Éditions La Table Ronde , 177 pages, aout 2025

Traduit de l’anglais par David Fauquemberg

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’avais noté ce titre après avoir lu le billet de Cath.L , d’ Athalie, et … ce roman est au programme du club de lecture. Quel plaisir de lecture, ! je n’ai vraiment pas grand chose à ajouter à leurs billets, mais j’espère tout simplement à mon tour vous donner envie de le lire, comme vous y invite sa si belle couverture.

À la fin du livre, l’auteure donne les sources qui l’ont amenée à écrire ce récit : Au milieu du 19° siècle, des pasteurs écossais ont eu envie d’échapper à l’église presbytérienne pour fonder l’église libre d’Écosse, et en même temps les grands propriétaires terriens ont chassé de leurs terres des petits paysans qui souvent avaient du mal à leur payer le fermage et ont trouvé plus rentable d’installer des immenses troupeaux de moutons qui ne demandaient que peu de main d’œuvre.

Dans le roman, un pasteur, John Ferguson affronte dans une très grande pauvreté, car il fait partie de ceux qui veulent fonder l’église libre d’Écosse, voilà pour l’aspect religieux. Pour le fait de société, un propriétaire peu scrupuleux veut récupérer son île dans les Orcades. Il promet beaucoup d’argent à John, le pasteur, s’il se charge de chasser le dernier paysan. Dans cette île vit Ivar, un homme qui, il y a longtemps, n’a pas voulu suivre ce qui lui restait de famille détruite par une succession de tragédies. Il n’a vu aucun autre humain depuis une dizaine d’années, quand John arrive dans son île, celui-ci glisse au bas de la falaise et est sauvé d’une mort certaine par Ivar. Les deux hommes ont quelque chose à cacher à l’autre, Ivar s’est approprié le calotype (j’ai appris le mot !) de Mary la femme tendrement aimée du pasteur. Quant à John il doit dire à celui qui lui a sauvé la vie et qui le soigne qu’il est venu pour l’expulser de son île. Grâce aux soins d’Ivar, une solide amitié va s’installer peu à peu entre les deux hommes.

Le roman se passe au milieu d’une nature extraordinaire et avec deux hommes qui ne parlent pas la même langue, et pourtant ils doivent arriver se comprendre. C’est un autre centre d’intérêt la découverte d’une langue disparue qui est si riche pour décrire les réalités de la nature, sachez qu’il y a tant de mots différents pour décrire la mer et ses différents états .

gilgal : tumulte dans la mer

skreul : agitation dans la mer avec de fortes déferlantes, et notamment le bruit de celles-ci lorsqu’elle déferlent autour des rochers immergés.

pulter : mer creusée ou croisée.

Yog : mer forte avec des vagues courtes et hachées.

L’auteure décrit très précisément la vie d’Ivar faite de gestes simples et d’une observation attentive de tous les phénomènes de la nature, on sent sa grande empathie avec tous ses personnages, ce qui fait ressortir la cruauté des grands propriétaires terriens qui, eux, n’ont aucune considération pour les pauvres fermiers.

J’ai une petite réserve sur le dénouement, mais j’ai tellement aimé ce roman que je n’insiste pas plus, à vous de voir, Athalie a aimé la fin, et Cath, comme moi, un tout petit bémol.

Extraits

Début

 Il regrettait soudain de ne pas savoir nager – cette ceinture de flottaison paraissait bien fragile et cela ne l’avait pas rassuré qu’on lui dise de ne pas s’alarmer, que les hommes non plus ne savaient pas nager.
 Chaque fois que la barque s’élevait, il apercevait la côte rocheuse, les falaises, l’absence du moindre lieu où débarquer ; chaque fois qu’elle descendait, les rochers disparaissaient, remplacés par un mur gris, liquide.

Religion en Écosse.

 Le plus probable c’est qu’à ses yeux, il n’y ait guère eu de différence entre un ministre presbystérien et un autre – pas un seul à sa connaissance, n’ayant protesté contre le fait, qu’on chasse les gens de domaines comme le sien pour les remplacer par des moutons. Qu’ils fussent restés au sein de l’Église établie ou bien partis rejoindre la nouvelle, cela n’y changeait rien – ils étaient tenus à l’art de ces affaires.
 D’ailleurs la doctrine presbytérienne de la Providence s’était révélée, être une aubaine à l’heure de l’déplacer les gens – en leur rappelant, comme elle le faisait, que les évènements de leur vie n’étaient ni plus ni moins que le déploiement de la volonté de Dieu ; que toute souffrance résultant de leur expulsion, n’était qu’une punition divine pour leur péchés.

Se comprendre sans parler la même langue.

Ivar n’était pas loquace. Il parlait rarement, et quand il le faisait, ses phrases étaient courtes.
 S’y entrelaçaient quelques mots que John Ferguson croyait reconnaître -une poignée de termes ressemblant à ceux qui, en anglais, signifiaient poisson, tourbe, mouton, jour, regarder, moi ou je, mais prononcés avec un accent tel qu’il était impossible d’en être absolument certain. Difficile d’isoler quoi que ce soit de familier, tant ces mots s’entremêlaient avec tout ce qu’il ne connaissait pas et ne pouvait deviner, si bien qu’à peu près tout ce que disait Ivar, au début, lui était incompréhensible, la communication entre eux passait principalement par des doigts pointés vers les choses.

La communication progresse.

 Tout s’était soudain animé depuis qu’ils avaient commencé à ajouter des verbes et des adverbes aux noms dans leur dictionnaire bleu de fortune – beaucoup de mouvements et d’agitation des bras, de la part d’Ivar et autant que John Ferguson pouvait en faire avec ses côtes endolories et probablement fêlées ; un tas de oui et de non de la tête aussi, et toute une série de pantomimes tandis que John Ferguson essayait de représenter ce qu’il voulait savoir, Ivar mimant de même ce qu’il essayait de décrire, et ensemble, ils s’ approchaient lentement des bons mots pour, disons, tricoter, et filer et carder la laine ; pour manger discrètement et manger en faisant du bruit ; pour marcher vite et marcher lentement ; pour crier et pour murmurer ; pour sauter et pour frissonner ; pour tousser et pour renifler ; pour s’accroupir devant le feu et pour chasser les poules.

Où va se loger la religion ?

 Elle lui avait déjà confié, alors qu’elle était « une bien médiocre presbytérienne ». Cependant, une expérience vécue à l’église l’avait ébranlée : au beau milieu d’un sermon, une femme assise devant elle s’était levée pour annoncer qu’elle venait d’avoir une vision de l’enfer où tous les gens portaient des bijoux, des perruques et de fausses dents.

 

4 Thoughts on “Éclaircie – Carys DAVIES

  1. Je suis bien contente que tu l’aies aimé ! Ce roman au démarrage assez discret a un beau parcours, j’ai lu qu’il en était à sa cinquième impression !

    • il y a parfois de petits miracles d’édition, et quand il s’agit de romans nuancé qui en même temps décrivent une réalité terrible, j’aime beaucoup.

  2. Je l’ai réservé à la bibliothèque, mais je dois attendre mon tour. J’ai hâte.

  3. Qu’est ce que je suis ravie que tu aies aimé ce superbe texte ! Et aussi d’apprendre ici qu’il semble rencontrer un certain succès … Même si nous ne sommes pas tout à fait raccord sur la fin choisie, je vois que nous été touchées par la même empathie et ce langage inventé est une pure merveille !

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