J’ai lu ce livre grâce ma sœur , elle avait recherché des lectures sur le thème de l’exil pour son club de lecture. Elle avait été touchée par ce récit tout en fraîcheur de cette auteure. Ce sont, me dit elle et je partage son avis, quelques pages vite lues mais qui laissent un souvenir très agréables. Laura Alcoba se souvient : quand elle avait 10 ans, elle est arrivée à Paris (ou presque, exactement dans la cité de la Voie verte au Blanc-Mesnil). Ses parents sont des rescapés de la terrible répression qui s’est abattue sur les opposante d’Argentine en 1976. Son père est en prison et sa mère réfugiée politique en France. Cela pourrait donner un récit plein d’amertume et de tristesse sauf que cela est vu par une enfant de 10 ans qui veut absolument réussir son assimilation en France, cela passe par l’apprentissage du français. Ce petit texte est un régal d’observation sur le passage de l’espagnol au français, la façon dont elle décrit les sons nasales devraient aider plus d’un professeur de français langue étrangère :

Les mouvements des lèvres de tous ces gens qui arrivent à cacher des voyelles sous leur nez sans effort aucun, sans y penser, et hop, -an, -un, on, ça paraît si simple, -en, -uint, oint( …) que les voyelles sous le nez finissent par me révéler tous leurs secrets -qu’elles viennent se loger en moi à un endroit nouveau, un recoin dont je ne connais pas encore l’existence mais qui me révélera tout à propos de l’itinéraire qu’elles ont suivi, celui qu’elles suivent chez tous ceux qui les multiplient sans avoir, comme moi, besoin d’y penser autant

Elle savoure les mots et veut à tout prix chasser son accent. Il faut aussi toute la fraîcheur de l’enfance pour traverser les moments de dureté dans une banlieue parisienne peu tendre pour les différences, même si ce n’était pas encore les cités avec les violences d’aujourd’hui ce n’est quand même pas la vie en rose que l’on pourrait imaginer en arrivant d’Argentine. J’ai souri et j’ai mesuré l’ironie du destin, en 1978, pour une gentille famille de la banlieue parisienne, la tragédie absolue c’est la mort de Claude François dans l’Argentine de Laura c’est « un peu » différent : la répression a fait près de 30 000 « disparus » , 15 000 fusillés, 9 000 prisonniers politiques, et 1,5 million d’exilés pour 30 millions d’habitants, ainsi qu’au moins 500 bébés enlevés à leurs parents ! Ce livre est bien un petit moment de fraîcheur, et il fait du bien quand on parle d’exil car Laura est toujours positive , cela n’empêche pas que le lecteur a, plus d’une fois, le cœur serré pour cette petite fille.

J’espère que les abeilles viennent butiner les fleurs auprès desquelles j’ai posé ce livre, puisqu’il paraît qu’elles aiment le bleu. (C’est son père qui le lui avait dit avant qu’il ne soit arrêté en Argentine)

Citations

le goût et les couleurs !

Dans l’entrée, un portrait de Claude François repose sur une chaise, juste devant le mur tapissé de fleurs roses et blanches où l’on va bientôt l’accrocher, comme Nadine me l’a expliqué. C’est sa grand-mère qui l’a brodé, au point de croix, dans les mêmes tons pastel que le papier fleuri -c’est aussi sa grand-mère qui a peint le cadre en essayant de reproduire les fleurs de la tapisserie, les pétales toujours ouverts vers le visage du chanteur, comme si, sur le cercle de bois qui l’entoure,toutes les fleurs poussaient dans sa direction. 

Le fromage qui pue

L’essentiel avec le reblochon, c’est de ne pas se laisser impressionner. Il y a clairement une difficulté de départ, cette barrière que l’odeur du fromage dresse contre le monde extérieur.

Son amour de la langue française

J’aime ces lettres muettes qui ne se laissent pas attraper par la vue, ou alors à peine. C’est un peu comme si elles ne montraient d’elles qu’une mèche de cheveux ou l’extrémité d’un orteil pour se dérober aussitôt. À peine aperçues, elles se tapissent dans l’ombre. À moins quelles ne se tiennent en embuscade ? Même si je ne les entends pas, quand on m’adresse la parole, j’ai souvent l’impression de les voir.

L’art épistolaire

Ce qui est bien, avec les lettres, c’est qu’on peut tourner les choses comme on veut sans mentir pour autant. Choisir autour de soi, faire en sorte que sur le papier tout soit plus joli.

16 Thoughts on “Le bleu des abeilles – Laura ALCOBA

  1. J’aime beaucoup ta remise en perspectives de la mort de Claude François par rapport à ce qui s’est passé en même temps en Argentine. Joli témoignage fourni dans ce livre.

    • Ce passage est caractéristique de l’humour de cette auteure. L’enfant est toute prête à pleurer sur la mort de Claude François avec son amie qui l’accueille gentiment chez elle, l’adulte qui écrit le roman le présente avec le recul suffisant pour nous faire sourire.

  2. J’ai noté la trilogie, il faut seulement que je lui fasse une petite place.

    • Je pourrai signer ton commentaire ! , on ne peut pas tout lire. Je ne savais pas que c’était le premier tome d’une trilogie à l’occasion j e irai les autres. Pour t’encourager , je peux te dire que ce livre se lit très facilement et agréablement.

  3. Je n’ai lu que son premier roman (où elle raconte l’arrestation du père), j’avais beaucoup aimé.

    • je vais chercher à le lire aussi car j’ai bien aimé celui-là. Elle parle aussi de son père de façon très juste, elle n’arrive pas à lui écrire alors qu’elle pense à lui tout le temps.

  4. c’est un livre que je devrais aimé, lorsque les réfugiés d’Argentine sont arrivés en France j’ai accueilli chez moi une jeune femme et son enfant, j’appréciais sa présence car j’étais comme l’on dit enceinte jusqu’aux yeux, le dialogue était facile à travers nos enfants mais je comprenais cette souffrance indicible
    C’est un thème qui du coup m’est toujours très cher

    • alors oui ce livre et cette auteure va beaucoup te toucher . Le regard de cette enfant est magique elle transforme les pleurs en rire. Elle pense beaucoup à son père qui est en prison et le titre du roman est un hommage à son père. Sa mère est curieusement moins présente dans ce roman mais je viens d’apprendre grâce aux commentaires que c’est une trilogie. peut-être qu’un des tomes est plus centré sur sa mère.

  5. Un livre plein de fraîcheur sur l’exil !? Super tentée ! je vais vérifier l’ordre de la trilogie, j’aime bien lire dans l’ordre …

  6. Et bien c’est noté !

  7. Tu en parles très bien et donnes envie de le lire

  8. Beau compte-rendu, j’espère croiser le livre et y butiner.

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