Édition P.O.L.Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Ce roman démarre dans la légèreté : Vicente et ses amis, des juifs parfaitement assimilées à la vie en Argentine, regardent de loin ce qui se passe en Europe. Leurs conversations sont marquées par l’humour juif qui leur donnent tant de saveur. Vicente est beau garçon , un peu hâbleur et propriétaire d’un magasin de meubles que son beau-père fabrique. Il est heureux en ménage, et a des enfants qu’il aime beaucoup. Sa mère, son frère médecin et sa sœur sont restés à Varsovie. En 1938, il leur conseille sans trop insister de venir à Buenos Aires. Il est content de son exil et des distances qu’il a mises entre sa mère qu’il juge envahissante et lui qui se trouve bien dans sa nouvelle vie. Et, les années passent, l’angoisse s’installe, il va recevoir trois lettres de sa mère et il prend conscience de l’horreur qui s’est abattue sur les juifs européens. Il se sent coupable de n’avoir pas su insister pour que sa famille le rejoigne, il va s’installer dans un mutisme presque complet. Sa femme comprend le drame de son mari et fait tout ce qu’elle peut pour le ramener vers la vie, mais sans grand succès. Vicente est dans son « ghetto intérieur » , comme son cauchemar récurrent qui l’angoisse tant. Il rêve d’un mur qui l’enserre peu à peu jusqu’à l’étouffer, il se réveille en prenant conscience que ces murs c’est sa peau : il est emmuré vivant en lui-même. (D’où le titre)
L’auteur est le petit fils de ce grand père qui n’a pas réussi à parler. Santiago Amigorena comprend d’autant mieux son grand-père que sa famille a dû quitter l’Argentine en 1973, l’exil et l’adaptation à un nouveau pays, il connaît bien. Cela nous vaut de très belles pages sur l’identité et une réflexion approfondie sur l’identité juive. Le thème principal de ce roman, c’est : la Shoah, qu’en savait-on ? Comment s’en remettre et que transmettre aujourd’hui ?. Rien que nommer ce crime contre l’humanité fait débat , ne pas oublier que pendant des années on ne pouvait pas nommer autrement que « Solution finale » avec les mots que les Allemands avaient eux-mêmes donnés à leurs crimes monstrueux. Crime ? mais ce mot suffit-il quand il s’agit de six millions de personnes ? Génocide ? certes ; mais il y en a eu plusieurs en quoi celui-ci est-il particulier ? Holocauste ? mais ne pas oublier qu’alors il s’agissait d’offrir des victimes innocentes à un dieu. Qui était le Dieu des Nazis ? Et finalement Shoah qui ne s’applique qu’au génocide des juifs par les nazis. C’est si important d’avoir trouvé un mot exact. Un livre très émouvant qui fait revivre l’Argentine dans des années ou ce pays allait bien et qui apporte une pierre indispensable à la construction de la mémoire de l’humanité.
Citations
Le genre de dialogue qui me font sourire
– Les Juifs me font chier. Ils m’ont toujours fait chier. C’est lorsque j’ai compris que ma mère allait devenir aussi juive et chiante que la sienne que j’ai décidé de partir.-Comparée à la mienne, ta mère n’est pas si chiante, lui avez répondu Sammy, un œil toujours rivés sur les tables de billard. (…)– Le pire, c’est que quand elle avait 20 ans, elle rêvait d’une seule chose, quitter le shtetl pour aller vivre en ville. Elle trouvait ma grand-mère chiante pour les mêmes raisons que moi, je la trouve chiante aujourd’hui…-Et pourtant, chiante ou pas chiante, tu lui as fait traverser l’Atlantique pour l’avoir à tes côtés.– Oui… même les pires choses nous manquent.
Leçon de vie
–C’est ce qu’on fait depuis la nuit des temps, non ?– On aime nos parents, puis on les trouve chiants, puis on part ailleurs… C’est peut-être ça être juif…– Oui… Ou être humain.
La culpabilité
Mais Vicente n’avait rien fait . Il avait même avoué que depuis qu’il était arrivé en Argentine, il avait compris que l’exil lui avait permis , aussi , de devenir indépendant, et qu’il n’était pas sûre de vouloir vivre de nouveau avec elle. S’éloigner de sa mère, en 1928, l’avait tellement soulagé-être loin d’elle, aujourd’hui, le torturait tellement.
Être juif
Une des choses les plus terribles de l’antisémitisme est de ne pas permettre à certains hommes et à certaines femmes de cesser de se penser comme juif, c’est de les confiner dans cette identité au-delà de leur volonté -c’est de décider, définitivement qui ils sont.
Là je vais me faire lyncher, oui, je sais, le thème, tout ça, MAIS! j’ai abandonné, sans doute l’écriture. je m’ennuyais
pourquoi lyncher! c’est vraiment l’avantage des blogs on peut tout dire et tout se dire, la lecture est un passe temps pas une obligation, et si on n’a mal passé son temps on a le droit de le dire. Alors bravo Keisha même si j en’ai pas du tout eu le même ressenti que toi.
Dis donc, deux articles le même jour, tu exagères un peu, non… Ce livre est dans ma liseuse, je l’avais tellement vu sur les blogs que ça m’a freinée pour le lire. Donc, un jour, peut-être.
Gros avantage de la liseuse.
Deux articles le même jour est dû aux hasards de la programmation je ne fais pas toujours attention!
Un sacré coup de coeur dis donc ! Pour autant je ne suis pas certain que ce soit un livre pour moi.
Je n’ai pas aimé ce livre autant que je l’aurais cru. L’attitude de Vicente a fini par me poser problème, surtout vis-à-vis de sa femme et de ses enfants. Je peux comprendre sa culpabilité de fils, mais pourquoi s’être totalement fermé à la famille qu’il avait créée et qui n’y sont pour rien ..
Oui c’est vrai on ne comprend pas ce mutisme mais je crois que la Shoah n’a pas fini de peser sur l’humanité et que chacun y répond à sa façon. Mais surtout j’ai aimé la façon dont ce roman traite de l’exil.
J’en ai entendu tant de bien que je l’ai acheté très vite… Mais toujours pas lu. Ton enthousiasme me pousse à reconsidérer cela au plus vite.
pour moi j’ai aimé cette réflexion sur l’exil. Et aussi sur le choc de la Shoah sur ls survivants
Tu enchaînes des bonnes lectures, on dirait ! (et tu trouves le temps de les partager, bravo !)
je dois dire que cette lecture date un peu je prépare mes billets en avance mais comme cela je ne retiens que les meilleures lectures sauf si le livre m’énerve trop.
on me l’a vanté tant de fois ! Il faudra bien que je m’y mette…
il faut ou il ne faut pas … c’est la question!
on n’est jamais obligée de lire!
Une lecture en demi-teinte. J’ai beaucoup aimé les réflexions sur la judaïté et le côté historique mais je me suis ennuyée dans la dépression de Vicente.
Tu donnes très envie. Je note.
L’exil est un thème qui m’interroge toujours il est très bien traité ici.
Ton billet me ravit, car j’avais adoré ce roman, pour tout ce que tu évoques : sa manière de susciter la réflexion sans didactisme, et d’exprimer par le silence un désespoir qui en devient assourdissant. J’avais été étonnée suite à la parution de mon billet, de voir qu’il avait laissé un sentiment mitigé à de nombreux lecteurs.
je n’ai pas non plus compris les réserves sur ce roman, mais c’est comme ça!