Édition Gallimard juin 2023
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard
Un livre remarquable pour un homme si injustement oublié : René Blum, le frère de Léon. Il n’avait pas de talent politique mais c’était un amoureux de l’art et de la culture. Il a dirigé les ballets de Monaco dont il a été directeur et propriétaire. Sa troupe jouait en 1940 et 1941 à New-York, il pouvait donc y rester, mais un Blum ne fuit pas son pays quand il est en danger et que l’honneur de son nom est en jeu. Il est donc revenu à Paris, a été arrêté et est mort de façon atroce à Auschwitz, sans doute jeté vivant dans un four crématoire.
Le roman alterne les moments où René est interné et d’autres où on revit son glorieux passé. C’est une très bonne idée de construction car en découvrant tout ce que cet homme a fait pour le monde du spectacle on se dit mais pourquoi est-il tant oublié ? Je ne savais pas, par exemple, que c’est lui qui a convaincu Bernard Grasset de publier un amour de Swann de Marcel Proust dont il était un grand ami.
Les chapitres consacrés à son internement nous permet de croiser des personnalités qui ont tant donné pour la France, en effet René Blum a fait partie de la rafle des notables, des gens qui ont fait la guerre 14/18, sont revenus décorés et ont ensuite servi la France. Mais ces gens sont juifs et cela suffit pour sceller leur sort.
J’ai vraiment eu du mal à retenir mes larmes à la description des enfants qui avaient été arrachés à leur mère et qui arrivent à Drancy, des petits avec leurs doudous qui pleurent chaque nuit en appelant leur mère.
Le roman se termine pratiquement sur les cheminées d’Auschwitz, mais les mots de la fin sont ceux-ci
Son souvenir restera comme celui d’un homme bon, d’un homme d’art et de culture, d’un homme bienveillant, d’un homme intègre, d’un homme au destin tragique. en cela, la mémoire de René restera, même par-delà l’oubli.
Extraits
Début .
En ouvrant la porte il n’exprima aucune surprise.En rentrant en France, à Paris, il savait que ce jour adviendrait. Comment feindre la surprise ? Les trois hommes qui lui faisaient face, ils étaient tels qu’il les avaient imaginés, durs sans regard, sans émotion. « Monsieur Blum ? » Lui demanda le premier homme.
La bataille d’Hernani
La « claque », des applaudisseurs professionnels rémunérés pour glorifier ou anéantir les spectacles parisiens, avait été d’un renfort salutaire grâce à l’aide financière du baron Taylor, protecteur des arts et précurseur du romantisme. Les applaudissements redoublaient de force face aux huées des conservateurs surnommés également les genoux pour leurs crânes aussi dépourvus de cheveux que l’articulation à la jointure de la jambe et de la cuisse.
Le destin de la famille Blum.
La proximité de Strasbourg dans laquelle les juifs pouvaient commercer mais non vivre avait permis à ses habitants d’avoir un confort modeste mais correct. En 1791, les idées neuves de la révolution donnèrent à sa famille une patrie, la France, eux qui en étaient dépourvus depuis toujours. Depuis, les Blum avaient conservé une fidélité immuable à la nation des droits de l’homme et du citoyen.Il fallut attendre le règne de Napoléon pour faire du nom de Blum le leur. Depuis toujours, les juifs n’avaient pas de nom fixe et, au gré des générations pouvaient en changer. C’est ainsi qu’en mairie de Westhoffen, le 9 octobre 1808, Abraham Moyse déclara prend le nom de Blum, dont la proximité avec le mot fleur en allemand n’était sans doute pas étrangère à son choix .
La solidarité dans les camps.
Georges Cogniot était le doyen des rouges, ces communistes arrêtés à titre préventif. Les Allemands pensaient ainsi éteindre une menace à venir. Il formait avec deux de ses autres camarades le trio de direction de leur camp. Celui qui fut rédacteur en chef de « l’Humanité » avait souhaité recréer la structure d’une section communiste, la discipline du parti en premier chef, le militantisme en second. Les actions étaient dirigées et coordonnées par la direction. Parmi elles, celle de recevoir pour le camp des Juifs, privé de tout même d’humanité, les colis envoyés par leurs familles. C’est ainsi que Jean-Jacques reçu de la part de son épouse, par le biais d’un prisonnier communiste, couvertures et conservés. Combien de vies sauvées grâce à ses valeureux gaillards prêts à prendre tous les risques pour passer les colis de nourriture aux juifs ? Certains des juifs internés étaient pourtant les patrons qu’ils affrontaient à l’usine à coups de grèves et de tracts.Mais pour les communistes, tous les internés étaient des camarades comme les autres patrons aussi bien qu’ouvrir, pas de distinction « en temps de guerre, on se serre les coudes » affirmait George Cogniot.
L’arrivée des enfants à Drancy.
Personne ne s’attendait à voir arriver des enfants, des tout petits. Ils étaient accompagnés de quelques jeunes femmes qui semblaient être à l’aise au milieu de cette petite foule. Comme tous les nouveaux internés, ils passèrent l’étape de la fouille. Les baluchons furent ouverts, scrutés. Les gendarmes enlèvement tout ce qui était interdit dans le camp, allant jusqu’à confisquer les dessins et peluches gardés jusqu’ici précieusement. La discipline devait s’appliquer. La méchanceté aussi.
Il faut lire ce genre d’article quand on soutient que Pétain a défendu les juifs français .
Wikipedia à propos de Pierre Masse assassiné à Auschwitz en 1942 et arrêté en même temps que René Blum
En octobre 1940 lors de la parution de la loi chassant de l’armée les officiers d’origine israélite, Pierre Masse envoie au maréchal Pétain une lettre de protestation lui demandant s’il doit enlever leurs galons à son frère (officier tué à Douaumont en 1916 ) à son gendre et son neveu (officiers tués en mai 1940) s’il peut laisser la médaille militaire à son frère (mort à Neuville-Saint-Vaast) si son fils (officier blessé en juin 1940) peut garder son galon et si « on ne retirera pas rétrospectivement la médaille de Sainte-Hélène à son arrière-grand-père.
Tu enchaines les 5 coquillages, mais dans ce cas, je te comprends parfaitement!
Un livre qui m’a beaucoup touchée.
Peut-être est-il oublié en raison de la stature de son frère qui était vraiment un très grand homme.
Toute la famille avait une dignité peu commune et a été victime de la vindicte des antisémites de l’époque.
Je trouve déjà que l’on parle peu de Léon Blum au regard de la stature de cet homme et de son parcours. Alors son frère … je ne savais même pas qu’il était mort à Auschwitz. Vérification faite, il est arrivé à la bibli. Je vais pouvoir l’emprunter.
Je lirai avec plaisir ton ressenti sur cette histoire tragique.
Je veux depuis longtemps écouter le podcast de Philippe Collin consacré à Léon Blum. Ce roman sera parfait pour prolonger la rencontre avec cette famille d’exception.
Je suis en train d’écouter ce podcast, je viens de terminer celui sur Céline le choc entre les deux est saisissant.
je le note immédiatement, je connaissais le parcours du frère de L Blum et du coup cette biographie m’intéresse énormément même si je lis ce genre de livre au compte goutte pour mon moral
je lis en ce moment les récits de la Kolyma donc j’ai ma dose d’horreur et de larmes qui coulent toutes seules
C’est moralement très éprouvant certains passages m’ont émue aux larmes.
Lire une biographie de René Blum, c’est déjà une belle revanche sur la barbarie. Les tortionnaires ne gagnent pas tant que leurs victimes ne tombent pas dans l’oubli.
Oui c’est vrai mais ça ne me console pas vraiment.
Le sujet ne me tente pas; Tant pis.
Tant pis !
Je ne connaissais pas cet homme artiste qui a fait montre de beaucoup de courage pour affronter la haine… Merci pour la découverte et de cette figure peu connue et de l’ouvrage.
On connaît mieux son frère ! Mais comme j’écoute en ce moment les podcasts de Philippe Collin sur Léon Blum, je me rends compte que je ne savais pas grand chose de cet homme au courage extraordinaire.
Bonjour Luocine, un livre qui doit en effet vous remuez le fond de votre âme. C’est donc une biographie romancée? Pour un premier roman, l’écrivain a fait fort. Bonne journée.
À peine romancé, il s’appuie sur tout ce qu’on sait de lui. Et oui cela m’a beaucoup remuée.
Je suis toujours ravi de voir des romans qui réhabilitent certains personnages oubliés ou restés dans l’ombre d’un autre membre de la famille plus connu.
Je comprends ton émotion lors de la lecture – quelle horreur et quel gâchis…
Je ne connais pas du tout, en effet. Le village de Westhoffen que tu cites n’est même pas à 10 kms de chez moi !