Édition Le tripode, 234 pages, avril 2024.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

J’ai pensé à ce clan si actif des « antidivulagâcheuses » en lisant les premières pages du livre qui raconte la fin de l’histoire : la plumeuse meurt pendue au croc où, d’habitude, elle suspend les oies avant de les plumer . c’est d’ailleurs cette morte qui va nous raconter son histoire.

Vous connaissez donc la fin, est-ce que cela vous empêchera d’apprécier ce roman ? En tout cas certainement pas pour cette raison. Au cas où ce roman vous séduirait ce sera par son écriture si particulière. Il faut souvent le lire à haute voix pour entendre celle de l’auteure-narratrice. J’ai, parfois, été touchée par son propos mais agacée aussi par des procédés que je trouve bien inutiles : l’auteure ne met aucun point ni aucune majuscule. Mais va souvent à la ligne ce qui permet au lecteur de suivre le souffle de la narration. Elle ne dit jamais, non plus, qui prend la parole ni même s’il s’agit de dialogues.

Ce roman raconte l’histoire d’une femme libre de son corps et qui pense que si les hommes et le femmes avaient accès au plaisir, ils vivraient tous mieux . Cela se passe dans un village isolé au Canada à une époque indéterminée, cette femme vit en dehors de la petite ville de Kangoq entourée d’une nature habitée par des animaux sauvages qui fournissent plumes et fourrures à une petite industrie d’édredon. L’ambiance de la plumerie faite de chaleur et d’érotisme troublent les hommes et éduquent les femmes. Les femmes dignes épouses de ces hommes qui fréquentent la femme lui en veulent bien sûr mais auront-elles le courage de tuer la « plumeuse » ? Ce roman raconte aussi la misère des petites ouvrières, et évoque aussi les pauvres jeunes filles qui sont enfermées et meurent peu à peu à l’abri des regards de ceux qui ne veulent pas les voir.

Mes réserves sur l’histoire viennent surtout de mes propres limites, rien de rationnel dans le fil narratif, on ne sait jamais qui fait quoi, je ne risque pas vous dévoiler qui a assassiné « la plumeuse » car je ne suis pas certaine d’avoir bien compris qui a fait ce geste atroce.

Mes extraits vous donneront une idée du style, si vous y êtes sensibles, n’hésitez pas car vous aimerez ce roman. Je ne peux pas vous pousser plus à choisir de lire ce roman qui est très clivant. Certains aimeront et d’autres, comme moi seront déroutées par l’absence d’informations concrètes pour tout comprendre.
Je respecte le point de vue de cette auteure : face aux duretés de la condition de vie des plus pauvres, elle a choisi de nous les faire comprendre comme dans un conte plutôt que de façon réalistes.
Ce n’est pas ce que je préfère et malgré le réel talent de cette écrivaine pour manier la langue, j’ai eu bien du mal à me retrouver dans ce récit : à vous de vous faire votre idée.

Je vais mettre à la fin des extraits un lien pour l’écouter au « Festival des grands voyageurs » elle donne des clés qui peuvent aider à la lecture.

Et l’avis d’Athalie qui a beaucoup aimé

 

Extraits

Début et idée du style

 Longtemps j’ai enseigné ma fin
 à l’heure de ma mort, je pends entre mes bêtes, cheveux et corps et mains, mon visage basculé vers le plafond, mes yeux avalés par la pénombre ; dans la rue, les hommes
– combien ?
– ils ne se comptent plus
– et les femmes, compte-les
– conte aussi les femmes
 se demandent s’ils sont ouverts ou fermés, mes yeux ; personne ne les voit ; tout ce qu’on distingue dans la lumière du quinquet, ce sont mes côtes, mes seins élongés, ce qu’il reste d’une jupe de soie blanche ; du sang tombe en gouttes noires sur les viscères empilés, sur les carcasses des oies, sur le cou mince des jars qui s’amoncellent près de l’étal
– c’est la saison 
-le carnage de la chasse achève
 Au-dessus de mon comptoir, je tiens accroché par la gueule et par les poignets : celui qui m’a hissé là n’a pas su comment bien s’y prendre, il a d’abord percé mon menton pour le bec du cane puis, se ravisant, a étiré mes bras plus haut, jusqu’aux traverses du toit 

 

Ce n’est pas simple à comprendre .

en février, il neige, dedans l’air est touffu et moite ; depuis trois jours, j’ai enfilé toutes les peaux du désir : tantôt espiègle, là femme-muraille, parfois géante qui tenait dans ses paumes des plumes minuscules et plus tard fauve, assez pour qu’on m’en donne le nom, « ma fauve, fauvesse, mon enfauvée » : j’ai emprunté la robe noire des panthères et bondi, j’ai porté la jungle sur mon dos

Mélange d’érotisme et du travail pour récupérer la peau de la renarde.

– elle observe de tous ses yeux le chasseur qui se retourne 
 Le drap se perd dans son sillage, il dort désormais toute nudité offerte, sa verge posée sur sa cuisse droite, assoupie, détendue : Philomène découvre ce qu’elle voulait  ; elle se presse contre l’orphelin, pendant que je tire en douceur la fourrure de la renarde, de son flanc à sa gorge, une main agrippée ferme à la base de la queue, l’autre à la peau de l’abdomen 

La misère évoquée à travers ce passage.

 Pierre les appelle des poupées-mauvais-sort
– c’est à cause de leurs yeux mauves, des vêtements arrachés au dos de bébé morts trop tôt, en ville et utiliser pour habiller les corps de porcelaine
 La petite l’ignore, bien sûr ; elle coiffe la chevelure noire
– lisse, lisse ma crinière, belle enfant
– peine et tresse et soigne ma déchéance
– les marchands de la ville ne disent pas que les cheveux ont été cultivés à même vos crânes d’adolescentes
– belles indigentes qui ne faites rien d’autre qu’être là, chevelures et corps disponibles 
– dans des pièces grises, enfermées à quinze, vingt 
– trop de poupées, pas assez filles
– le recel d’adolescentes est un problème lointain 
– un problème de ville qui ne concerne pas les enfants
– ni leurs grands-mères qui achètent des cadeaux en versant toutes les pièces rondes qu’il faut
 le notaire, lui, sait : il se souvient de ses années d’études, de la chambre close, terrifiante où des camarades l’avaient entraîné un soir ; il n’a pas oublié les filles chauves, gémissantes sur le sol, qui tendaient des bras de sirènes et l’attiraient vers elles, vers les couches jetées par terre ; il se souvient de l’odeur
– sperme, urine, vomissure et sueur masqués par la puanteur entêtante des lys et du jasmin pendu au plafond


Édition Flammarion, 252 pages, août 2024. 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Un roman qui a failli être un coup de cœur, et puis à la réflexion certaines critiques m’empêchent d’être totalement enthousiaste.

Voici le sujet du roman : une jeune femme, Agnès, élevée dans une famille catholique traditionnelle après des études, d’abord au Lycée à La Légion d’Honneur, puis de lettres à l’université, trouve son mari au bal du Triomphe à Saint Cyr. Un beau mariage qui doit donc se concrétiser par une famille nombreuse. Catastrophe ! la naissance ne vient pas, et cette jeune femme engagée dans le mouvement anti-IVG, souffre de sa stérilité. Elle suivra son mari dans ses différentes affectations militaires , le roman prend une tournure particulière au Sénégal, où elle rencontre un certain Pierre dont elle tombera amoureuse sans pour autant tromper son beau militaire. On a vraiment toutes les images de ces familles, les naissances qui se succèdent, la mort d’un enfant vécu comme un cadeau de Dieu, les mariages dans les demeures de famille, les vacances en tribu à Saint Lunaire …
De militante anti- IVG elle va radicalement évoluer, et elle va peu à peu détester son mari et ira vers des péchés qui seront bien difficiles à avouer pour une catholique convaincue. D’où cette confession puisque c’est la forme qu’a choisie l’écrivaine pour nous raconter cette histoire.

Ce qui est vraiment très bien raconté et qui est un vrai scandale, c’est ce que font les catholiques anti IVG : ils s’arrangent pour que des jeunes femmes qui veulent avorter tombent sur leur site et grâce à leur technique de persuasion , ils réussissent au moins à mettre ses femmes très mal à l’aise. Cette pratique était tellement répandue qu’il a fallu faire une loi pour l’interdire. Agnès est particulièrement douée et elle décrit comment elle est à peu près certaine d’avoir réussi à changer les décisions de certaines femmes.

Mais voici ce qui m’empêche de me sentir très bien dans ce roman, la critique de ce milieu est si facile, on a l’impression de si bien les connaître. Tous les étés, je les vois occuper les villas de leurs famille autour de chez moi, et remplir l’église de Saint Énogat le dimanche midi, je m’amuse de toutes les petites filles avec un cerceau sur la tête, les garçons en bermuda et pull marin … (Dans le roman, la famille se retrouve dans une villa à saint Lunaire à 5 kilomètres de Dinard, cela m’a fait sourire !) . Je sais aussi qu’elles ont défilé en famille à la manif contre le mariage pour tous, qu’elles se sont retrouvé derrière Zemmour et son mouvement reconquête. Mais je sais aussi que derrière cette belle façade d’unanimité se cache bien des fêlures et aussi parfois de richesses humaines. Mais surtout ce qui me gène c’est l’évolution brutale du personnage principal, j’ai beaucoup de mal à croire à son premier revirement quand à la fin, elle est tellement évidente ! Alors à ce moment là, il me manque une dimension : que va devenir la foi catholique d’Agnès dans sa vie actuelle. C’est vraiment le sujet qui m’aurait intéressée comment garder sa foi chrétienne ou autre dans tous les drames de la vie moderne . Le personnage principal pourrait perdre ou garder sa foi, mais pour moi elle devait expliquer à ses lecteurs que va-t-elle faire aujourd’hui avec son Dieu.

 

Extrait.

 

Début.

 Vous avez l’air étonné que je sois revenue. Moi aussi. Après tout, je n’ai pas besoin de vous pour recevoir ma pénitence. Jusqu’au bout, j’ai hésité à faire demi tour. Il y avait un homme effrayant en bas des marches. Il n’était pas là, la première fois ou bien étais-je trop bouleversée pour le remarquer. Entortillé dans son sac de couchage, affalé sur un carton, il avait l’air de dormir – et puis il s’est redressé d’un coup en m’entendant approcher. J’ai vu ses yeux luisants au fond de ses orbites, ses traits émaciés sous la capuche qui enserrait comme un linceul son visage mangé par la barbe. J’ai eu peur. Le temps que j’arrive à sa hauteur, il a sorti son bras pour me tendre une main calleuse aux longs ongles noircis.
 On m’a appris à donner aux pauvres, on m’a appris qu’il le fallait, du moins – le nécessiteux, le mendiant en haillons, figurait souvent parmi les personnages que convoquait maman dans les saynètes de la vie quotidienne avec lesquelles elle essayait de nous édifier dans les salles d’attente où sur les bouchons de l’autoroute des vacances. Elle appelait ça le jeu de l’ange et du démon.

 Le Triomphe .

« Le Triomphe ». Le mot courait sur toutes les lèvres et il désignait autant un lieu qu’une tradition, une date, immuable figée, Aussi indiscutable que l’évènement historique qu’elle commémorait, à la fois point de départ et destination, origine et avènement, le « Triomphe », une sorte de métonymie, ou bien de synecdoque, je ne sais plus, j’ai beau avoir une licence de lettres modernes, je m’y perds, dans les figures de style – le Triomphe nous attendait à la fin du lycée, plus solennel encore que le bac ou le premier bulletin dans l’urne, et sa simple évocation suffisait à nous donner des envies de robe, de bustier, de taille de guêpe, de virginales perles aux oreilles.

Mort d’un enfant.

 Il n’est pas bien vu de s’apitoyer sur son sort chez nous. Au contraire, la mort de Pilou a toujours été présentée comme un jalon sur le chemin spirituel de mes parents une chance -un cadeau. Quand mon père est invité à témoigner pendant les cessions d’été de la communauté de l’Emmanuel à Paray-le-Monial, qu’il monte sur la scène en faisant « allô allô » dans le micro et que son image agrandie, ses épaules voûtées, son coup de vautour, se retrouvent à occuper les quatre mètres carré de l’écran géant derrière lui, il finit toujours par dire que la perte de son seul fils l’a replongé dans l’eau vive, que c’est quand Pilou a été rappelé auprès de son créateur qu’il a décidé que sa foi devait orienter sa vie professionnelle, et non l’inverse. 

Regard des autres sur son ventre stérile .

Puis ma belle-famille m’a rejointe et j’ai dû encaisser leurs coups d’œil inquisiteur. Après plusieurs années à porter en public des vêtements près du corps, j’ai appris en grossissant au Sénégal à fermer le regard de mes interlocuteurs afin de les empêcher de s’aventurer sur ma taille incertaine et d’en tirer des conclusions erronées. Me suis entraînée à enfouir mes yeux dans les leurs et à ne pas les lâcher. 

Son portrait.

 On m’a toujours répété que la beauté de de la femme est intérieure, que c’est Dieu en nous qui est beau. Qu’est-ce que qui reste, alors une fois qu’il est parti ? Une bonne femme ingrate en uniforme marine et beige, qui affiche dix ans de plus que son âge et implore gauchement l’asile en poussant la porte carillonnante d’un institut de beauté ?


Éditions de l’Olivier, 380 pages, aout 2002

Traduit de l’anglais (Irlande) par Laetitia Devaux

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Voilà un livre sans grand intérêt et qui est long, mais long , on n’en finit pas de s’ennuyer ! . Je dois avouer que, parfois, j’ai fait de la lecture en diagonale. Il est au programme de mon club de décembre dont le thème sera « l’Irlande ». Ce livre racontant la vie de trois amis habitant à Dublin, il y avait donc complètement sa place Je n’aime pas participer aux discussions de mon club sans avoir lu le livre, donc je me suis imposée ce pensum !

Deux amies Eileen et Alice ont fait leurs études ensemble avec Simon, Alice a écrit deux romans qui l’ont rendue très célèbre et elle ne supporte pas cette soudaine célébrité et fait une grave dépression, elle va mieux et loue une maison au bord d’une falaise et rencontre Felix un homme qui n’a pas fait d’études et elle noue avec lui une relation compliquée. Eileen travaille dans une petite revue littéraire et est très mal payée, enfin Simon qui a toujours été proche d’Eileen travaille au parlement. Les trois personnages principaux sont sans grand intérêt, Felix sans être très sympathique est plus intéressant.

Voilà le cadre, les relations entre ces personnes sont compliquées, elles sont attirées puis se repoussent et retournent ensemble … Les deux amies commentent toutes leurs relations dans de très longs mails, où elles se disent tout, elles décrivent par le menu les relations sexuelles et elles sont très actives  ! elles parlent aussi de leur doutes par rapport à leur vie , la politique, la religion et pour Alice la création littéraire et les conséquences du succès.

Ce roman se veut moderne et sans tabou il est surtout terriblement répétitif et ennuyeux. Je me demande bien à qui il peut plaire ? aux amateurs de scènes érotiques, peut-être car l’autrice a beaucoup d’imagination et de talents pour les décrire.

Extrait

Début

 Dans un bar d’hôtel une femme assise à une table surveillait la porte d’entrée. Elle avait une apparence soignée : chemisier blanc, cheveu blond coincée derrière les oreilles. Elle a jeté un coup d’œil sur son téléphone puis à de nouveau diriger son regard vers l’entrée. En cette fin mars le bar n’était guère fréquenté.

Problème de traduction ?

 Je pense qu’elle a deviné que c’était un date. Faut pas chercher plus loin.
PS depuis grâce à Sacha je sais que « date » est utilisée dans la jeune génération !

Un passage pour expliquer pourquoi ce roman n’est pas pour moi

 Tu as pleuré, à l’époque ?
 Pas au sens propre. Si c’est que tu veux savoir. Je n’ai pas pleuré pour de bon, mais ouais, j’étais furax.
 Ça t’arrive de pleurer ?
Il a eu un petit rire.
Non. Et toi ?
Oh, tout le temps.
Ah ouais ? Et tu pleuré pour quoi ?
 Pour n’importe quoi. J’imagine que je suis très malheureuse. Il l’a observée.
Vraiment ? Et pourquoi ça ?
 Aucune raison particulière. C’est ce que je ressens. Je trouve ma vie difficile
 Au bout d’un moment il a de nouveau regarder sa cigarette et il a dit : Je ne crois pas avoir bien compris la raison pour laquelle tu es venu habiter ici.
 Ce n’est pas une très belle histoire. J’ai fait une dépression nerveuse. J’ai passé quelques semaines à l’hôpital et, à ma sortie, je suis venu ici. Il n’y a rien de mystérieux là-dedans. Il n’y avait aucune raison de faire cette dépression, je l’ai faite c’est tout. Et ce n’est pas un secret tout le monde de sait.

Le plastique, genre de considération sur le monde « admirable »

 Ma théorie c’est que les humains ont perdu le sens de la beauté en 1976,l’année où le plastique est devenu le matériau le plus utilisé au monde. Tu peux voir ce processus s’opérer si tu regardes les photos d’une rue avant et après 1976. Je sais qu’il y a de bonnes raisons d’être sceptiques quant à la nostalgie esthétique, il n’en reste pas moins qu’avant 1970, les gens portaient des vêtements en laine et en coton conçu pour durer, qu’ils mettaient les liquide dans des bouteilles en verre, qu’ils enveloppaient la nourriture dans du papier et remplissaient leur maison avec des meubles en bois de qualité. Maintenant, la plupart des objets de notre environnement visuel sont en plastique, soit la substance la plus laide sur terre, ce matériau qui, quand on le colore ne se contente pas d’absorber la teinte mais exsude sa couleur de façon laide et inimitable.

 

 


Édition Points

 

Le foot n’est pas une option. Le latin. Le grec, sont des options. Le foot c’est obligé. Si tu es un garçon. 

 

Il est des livres qui donnent immédiatement envie de lire tout ce qu’a écrit l’auteur. Pourquoi ? parce que j’ai lu avec un tel regret la dernière phrase du livre qui pourtant est une fin superbe à ce récit. Je sais que je peux relire encore une fois la trajectoire de ce personnage qui réalisera un de ses plus grands rêves : voir une fille à poil ! Mais j’aimerais aussi découvrir ce qu’il a écrit d’autre, pour voir si je retrouve le même plaisir.

Tout m’a plu dans ce récit , la naïveté de l’enfance, l’incompréhension du monde des adultes en particulier celui de ses parents, ses questions sur l’existence de Dieu, puis le mal-être de l’adolescence, son inadéquation au système scolaire.
Cet enfant, fils donc d’un professeur de lycée, sent que sa mère va mal, elle est souvent triste, et son père va passer du statut du Dieu qui sait tout à celui du père dépassé qui ne comprend pas ce fils qui lui même ne sait plus très bien ce qu’il veut. La naissance de son petit frère est compliqué pour lui, car il semble réussir là où lui ne fait que se poser des questions.
Une question qui revient à plusieurs reprises dans ce roman : Pourquoi Dieu a-t-il demandé à Abraham de tuer son fils ? Est ce que son père l’aurait, lui aussi, sacrifié si Dieu le lui demandait ?

Tout aussi important ou presque, comment devenir bon au foot, car à Saint-Étienne dans ces années là, le foot « ce n’était pas une option », c’est lui qui le dit. Il va y arriver, il va réussir aussi à ne plus croire en Dieu mais surtout il va réussir à approcher une fille, la plus belle du monde, même si elle ne porte pas de porte-jarretelles. Elle va surpasser les images de la Redoute et c’est tant mieux pour lui !

Évidemment, un tel roman ne tient que par le style : cet auteur est à la fois drôle et tendre et il sait raconter aussi bien l’insouciance de l’enfance que les tourments de l’adolescences. Je conseille à tous ceux (et à toutes celles) qui se sont ennuyés à 17 ans dans une ville de province, de lire les déambulations du personnage dans les rues de Saint -Étienne, je serai bien surprise qu’ils ne s’y reconnaissent pas.

 

 

Extraits

Début.

Quand j’étais enfant je trouvais tout normal. Ma mère m’enfermait régulièrement dans la cave dans le noir complet. Je trouvais ça normal.

Sympa.

Lina ma petite cousine me dépassait d’une tête. C’est une particularité des filles, je le découvrais : elles ont des cheveux longs, elles portent des jupes et des fois, elles sont plus grandes même quand elles sont plus jeunes. Les filles ne font rien comme tout le monde.

Les disques.

 Sur les disques de mes parents il y avait parfois un personnage qui avait l’air de revenir d’un enterrement, habillé en noir et qui ne rigolait pas. Sur les pochettes de Lina envoyer toujours des barbus colorés et des filles aux cheveux longs avec des foulards partout.

Les majuscules.

 Mon père m’aidait à faire mes devoirs. À ce moment là ça voulait dire faire des lignes d’écriture, pas toujours des trucs utiles, par exemple les lignes de k majuscules. Je ne connais aucun adulte capable d’exécuter correctement un k majuscule en cursive, et pour être honnête ça ne sert pas souvent.

Le désir de plaire à son père.

 Quand il m’expliquait je levai les yeux sur lui et je les ouvrais en grand, je voulais qu’il voie comme j’étais attentif. Je voulais qu’il reste là dans la chambre, avec moi, à m’expliquer. Je faisais tellement d’effort pour avoir l’air d’écouter ce que la plupart du temps je n’entendais rien de ce qu’il me disait.

Aller sur la lune.

 Quand Neil Armstrong met le pied sur la Lune en 69, je ne suis pas très impressionné. En fait des trouve ça assez normale je lis « Guy L’Éclair » depuis que je suis tout petit, j’ai toujours vécu au milieu des fusées, des Skorpies et des planètes lointaines. Je suis né dans un monde de science-fiction. La Nasa est très en retard sur moi.

Le mépris de son père pour les BD.

– Il faut lire des livres. Des vrais livres, pas ces âneries dessinées.
 Son mépris était aussi lisible que s’il avait arboré des peintures de guerre sur la figure. Qu’est-ce que je pouvais dire ? Cétait un excellent album en plus, « Les Pirates du désert ». Hubinon commençait à trouver son style, plus académique, mais aussi plus étrange, que ses modèles américains.
Des vrais livres. Évidemment, ce n’était pas compliqué, dans cette maison. Il y en avait partout. On pouvait se demander pourquoi je persistais à lire « Tif et Tondu » de préférence à Tolstoï.

Qu’est ce que tu vas devenir ?

 C’était une drôle de question. Je n’avais jamais pensé que j’étais censé devenir quelque chose. Le monde des adultes ne ressemblait pas à un avenir possible. Je ne pouvais pas devenir kiné, comme mon kiné ou pharmacien. Et surtout pas prof. Les adultes étaient une race à part. Leurs petites vies prosaïques et monotones, leur calvitie, leur embonpoint, leurs conversations creuses et répétitives, sur le temps pourri qu’on avait et que fait le gouvernement, ils ne faisaient pas envie.


Édition Métaillé .Traduit de l’espagnol (Colombie) par François Gaudry

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un proverbe arabe

Ce que ton ennemi ne doit pas savoir ne le raconte pas à ton ami 

J’ai vu ce roman sur plusieurs blogs, je ne l’avais pas retenu car je suis réticente à lire de la littérature d’Amérique latine. Le côté fantastique et les exagérations épiques, qu’on y trouve souvent, ne correspondent pas à mon cartésianisme français bien ancré. Mais j’aurais eu vraiment tort de passer à côté de ce livre qui était au programme de mon club de lecture dans le thème « la maison ».

Il s’agit effectivement d’une déambulation dans une maison à Bogota que l’auteur/narrateur a achetée grâce à un prix littéraire où il va habiter avec la tante qui l’a élevé après le décès brutal de ses parents dans l’incendie de leur maison. La maison s’efface par rapport aux souvenirs souvent dramatiques de l’auteur. Il raconte son rapport aux femmes, au sexe, à l’alcool. Il décrit les ravages de l’alcool , de la drogue et surtout de la misère. On comprend mieux en lisant ce livre pourquoi les habitants d’Amérique Latine qui ont un peu de coeur sont tentés par des régimes politiques qui renversent des régimes soi disant démocratiques qui en fait soutiennent une caste de gens extrêmement riches exploitant sans vergogne la misère de leur propre peuple.

Sa tante bénéficie d’un poste dans le monde des structures internationales qui lui permet de vivre dans le le luxe des statuts des fonctionnaires internationaux. Lui, il la suit et il bénéficie d’une éducation de très bonne qualité et d’une ouverture au monde très originale. Dans sa dénonciation des injustices, s’il décrit bien le statut de privilégié de sa tante, il ne fait pas assez à mon goût, le parallèle avec la misère du monde. Toutes ces associations s’occupant de la misère du monde reçu dans les hôtels 5 étoiles m’ont toujours dégoutée.

Certaines pages de ce roman mériteraient cinq coquillages, mais la structure du récit m’a semblé artificielle. Le rapport entre les différentes pièces de la maison et ses souvenirs n’est pas évident. Je n’ai pas aimé non plus la fin du récit complètement inutile à mon avis. Bref, si je n’ai pas trouvé ce côté fantastique qui me dérange souvent la fin est bien dans l’exagération que je n’aime pas. Mais j’ai été bouleversée par bien des pages de ce livre.

 

Citations

 

Pour tous ceux qui pensent que prendre de la drogue c’est festif. ( Lucho, cocaïnomane, son mari a ramené sa maîtresse vivre chez sa femme et son enfant)

 Parfois, la femme venait dans la cuisine lui donner son linge à laver, surtout des culottes pisseuse et merdeuses car sous l’effet du crack ses sphincters se relâchaient et elle souffrait d’incontinence. (…) Jusqu’à ce qu’un jour Elvira parte avec son fils chez sa mère et demande le divorce. Lucho accepta mais demanda en échange une pension car selon lui un artiste était comme un enfant il y avait besoin de protection.
 Grâce à Dieu, dit Elvira, le juge aux affaires familiales n’était pas un imbécile et il a refusé cette demande aberrante, en plus, il lui a interdit tout contact avec l’enfant avant d’avoir subi une cure de désintoxication, dûment certifiée, pendant au moins deux mois, ce qu’évidemment Lucho n’a jamais fait.(…)
 Trois ans plus tard, la police l’appela pour lui dire que son ex-mari avait été retrouvé mort d’une overdose, il s’était injecté une drogue très pure, peut-être de l’héroïne, et le plus incroyable est qu’il vivait encore avec cette femme qui s’était installée chez eux. Une vieillarde édentée et rachitique.

La violence en Colombie .

 Une nuit les cadavres de son grand-père et de son grand-oncle, des leaders libéraux, avaient été retrouvés décapités sur un chemin vicinal. Ce qui convainquit son père qu’il devait prendre au sérieux les menaces et partir, en abandonnant aux conservateurs ses deux champs cultivés et sa maison et « se déplacer » -un mot plus fréquent en Colombie que celui de « tomate »- vers une zone libérale.

Mon chanteur préféré.

 Elle nous a dit qu’elle avait obtenu une bourse au Canada et qu’elle venait nous faire ses adieux. Je l’ai remerciée et lui ai offert un cadeau, un livre sur les origines de la ville de Québec et un CD de chansons de Léonard Cohen. « C’est ce que les Canadiens ont fait de mieux, je lui ai dit. À ma connaissance ils n’ont rien produit de plus intéressant. »

Regard d’homme sur un corps de femme.

 Son corps était dans cette phase où, redressé et bien droit, ses rondeurs étaient alors à leur place, car lorsqu’elle était couchée sur le côté ou assise apparaissaient bourrelets et embonpoint contrariantes. Son ventre, comme chez toutes les femmes ayant eu des enfants était flétri ; sous son nombril s’était formé un tourbillon de peau très fine, comme de colophane froissée, qui descendait jusqu’au pubis et s’arrêtait à la cicatrice d’une césarienne ; elle avait des vergetures aux hanches et aux soins, des rides et des plissements violacés autour des yeux. Ses cheveux se décoloraient a la racine. 
En somme c’était une belle femme mûre.

La vodka et le sexe.

« La vodka, c’est ce qu’il y a de mieux pour ouvrir et lubrifier le sexe des femmes. Pourquoi crois-tu que nous autres les Slaves on boit de la vodka ? La femme slave est belle mais un peu froide, petit, n’oublie jamais ça. Elle a besoin d’un peu de chaleur artificielle. C’est comme avec la plomberie : il faut chauffer un peu les tuyaux avant de les travailler. Le sexe, c’est la plomberie du corps, la théorie des fluides du corps. Ça t’aidera aussi pour bander dur et longtemps, tu me suis ? Ces cavités féminines, qui malgré la vodka garde un encore un peu du vent glacé de l’Oural, ont besoin d’un bon cierge pascal, d’un totem dressé, d’un pistons de lave qui ne perd pas sa chaleur tu piges ? Quand tu le fourres dans une Slave la température de ton corps baisse de quatre degrés. »

Face à la misère sordide de Bogota .

 En les voyant, j’ai désiré profondément qu’il existe un dieu auquel ils demanderaient des comptes, qu’ils assiéraient sur le banc des accusés pour le juger et le condamner sévèrement. Pourquoi as-tu abandonné ainsi tes enfants ? il y a longtemps qu’il aurait dû y avoir un procès de Nuremberg pour Dieu. Le plus probable s’il existait, est qu’IL serait condamné à être fusillé pour avoir trahi le peuple qui l’aime. Mais c’est absurde. Les gens qui ont le moins de raison d’aimer la vie parce qu’ils sont relégués dans un triste recoin de la planète sont précisément ceux qui croient le plus en lui et lui rendent grâce, ceux qui prêchent le plus et adressent la prière à l’air sale et puant des villes. Prières, on le sait bien que personne n’écoute qui n’intéressent personne. 

Réflexion sur l’argent .

 Je m’habituai à vivre ainsi, envoyant apparaître des chiffres rouges dans mes rêves, et je dois dire que j’étais le plus souvent heureux, même si à la fin de chaque mois sonnait l’alarme du découvert, surtout lorsque je découvrais que la totalité de mon salaire de suffisait pas à le couvrir. Je compris alors qu’être pauvre coûtait cher. On passe son temps à payer des intérêts et des pénalités, et à demander un prêt pour payer les intérêts, plus les intérêts d’un nouveau prêt pour acheter une voiture d’occasion qui tombe souvent en panne, et comme je n’avais pas d’assurance tous risques, la plus chère, les réparations étaient à mes frais. Être riche coûte réellement moins cher.

 


Édition Gallimard N.R.F

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Je crois qu’il faut faire lire ce roman à tous les parents qui auraient envie de pousser leurs enfants dans une carrière d’acteur. La peinture du cours Florent est une vision de l’enfer : qui peut avoir envie de jouer le chien qui pisse sur la jambe de quelqu’un d’autre ? Qui aimerait passer des heures à jouer des rôles stupides d’animaux dans des positions dégradantes ? En revanche, un peu plus positif, on sent que devenir un personnage c’est un travail de transfert de personnalité et que cela demande des efforts colossaux. Romy arrive à Paris avec un lourd passé d’une enfance détruite par un père alcoolique et violent et des abus sexuels par une femme voisine. Elle veut donc être comédienne et se prostitue pour payer le fameux cours Florent. Elle va vivre chez une femme très âgée Odette qui perd gentiment la tête, ensemble elles jouent des personnages et leurs rapports très conflictuels ressemblent à des jeux de théâtre. L’écriture est violente comme l’histoire mais ne m’a absolument pas touchée. La seule chose qui m’a intéressée dans ce roman, c’est l’appropriation par Romy des rôles de Blanche ou de Stella dans « un Tramway nommé Désir » .

J’ai eu même un rejet du livre quand Romy drogue la vieille pour pouvoir rejoindre son amant en toute tranquillité .

 

Citations

Les prostituées.

 Le soirée va être longue. Encore sept heures à tenir. Il n’y a pas grand monde ce week-end, il fait beau, les Parisiens sont partis et les provinciaux ne viennent qu’en semaine. Notre milieu est le thermomètre des humeurs sociales. On sait si le pays va bien ou non. Nous sommes les premières atteintes par les grèves, les épidémies ou les restrictions budgétaires. en plus d’être danseuses, nous sommes sociologues et psychologues.

Style et humour : la messe.

 Odette chante, Odette se met debout Odette s’assoit, Odette connaît le texte par cœur, Odette tient la main de ses voisins, les prend dans ses bras. Je ne peux pas dire que ce soit la grosse ambiance comme à un concert, mais pour son âge je respecte. Elle a le rythme pontifical dans la peau. Elle me chuchote à l’oreille quand je dois me lever, tire sur la manche de ma veste en jean quand je ne réagis pas. « Prenez et mangez, ceci est mon corps ». Le père Dominique articule de façon exagérée, j’ai l’impression qu’il fait un exercice de diction.

 

Attention !
Si vous aimez le suspens, j’en dis visiblement trop dans ce billet (je me demande comment font ces lectrices pour relire les livres qu’elles ont aimés !)

L’auteure cite Erri de Luca, je trouve cette phrase très juste

 Prendre connaissance d’une époque à travers les documents judiciaires, c’est comme étudier les étoiles en regardant leur reflet dans un étang.

 

Un cadeau ! quelle bonne idée de s’offrir des livres car cela permet d’aller vers des lectures que je n’aurais pas remarquées. Le titre résume le roman, pour moi c’est un régal que de lire un roman dont je connais l’issue mais je pense que cela a dû en déranger certains et certaines. Après il faut beaucoup de talent pour faire comprendre pourquoi cette malheureuse Lisa s’est enferrée dans son mensonge. Elle a accusé un homme de viol et tout le monde l’a crue. Tout l’intérêt du roman s’est de raconter que bien qu’elle ait menti cette ado était quand même une victime. Simplement les véritables coupables n’ont jamais été inquiétés. L’auteure à travers l’enquête de l’avocat nous fait revivre les années collège quand on est une fille mal dans sa peau mais dont les seins font beaucoup d’effet aux garçons. Mal dans sa peau , moins aimée que sa sœur à qui tout réussit, enfant d’un couple qui ne s’aime plus, Lisa a voulu trouver un statut et c’est celui de victime qui lui allait le mieux. Car victime elle l’était réellement d’un groupe de garçons en particulier d’un sale môme qui l’avait filmée dans une relation sexuelle avec celui qu’elle prenait pour son petit ami. Et c’est, pour que cette vidéo ne soit jamais publiée, que finalement elle s’est empêtrée dans un mensonge qu’un pauvre homme va payer très cher : 1195 jours de prison pour rien !

C’est un livre facile à lire et très prenant mais qui ressemble plus à un long article de presse qu’à un roman. Malgré ce bémol, je dois dire que j’apprécie beaucoup le courage de l’écrivaine pour nous dire qu’il faut parfois douter de la parole des enfants et des adolescents, recevoir leurs témoignages demande sûrement beaucoup d’intelligence et de délicatesse car il est certain que les jeunes sont le plus souvent victimes, même s’ils sont aussi, parfois, menteurs.

 

Citation

Description des cours de justice .

 Ces juges, plus ça va, plus je les hais. Bornés, biberonnés à la moraline. Et lâche avec ça. Y a plus que des bonnes femmes de toutes manières. Les derniers mec que tu croises dans les couloirs, ils ont un balai et un seau à la main. Et les jeunes, elles sont pires. Non, mais tu les as vus, avec leurs baskets ? elle juge en bas-kets ! Les jurés, c’est pareil. Gavés de séries télé. Ils t’écoutent. Ils te regardent avec l’air de tout savoir mieux que toi, parce qu’ils ont vu l’intégrale des « faites entrer l’accusé ». Plus moyen de les faire douter. Ils ont trop peur de se faire engueuler. Quand je pense à tout ceux que je faisais acquitter avant ! Et, crois moi, il y avait une palanquée de coupable là-dedans… dis, tu crois que je suis vraiment trop vieux ?

Les Éditions minuit 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Voilà un auteur qui écrit à la perfection, dans un style remarquable, une histoire triste à donner le bourdon à quelqu’un qui aurait un moral à toute épreuve ( ce qui n’est pas mon cas en ce moment !). Mais lisez aussi le point de vue de Krol qui a beaucoup aimé cet auteur et qui met bien en valeur les qualités de son écriture.

Je suis certaine que c’est un pur hasard mais ce roman m’a fait penser au scandale qui atteint Nicolas Hulot. J’explique : une jeune fille essaie de se reconstruire dans la ville bretonne du bord de mer où son père un ancien boxeur est devenu chauffeur du maire. Tout se tient dans cette histoire. La trop belle Laura a, quand elle avait à 16 ans, posé nue pour un magazine. Elle veut oublier tout cela. Son père a été un grand champion de boxe mais l’argent trop facile l’a entraîné dans une quasi déchéance. Il a retrouvé l’emploi de chauffeur personnel du maire à qui, hélas, il demandera une faveur pour sa fille : que celui-ci lui trouve un logement.
Laura sera logée au casino dirigé par Franck toujours habillé de blanc, personnage qui a ses petits arrangements avec le maire et dont la sœur, Hélène a participé à la descente aux enfers de son père.
Détail absolument horrible : le chauffeur du maire, donc le père de Laura conduira le maire à ses rendez-vous au casino pour satisfaire ses besoins sexuels sans qu’il sache que c’est sa fille qui est dans le studio au-dessus du casino.
Le roman est parfaitement construit, on entend la plainte de Laura auprès des gendarmes et ceux-ci se montrent assez compréhensifs mais quand les photos seront découvertes et que le maire sera nommé ministre, le procureur préfère classer cette histoire sans suite. Cela n’empêchera pas un drame d’avoir lieu mais comme je vous en ai déjà sans doute trop dit je m’arrête là.
Ce roman fait beaucoup réfléchir sur la façon dont l’emprise se construit pour une jeune fille face à un homme politique. Et aussi comment lui même peut se persuader facilement qu’elle est consentante.
Le nœud dramatique de ce roman est très bien imaginé, trop sans doute pour moi car je l’ai trouvé profondément triste. Mais que cela ne vous empêche pas de le lire, ce n’est absolument pas glauque c’est seulement humainement triste et comme je l’ai dit au début parfaitement écrit.

Citations

Portrait d’un élu

 Et d’avoir été réélu quelques mois plutôt, d’avoir pour ainsi dire écrasé ses adversaires à l’entame de son second mandat, sûrement ça n’avait pas contribué au développement d’une humilité qu’il avait jamais eu à l’excès – à tout le moins n’en n’avait jamais fait une valeur cardinale, plus propre à voir dans sa réussite l’incarnation même de sa ténacité, celle-là sous laquelle sourdaient des mots comme « courage » ou « mérite » ou « travail » qu’il introduisait à l’envi dans mille discours prononcés partout ces six dernières années, sur les chantiers inaugurés ou les plateaux de télévision, sans qu’on puisse mesurer ce qui dedans relevait de la foi militante ou bien de l’autoportrait, mais à travers lesquels, en revanche, on le sentait lorgner depuis longtemps bien plus loin que ses seuls auditeurs, espérant que l’écho s’en fasse entendre jusqu’à Paris, ou déjà les rumeurs bruissaient qu’il pourrait être ministre.

Le style de Tanguy Viel

 À Max donc il arriva donc d’en être, de ce monde inversé ou certaines femmes butinantes se glissent volontiers dans la corolle des hommes et les délestent alors de toutes leurs étamine, à ceci près que les étamines ici on a forme de billets de cent euros que par dizaines ils sortent de leur poche et distribuent sans compter – elles, guêpes plutôt qu’abeilles, qui ne pollinisent rien du tout, plutôt disséminent les graines au gré des verres, Hélène plus acharnée que toutes, ayant fait admettre cette loi tacite et inaliénable que c’était son prix et sa liberté à elle, la plus onéreuse et la plus libre des hôtesses.