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J’avais trouvé cette référence sur un site internet qui recommandait « une année à la campagne ». Les deux livres n’ont rien à voir mais j’ai pensé que si le premier me plaisait pourquoi pas celui-ci. J’ai aimé l’histoire d’amour mais le plus intéressant c’est l’incompréhension de deux personnes : la femme intello citadine et le fermier qui bosse comme un fou. Aucun des deux ne sait, ni ne peut, faire des concessions, ils s’aiment mais ne peuvent vivre ensemble. La fin me surprend : ils feront un enfant ensemble sans avoir résolu leurs problèmes de différences. L’ensemble du roman est drôle et tonique. Comme mes lectures de l’été 2009 étaient plutôt tristounes, j’ai bien apprécié.

Citations

Jamais un point de croix ne franchira ma porte, et il est probable qu’un Käthe Kollwitz ne franchira la sienne. (paroles de Désirée)

 

Je devrais peut-être lui faire cadeau de quelques broderies de maman (paroles de Benny)

 

Elle ne sait même pas préparer des boulettes de viande, ai-je dit.Elle sait seulement lire des livres et parler des théories d’un certain Lacong (paroles de Benny).

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Travail d’historien remarquable à propos de l’hôpital, c’est à dire le lieu où l’on enfermait les enfants abandonnés et les indigents sous Louis XIV et Louis XV. Les parisiens se sont révoltés parce qu’ils pensaient qu’on enlevait leurs enfants pour leur faire subir toute sorte de sévices , le travail minutieux de Marion Sigaut prouve que leurs craintes étaient fondées, et elle nous fait découvrir le traitement réservé aux enfants et aux femmes dans cet hôpital. La lecture des mauvais traitements imposés aux enfants est vraiment insoutenable, j’ai dû souvent arrêter la lecture.

Citations

Si on était « gâtée », c’est à dire syphilitique, le traitement à Bicêtre était obligatoire, et il était le seul moyen de n’en pas mourir rapidement… Le traitement durait six semaines et consistait en saignées, purges, bains prolongés (à quatre dans des baignoires trop petites), frictions à la pommade mercurielle pour faire perdre des litres de salive. Ce traitement de choc provoquait la perte des dents et soudait ls gencives qu’il fallait séparer au bistouri. La diète était sévère, les malades crevaient de faim…

Voici la conclusion

Pour lutter contre ces crimes, il aurait fallu des moyens que personne n’avait. Personne sauf le roi. Louis XIV y avait renoncé pour n’avoir pas à faire porter à ses enfants l’opprobre qui serait retombé sur leur mère. Quant à Louis XV, bâillonné, ligoté par son vice, il était le plus mal placé pour tenter quoi que ce soit contre les trafiquants d’enfants. Après sa mort, la chape de plomb s’abattit sur l’affaire et son successeur dut affronter d’autres problèmes. Et le silence retomba sur les sombres trafics de l’Hôpital général.

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Dominique Fernandez nous entraîne dans une quête : la compréhension d’un père qui a été un mauvais mari, un mauvais père, s’est fourvoyé dans le parti de Doriot, et dans la collaboration, mais a toujours été un critique littéraire de qualité. C’est un livre remarquable et passionnant. On sent toute la douleur de l’écrivain Dominique Fernandez (que personnellement j’apprécie beaucoup). Il a été l’enfant d’un couple qui s’est fait la guerre, et a dû supporter l’infamie d’un père. Il est très honnête dans sa recherche ne charge ni n’excuse son père, cela donne toute la valeur au livre.

Les débats des intellectuels d’avant-guerre sont passionnants, et je n’ai jamais lu une analyse aussi fine du PPF de Jacques Doriot. Le rôle de sa mère, dans l’échec du couple m’a, à la fois, intéressée et troublée. Intéressée : car D. Fernandez est d’une rigueur et d’une intelligence humaine rare. Troublée : car je suis gênée qu’un fils en sache et en dévoile tant sur l’intimité du couple de ses parents. Je préfèrerais alors une œuvre romanesque à un témoignage.

Citations

Tout le problème est là : un enfant a le droit de regarder « sans honte » le visage de son père mort si celui-ci s’est fourvoyé seulement en pensée. Mon père s’est-il borné à écrire dans une presse collaborationniste, ce qui serait blâmable, mais non coupable d’infamie ? Ou peut-on mettre à sa charge des actes indignes de pardon ?

 

L’homme moderne croit offrir ses idées à la société : il n’a que les idées que la société lui offre

 

Mais attendez un peu, je n’arrive pas à le dire, c’est trop dur, trop pénible pour un fils de révéler une action franchement abjecte de son père.