Édition Métaillé .Traduit de l’espagnol (Colombie) par François Gaudry

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un proverbe arabe

Ce que ton ennemi ne doit pas savoir ne le raconte pas à ton ami 

J’ai vu ce roman sur plusieurs blogs, je ne l’avais pas retenu car je suis réticente à lire de la littérature d’Amérique latine. Le côté fantastique et les exagérations épiques, qu’on y trouve souvent, ne correspondent pas à mon cartésianisme français bien ancré. Mais j’aurais eu vraiment tort de passer à côté de ce livre qui était au programme de mon club de lecture dans le thème « la maison ».

Il s’agit effectivement d’une déambulation dans une maison à Bogota que l’auteur/narrateur a achetée grâce à un prix littéraire où il va habiter avec la tante qui l’a élevé après le décès brutal de ses parents dans l’incendie de leur maison. La maison s’efface par rapport aux souvenirs souvent dramatiques de l’auteur. Il raconte son rapport aux femmes, au sexe, à l’alcool. Il décrit les ravages de l’alcool , de la drogue et surtout de la misère. On comprend mieux en lisant ce livre pourquoi les habitants d’Amérique Latine qui ont un peu de coeur sont tentés par des régimes politiques qui renversent des régimes soi disant démocratiques qui en fait soutiennent une caste de gens extrêmement riches exploitant sans vergogne la misère de leur propre peuple.

Sa tante bénéficie d’un poste dans le monde des structures internationales qui lui permet de vivre dans le le luxe des statuts des fonctionnaires internationaux. Lui, il la suit et il bénéficie d’une éducation de très bonne qualité et d’une ouverture au monde très originale. Dans sa dénonciation des injustices, s’il décrit bien le statut de privilégié de sa tante, il ne fait pas assez à mon goût, le parallèle avec la misère du monde. Toutes ces associations s’occupant de la misère du monde reçu dans les hôtels 5 étoiles m’ont toujours dégoutée.

Certaines pages de ce roman mériteraient cinq coquillages, mais la structure du récit m’a semblé artificielle. Le rapport entre les différentes pièces de la maison et ses souvenirs n’est pas évident. Je n’ai pas aimé non plus la fin du récit complètement inutile à mon avis. Bref, si je n’ai pas trouvé ce côté fantastique qui me dérange souvent la fin est bien dans l’exagération que je n’aime pas. Mais j’ai été bouleversée par bien des pages de ce livre.

 

Citations

 

Pour tous ceux qui pensent que prendre de la drogue c’est festif. ( Lucho, cocaïnomane, son mari a ramené sa maîtresse vivre chez sa femme et son enfant)

 Parfois, la femme venait dans la cuisine lui donner son linge à laver, surtout des culottes pisseuse et merdeuses car sous l’effet du crack ses sphincters se relâchaient et elle souffrait d’incontinence. (…) Jusqu’à ce qu’un jour Elvira parte avec son fils chez sa mère et demande le divorce. Lucho accepta mais demanda en échange une pension car selon lui un artiste était comme un enfant il y avait besoin de protection.
 Grâce à Dieu, dit Elvira, le juge aux affaires familiales n’était pas un imbécile et il a refusé cette demande aberrante, en plus, il lui a interdit tout contact avec l’enfant avant d’avoir subi une cure de désintoxication, dûment certifiée, pendant au moins deux mois, ce qu’évidemment Lucho n’a jamais fait.(…)
 Trois ans plus tard, la police l’appela pour lui dire que son ex-mari avait été retrouvé mort d’une overdose, il s’était injecté une drogue très pure, peut-être de l’héroïne, et le plus incroyable est qu’il vivait encore avec cette femme qui s’était installée chez eux. Une vieillarde édentée et rachitique.

La violence en Colombie .

 Une nuit les cadavres de son grand-père et de son grand-oncle, des leaders libéraux, avaient été retrouvés décapités sur un chemin vicinal. Ce qui convainquit son père qu’il devait prendre au sérieux les menaces et partir, en abandonnant aux conservateurs ses deux champs cultivés et sa maison et « se déplacer » -un mot plus fréquent en Colombie que celui de « tomate »- vers une zone libérale.

Mon chanteur préféré.

 Elle nous a dit qu’elle avait obtenu une bourse au Canada et qu’elle venait nous faire ses adieux. Je l’ai remerciée et lui ai offert un cadeau, un livre sur les origines de la ville de Québec et un CD de chansons de Léonard Cohen. « C’est ce que les Canadiens ont fait de mieux, je lui ai dit. À ma connaissance ils n’ont rien produit de plus intéressant. »

Regard d’homme sur un corps de femme.

 Son corps était dans cette phase où, redressé et bien droit, ses rondeurs étaient alors à leur place, car lorsqu’elle était couchée sur le côté ou assise apparaissaient bourrelets et embonpoint contrariantes. Son ventre, comme chez toutes les femmes ayant eu des enfants était flétri ; sous son nombril s’était formé un tourbillon de peau très fine, comme de colophane froissée, qui descendait jusqu’au pubis et s’arrêtait à la cicatrice d’une césarienne ; elle avait des vergetures aux hanches et aux soins, des rides et des plissements violacés autour des yeux. Ses cheveux se décoloraient a la racine. 
En somme c’était une belle femme mûre.

La vodka et le sexe.

« La vodka, c’est ce qu’il y a de mieux pour ouvrir et lubrifier le sexe des femmes. Pourquoi crois-tu que nous autres les Slaves on boit de la vodka ? La femme slave est belle mais un peu froide, petit, n’oublie jamais ça. Elle a besoin d’un peu de chaleur artificielle. C’est comme avec la plomberie : il faut chauffer un peu les tuyaux avant de les travailler. Le sexe, c’est la plomberie du corps, la théorie des fluides du corps. Ça t’aidera aussi pour bander dur et longtemps, tu me suis ? Ces cavités féminines, qui malgré la vodka garde un encore un peu du vent glacé de l’Oural, ont besoin d’un bon cierge pascal, d’un totem dressé, d’un pistons de lave qui ne perd pas sa chaleur tu piges ? Quand tu le fourres dans une Slave la température de ton corps baisse de quatre degrés. »

Face à la misère sordide de Bogota .

 En les voyant, j’ai désiré profondément qu’il existe un dieu auquel ils demanderaient des comptes, qu’ils assiéraient sur le banc des accusés pour le juger et le condamner sévèrement. Pourquoi as-tu abandonné ainsi tes enfants ? il y a longtemps qu’il aurait dû y avoir un procès de Nuremberg pour Dieu. Le plus probable s’il existait, est qu’IL serait condamné à être fusillé pour avoir trahi le peuple qui l’aime. Mais c’est absurde. Les gens qui ont le moins de raison d’aimer la vie parce qu’ils sont relégués dans un triste recoin de la planète sont précisément ceux qui croient le plus en lui et lui rendent grâce, ceux qui prêchent le plus et adressent la prière à l’air sale et puant des villes. Prières, on le sait bien que personne n’écoute qui n’intéressent personne. 

Réflexion sur l’argent .

 Je m’habituai à vivre ainsi, envoyant apparaître des chiffres rouges dans mes rêves, et je dois dire que j’étais le plus souvent heureux, même si à la fin de chaque mois sonnait l’alarme du découvert, surtout lorsque je découvrais que la totalité de mon salaire de suffisait pas à le couvrir. Je compris alors qu’être pauvre coûtait cher. On passe son temps à payer des intérêts et des pénalités, et à demander un prêt pour payer les intérêts, plus les intérêts d’un nouveau prêt pour acheter une voiture d’occasion qui tombe souvent en panne, et comme je n’avais pas d’assurance tous risques, la plus chère, les réparations étaient à mes frais. Être riche coûte réellement moins cher.

 

15 Thoughts on “Une maison à Bogota – Santiago GAMBOA

  1. keisha on 1 juin 2023 at 07:36 said:

    Tu as bien dit au début pourquoi moi aussi j’évite cette littérature, mais quelques uns passent, Gamboa, j’en ai lu plusieurs

    • Je ne pensais pas que plusieurs lectrices ressentaient la même chose que moi à propos de la littérature d.Amérique Latine.

  2. je suis comme toi je bloque un peu sur la littérature sud américaine ET africaine sans savoir pourquoi je crois que ça se rapporte au type d’histoire racontée qui ne m’intéresse pas
    j’ai lu un peu en diagonale un livre de cet auteur mais je n’ai pas adhéré

  3. J’aurais pu écrire ton premier paragraphe ! :-D

  4. Moi aussi j’ai un peu de mal avec la littérature d’Amérique latine et le réalisme fantastique. J’aime bien sortir quand même de ma zone de confort de temps en temps. Même si ton retour est mitigé, je retiens ce roman pour le prochain mois latino chez Ingrid.

  5. Je trouve les extraits sordides, et je crois que je préférerais encore du réalisme magique à ce genre de récit…

    • La drogue c’est sordide hélas nous en vivons des exemples tous les jours entre les règlements violents, les accidents de voiture qui tuent, les enfants livrés à eux mêmes…

  6. J’ai adoré « Retourner dans l’obscure vallée » de cet auteur, placé sous l’égide de Rimbaud, et en même temps très actuel, et qui est dénué de tout aspect fantastique. Et l’écriture de Gamboa vaut vraiment le coup, même si j’ai été un peu moins emballée par les autres titres que j’ai lus.
    Malgré tes bémols, celui-ci me tente assez..

    • c’est un bon roman la fin m’a laissée perplexe mais il paraît qu’on ne peut jamais parler de la fin des livres sur les blogs dommage! car j’aimerais bien savoir comment les autres la comprennent, cette fin !

  7. J’aime bien de temps en temps l’exagération et la folie latine… alors pourquoi pas?

  8. Trop de bémols pour me tenter, et puis les sujets de la drogue, l’alcool et le sexe ne me branchent pas trop ;)

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