Éditions Gallimard NRF, 146 pages, mars 2025.

Après avoir lu et apprécié, « le Mage du Kremlin« , je savais que je lirai cet essai dont j’entends parler un peu partout. Le jour où je rédige cet article je vois qu’il a déjà plus de 2500 lecteurs sur Babelio ! C’est donc un phénomène, je n’ai pas lu les critiques de Babelio mais j’en ai entendu quelques unes sur les ondes (je lirai les différents critiques après avoir écrit la mienne pour ne pas être trop influencée). Ce n’est certainement pas un aussi bon livre que le précédent, je suis bien d’accord. Une fois n’est pas coutume, je vais commencer par les défauts : On a l’impression que l’auteur nous livre quelques moments de ses expériences en politique dans son pays et surtout à l’international. Ce sont de petits flashs sur des moments variés du monde qui nous dirige, il n’y a pas de liens entre eux, sauf à nous faire découvrir que nous sommes gouvernés par des hommes de piètre valeur et qui eux mêmes ont laissé le pouvoir aux puissants de la « Tech », qui à l’image d’Elon Musk sont capables de tout car ils n’ont aucun contre pouvoir. L’auteur nous donne l’impression de vouloir absolument nous dévoiler ce qu’il a vu, pour nous ouvrir définitivement les yeux, comme s’il voulait nous réveiller de notre torpeur bercée aux sirènes des réseaux sociaux et de l’IA.

Mais, car il y a évidemment un « mais » et des raison à autant de succès , certaines de ses idées sont de fulgurantes évidences et devraient effectivement nous alerter. Celle que je retiendrai définitivement, c’est de se rendre compte que toutes les civilisations se sont effondrées, lorsque cela coutait plus cher de se défendre que d’attaquer. Aujourd’hui les démocraties occidentales mettent des sommes sommes importantes dans leurs différents moyens de défense, mais nous sommes menacés par des régimes beaucoup plus pauvres qui peuvent nous détruire avec des moyens tellement moins chers.

Ensuite plusieurs passages m’ont passionnée, même si c’est un peu décousu : la soi-disant gentillesse et amabilité du dirigeant de l’Arabie Saoudite : Mohammed Ben Salmane désigné par ses initiales MBS, la façon dont il a organisé une purge à son arrivée au pouvoir, et dont il a fait assassiner et dépecer le journaliste Kamal Khashoggi , en dit long sur le personnage devant lequel , les dirigeants des démocraties se prosternent .

J’ai beaucoup aimé aussi son analyse sur l’ère Obama et les différentes dérives des démocrates américains.

Mais le plus intéressant c’est évidemment l’analyse même si elle est succincte de la prise de pouvoir par les hommes de la « tech » à travers l’IA .
Certes ce n’est pas le livre du siècle mais il est facile à comprendre et il en dit tant sur notre monde et notre capacité à mettre à la tête de nos pays des gens totalement incapables, la prime revient aux USA avec leur Trump adulé par plus de 50 % de la population américaine. Pour moi il faut lire ce livre, ne serait-ce que pour en discuter.

Extraits.

 

Début.

 Quand les premières nouvelles du débarquement d’Hermán Cortés parvinrent à la capitale de l’Empire aztèque, Moctezuma II convoqua immédiatement ses plus proches conseillers. Quelle attitude adopter face à ces visiteurs inattendus arrivés d’on ne sait où à bord de curieuses citées flottantes ?
 Certains estimèrent qu’il fallait repousser les intrus sur le champ. Il n’aurait pas difficiles pour les troupes impériales de venir à bout de quelques centaines d’impudents qui avaient osé pénétrer sur les terres de la Triple Alliance sans y être invités. « Oui, mais » dirent les autres. D’après les premiers rapports sur les étrangers, ceux-ci semblaient dotés de pouvoirs surnaturels : ils étaient entièrement recouverts de métal, contre lequel se cognaient les fléchettes les plus acérées.

L’homme politique .

 Cela dit, en politique, il n’y a pas que la chute qui soit douloureuse : la vérité est qu’on souffre tout le temps. Il faut être fait pour ça. Comme ses poissons abyssaux, habitués à survivre sous la pression de milliers de tonnes d’eau de mer. 
 Prenez cet homme à la mine un peu hésitante à tabler dans la salle à manger des délégations, au quatrième étage du palais de verre à l’occasion d’un repas offert par la France en l’honneur de la Communauté du pacte de Paris pour les peuples et la planète. Il s’agit du nouveau premier ministre britannique, Keir Starmer : après les extravagances de Boris Johnson et le court mandat du premier chef de gouvernement britannique non blanc de l’histoire, voici cet avocat londonien, sexagénaire, grisonnant, poli, souriant, qui rappelle la phrase sur Louis Philippe  » Il marche dans la rue, il a un parapluie. »
 On ne peut pas dire qu’il ait eu des débuts faciles. Des gaffes, des émeutes, des coupes budgétaires et même un scandale à propos de ses lunettes qui lui aurait été offertes par un généreux donateur Résultat : deux mois après son triomphe électoral le Premier ministre britannique était au plus bas dans les sondages. Le fait est, quoi qu’en disent les populistes, que la politique est un métier parmi les plus difficile. Une activité qui expose en permanence au risque de se ridiculiser, de passer pour un imbécile surtout quand on ne l’est pas.

 

Le chef d’état des USA.

 Aujourd’hui nos démocraties paraissent encore solides. Mais nul ne peut douter que le plus dur est à venir. Le nouveau président américain a pris la tête d’un cortège bariolé d’autocrates décomplexés, de conquistadors de la tech, de réactionnaires et de complotistes impatients d’en découdre. Une ère de violence sans limites s’ouvre en face de nous et, comme au temps de Léonard (de Vinci) les défenseurs de la liberté paraissent singulièrement mal préparés à la tâche qui les attend. 

Le pouvoir.

Goethe raconte l’histoire de ce vieux duc de Saxe, original et obstiné, que l’on pressait de réfléchir de considérer, avant de prendre une décision importante.  » Je ne veux ni réfléchir ni considérer, aurait-il répondu, sinon pourquoi serais-je duc de Saxe ? »

Intelligence et politique.

Trump n’est au fond que l’énième illustration de l’un des principes immuables de la politique, que n’importe qui peut constater : il n’y a pratiquement aucune relation entre la puissance intellectuelle et l’intelligence politique. Le monde est rempli de personnes très intelligentes, même parmi les spécialistes, les politologues et les experts, qui ne comprennent absolument rien à la politique, alors qu’un analphabète fonctionnel comme Trump peut atteindre une forme de génie dans sa capacité à résonner avec l’esprit du temps.
 Que d’entrepreneurs richissimes, de technocrates globaux, d’intellectuels et de prix Nobel a-t-on vus s’infliger des humiliations cuisantes en essayant de transposer leurs triomphes professionnels dans l’arène politique.

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