Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Édition Albin Michel

Encore la guerre 14/18 ? Non, pas tout à fait ! Il s’agit ici de la fin de cette guerre et le fait qu’elle a engendré celle qui a suivie, et que, d’après l’auteur, rien n’a été fait pour l’éviter. Antoine Rault mêle à son roman des pages très précises d’analyses historiques, et le lecteur revit avec précision la signature du traité de Versailles.

 

Il sera ressenti comme un « Diktat » humiliant pour tous les allemands. Peu d’entre eux verront dans les années qui suivent l’occasion de fuir la guerre et on connaît la suite l’esprit de vengeance et la folie du National-Socialisme.
Côté romanesque : le personne de Charles-Albert, un soldat amnésique, il sera utilisé par les services de renseignement français pour espionner l’Allemagne, il est à la fois crédible, tragique et attachant. On suit, donc, son parcours, d’abord dans les centres de soins français qui n’ont qu’un seul but dépister les simulateurs. Puis à travers son engagement dans ce qui reste de l’armée allemande, la montée inexorable vers un nationalisme qui va bientôt détruire ce qui reste de la nation allemande. L’état de l’Allemagne après cette guerre que l’armée n’a pas eu la sensation de perdre est parfaitement raconté et même si j’ai trouvé parfois que l’auteur est trop didactique, ses arguments sont imparables et ses démonstrations très convaincantes. Les horreurs de la guerre sont insoutenables et j’avoue avoir découvert ce qui s’est passé, grâce à ce livre, en Lettonie ? Dans les temps actuels, où beaucoup de gens doutent de l’Europe, ce roman permet d’ouvrir les yeux sur les dangers des guerres guidées par le nationalisme c’est donc une lecture que je ne peux que recommander même si la nature humaine apparaît comme bien cruelle qu’il s’agisse des puissants de ce monde qui se jouent de la vie des populations, que des simples soldats qui deviennent des tortionnaires et des bouchers à la première occasion lorsque le droit de tuer leur est donné.

Citations

Les soins aux traumatisés de la guerre

Les poilus appelaient « le torpillage » pour exprimer qu’après s’être fait mitrailler et pilonner dans les champs de bataille, le soldat traumatisé avait droit, en plus, de se faire torpiller à coups de décharges électriques – mais les médecins, eux, parlaient De réalisation ou de galvanisation, suivant le courant utilisé, ça vous avait tout de suite un petit air régénérant, et, bien sûr, ils prenaient soin de préciser que c’était « pour ainsi dire indolore ».
Derrière toute cette approche, une grande idée en ces temps de patriotisme exacerbé et de chasse aux « lâches » , aux embusqués, aux déserteurs : consciemment ou inconsciemment, les traumatisés simulent pour fuir les combats. Le but n’est donc pas de les soigner mais de les renvoyer là-bas. Petite précision intéressante : en France, les traumatismes psychiques dus à la guerre ne sont reconnus comme des blessures ouvrant droit à une invalidité que depuis 1992.

Les banques

Et puis, de toute façon, une banque ne peut pas être un profiteur de guerre puisque la vocation même d’une banque, c’est de savoir profiter en toute circonstance… Une banque fonctionne de la même manière en temps de paix qu’en temps de guerre. On lui confie des valeurs et elle accorde des crédits et contribuent ainsi à soutenir l’économie. C’est très noble, au fond, très noble, en temps de paix comme en temps de guerre. Parfois, Alfred se représentait en Dieu multiplicateur et redistributeur. Il y avait un côté magique, démiurgique, dans son métier, qui le mettait en joie. La banque était le métier le plus… aérien… oui, c’est ça… le plus sublimement éthéré du monde. Bien plus qu’un peintre qui emploie de vraies couleurs ou qu’un écrivain qui utilise des mots pour raconter une histoire, le banquier, lui, n’a recourt qu’à l’abstraction et au sentiment. Pour créer, il compte sur la confiance, sur la crédulité humaine. Un Dieu, donc, un illusionniste, un grand manipulateur.

Cruautés de la guerre pays balte 1919

Avant d’abandonner Riga, les généraux russes ordonnèrent à leurs troupes de mettre à mort des centaines de Lettons qui avaient été jetés en prison parce qu’il était suspecté d’être hostiles aux Soviets. Les soldats refusèrent de se livrer à cette boucherie mais les femmes bolcheviques fanatisées l’accomplir avec une sauvagerie inouïe. Naturellement, « à titre de représailles », comme ils se justifièrent eux-mêmes, les Allemands ne furent pas en reste. Ils fusillèrent non seulement ces femmes criminelles mais près de mille prisonniers. Sans compter bien sûr les tortures, les viols et des pillages. Alors, en représailles de ces représailles, les nationalistes Lettons se livrèrent à leur tour à des atrocités à l’encontre des soldats qu’ils parvenaient à capturer. C’est la vieille loi de la cruauté humaine. La barbarie des uns nourrit et libère la barbarie des autres.

Cliché sur les femmes

Les Parisiennes ont du charme, c’est certain, mais elles rouspètent tout le temps, elles réclament, elles ont des tas d’exigences. Ça doit être ruineux, une française. Et puis, elles sont adorables, coquettes, amusantes, mais elles n’ont pas la beauté racée des Slaves.

 

Édition Actes Sud

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Avec 68 pages Éric Vuillard, exprime toute sa rage et son désespoir face aux révoltes qui ont traversé le XVI° siècle. On est loin de la vision de l’histoire dont j’ai gardé quelques souvenirs de mes années lycée. Les conditions d’extrême pauvreté engendrent des révoltes très violentes. Et quand en plus, les populations sont soumises à une religion qui dans les textes d’origine demande à ses disciples de reconnaître son frère dans le plus pauvre des humains on comprend que certains se demandent : « Où est le vœu de pauvreté dans l’opulence de l’église de leur époque ? ». Et puis, Gutemberg invente l’imprimerie, alors tout le monde pourra lire la Bible dans le texte et constatera que l’église les trompe lourdement. Il n’est plus besoin alors de se soumettre mais bien plutôt de se révolter et de revenir aux sources du christianisme. Livre incandescent et soutenu par un style incantatoire. Il se lit très vite, mais ne s’oublie pas de sitôt. Si l’imprimerie a permis le schisme protestant, c’est bien l’arrivée de l’internet qui soutient les révoltes actuelles. La soumission et la pauvreté engendrent toujours des mouvements violents, ils sont souvent réprimées énergiquement également mais beaucoup moins qu’au XVI° siècle.

Citations

Un homme révolté

John Wyclif eu l’idée qu’il existe une relation directe entre les hommes et Dieu. De cette première idée découle, logiquement, que chacun peut se guider lui-même grâce aux Écritures. Et de cette deuxième idée en découle une troisième ;,les prélats ne sont plus nécessaires. Conséquence : il faut traduire la Bible en anglais. Wyclif – qui n’était pas, comme on le voit, à court d’idées – eut encore deux ou trois autres pensées terribles : ainsi, il proposa qu’on désigne les papes par tirage au sort. Dans son élan, il n’était plus à une folie prêt, il déclara que l’esclavage est un péché. Puis il affirma que le clergé devait vivre désormais selon la pauvreté évangélique. Enfin, pour vraiment emmerder le monde, il répudia la transsubstantiation, comme une aberration mentale. Et, pour finir, il eut sa plus terrible idée, et prôna l’égalité des hommes.

La haine de l’église

Bien sûr, Rome condamna John Wyclif, et, malgré sa parole profonde et sincère, il mourut isolé. Et plus de quarante ans après sa mort, condamné par le concile de Constance, on exhuma son cadavre, on brûla ses ossements. On avait contre lui la haine tenace.

Édition Plon

Un roman historique absolument superbe , je l’avais déjà repéré chez « Aleslire » et Keisha sans pour autant me motiver, et puis, j’ai reçu ce livre en cadeau (et … il fait partie de la sélection de mon club de lecture). Pour moi aussi, c’est un coup de cœur absolu. Tout vient du talent de cet écrivain, Camille Pascal et je me laisserai tenter par ses autres livres tellement celui-ci m’a séduite et embarquée dans une autre époque. Je ne suis pas du tout spécialiste de cette période et si, comme moi les livres d’histoire ont tendance à vous ennuyer, ne soyez pas effrayé par les 646 pages décrivant cet instant où le roi Charle X a dû renoncer à la couronne par pur aveuglement, il faut dire que le prince de Polignac, son ministre l’a bien aidé à tenir fermer des yeux qui ne voulaient pas voir que la monarchie absolue n’était pas possible à restaurer. Pourquoi quatre rois ? Car en quelques jours, la France a vu Charles X abdiquer au profit de son petit fils Le Duc de Bordeaux, mais avant cela, quelques heures seulement son fils, le duc d’Angoulème, aura été le Roi de France le temps de signer son abdication . Et puis, finalement, soutenu par la chambre que Charles X voulait dissoudre, Louis-Philippe deviendra le « roi des français » et acceptera le drapeau tricolore.

Voilà le cadre, mais à l’intérieur de ce décor, on suit pas à pas, les hésitations de Charles X et son départ pour Cherbourg où l’attend le bateau qui l’emmènera en Angleterre. Cet homme est hanté par la mort de son frère Louis XVI. Il est persuadé que ce sont les faiblesses de ce roi qui ont causé sa perte. Hanté par l’image de l’échafaud, il se raidit dans des attitudes qui ne peuvent que l’entraîner vers sa perte. En contre point, à cette cour que rien ne peut éclairer, on voit les très riches bourgeois parisiens manœuvrer pour garder le pouvoir parlementaire même si pour cela il faut libérer les instincts révolutionnaires d’une population miséreuse. À la fin de cet été 1830, Louis Philippe est donc sur le trône de France, grâce à la grande bourgeoisie d’affaires qui effectivement est bien partie pour se développer mais qu’en est-il du peuple ? L’histoire montrera qu’il est plus facile de se débarrasser d’un roi que de la bourgeoisie d’affaires et que des révoltes peuvent être mater plus violemment par les forces de la république que par une armée royale surtout quand celle-ci est composée de mercenaires. Ces journées sont superbement évoquées et il fallait bien 646 pages pour en comprendre toute la portée et sentir l’avenir de la France.

 

Citations

Les odeurs …

 Le roi profita de l’instant pour demander à l’huissier du Conseil d’ouvrir l’une des fenêtres. Aussitôt, l’odeur des orangers vint éteindre celles des parfums de cours, trop musqués.

Motivation de Charles X

L’esprit de la Révolution n’a jamais abandonné une partie de la population. C’est à la monarchie qu’on en veut. Si je cédais, ils me traiteraient comme ils ont traité mon malheureux frère. Sa première reculade a été le signal de sa perte… Ils lui faisaient aussi des protestations d’amour et de fidélité ; ils lui demandaient seulement le renvoi de ses ministres. Il céda, et tout fut perdu … Si je cédais cette fois à leur exigence. Il finirait par nous traiter comme ils ont traité mon frère.

Jolie formule et portrait intéressant

Lui-même n’avait pas été insensible à cette intelligence et à cette vivacité de conversation qui voilait maintenant d’esprit l’affaissement de ses charmes. Cette femme du monde savait être d’excellents conseils et une source inépuisable de renseignements obtenus de première main, qu’elle avait experte. En partageant de temps à autre le lit du duc de Fitz-James, elle tenait la rampe du côté des ultras et des soutiens du ministère Polignac, mais son amitié ancienne avec la duchesse d’Orléans lui ouvrait aussi les portes du Palais-Royal où l’on respire est un air plus libéral. Enfin, sa tendre complicité avec le conseiller Pasquier la plaçait au cœur du juste milieu. Ainsi cette femme de 50 ans, en se tenant à cheval sur les deux Faubourgs, était-elle devenue l’une des plus recherchées et des mieux informées de Paris.

Autre temps autres mœurs

Comment rester un patron digne et respecté aux yeux de ses employés sans droit de vote qui leur permettait de consentir l’impôt et de participer à la vie de la nation ? C’était une honte, un défi au bon sens, un retour à l’ancien régime et à la société d’ordres.

Le luxe en 1830

Casimir Périer salua très aimablement Thiers et Rémuzat qu’il connaissait un peu et fut avec les quatre électeurs d’une amabilité d’homme d’affaires ; il dissimula avec talent le déplaisir qu’il avait à recevoir chez lui des fauteurs de trouble et leur parla comme un livre d’escompte. Ces manières de patricien, le luxe assourdi dont il s’entourait, la coupe parfaite de son habit, l’éclat d’une chemise qui n’avait pu être blanchie qu’à Londres, des souliers glacés au champagne, tout cela émerveillait Thiers et ses amis.

La misère

Jamais le grand référendaire n’avait vu la misère d’aussi près, et elle lui parut bien effrayante. Toute une population d’ouvriers, de gagne deniers, de crève-la-faim, de femmes dépoitraillées , d’enfants morveux, de vieillards édentés toute une gueusaille l’entourait, l’apostrophait, l’agrippait, touchait son beau manteau de velours pourtant taché par la pommade de sa perruque qui n’avait pas résisté à la chaleur et perlait de sa queue de rat sur son col brodé.

Bien dit

À l’hôtel de ville, le marquis de La Fayette s’enivrait de cette popularité qui est à la politique ce que l’encens est au culte des dieux.

 Édition Actes Sud,Traduit du turc par Julien Lapeyre Cabanes

 

Chaque œil qui lit les phrases que j’écris, chaque voix qui répète mon nom est comme un petit nuage qui me prend par la main et m’emporte dans le ciel pour survoler les plaines, les sources et les forêts, les rues, les fleuves et les mers. Et je m’invite sans un bruit dans les maisons, les chambres, les salons. 

Je parcours le monde depuis une cellule de prison.

C’est sur Facebook que j’ai vu passer ce livre, (comme quoi il s’y passe parfois des choses intéressantes !). Pour une fois je vais être impérative et claire : lisez ce livre et faites le lire autour de vous. D’abord parce qu’il faut savoir ce qui se passe sous Erdogan en Turquie, mais aussi parce que c’est l’oeuvre d’un grand écrivain qui sait nous toucher au plus profond de nous. Ahmet Altan est, avant tout, écrivain et il sait qu’aucun mur aussi épais soit-il ne peut tarir sa source d’inspiration et que si ses geôliers, suppôts du régime d’Erdogan, emprisonnent et cherchent à l’humilier l’homme, ils ne pourront jamais éteindre l’écrivain qui est en lui. Il sait, aussi, l’importance pour lui d’être lu par un large public, c’est pour cela que j’ai commencé de cette façon ce billet. Les hasards faisaient que je lisais en même temps un numéro de la revue « Histoire » sur le goulag. Et je me suis fait la réflexion suivante : certes la Turquie va mal, certes cet homme est privé de sa liberté mais ils n’est pas torturé, il peut faire de multiples recours judiciaires, il a pu écrire et peut-être, finalement sortira-t-il de prison, mais c’est loin d’être fait. En attendant il s’est trouvé des avocats assez courageux pour l’aider à faire découvrir ses textes à un très large public international ( partout, sauf en Turquie) . Feuillets après feuillets, mêlés entre les écrits de procédure, les conclusions et les documents de défense de ses avocats, Ahmet Altan a fait sortir son livre de prison, par pièces détachées, avant qu’elles ne soient rassemblées au dehors. Lisez les extraits que j’ai notés pour vous et j’espère que cela vous donnera envie de lire son essai en entier qui est un petit chef d’oeuvre sur l’enfermement, le pouvoir de l’écrivain, et la force de la littérature.

Citations

La prison à vie

À instant où la portière s’est refermée, j’ai senti ma tête cogner contre le couvercle de mon cercueil.

Je ne pouvais plus ouvrir cette portière, je ne pouvais plus redescendre.
Je ne pouvais plus rentrer chez moi.
Je ne pourrai plus embrasser la femme que j’aime, ni éteindre mes enfants, ni retrouver mes amis, ni marcher dans la rue, je n’aurai plus de bureau, ni de machine à écrire, ni de bibliothèque vers laquelle étendre la main pour prendre un livre, je n’entendrai plus de concerto pour violon, je ne partirai plus en voyage, je ne ferai plus le tour des librairies, je ne sortirai plus un seul plat du four, je ne verrai plus la mer, je ne pourrai plus contempler un arbre, je ne respirerai plus le parfum des fleurs, de l’herbe, de la pluie, ni de la terre, je n’irai
plus au cinéma, je ne mangerai plus d’œufs au plat au saucisson à l’ail, je ne boirai plus un verre d’alcool, je ne commanderai plus de poisson au restaurant, je ne verrai plus le soleil se lever, je ne téléphonerai plus à personne, personne ne me téléphonera plus, je n’ouvrirai plus jamais une porte moi-même, je ne me réveillerai plus jamais dans une chambre avec des rideaux.

Dieu et Saint Augustin

Mais cette fois, la lecture de Saint-Augustin m’a mis en rage.
Car il m’est apparu qu’il donnait raison à ce Dieu d’avoir créé la torture, la cruauté, la souffrance, le crime, la cage où j’étais enfermé, autant que les hommes qui m’y avait jeté.
Si je résume grossièrement, dans les limites de mon ignorance, la cause de tous ces mots était le « libre arbitre  » qu’Adam, le premier homme, avait pour ainsi dire inventé en mangeant la pomme.
J’étais donc en prison parce qu’un homme avait mangé une pomme.
C’était Adam créé par Dieu de ses « propres mains », qui l’avait mangée, c’était moi qui me retrouvais en prison.
 Il fallait en plus que je rende grâce au philosophe ?
 J’ai grommelé comme si le vénérable chauve était devant moi il me souriait, avec sa longue barbe, ses vêtements dépenaillés et son air doucereux.
« Dis donc toi, lui ai-je dit, quel est le plus grand pêché : manger une pomme ou mettre toute l’humanité au supplice à cause d’un type qui a mangé une pomme ?
 Puis j’ai ajouté plein de rage :
 « Ton Dieu est un pêcheur.

Les prisonniers

Dans le genre tableau de l’être humain en misérables repris de justice, rien ne valait sans doute cette pathétique procession d’hommes hirsutes et ébouriffés, avec leurs chaussons informes, leurs débardeurs crasseux et leurs pantalons froissés.
Au milieu de cet embouteillages que causait la confusion entre les ordres de marche qu’on nous hurlait dessus et notre maladresse à y obéir, tout ce qui faisait la personnalité extérieure de chacun disparaissait dans une sorte de bouillie humaine sans identité, et personne n’avait plus rien en propre, ni mimique, ni gestes, ni voix, ni démarche.
Dans cette espèce de brouillard grisâtre, la fortune lamentable de notre sort m’apparaissait au grand jour.

les médecins en prison

Et j’ai pensé : Si tu réussi à garder ta dignité même déculotté devant cette femme médecin, alors tu n’auras plus rien à craindre.
Puis elle m’a autorisé à remonter mon pantalon.
En sortant, je lui ai demandé : « Et vous, c’est quoi votre spécialité ? »
La réponse, du genre impérissable :
« Sage-femme. »

Motif de la condamnation à la prison à vie

Dès le début de l’audition nous avons demandé au juge.

« On nous arrêté à cause d’un message subliminal, et maintenant ce chef d’accusation a disparu. Qu’en est-il et pourquoi ? »
La réponse que nous a donné le juge avec un large sourire ironique mérite d’ores et déjà de figurer dans tous les manuels de jurisprudence et d’histoire du droit :
« Disons que nos procureurs aiment employer des termes qu’ils ne comprennent pas. »
En résumé, si nous croupissions depuis douze jours dans les cachots de la police, c’était à cause d’un procureur qui avait pris plaisir à employer un mot qu’il ne connaissait pas ! Le juge ne disait pas autre chose.

Description si vraie d’Istanbul mais de Paris aussi

J’habite dans un quartier où les sultans ottomans, jadis, avaient leur villa d’été, sises au milieu de grand jardin, et qui maintenant n’a plus que de gros immeubles avec de petits jardins… Dans ses jardinets attenants aux immeubles, on peut encore trouver des orangers, des grenadiers, des pruniers et des massifs de rose vestiges d’âge passé… Les descendants des sultans habitent toujours ici.

En prison de haute sécurité totalement isolé

L’unique fenêtre de la pièce, elle est aussi munie de barreaux, donnait sur une minuscule cour de pierre.
Je me suis allongé.
Silence.
Un silence profond, extrême.
Pas un bruit, pas un mouvement. La vie soudainement c’était figé. Elle ne bougeait plus.
Froide, inanimée.
 La vie était morte.
 Morte tout d’un coup.
J’étais vivant et la vie était morte.
 Alors que je croyais mourir et que la vie continuerait, elle était morte et je lui survivais.

Souffrance du prisonnier

Il est impossible de décrire cette nostalgie qu’on éprouve en prison. Elle est tellement profonde, tellement nue, tellement pure qu’aucun mot ne saurait être aussi nu, aussi pur. Ce sentiment que les mots sont impuissants à exprimer, ce sont encore les gémissements, les jappements d’un chien battu qui le dirait le mieux.

 Il faudrait, pour comprendre cette peine, que vous puissiez entendre la plainte intérieur des hommes emprisonnés, or vous ne l’entendrez jamais.
 Ceux qui portent cette douleur en eux ne peuvent la montrer, même a l’être qui leur manque le plus, pire, il l’a dissimule avec un peu de honte.

Encore Dieu

Nous vivons sur une planète où les vivants mangent les vivants. Les hommes ne se contentent pas de tuer d’autres créatures, ils s’assassinent aussi entre eux, constamment. Les montagnes crachent du feu, la terre s’ouvre, engloutit hommes et bêtes, les eaux se déchaînent, détruisent tout sur leur passage, les éclairs tombent du ciel.

Ici me semble résider l’un des paradoxes les plus curieux du genre humain, capable de concevoir que la terre, ce lieu affreux, puisse être l’oeuvre d’une puissance parfaitement bonne, et ainsi démontrer que les hommes sont dotés malgré la barbarie constitutive de leur existence, d’une imagination exagérément optimiste.
Il croit qu’une force à créer tout cela, mais au lieu de s’en plaindre et de la détester, il l’adule plein de gratitude et de reconnaissance.

Les puissants en prison

Je constatais que face à des coups de cette violence là, les gens habitué au pouvoir et à l’immunité sont bien moins résistants que les autres. Pour ces gens-là que le destin a toujours fait graviter dans les hautes sphères, la chute est plus brutale, l’atterrissage plus douloureux. Psychologiquement, la violence du choc les détruit.

Édition Dialogues 

Je sais que j’ai trouvé le nom de cet auteur dans la blogosphère, j’espère que celle ou celui qui me l’a fait connaître se manifestera afin que je puisse mettre un lien vers son blog. Et cela n’étonnera personne c’est chez Keisha que j’ai trouvé ce petit bijou. Depuis, Sylire m’a envoyé son billet intéressant égalememnt.

Je suis amenée à lire beaucoup de recueils de nouvelles pour mes lectures à haute voix dans une résidence pour personnes très âgées. C’est très compliqué de trouver des nouvelles qui conviennent à la fois à ce public et à mes capacités de lectrice. J’élimine les histoires trop violentes et trop glauques, ainsi que toutes les nouvelles qui se passent dans des maisons de retraite (curieusement ce thème fait florès dans le genre, d’ailleurs dans ce recueil il y en a une que je ne leur lirai pas : « La révoltée des quatre saisons »). J’écarte également des nouvelles que j’aime beaucoup où il n’y a pas vraiment de fin, qui sont comme des petits moments suspendus dans le vide. Je ne suis pas assez bonne lectrice pour en donner toute leur saveur. Ainsi que les nouvelles trop courtes qui donnent un peu le tournis à mon public. Nos préférées sont celles qui nous font rire mais elles sont rares nous avons passé de bons moments avec « les racontars » de Jorn Riel et la « vengeance du wombat » de Kenneth Cook .

 Bref, ces nouvelles sont des petits chefs d’oeuvre. Cet écrivain a une sensibilité qui correspond exactement à ce que je recherche. Jamais dans le jugement, ce médecin comprend ses patients et sait nous les rendre sympathiques. Sauf l’horrible M Kervert qui j’espère se reconnaîtra dans cette nouvelle afin que son crime silencieux ne reste pas totalement impuni. J’ai eu plusieurs coups de cœur la plus souriante et qui a fait sourire mon public : « le ventre de Clémentine » la scène de la morsure du ventre par le médecin scientifique français pour chasser le mauvais esprit qui a envahi les rêves de la femme noire est irrésistible. J’ai aussi beaucoup aimé « Le Bistrot » et la sensibilité avec laquelle ce médecin aborde l’addiction à l’alcool. Je vous ai mis quelques passages pour vous donner envie d’aller lire ces nouvelles. Ma préférée qui résonne si fort en moi que j’ai eu du mal à contrôler mon émotion c’est sans doute  » Docteur Schumann ». Aucune de ses nouvelles ne m’a déplu et comme elles ont un fil conducteur : « la relation du malade et de son médecin » , c’est facile de passer de lune à l’autre. Un vrai coup de cœur que j’espère partager avec vous.

Citations

Bistrot

« Depuis la mort de son fils de quinze ans dans un accident de moto , mon ami Jean Lentour s’abandonne à la boisson . Je compte sur toi. »
 La lettre était brève mais suffisamment éloquente pour que j’imagine l’ampleur des dégâts . Elle était signée par l’un de mes fidèles confrères. Je la repliai et me sentit immédiatement désarmé. Comment contrecarrer une telle souffrance , comment imaginer faire contrepoids à un tel processus de destruction ? Je savais toutefois qu’en matière d’alcool, l’avenir restait imprévisible. Avec certains maux, il faut se contenter d’être là, juste pour en limiter les nuisances.

Le bistrot

« Ce café , me dit-il un jour , c’est ma bouée ». La présentation de ce lieu comme moyen thérapeutique finissait par m’agacer. Pour avoir soigner beaucoup de patients alcooliques , je n’étais pas dupe de la fausse complicité entre piliers de bistrot , et de cette prétendue chaude ambiance où l’on se détruit en groupe dans une incroyable solitude.

La fin

Un samedi matin , me dit il , il faisait particulièrement beau . Je m’apprêtais à partir servir comptoir lorsque mon épouse , qui n’a jamais manifester la moindre exigence m’a proposé : « Et si, aujourd’hui, nous allions ensemble au marché ? »
Je ne sais pourquoi , je n’ai pu résister à sa demande . Je me suis brutalement réveillé et rendu compte de l’amour de la femme qui était à mes côtés . Je lui avais fait vivre l’enfer . Elle aussi avec perdu son fils . Pendant que je dérivais dans l’alcool , elle avait tenu bon , attendant mon retour. Vous ne me croirez peut être pas, mais depuis ce jour, j’ai retrouvé la paix.

Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard

Sur Michel Hoellebeck , on lit tellement d’avis et en particulier sur ce roman qui semble avoir prévu les attentats de Bali de 2002, que je n’ai pas hésité à le choisir quand la bibliothécaire l’a mis au programme de notre club dans le thème « tourisme » . Il a tellement sa place, dans ce thème ! (Pour justifier ma photo, oui, il parle de Dinard et même de ma plage – une ou deux phrases, mais elle y est !) Depuis « les Particules Élémentaires », je continue à le lire régulièrement, sans être déçue, même si parfois il me rend très triste. J’avais bien aimé « La carte et le territoire » et depuis longtemps, je voulais lire « Plateforme ». C’est, comme toujours chez lui , une analyse assez froide des comportements de nos contemporains, il s’agit ici du tourisme, mais pas seulement. Aussi de la façon dont notre société adule l’argent pour l’argent. il s’amuse à nous décrire certains excès des installations d’art contemporain. Il montre à quel point la violence peut devenir incontrôlable dans les banlieues. Il se fait une piètre idée de l’Islam et n’hésite pas à l’écrire. Et surtout, il fait une description très détaillée du plaisir sexuel sous toute ses formes. Le héros tombe amoureux d’une Valérie plus jeune que lui lors d’un voyage en Thaïlande, il travaille au ministère de la culture, où il organise des expositions toutes plus bizarres les unes que les autres, son père meurt, il a donc quelques dispositions financières. Valérie travaille pour le tour-opérateur qu’ils avaient choisi et il va l’aider à monter des concepts de voyages plus rentables. Le héros et les deux autres personnages importants Valérie et son chef Jean-Yves se rendent compte que lors des voyages organisés la seule chose que désirent les touristes c’est avoir des relations sexuelles , autant les prévoir par le Tour-Opérateur qui se nommera « Aphrodite ».

Tout le talent de cet écrivain , c’est d’aller juste un peu plus loin, et parfois pas tant que ça de nos comportements et donc ces occidentaux qui viennent « baiser » loin de chez eux trouveront tout ce qu’ils veulent sauf que …. un terrible attentat en 2002 en tuera plus de deux cents d’entre eux. Ne cherchez pas de condamnations morales ou des jugements de valeur, on a l’impression que rien ne le choque ; Michel Houellebeck décrit ce que tout le monde peut voir ou connaître. Dans un style particulier qui peut sembler assez plat, il accroche son lecteur, (en tout cas moi) sans aucun autre effet qu’une histoire très bien racontée et un point de vue d’une honnêteté absolue, mais comme toujours assez triste car très désabusé sur la nature humaine.

Citations

Le bonheur et les voyages

J’ai passé ma dernière journée de congé dans différentes agences de voyages. J’aimais les catalogues de vacances, leur abstraction, leur manière de réduire les lieux du monde à une séquence limitée de bonheurs possibles et de tarifs, j’appréciais particulièrement le système d’étoiles pour indiquer l’intensité du bonheur qu’on était en droit d’espérer. Je n’étais pas heureux, mais j’estimais le bonheur, et je continuais à y aspirer.

Du Houellebeck tout pur

« Je n’ai rien à attendre de ma famille, poursuivit-elle avec une colère rentrée. Non seulement ils sont pauvres, mais en plus ils sont cons. Il y a deux ans, mon père a fait le pèlerinage de la Mecque ; depuis, il n’y a plus rien à en tirer. Mes frères, c’est encore pire : ils s’entretiennent mutuellement dans leur connerie, ils se bourrent la gueule au pastis tout en se prétendant les dépositaires de la vraie foi, ils se permettent de me traiter de salope parce que j’ai envie de travailler plutôt que d’épouser un connard dans leur genre. »

Je partage cet avis sauf pour l’alcool et les cigarettes

Prendre l’avion aujourd’hui, quelle que soit la compagnie, quelle que soit la destination, équivaut à être traité comme une merde pendant toute la durée du vol. Recroquevillé dans un espace insuffisant et même ridicule, dont il sera impossible de se lever sans déranger l’ensemble de ses voisins de rangée , on est d’emblée accueilli par une série d’interdictions énoncées par des hôtesses arborant un sourire faux. Une fois à bord, leur premier geste et de s’emparer de vos affaires personnelles afin de les enfermer dans les coffres à bagages -auxquels vous n’aurez plus jamais accès, sous aucun prétexte, jusqu’à l’atterrissage. Pendant toute la durée du voyage, elles s’ingénient ensuite à multiplier les brimades, tout en vous rendant impossible tout déplacement, et plus généralement toute action, hormis celles appartenant à un catalogue restreint, dégustation de soda, vidéos américaines, achat de produits duty free. La sensation constante de danger, alimentée par des images mentales de crash aérien, l’immobilité forcée dans un espace limité provoquent un stress si violent qu’on a parfois observé des décès de passagers par crise cardiaque sur certains vols long-courriers. Ce stress, l’équipage s’ingénie à le porter à son plus haut niveau en vous interdisant de le combattre par les moyens usuels. Privé de cigarettes et de lecture, on est également de plus en plus souvent, privé d’alcool.

Et vlan pour les profs de français

J’avais appris qu’elle était prof de lettres « dans le civil », comme disait plaisamment René ; ça ne m’avait pas du tout étonné. C’était exactement le genre de salopes qui m’avaient fait renoncer à mes études littéraires, bien des années auparavant.

 

Qui d’autre que Houellebecq à le droit d’écrire cela

Il y avait également deux Arabes isolés, à la nationalité indéfinissable -leur crâne était entouré de cette espèce de torchon de cuisine auquel on reconnaît Yasser Arafat dans ses apparitions télévisée.

Intéressant

Les seules femmes dont je parvenais à me souvenir, c’était quand même celles avec qui j’avais baisé.Ce n’est pas rien, ça non plus ; on constitue des souvenirs pour être moins seul au moment de la mort.

L’évolution de la société

Nous vivions en résumé dans une économie mixte , qui évoluait lentement vers un libéralisme plus prononcé, qui surmontait peu les préventions contre le prêt à usure – et , plus généralement , contre l’argent- encore présentes dans les pays d’anciennes traditions catholiques. Certains jeunes diplômés d’HEC, beaucoup plus jeunes que Jean-Yves, voire encore étudiant, se lançaient dans la spéculation boursière, sans même envisager la recherche d’un emploi salarié. Ils disposaient d’ un ordinateur relié à Internet, de logiciels sophistiqués de suivi des de suivi des marchés. Assez souvent, ils se réunissaient en club pour pouvoir décider de nous de mises de fonds plus importants. Ils vivaient sur leur ordinateur, se relayaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ne prenaient jamais de vacances. Leur objectif à tous était extrêmement simple : devenir milliardaire avant trente ans.

L’art contemporain

Je travaillais alors sur le dossier d’une exposition itinérante dans laquelle il s’agissait de lâcher des grenouilles sur des jeux de cartes étalés dans un enclos pavé de mosaïques -sur certains des carreaux étaient gravés des noms de grands hommes de l’histoire tels que Dürer, Einstein,Michel-Ange. Le budget principal était constitué par l’achat des jeux de cartes, il fallait les changer assez souvent, il fallait également de temps en temps, changer les grenouilles. L’artiste souhaitait, au moins pour l’exposition l’exposition inaugurale à Paris, disposer de jeu de tarots, il était prêt, pour la province, à se contenter de jeux de cartes ordinaires

 

 

Édition Stock

Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard

Autant je n’avais pas apprécié la précédente lecture de Laurence Tardieu, « Un temps fou » , autant celle là m’a intéressée. Pourtant ça commençait assez mal, car encore l’univers de cette femme et de sa famille que sa fille a fui me semblait bien loin de mes centres d’intérêt. Et puis peu à peu , le roman s’est densifié et le récit de cette journée pendant laquelle Hannah pense atteindre l’apogée de la souffrance et qui verra aussi Lydie sa meilleure amie souffrir à son tour, a été beaucoup plus riche que je ne m’y attendais. Cette belle amitié entre ces deux femmes donne un ton plus optimiste au roman et en fait un des charmes pour moi. Le drame d’Hannah , tient en peu de mots : sa fille Lorette a décidé de rompre sans aucune explication avec sa famille. Ce deuil qui n’en est pas un, est d’une violence qui depuis sept ans ronge Hannah, artiste peintre qui n’arrive même plus à peindre. En remontant dans le temps, on comprend à la fois l’histoire de sa famille dont les grands parents ont été exécutés en 1942 parce qu’ils étaient juifs et de l’actualité du monde de 1989 à aujourd’hui. Hannah a vécu dans la liesse (comme nous tous) l’effondrement du mur de Berlin, puis a été terrifiée par la guerre en Bosnie. Sa fille qu’elle aime d’un amour fusionnel, perd peu à peu confiance dans cette mère qui est une véritable écorchée vive et qui s’intéresse trop aux malheurs du monde. Le roman se déroule, donc, sur une journée , le matin Hannah croit voire ou voit réellement Lorette sur le trottoir d’en face, toute sa journée elle revit les moments de crise de sa famille et elle sait qu’elle doit téléphoner à Lydie qui l’a invitée à dîner avec des amis, elle se sent incapable de retrouver son amie. Finalement, elles se retrouveront mais pas exactement comme l’avait prévue Lydie. Hannah va sans doute recommencer à peindre ce qui est la fin la plus optimiste qu’on puisse imaginer. Je ne peux en dire plus sans divulgâcher l’intrigue. Les deux ressorts du roman sont le mélange de l’actualité et de la vie personnelle, et l’hérédité du malheur des gens qui ont été touchés par la Shoa, la souffrance de cette mère privée de sa fille sert de cadre à ces deux fils conducteurs. Un bon roman, bien meilleur en tout cas que mes premières impressions.

 

Citations

 

Description si banale des couples qui s’usent.

Tout s’était délité sans qu’il s’en aperçoive. Il se rappelait pourtant avoir été très amoureux lorsqu’il l’avait rencontrée, à trente ans. Elle, sociologue, jeune femme rousse à la peau pâle, au rire presque silencieux, au regard obsédant (enchantement dont il avait fini, après plusieurs mois, par identifier l’origine : un très léger strabisme, dont on pouvait difficilement se rendre compte à moins de fixer longtemps les deux yeux, et à l’instant même où il avait compris ce qui depuis des mois le rendait fou, le regard gris-vert avait perdu de sa magie) et que tous ses copains lui envoyaient. Lui, jeune cancérologue passionné par son métier, promis à un brillante à venir. Oui, la vie avait été belle, et joyeuse, et sexuelle,avec Claire. Que s’était-il passé pour qu’aujourd’hui les rares paroles qu’ils échangent concernent des pots de yaourt, le chauffagiste à faire venir, la litière du chat ? Que s’était-il passé, d’atrocement banal, qu’il n’avait pas vu se former, et contre quoi aujourd’hui il ne pouvait plus lutter, comme si Claire et lui avaient commencé, il y a bien longtemps, et alors même qu’ils ne le savaient pas encore, à glisser le long d’une pente, et qu’il n’y avait aujourd’hui plus de retour en arrière possible, plus de possibilité de bonheur ?

Le drame de la famille

Hannah, alors tout jeune adolescente, avait soudain vu, effarée, le visage de cette tante d’ordinaire silencieuse et discrète se tordre, comme si la peau devenait du chiffon, et les larmes rouler sur ses joues, et elle avait entendu, ils avaient tous entendu, la brève phrase demeurée depuis comme un coup de tonnerre dans la nuit, dont Hannah se demandait parfois, à force de l’avoir répétée mentalement pendant des années, si elle ne l’avait pas inventée : « De toute façon, s’ils avaient pu tous nous faire disparaître, ils l’auraient fait. On est restés là David et moi cachés dans notre trou, à les regarder partir pour la mort comme des chiens, on est restés là, impuissants, à les regarder partir. »

La mort

Tu vois, ce qu’il y a de très violent lorsque meurt quelqu’un qu’on a beaucoup aimé, c’est qu’au début, on a le sentiment de perdre cette personne, de la perdre réellement. On ne peut plus lui parler, on ne peut plus la toucher, on ne peut plus la regarder, se dire que cette couleur lui va bien, qu’elle a le visage reposé… On ne peut plus l’entendre rire… Mais ensuite, avec le temps, si on se souvient d’elle, si on se souvient d’elle vraiment, je veux dire si on se concentre pour se rappeler le grain exact de sa peau, la façon qu’elle avait de sourire, de parler, l’expression de son visage lorsqu’elle vous écoutait , la manière qu’elle avait de poser une main sur votre épaule, d’enfiler un manteau, de découvrir un cadeau, de piquer un fou rire, alors c’est comme si on parvenait à faire revenir cette personne du royaume des morts, à la faire revenir doucement parmi nous, mais cette fois : en nous. Elle ne fait plus partie des vivants, elle ne déambulera plus parmi nous, mais elle occupe désormais notre cœur, notre mémoire. Notre âme. C’est un petit miracle, une victoire acquise sur la disparition.

Son père lui parle

Ce qui est arrivé un jour de printemps 1942 et qui s’est produit sous mes yeux n’en finit pas de nous faire sombrer, de nous aspirer, on croit que c’est arrivé à mes parents un jour de l’année 1942 et ça continue à nous arriver, ça continue à nous arriver à nous tous, Hannah, à moi, à toi, à Lorette, comme si la déflagration ne s’était jamais arrêtée … Ce jour-là la nuit est entrée dans toutes les vies de notre famille, les vies présentes et celles à venir. Je crois, Hannah, je crois que nos corps se souviennent de ce qu’ils n’ont pas vécu, de ce qui a assiégé ceux qui nous ont mis au monde, nos corps se souviennent de la peur, ils se souviennent de l’effroi..

 

 

 

Je sais que je dois cette lecture à un blog, mais j’ai hélas oublié de noter son nom . Si je le retrouve, je mettrai immédiatement un lien.

Ce livre est un essai du fils du « sauvé », Georges Heisbourg pour cerner la personnalité de son « sauveur » le baron von Hoiningen. C’est une plongée très intéressante dans la deuxième guerre mondiale et en particulier dans le nazisme. L’auteur s’attelle à une tâche rendue complexe par la personnalité du baron qui n’a jamais raconté ce qu’il a fait pendant la guerre et qui ne s’est jamais glorifié de quoi que ce soit. « Un taiseux » et un « hyper » discret nous est donc présenté par quelqu’un qui ne veut surtout pas romancer cette histoire. Au passage, je me suis demandé si ce n’était pas là un trait de la haute société luxembourgeoise, car le père de l’auteur n’a pas raconté grand chose non plus. Et si l’auteur se plaint de n’avoir qu’une photo du baron, il ne met aucune photo de son père dans ce livre. Les sources d’archives proviennent surtout de l’Allemagne, car la Gestapo avait la manie de tout écrire pour faire des dossiers sur tout le monde et ce militaire haut gradé et noble avait tout pour finir pendu. Il n’a dû son salut qu’à sa fuite au dernier moment de la guerre, alors que l’armée allemande reculait sur tous les fronts. Mais cela n’empêchait pas la Gestapo de lancer ses sbires à la recherche du fugitif soupçonné à juste titre d’avoir des accointances avec les conjurés qui ont essayés en vain d’assassiner Hitler. Tout ce qu’a fait ce baron est bien analysé et s’appuie sur des témoignages de ceux qui ont profité de son engagement. Tous le décrivent comme un homme « bien ». Mais alors pourquoi sa propre famille ne veut pas témoigner ? Par pudeur ? De crainte de révéler un secret ? L’auteur comme le lecteur en est réduit aux hypothèses. Enfin, le livre se termine sur une réflexion à propos du bien . C’est intéressant de voir que même dans le pire système, il y a des individus qui ne feront pas exactement ce que des tortionnaires au pouvoir attendent d’eux. C’est ce que l’auteur définit comme ‘la banalité du bien » qui est en chacun de nous . Alors que » la banalité du mal » expression si mal comprise d’ Hannah Arendt est le fait d’êtres sadiques et dépravés qui se cachent derrière des êtres dont l’apparence et la vie sont banales.

Citations

Le recrutement nazi

L’une des forces du Nazisme sera hélas d’avoir su recruter aux deux extrêmes du spectre des compétences : d’un côté les brutes menacées de déclassement , profil largement répandu chez les Gauleiter, de l’autre les surdiplômés, notamment dans les disciplines juridiques, qui aurait réussi dans n’importe quel système et que l’on trouvera souvent chez les SS, spécialement dans les Einsatzkommandos exterminateurs sur le front de l’Est.

Je ne savais pas ça !

Un pasteur proche de la branche national-socialiste du protestantisme, les tenant du « Deutscher-Christ » (un Jésus non pas juif mais aryen)

Cet étrange Nazi

En ligne de résultats : Franz von Hoiningen a contribué à tirer au moins 574 Juifs, (964 avec « le dernier convoi ») des griffes des nazis au Luxembourg, dont de l’ordre de 470 vers un naufrage définitif hors d’Europe. Les recherches les plus récentes estime à 890 le nombre total des Juifs du Luxembourg qui ont pu quitter l’Europe occupée pendant la guerre : plus de la moitié de ces sauvetages définitifs doivent être attribués, au moins entre autres, au baron.

Un luxembourgeois conservateur : son père.

Un conservateur luxembourgeois, c’est d’abord quelqu’un qui soutient l’existence même du grand-duché et de la dynastie grand-ducale. Nonobstant l’influence culturelle allemande et la langue allemande dans le pays, et spécialement à travers une église alors puissante, ce nationalisme est davantage antiprussien et antiallemand qu’antifrançais ou qu’antibelge. L’épisode de 1914/1918 avait eu pour effet de conforter ce positionnement. Mon père avait par ailleurs pris goût pour la culture et la langue françaises, d’où son choix d’entamer ses études supérieures à Grenoble et à la Sorbonne, à à l’époque, il n’y avait pas d’université au grand-duché, et les bacheliers pouvaient choisir de poursuivre leurs études en Belgique, en France ou en Allemagne. Réactionnaire, il l’était, mais démocrate aussi et affichera donc ses sentiments pro-Alliés pendant la drôle de guerre.

La banalité du bien

Pourtant, ils sont mis par une combinaison assez similaire d’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction. Ce ne sont pas des cyniques. La formule « noblesse oblige » ne s’applique pas au pied de la lettre, puisque seul Hoiningen fait partie de cette confrérie là : pourtant elle paraît résumer leur approche de la situation exceptionnelle dans ces années de feu. Aussi, on ne manquera pas de souligner l’importance capitale de la transmission éthique dans nos sociétés, transmission qui implique aussi une certaine compréhension de notre passé.

le cas de la Pologne et de la Hongrie

Des pays comme la Pologne où la Hongrie ne parviennent pas à apaiser leur relation au passé de la guerre froide en partie parce qu’ils n’ont fait que très imparfaitement leur travail de mémoire par rapport aux drames de la Seconde Guerre mondiale.

Appel au témoignage

Il y a une immense noblesse à faire le bien, surtout si cela implique de tourner le dos au système de croyances de son clan, de sa tribu. Cependant, l’action doit être prolongée par sa narration. Le taiseux baron, mais pas seulement lui, n’y était pas porté. Il est temps d’en parler. Et, en parlant, peut-être susciterons- nous d’autres vocations : des langues de proches se délieront, des archives familiales ou publiques s’ouvriront. En d’autres mots, et en retournant l’adage familier : pas seulement des actes mais aussi des paroles. Telle est la condition d’une transmission durable.

 Homère, pour autant qu’il est réellement existé, paraît avoir été de cet avis. Qui lui donnerait tort trois mille ans plus tard ?

Édition le Seuil

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Après « la villa des femmes » et « l’empereur à pied« , voici ma troisième lecture de ce grand écrivain libanais. Ce texte est très court et les chapitres qui le composent font parfois moins d’une demi-page. Le titre dit beaucoup sur cette biographie : Raphaël Arbensis aurait pu, en effet mener des vies bien différentes. L’auteur sent que sa destinée tient plus du hasard et de la chance que de sa propre volonté. Ce sont des idées bien banales aujourd’hui mais qui, au début du XVII° siècle, sentent l’hérésie pour une élite catholique toute puissante et peu éclairée. Elle vient de condamner Galilée et donc, regarder, comme le fait le personnage, le ciel à travers une lunette grossissante relève de l’audace. L’auteur ne connaît pas tout de la vie de cet aventurier du pays des cèdres comme lui, mais malgré ces périodes d’ombre qu’il s’empêche de remplir par trop de romanesque, il sait nous rendre vivant ce personnage . Le plus agréable pour moi, reste son talent d’écrivain : grâce à son écriture, on se promène dans le monde si foisonnant d’un siècle où celui qui voyage prend bien des risques, mais aussi, est tellement plus riche que l’homme lettré qui ne sort pas de sa zone de confort. Chaque chapitre fonctionne comme une fenêtre que le lecteur ouvrirait sur la société de l’époque, ses grands personnages, ses peintres, sa pauvreté, ses paysages. Un livre enchanteur dont les questionnements sont encore les nôtres : qu’est ce qui relève de notre décision ou de la chance que nous avons su plus ou moins bien saisir ?

 

Citations

De courts chapitres comme autant de cartes postales du XVII° siècle

Chapitre 6
Il fréquente aussi les lavandières qui lavent le linge dans le Tibre . Il fait rire et les trousse à l’occasion. À cette époque , les rives bourbeuses du fleuve sont envahies par les bateliers , et les teinturiers y diluent leurs couleurs. Nous sommes dans les premières années du pontificat d’Urbain VIII. La colonnade du Vatican n’est même pas encore dans les projets du Bernin, Borromini n’a pas encore construit la Sapienza, le palais des Barberini s’appelle encore palais Sforza et la mode des villas vénitienne intra-muros commence à peine. Mais il y a des chantiers et l’on creuse des allées et des voies. Des peintres et des sculpteurs habitent en ville. Le Trastevere et un village séparé de la cité, cette dernière n’a pas la taille de Naples, mais depuis le bord du fleuve on voit les dômes de Saint-Pierre et le palais Saint-Ange. Les grands murs du temps de l’Empire sont toujours debout, roses et briques parmi les cyprès et les pins, et sous la terre dorment encore bien des merveilles. Un jour de 1625, sur la place du Panthéon, un larron interpelle Raphaël pour lui vendre quelque chose en l’appelant Monsignore. Ardentis s’arrête, méfiant, le larron rit en découvrant une horrible rangée de dents abîmées et lui indique sa brouette sur laquelle il soulève une petite bâche. Avensis se détourne du spectacle de l’affreuse grimace du mendiant pour regarder ce qu’il lui montre et là, au milieu d’un bric-à-brac fait de clous, de chiffons, de morceaux de plâtre et de divers outils abîmés, il voit une tête en marbre, une grande tête d’empereur ou de dieu, le front ceint d’un bandeau, les lèvres pulpeuses, le nez grec et le cou coupé, posé sur le côté, comme lorsqu’on dort sur un oreiller.
Chapitre 27 un des plus courts
Dans le ciel, il y a toujours ces grands nuages blancs qui se contorsionnent tels des monuments en apesanteur, qui prennent des postures fabuleuses et lentement changeantes comme les anges et les êtres séraphiques improbables de Véronèse.

Á travers une longue vue les personnages regardent Venise et le lecteur croit reconnaître des tableaux

Une autre fois, il voit un homme buvant du vin à une table sur laquelle, en face de lui, une femme nue est accoudée qui le regarde pensivement, le menton dans la main. Il voit un maître de musique près de sa jeune élève devant un clavecin, il voit une table un globe terrestre dans une bibliothèque déserte et un jour, dans ce qui semble une chambre à coucher, il voit une femme en bleu, peut-être enceinte, debout et absorbée dans la lecture d’une lettre.

Le hasard ou le destin

Nos vies, écrit-il, ne sont que la somme, totalisable et dotée de sens après coup, des petits incidents, des hasards minuscules, des accidents insignifiants, des divers tournants qui font dévier une trajectoire vers une autre, qui font aller une vie tout à fait ailleurs que là où elle s’apprêtait à aller, peut-être vers un bonheur plus grand si c’était possible, qui sait ?, mais sans doute souvent plutôt vers quelque chose de moins heureux, tant le bonheur est une probabilité toujours très faible en comparaison des possibilités du malheur ou simplement de l’insignifiance finale d’une vie ou de son échec.

 

 

 

 

Édition LA TABLE RONDE

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Qui aurait pu imaginer que je lise avec autant de passion une biographie de Jeanne d’Arc ? Sandrine et Dominique peut être, et d’autres sans doute, qui avaient mis des commentaires élogieux sur leur blog et qui semblaient prêts à se lancer dans cette lecture… Cet auteur a un don, chaque livre est un cadeau car ils nous transportent dans un univers qui n’est pas le nôtre et que pourtant nous connaissons. Quelles connaissances avais-je de Jeanne : Bergère à Domrémy … entend des voix … Pucelle… délivre Orléans… fait couronner le roi Charles VII à Reims… brûlée sur la place publique à Rouen. C’est peu ! mais si on réfléchit, c’est déjà beaucoup. J’en sais beaucoup moins sur Charles VII qui pourtant a été roi de France. J’ai détesté les statues la représentant que je voyais dans les églises du temps de mon enfance et encore plus sa récupération par un parti qui n’a guère ma sympathie.

Malgré toutes ces remarques, je savais que je lirai cette biographie puisqu’elle avait été écrite Par Michel Bernard dont j’ai tant aimé « Les forêts de Ravel » et  » Deux remords de Claude Monet« . Aucune réserve sur ce roman qui a été couronné du prix du roman historique en 2018. Il nous plonge au XV°siècle dans une époque terrible pour la France, les Bourguignons sont alliés avec l’Angleterre et ces deux puissances réduisent le royaume de France à un très petit territoire. C’est dans ce contexte, très bien rendu par l’auteur que s’inscrit l’épisode de Jeanne d’Arc, qui par sa bravoure et son assurance a rendu le courage aux troupes du roi. C’est raconté avec une économie de moyens étonnante, ce qui fait la preuve qu’un bon roman historique n’a pas forcément besoin de milliers de pages pour faire comprendre beaucoup de choses même si la situation est complexe. Le plus frappant chez Jeanne, c’est sa détermination, et le fait que grâce à cela elle s’impose à tous ceux qui l’ont connue de près même les horribles soudards chefs de guerre. Les autres traits de son caractère même s’ils nous étonnent aujourd’hui sont plus ordinaires pour son temps : son immense piété qui s’accorde bien avec celle de son roi, son courage et sa bravoure au combat, à cette époque, on se tue et on se fait tuer avec plus ou moins de panache. Mais là, il s’agit d’une femme enfin d’une Pucelle, c’est à dire un peu plus qu’une enfant et un peu moins qu’une femme. Une femme héroïne de guerre et dominant les hommes, il y a peu d’exemples dans l’histoire de l’humanité et en plus elle a permis à la France de retrouver son énergie pour bouter les anglais hors des frontières de son pays. Elle a mal fini, certes, mais quand même un court moment on a pu croire que la domination (nom féminin) pouvait changer et devenir l’apanage des femmes.

 

Citations

Première rencontre avec Baudricourt

Des folles, des illuminées, il en avait vu des dizaines depuis quinze ans qu’il commandait la place au nom du roi, mais comme celle-là, qui non seulement lui demandait une lettre de recommandation et une escorte pour la conduire sur la Loire, auprès de son souverain, mais prétendait qu’il lui donnerait, à elle , cette gamine, l’armée à conduire, ça jamais il n’avait connu. Les extravagants couraient les rues et la campagne en ces temps calamiteux. La guerre, la famine et les épidémie les faisaient sortir de nulle part, pulluler et brailler sur les places les carrefours et jusqu’aux porches des églises, chaque fois en se réclamant de Dieu, de la Vierge et de tous les saints.

Le portrait de Jean d Orléans

Jean d’Orléans l’avait vue à Chinon et il avait encouragé le roi à l’écouter et tenter le coup. Il n’était pas sûr qu’elle parviendrait à délivrer la ville, mais sa promesse, en versant l’espoir dans le cœur des gens, l’aidait à tenir. C’était déjà ça. Le roi lui avait confié la défense de ces murs. C’était son affaire, puisque le fief de la famille se trouve et là, et que Charles d’Orléans et son autre demi-frère étaient détenus en Angleterre. Il n’avait que 27 ans, mais c’était aussi l’âge du roi. Assez vieux pour s’être beaucoup battu, il avait non seulement du courage, chose commune chez les gens de guerre, mais de l’instruction, du jugement et de la mesure. Sa bâtardise empêchait que lui soit donné le commandement de l’armée, mais il avait l’estime du roi et de ses pairs qui cherchaient ses avis. Lui aussi avait décelé dans la paysanne de Domrémy ce qui faisait le plus défaut en France, la foi, le désintéressement et le sens d’une grandeur retrouvée. 

Des formules bien trouvées

Le commandant de l’armée anglaise Lord Glasdale, était préoccupé. Les affaires prenait mauvaise tournure. Mécontents de leurs alliés, les Bourguignons avait retiré leur force du siège à la fin de l’hiver. L’entente entre les deux puissances, celle qui faisait bouillir le bœuf et celles qui le mouillait de vin rouge, s’était refroidie.

Un autre portrait et un soldat vaincu par le charme de Jeanne d’Arc

La Hire, de la gueule dirigeait sa compagnie, des yeux suivait sa Pucelle et le grand guerrier qu’il avait dévolu à sa sauvegarde. Le capitaine le plus brutal de l’armée française se montrait le plus attentif à son intégrité. Dans la furie du combat, s’il la savait près de lui, il ravalait ses jurons, ce qui lui coûtait plus que de renoncer à achever un Anglais à terre. Cela aussi, au nom de Dieu, elle l’avait interdit

L’aspect très religieux de Jeanne et de l’époque

Dans cette petite ville sur le Cher , en lisière de la forêt de Sologne, se trouvait une des grandes abbayes du royaume. D’Alençon considérait l’appui logistique que les moines pourraient apporter à un grand rassemblement d’hommes et de chevaux , Jeanne pensait au soutien spirituel que les saints hommes dispenseraient à une armée de pêcheurs. La débauche ne pourrait se donner libre cours dans un pays bâti et labouré par les hommes de Dieu. C’est par la vertu que nous vaincrons, répétait Jeanne, car c’est elle qui donne au bras sa force et à l’épée son tranchant.