Édition Actes Sud, août 2004

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Le thème du club de lecture du mois de mars ce sont les livres qui ont connu un grand succès, il y a vingt ans. Il se trouve que j’ai lu presque en même temps deux romans : « Tes pas dans l’escalier » de Antonio Munoz Molina puis celui-ci. C’est fou, la différence de ce qui se passe quand j’accroche à un livre ou que je le lis pour remplir les obligations que je me sens vis à vis de mon « club de lecture » . J’ai lu en moins d’une journée (de pluie bien sûr) ce roman. J’ai tout aimé, le style, les descriptions de la nature, la narration et le caractère des différents personnages. J’ai lu d’autres romans de cet auteur mais je n’avais pas mis de billets sur Luocine.

Ce roman a reçu le prix Goncourt en 2004, et a connu un grand succès , tout cela bien mérité.

Laurent Gaudé décrit tellement bien les Pouilles, cette région écrasée par le soleil, où la misère règne depuis des siècles. Aujourd’hui le tourisme apporte des devises mais la région est toujours marquée par le soleil implacable, mais la perte de la foi religieuse. La famille Scorta trouve son origine dans un viol à Montepuccio, village qui a envoyé en prison un jeune homme qui revient quinze ans après pour se venger . Le viol donnera naissance à un Rocco qui sera un bandit de grand chemin, il deviendra très riche, mais donnera tout son argent mal-gagné à l’église à la seule condition que chaque Scorta aie un enterrement en grande pompe. Les trois enfants Scorta partiront à New-York. Ils reviendront quelques années plus tard avec un secret et un peu d’argent. La famille achètera un bureau de tabac et cela deviendra la façon dont la famille sortira de la misère. Ce que j’ai aimé, c’est que, même si les personnages sont un peu caricaturaux, on évite quand même les lieux communs trop faciles sur l’Italie. Les personnages ont un rapport à l’autorité policière très particulier, nous n’assistons pas à la création d’un clan mafieux ce que j’ai cru au départ quand le bandit Rocco est revenu dominer le village. Pour les Scorta l’important c’est le travail qu’ils doivent réaliser ensemble, ils trouvent leur force dans le clan tous ensemble et pas dans l’argent trop facile. Et puis, il y a l’autre force celle de l’amour, celui d’Elia pour Maria est certes un peu trop romantique et un peu caricatural, cela pourrait être un bémol mais j’étais déjà bien partie dans cette histoire.

Nous suivons le parcours de ces enfants et de leurs petits enfants avec chacun une difficulté à surmonter la malédiction du Scorta qui est né d’un viol est est devenu un grand bandit. Les Pouilles vivent devant nos yeux et ce pays si plein de soleil fait du bien au énième jour de pluie en Bretagne.

Je suppose que vous avez déjà tous lu ce roman j’ai hâte de savoir si vous l’avez aimé autant que moi !

 

Extraits

Le début .

 La chaleur du soleil semblait fendre la terre. Pas un souffle de vent ne faisait frémir les oliviers. Tout était immobile. Le parfum des collines s’était évanoui. La pierre gémissait de chaleur.

L’enfant maudit.

Le curé resta sans voix. La vieille devant ce silence s’enhardit et lui expliqua que le village pensait que c’était la meilleure chose à faire. Cet enfant était né d’un vaurien. Sa mère venait de mourir. C’était bien là le signe que le seigneur punissait cet accouplement contre nature. Il valait mieux tuer le petit qui, de toute façon était entré dans la vie par la mauvaise porte. C’est pour cela qu’ils avaient tout naturellement pensé à lui. don Giorgio. Pour bien montrer qu’il ne s’agissait pas d’une vengeance ou d’un un crime. Ses mains à lui étaient pures. Il rendrait simplement au Seigneur ce petit avorton qui n’avait rien à faire ici. La vieille expliqua tout cela avec la plus grande innocence.

Les créanciers .

Don Cardella avait été son tout dernier recours. Il l’avait tiré d’affaire, moyennant quoi il avait récupéré plus du double de ce qu’il lui avait prêté mais c’était la règle et Carmela ne trouve rien à redire.
Elle regarda la silhouette de son dernier créancier disparaître au coin de la rue et sourit. Elle aurait pu hurler et danser. Pour la première fois, le bureau de tabac était à eux, pour la première fois, il leur appartenait en propre. Les risques de saisie s’éloignait. Plus d’hypothèque. Dorénavant, ils travailleraient pour eux. Et chaque lire gagnée serait une lire pour les Scorta . « Nous n’avons plus de dettes ». Elle se répéta cette phrase jusqu’à sentir une sorte de vertige la saisir. C’était comme être libre pour la première fois.

L’huile d’olive.

 Regarde la sécheresse de cette terre tout autour de nous, et savoure la richesse de cette huile. Entre les deux, il y a le travail des hommes. Et elle sent cela aussi, notre huile. La sueur de notre peuple. Les mains calleuses de nos femmes qui ont fait la cueillette. Oui. Et c’est noble. C’est pour cela qu’elle est bonne. Nous sommes peut-être des miséreux et des ignares, mais pour avoir fait de l’huile avec des caillasses, pour avoir fait tant avec si peu de nous serons sauvés. Dieu sait reconnaître l’effort. Et notre huile d’olive plaidera pour nous.

La sagesse du vieux curé .

 « Oui répondit don Salvatore, les générations se succèdent. Il faut juste faire de son mieux puis passer le relais et laisser sa place. »
 Elia marqua un temps de silence. Il aimait, chez le curé, cette façon de ne pas tenter de simplifier les problèmes ou de leur donner un aspect positif. Beaucoup de gens d’Église ont ce défaut. Ils vendent à leurs ouailles le paradis, ce qui les pousse à des discours niais de réconfort bon marché. Don Salvatore, non. À croire que sa foi ne lui était d’aucun réconfort. 


Édition Métaillé .Traduit de l’espagnol (Colombie) par François Gaudry

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un proverbe arabe

Ce que ton ennemi ne doit pas savoir ne le raconte pas à ton ami 

J’ai vu ce roman sur plusieurs blogs, je ne l’avais pas retenu car je suis réticente à lire de la littérature d’Amérique latine. Le côté fantastique et les exagérations épiques, qu’on y trouve souvent, ne correspondent pas à mon cartésianisme français bien ancré. Mais j’aurais eu vraiment tort de passer à côté de ce livre qui était au programme de mon club de lecture dans le thème « la maison ».

Il s’agit effectivement d’une déambulation dans une maison à Bogota que l’auteur/narrateur a achetée grâce à un prix littéraire où il va habiter avec la tante qui l’a élevé après le décès brutal de ses parents dans l’incendie de leur maison. La maison s’efface par rapport aux souvenirs souvent dramatiques de l’auteur. Il raconte son rapport aux femmes, au sexe, à l’alcool. Il décrit les ravages de l’alcool , de la drogue et surtout de la misère. On comprend mieux en lisant ce livre pourquoi les habitants d’Amérique Latine qui ont un peu de coeur sont tentés par des régimes politiques qui renversent des régimes soi disant démocratiques qui en fait soutiennent une caste de gens extrêmement riches exploitant sans vergogne la misère de leur propre peuple.

Sa tante bénéficie d’un poste dans le monde des structures internationales qui lui permet de vivre dans le le luxe des statuts des fonctionnaires internationaux. Lui, il la suit et il bénéficie d’une éducation de très bonne qualité et d’une ouverture au monde très originale. Dans sa dénonciation des injustices, s’il décrit bien le statut de privilégié de sa tante, il ne fait pas assez à mon goût, le parallèle avec la misère du monde. Toutes ces associations s’occupant de la misère du monde reçu dans les hôtels 5 étoiles m’ont toujours dégoutée.

Certaines pages de ce roman mériteraient cinq coquillages, mais la structure du récit m’a semblé artificielle. Le rapport entre les différentes pièces de la maison et ses souvenirs n’est pas évident. Je n’ai pas aimé non plus la fin du récit complètement inutile à mon avis. Bref, si je n’ai pas trouvé ce côté fantastique qui me dérange souvent la fin est bien dans l’exagération que je n’aime pas. Mais j’ai été bouleversée par bien des pages de ce livre.

 

Citations

 

Pour tous ceux qui pensent que prendre de la drogue c’est festif. ( Lucho, cocaïnomane, son mari a ramené sa maîtresse vivre chez sa femme et son enfant)

 Parfois, la femme venait dans la cuisine lui donner son linge à laver, surtout des culottes pisseuse et merdeuses car sous l’effet du crack ses sphincters se relâchaient et elle souffrait d’incontinence. (…) Jusqu’à ce qu’un jour Elvira parte avec son fils chez sa mère et demande le divorce. Lucho accepta mais demanda en échange une pension car selon lui un artiste était comme un enfant il y avait besoin de protection.
 Grâce à Dieu, dit Elvira, le juge aux affaires familiales n’était pas un imbécile et il a refusé cette demande aberrante, en plus, il lui a interdit tout contact avec l’enfant avant d’avoir subi une cure de désintoxication, dûment certifiée, pendant au moins deux mois, ce qu’évidemment Lucho n’a jamais fait.(…)
 Trois ans plus tard, la police l’appela pour lui dire que son ex-mari avait été retrouvé mort d’une overdose, il s’était injecté une drogue très pure, peut-être de l’héroïne, et le plus incroyable est qu’il vivait encore avec cette femme qui s’était installée chez eux. Une vieillarde édentée et rachitique.

La violence en Colombie .

 Une nuit les cadavres de son grand-père et de son grand-oncle, des leaders libéraux, avaient été retrouvés décapités sur un chemin vicinal. Ce qui convainquit son père qu’il devait prendre au sérieux les menaces et partir, en abandonnant aux conservateurs ses deux champs cultivés et sa maison et « se déplacer » -un mot plus fréquent en Colombie que celui de « tomate »- vers une zone libérale.

Mon chanteur préféré.

 Elle nous a dit qu’elle avait obtenu une bourse au Canada et qu’elle venait nous faire ses adieux. Je l’ai remerciée et lui ai offert un cadeau, un livre sur les origines de la ville de Québec et un CD de chansons de Léonard Cohen. « C’est ce que les Canadiens ont fait de mieux, je lui ai dit. À ma connaissance ils n’ont rien produit de plus intéressant. »

Regard d’homme sur un corps de femme.

 Son corps était dans cette phase où, redressé et bien droit, ses rondeurs étaient alors à leur place, car lorsqu’elle était couchée sur le côté ou assise apparaissaient bourrelets et embonpoint contrariantes. Son ventre, comme chez toutes les femmes ayant eu des enfants était flétri ; sous son nombril s’était formé un tourbillon de peau très fine, comme de colophane froissée, qui descendait jusqu’au pubis et s’arrêtait à la cicatrice d’une césarienne ; elle avait des vergetures aux hanches et aux soins, des rides et des plissements violacés autour des yeux. Ses cheveux se décoloraient a la racine. 
En somme c’était une belle femme mûre.

La vodka et le sexe.

« La vodka, c’est ce qu’il y a de mieux pour ouvrir et lubrifier le sexe des femmes. Pourquoi crois-tu que nous autres les Slaves on boit de la vodka ? La femme slave est belle mais un peu froide, petit, n’oublie jamais ça. Elle a besoin d’un peu de chaleur artificielle. C’est comme avec la plomberie : il faut chauffer un peu les tuyaux avant de les travailler. Le sexe, c’est la plomberie du corps, la théorie des fluides du corps. Ça t’aidera aussi pour bander dur et longtemps, tu me suis ? Ces cavités féminines, qui malgré la vodka garde un encore un peu du vent glacé de l’Oural, ont besoin d’un bon cierge pascal, d’un totem dressé, d’un pistons de lave qui ne perd pas sa chaleur tu piges ? Quand tu le fourres dans une Slave la température de ton corps baisse de quatre degrés. »

Face à la misère sordide de Bogota .

 En les voyant, j’ai désiré profondément qu’il existe un dieu auquel ils demanderaient des comptes, qu’ils assiéraient sur le banc des accusés pour le juger et le condamner sévèrement. Pourquoi as-tu abandonné ainsi tes enfants ? il y a longtemps qu’il aurait dû y avoir un procès de Nuremberg pour Dieu. Le plus probable s’il existait, est qu’IL serait condamné à être fusillé pour avoir trahi le peuple qui l’aime. Mais c’est absurde. Les gens qui ont le moins de raison d’aimer la vie parce qu’ils sont relégués dans un triste recoin de la planète sont précisément ceux qui croient le plus en lui et lui rendent grâce, ceux qui prêchent le plus et adressent la prière à l’air sale et puant des villes. Prières, on le sait bien que personne n’écoute qui n’intéressent personne. 

Réflexion sur l’argent .

 Je m’habituai à vivre ainsi, envoyant apparaître des chiffres rouges dans mes rêves, et je dois dire que j’étais le plus souvent heureux, même si à la fin de chaque mois sonnait l’alarme du découvert, surtout lorsque je découvrais que la totalité de mon salaire de suffisait pas à le couvrir. Je compris alors qu’être pauvre coûtait cher. On passe son temps à payer des intérêts et des pénalités, et à demander un prêt pour payer les intérêts, plus les intérêts d’un nouveau prêt pour acheter une voiture d’occasion qui tombe souvent en panne, et comme je n’avais pas d’assurance tous risques, la plus chère, les réparations étaient à mes frais. Être riche coûte réellement moins cher.

 

 

Édition Grasset

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Genre de phrases que j’aimerais retenir :

Pas plus qu’elle n’arrête les guerres, la morale ne désarme la violence.

 

Cet auteur dédie son livre à son professeur de latin de sixième qui lui a donné la passion de cette langue et de la civilisation romaine. J’ai tant souffert sur les versions latines et je n’ai trouvé aucun charme aux textes de Cicéron (le Pois-Chiche) que j’ai commencé ce roman avec une grande envie qu’il me plaise : enfin un homme érudit allait régler son compte à celui qui avait assombri ma scolarité. Effectivement Cicéron n’en ressort pas grandi, c’est le moins qu’on puisse dire : en se donnant l’air de défendre la République il ne cherchait qu’à se remplir les poches de la pire des façons : Provoquant des guerres civiles pour pouvoir jouer des uns contre les autres, offrant ses services de grands orateurs au plus puissant, passant de Pompée à César puis à Marc Antoine sans aucun scrupule. Ce qui finalement créera sa perte (oui pour une fois je peux raconter la fin, elle est dans tous les livres d’histoire !) c’est la première turpitude qu’il a commise : il sera assassiné à son tour pour avoir exécuté sans jugement des patriciens qui avaient soutenu Catalina.

Pour nous faire revivre cette époque l’auteur crée un philosophe grec, Metaxas, ami de Clodius, qui lui a existé. Cet homme le fait venir pour dénoncer les manœuvres de Cicéron et écrire des discours aussi brillants que ceux du « pois chiche » qu’il déteste de toute ses forces. Rome cette superbe, fascinante et si dangereuse cité va revivre pendant trois cent pages. Comme moi, vous serez touchés par le sort des esclaves, vous serez dégoûtés par les orgies romaines, vous serez étouffés par les complots politiques , vous détesterez Cicéron mais, hélas, vous comprendrez pourquoi la civilisation grecque qui est tellement plus belle n’a pas résisté à l’organisation des armées romaines.
J’ai beaucoup aimé ce roman historique, s’il n’a pas reçu cinq coquillages, c’est que je trouve qu’il demande une culture latine très poussée. Je consultais sans arrête Wikipédia pour m’y retrouver, et au bout d’un moment je confondais tous les personnages, et puis, tant de sang versé a fini par me dégoûter.

Je conseille à toutes celles et tous ceux qui ont été intéressés par la civilisation latine et grecque (et qui malgré cela ont eu de mauvaises notes aux version des textes de Cicéron !) de lire ce roman historique et savourer l’érudition de cet excellent écrivain.

 

Citations

Portrait d’un centurion romain.

 Leur chef s’est approché, de la démarche lourde et pesantes d’un cyclope. Un parfait physique de mauvaise nouvelle. Crotté par le voyage, velu et sombre, on aurait dit le fruit du croisement entre un gladiateur et une femelle ourse. Je pense qu’il s’agissait d’un décurion mais je confonds les grades romain et, s’il en affichait un, la poussière l’avait effacé. Sortait-il d’un grenier ou d’un cachot ? Mystère. Quand il s’est planté devant moi, je me suis levé. Seule la table nous séparait. Surtout ne pas faire mon malin. Face à ce spécimen, même Thémistocle aurait frémi. Je lui arrivait à l’épaule. Son cou et ses bras avaient l’épaisseur de mes cuisses. Sa paupières s’abaissait lourde comme un bouclier pour délivrer, excédée, le plus clair des messages implicites : moi, brave romain, vaillant, résolu, simple et intrépide, vais devoir m’adresser à cette petite chose grecque, pensante, jacassante et raisonnant. Ces bêtes mal dégrossies prennent Athènes pour le satin dont Rome double ses cuirasses.

Rien ne change .

Il me tutoyait, en latin bien sûr. Ce genre d’occupant ne se fatigue pas à apprendre la langue des gens qu’il commande. Ni à employer leurs formules de politesse.

Le mauvais goût romain .

Une cohorte de statues encombrait l’immense atrium où l’on me fit entrer. Les romains en font toujours trop. On se serait cru dans le vestiaire des jeux olympiques. Ou, pire, chez un marchand. Il ne manquait que l’étiquette des prix.

Quel humour : les rapports avec sa femme et la religion.

Avant de m’amener à lui ( au capitaine du bateau), Tchoumi à exigé qu’on se rende dans un petit temple dédié à Poséidon. Je n’avais rien à lui refuser et me suis plié au rituel par gentillesse. Les dieux ne m’intéressent pas. S’ils ont voulu les malheurs des hommes ils sont méchants. S’ils ne les ont pas prévus, ils sont incompétents. S’ils n’ont pas pu les empêcher, ils sont impuissants. À quoi servent-ils ? Nul ne le sait et je n’en fais jamais un sujet de cours. Ces histoires de personnages qui se transforment en taureaux, en cygnes ou en nuages, c’est du Homère, de la fantaisie, de la littérature… De là à discuter les ordres de Tchoumi, il y a un gouffre. Avec un courage de lion, je finis toujours par dire oui.

Rome cosmopolite .

 La ville attirait toute la méditerranée. On ne cessait de croiser des burnous, des caftans et des blouses. Dans certaines auberges, personne ne parlait latin, on entendait que de l’hébreu, du grec ou de l’hispanique. Venus du bout du monde, des fleuves de pièces d’or roulaient entre portiques et colonnades, temples et basiliques. Des rues sentaient le safran, d’autres la semoule égyptienne. Où qu’on soit, on était aussi ailleurs.

Le sort des esclaves .

La meilleure chose qui puisse arriver à un esclave est d’entrer dans une écurie de gladiateurs… Mais la plus part des autres, je parle de centaines de milliers d’autres, vivent à la campagne sur les grands domaines de l’aristocratie. Et là, crois moi, c’est l’enfer. On les bat, on les accable de travail, on les humilie et parfois on les affame. L’hiver, il meurt de froid, l’été il grille au soleil. Le sort des gladiateurs les fait rêver.

La richesse.

 La richesse « saisit » ceux qui l’observent. Je ne me lassais pas de cette famille installée à la meilleure place du monde pour y camper naturellement jusqu’à la fin de ses jours. Une sorte de grâce émane de ces fortunes venues de loin dans le passé. Rien de nouveau riche dans leur manière, encore moins d’avare, juste une dilapidation naturelle, permanente, légère et désinvolte de fonds perçus comme inépuisables. Leurs héritiers regardent sans émotion l’or filer comme l’eau dans le sable.

Et c’est toujours vrai non ?

 . Lyannos, mon banquier, est passé. il a expliqué avec candeur son métier : »J’aide les riches à s’enrichir et les pauvres à s’endetter. « 

Portrait de Marc Antoine .

 Et je dois dire que l’homme resplendissait. jeune et souriant, il avait le charme du guerrier joyeux qui vous tranche la tête sans malice, massacre un village comme on récolte un champ, n’en fait pas un drame et rentre au bivouac finir la soirée avec ses camarades.

Fin du roman : portrait de Cicéron .

 Cicéron avait un défaut impardonnable : chez les autres, il voyait d’abord les faiblesses et les défauts. Ensuite les avantages qu’il en tirerait. Quand on lui arrachait son masque, on tombait sur un autre. Le temps malheureusement ne révélera jamais son vrai visage. Au lieu de rester pour ses éreintements et ses flagorneries, il écrasera la postérité sous le poids d’écrits médiocres qu’il prenait pour de la philosophie. On le citera en modèle. Ce sera son plus grand exploit : sous sa plume, l’Histoire aura été écrite par celui qui a perdu. Ce mensonge incarnera pour toujours la vérité. Que c’est triste ! Que c’est injuste !

 

Les Éditions de Minuit.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

J’ai lu d’excellentes critiques de ce roman qui enchante la sphère officielle médiatique, alors que c’est un « flop » pour moi contrairement à Dasola . Il faut dire que dans la vie courante, je ne m’intéresse jamais à la vie des stars ni à leur bonheur, ni à leur malheur. Or ici le « Monument National » est un ancien acteur très connu. Quelqu’un qui a beaucoup beaucoup d’argent qui le dépense sans compter et qui vit dans un château. Sa femme très belle, ancienne miss côte d’azur, a adopté une petite asiatique, elle raconte son intimité sur Instagram. Tout ce petit monde est entouré de serviteurs plus ou moins dévoués. Toute ressemblance avec des gens connus (Belmondo ? Johnny ? Depardieu ?) est voulue par l’auteur. On profite de la moindre de leurs photos sur les réseaux sociaux et lors du décès du vieil acteur tout le monde se déchire à belles dents pour l’héritage. Ce roman se veut une critique acerbe de notre société, les trop riches d’un côté et les pauvres de l’autre , les gilets jaunes au milieu. On y trouve aussi le confinement qui empêche certains d’aller chercher des fonds dans les pays « offshores », et pour couronner le tout une « party » officielle avec les Macron . Puis une montée dans la violence et une fin très étrange un peu dans le genre thriller. la morale est sauve : les riches deviennent pauvres mais … non les pauvres ne deviennent pas riches.

J’avais lu aussi que cette auteure (autrice pour Athalie) était très drôle, elle ne me fait pas rire du tout. J’ai du mal à expliquer, je crois que de passer du temps avec ces gens creux et manipulateurs m’a rendue triste  : je n’avais pas besoin d’elle pour détester la famille de Johnny, j’avoue ne pas connaître celle de Belmondo. Je suis souvent touchée par le jeu de Depardieu mais je ne veux rien savoir de sa vie ni de ses amitiés avec Poutine …

La richesse des stars m’est indifférente comme celle des joueurs de foot et c’est peut la raison pour laquelle je suis totalement passée à côté d’un roman qui a plu à ceux et celles qui côtoient ces stars et qui ont sans doute envie de dévoiler leurs plus mauvais aspects, et parler de leur richesse : on aime rarement ceux qui ont gagné trop d’argent surtout quand ceux-ci l’étalent sans aucune pudeur à travers les photos qu’ils laissent sur les réseaux sociaux. Je dois dire que je n’avais pas aimé un autre roman de cette auteure « Propriété privée« .

 

 

Citations

Exemple de la façon de raconter .

 Sans pouvoir se passer de Dominique Bernard, notre mère se défiait de lui. Elle craignait toujours, avec le nombre de ses relations, qu’il ménage des intérêts concurrents. Aussi, quand l’agent fit valoir des raisons protocolaires, et lui représenta qu’on ne pouvait s’inviter à l’Elysée, si célèbres soit-on, en posant tout un tas de conditions, elle demanda sèchement ce qu’il proposait pour satisfaire à la fois le peuple et le président.
 Dominique Bernard n’avait pour ambition que de satisfaire les artistes, plaida-t-il. Et si le bonheur d’Ambre et Serge passaient par une fête nationale, eh bien soit, on trouverait le moyen d’inviter le peuple à la party. Mais on ne pourrait pas instagramer toute la soirée en direct de la présidence. À la place, on filmerait une courte vidéo avec la première dame dans les jardins de l’Élysée. Brigitte serait enchantée de présenter ses petits enfants à la progéniture de Serge.

Évasion fiscale et l’argent .

 Bien sûr, notre famille avait mis son capital à l’abri. Quelques années plutôt, nos parents avaient pris conseil auprès d’un fiscaliste. Celui ci leur avait aussitôt fait remarquer qu’il n’était pas raisonnable, et même tout à fait imprudent, de laisser croupir notre argent dans le même vieux pays quand des contrées plus neuves, plus modernes, offraient des conditions autrement intéressantes.
 Le fiscaliste, pour sa part, n’éprouvait aucune réticence à faire appel aux banques. Seuls les pauvres vivaient de leur argent, résuma-t-il au grand salon, les gilets jaunes qui s’échinaient à rembourser des agios quand la notoriété ouvrait partout d’infini lignes de crédit.