses parfums), Serge de Diaghilev et les ballets russes, et des personnages de fiction très vivants les commerçants des halles parisiennes, la fleuriste des rues.

L’auteure a choisi ce court instant, où en France, on commence à oublier la guerre, et où les menaces de la prochaine ne sont pas encore là. Elle a donc le temps de laisser vivre une relation entre une riche héritière américaine et le chef du restaurant. Pearl était venue faire des photos elle rencontre l’amour, pour quelqu’un dont elle épousera assez vite la sensibilité. Ensemble, ils se retrouveront dans la recherche du beau. Malgré un certain plaisir et une lecture fluide, je suis restée un peu sur la réserve, autant le cadre, l’atmosphère et les circonstances me plaisaient, autant les personnages principaux me semblaient trop esquissés, on a du mal à les imaginer, ils manquent de consistance. Un des personnages secondaire, un bel Hongrois qui joue merveilleusement du piano, passe comme une ombre, on se demande d’où il vient et pourquoi il a cette destinée. On peut, soit trouver que cette légèreté donne tout le charme au roman, soit, comme moi, trouver qu’il manque de profondeur. Mais dans les deux cas, on appréciera le style parfait de l’auteure et le charme avec lequel elle nous entraîne dans son atmosphère.

Citation

la personnalité de Charles-Henry Chelan

Comme celle (cette histoire) poignante qui voulait que Charles-Henry eût fait graver, à l’envers de tous les marbres utilisés en cuisine, la liste de ceux qu’ils avaient vus disparaître au front. Un mémorial personnel en somme. C’était possible. Rien n’est impossible, rien n’est prouvé. Les mouvements de l’âme primaient en lui dans la hiérarchie des faits. Le patron n’était pas bâti sur le moule commun.

La rencontre amoureuse

Il lui effleura le bras. Le contact de sa peau, son parfum, une senteur tonique lui rappelant celle du buis au soleil, lui donnèrent la sensation qu’un vent chaud avant l’orage s’engouffrait dans le taxi.

 « C’est peut-être ça, l’imprévisible, dit-il remué. Quand le familier devient étranger.

On en parle

beaucoup d’excellentes critiques dans Babelio

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 Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

4
Il a fallu la force de persuasion de ma bibliothécaire préférée pour que je lise ce roman. J’avais gardé un souvenir en mi teinte du « Secret » mais je ne sais plus pourquoi, et surtout je crois que je confonds le livre et le film. Ce roman raconte une amitié de petits garçons qui se poursuit jusque dans l’âge jeune adulte. L’auteur nous fait revivre les années 50 , celles de son enfance et mai 68 époque de sa jeunesse, comme cela se passe à Paris dans un milieu bourgeois où les femmes passent leur temps à jouer au bridge en mangeant des petits fours, ce n’est pas tout fait la vie de tout le monde. Ce roman nous concerne cependant, car Philippe Grimbert raconte très bien l’universalité des comportements humains, des nôtres donc. On aurait pu appeler ce roman, récits des trahisons ordinaires : comme beaucoup d’enfants, Loup, le narrateur, niera de connaître son meilleur ami Mango quand une bande de garnements lui demandera s’il ne connaît pas l’Italien de Fénelon, à l’adolescence Loup espacera les visites à sa tante Nine, qu’il a tant aimé dans sa petite enfance, et plus grave il la trahira au moment de sa à la mort comme il trahira également Gaby, l’amie excentrique qui lui a tant apporté.

Mais ce roman n’est pas un énième roman sur la mauvaise conscience, même si la culpabilité y joue un grand rôle, c’est beaucoup plus un roman sur « la » mauvaise rencontre.Et là, il m’a beaucoup touchée, je sais que chaque mot est exact, ce n’est pas si difficile pour Philippe Grimbert étant donné sa formation et sa profession, mais c’est très bien raconté .

Je sais que beaucoup d’entre vous n’aimez pas qu’on donne les clés de l’intrigue romanesque, alors je ne peux vous en dire plus et ne lisez pas ma dernière citation, qui est trop explicite si vous voulez lire ce roman avec un effet de suspens. Pour moi, c’est l’inverse, je l’ai lu une première fois assez légèrement sans trop m’y intéresser. Avec la clé qui n’est donnée qu’à la fin ou presque, je l’ai relu avec beaucoup plus d’intérêt, j’ai alors décidé de lui mettre 4 coquillages.

Citations

Il y a presque tout dans ce début de roman

Rien n’aurait dû les séparer, croix de bois croix de fer, à la vie à la mort. Il n’y a pas eu de rivalités imbéciles, c’est autre chose qui les a déchirés, quelque chose qui était là depuis le début, mais que personne ne pouvait encore imaginer.

Amitié de petits garçons

Très vite nous avions su que nous allions devenir inséparables, mais, au contraire des filles, les petits garçons ne se disent jamais qu’ils s’aiment : ils se donnent des tapes dans le dos, se poursuivent, se bagarrent.

Jeux de garçons

Nous y mourions aussi, car les petits garçons adorent ce jeu : deux doigts pointés vers l’autre et bang ! Le corps qui s’effondrait en vrille, avec la grimace du cow-boy rencontrant enfin la balle qui lui était destinée… Les petites filles qui partageaient nos jeux se précipitaient et sanglotaient, couchées sur notre poitrine. Nous aimions mourir, elles aimaient pleurer.

La mort

Mais il ne peut plus m’entendre, un raz de marée l’a emporté, avec tout ce qui faisait notre complicité. Du sans-retour, aussi fort que la mort. Alors un nouveau choc, encore plus violent, me fait vaciller. Je viens de comprendre que Mando, l’intègre, l’exigeant Mando, a une fois de plus tenu parole. Ce soir, après toutes ces années et en dépit du silence de ces derniers mois, il est resté fidèle au pacte de notre adolescence, au serment échangé solennellement : le premier qui passe de l’autre côté fait un signe à celui qui reste.

La mauvaise rencontre

On ne devient pas psychotique on l’est . L’apparition des symptômes était souvent le fruit de ce qu’il a appelé la mauvaise rencontre…

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 J’ai trouvé ce roman chez Jérôme, et je l’ai offert à Jules, il a bien voulu écrire un billet pour Luocine.
4
« C’est l’histoire de Camille sa mère est morte et du coup, il vit avec deux pères , leur maison est joyeuse tout le temps. Il est nouveau à l’école , ça ne se passe pas bien, car il dit qu’il a une règle d’or. Donc des élèves le maltraitent car ils veulent lui voler sa règle en or. Alors que sa règle d’or ce n’est pas ça , c’est qu’il dit  : qu’il ne doit jamais faire aux autres ce qu’il n’aimerait pas qu’on lui fasse à lui.
J’ai 9 ans, j’aime bien lire et j’ai trouvé que ce livre était bien pour un enfant de mon âge. Je n’ai jamais rencontré d’enfant comme Camille, mais moi je n’aime pas faire du mal aux autres alors je suis un petit beaucoup comme Camille. J’aimerais bien que mes amis lisent ce livre mais je ne sais pas trop pourquoi. J’ai tout aimé dans ce livre. Je lui ai mis quatre coquillages et voilà deux livres auxquels je mettrai cinq coquillages sans hésiter :
  • Les chroniques de Spiderwick
  • Le journal d’un dégonflé »

La phrase qui me plaît dans le livre

Il ne faut jamais faire quelque chose que nous n’aimerions pas que l’on nous fasse.