Présenté et traduit de l’arabe par Tahar Ben Jelloun. Lu grâce au club de lecture de la médiathèque de Dinard (Thème le Maroc)
Cette plongée dans la misère totale ne peut laisser personne indifférent. Ce livre, écrit par Mohhamed Choukri, raconte sa propre enfance dans un Maroc qui, en 1940 à la veille de son indépendance, connaît une sécheresse terrible dans le Rif. Mohammed n’a pour lui qu’une mère qui essaie vainement de protéger ses enfants des coups de ce père ivrogne, drogué, fainéant et d’une violence totale. Devant les yeux du petit Mohammed, il tort le cou du grand frère malade. De cet acte horrible, l’enfant ne se remettra jamais, mais qui peut se remettre d’une telle vision ? Il va errer de mauvais lieux en mauvais lieux, fumant, buvant de l’alcool très fort. Il va subir toutes les violences possibles et rendre tous les mauvais coups que ses forces lui permettent de donner.
Et au milieu de tous les immondices de la société humaine, il découvre sa sexualité dans les bordels. Ce sont les seuls moments de calme et, parfois de douceurs, le corps des prostituées qui s’offrent à lui pour assouvir des désirs sexuels toujours présents. Ce livre est une plongée dans la lie de la terre. Le seul moment de beauté est écrit dans la préface de Tahar Ben Jelloun, qui nous apprend que ce livre n’a pas pu être édité dans une maison d’édition arabe car on aime pas beaucoup en pays de l’islam montrer la prostitution, l’alcoolisme et les méfaits de la drogue.
Heureusement pour l’auteur, ce livre est aussi un acte fondateur d’un grand écrivain, car, comme il le raconte dans les dernières pages, à 21 ans, il trouvera la force d’apprendre à lire et écrire. Il a laissé à la postérité un oeuvre plus apaisée. J’avoue que j’aurais préféré lire ces autres romans, celui-là m’a plongée dans une tristesse infinie à l’image du malheur de ce petit garçon.
Citations
La violence d’un père
J’avais déjà vu son mari la battre, elle et ses enfants, comme mon père le faisait, mais avec plus de violence, avec nous. Je l’avais vu aussi embrasser ses gosses et parler avec douceur et tendresse avec sa femme. Mon père, lui, criait et frappait.
le meurtre de son frère par son père
Abdelkader pleure de douleur et de faim. Je pleure avec lui. Je vois le monstre s’approcher de lui, les yeux plein de fureur, les bras lourds de haine. Je m’accroche à mon ombre et crie au secours : « Un monstre nous menace, un fou furieux est lâché, arrêtez-le ! « . Il se précipite sur mon frère et lui tord le cou comme on essore un linge. Du sang sort de la bouche.
La construction dans la délinquance
Donc mon père nous exploitait. Le patron du café lui aussi m’exploitait, car j’ai su qu’il y avait d’autres garçons mieux payés que moi. J’avais décidé de voler toute personne qui m’exploiterait, même si c’était mon père ou ma mère. Je considérais ainsi le vol comme légitime dans la tribu des salauds.
La sexualité et le style de l’auteur
Cette femme me faisait peur : elle me proposait de la pénétrer, d’entrer dans sa chair comme un couteau pénètre une plaie. Elle s’est mise sur le lit et a ouvert les jambes. Il n’y avait pas de poil sur son « truc ». Elle prit ma verge dressée entre ses doigts. Je pensai soudain : et si la « plaie » avait des dents ! Je glissai entre ses cuisses avec crainte. Elle m’enveloppa de ses jambes et me serra très fort, appuyant sur mes petits fesses avec ses talons. Elle se donnait de la peine. Énervée, elle me dit :
– Tu ne sais pas encore pénétrer une femme.
Je ne savais quoi répondre. Je pensais aux chiens qui baisent et qui ne peuvent plus se détache. Sa « plaie » était sèche, elle me repoussa, mouilla ses doigts avec de la salive et les porta à sa « bouche » inférieure.
les deux dernières lignes
Mon frère était un ange. Et moi ? Deviendrait je un Diable ? C’est sûr, pas de doute. Les enfants, quand ils meurent, se transforment en anges, et les adultes en diables. Mais il est trop tard pour moi pour espérer être un ange.
Un livre autobiographique plus intéressant que ceux écrits par des français, parce qu’il nous apprend quelque chose, peut-être ?
Il nous apprend les horreurs dans lesquelles plonge l’humanité confrontée à la misère. Ce livre a été un coup dans l’estomac de tous ceux qui l’ont lu. Mais cela ne représente pas le monde marocain. C’est la misère!
Intéressant, cette immersion dans l’oeuvre d’un auteur marocain. Les extraits sont assez durs, je comprends la tristesse qu’on peut ressentir. A défaut de noter ce titre, je note l’auteur qui m’était, dois-je l’avouer, inconnu…
Cet écrivain est mort et à vécu en France. Moi aussi j’aimerais lire un autre livre de lui. Il a eu besoin de raconter cette enfance atroce dès qu’il a su lire et écrire . Ce qu’il a fait à 21 ans. Son histoire personnelle est inimaginable et pas du tout représentative du Maroc mais bien plutôt de l’extrême misère aggravée par la conduite indigne de son père
mon club lecture a mis le Maroc à l’honneur et du coup j’ai découvert cet auteur avec plaisir et intérêt, comme je suis un rien paresseuse je n’ai pas fait de billet mais je partage ton plaisir
le plaisir de savoir que même dans les pires conditions un petit humain peut s’en sortir grâce à la culture.
On en a beaucoup parlé à sa sortie, mais je ne l’ai pas lu. J’ignore d’ailleurs ce qu’il a écrit par la suite.
pour le Maroc c’est un livre important car il a bien décrit la misère de son peuple, raconté de l’intérieur et non vu à travers le regard des touristes attirés par l’exotisme de la misère. Donc c’est important pour nous aussi. qui allons parfois dans ces pays sans nous rendre compte de ce que vivent ces gens.
Typiquement le genre de livre que j’apprécie (et ça ne te surprend pas je pense^^).
tu l’as lu ? moi ce que j’apprécie c’est l’honnêteté du propos et le fait que l’enfant ait réussi à survivre et à devenir un adulte écrivain (en France pas en terre d’Islam qui l’a longtemps censuré)
Je l’avais noté à l’époque puis l’avais oublié… merci pour la piqure de rappel :)
ce n’est pas une lecture gaie mais sans doute indispensable pour comprendre la misère marocaine a une certaine époque.
Bonjour Luocine, je suis sûre que c’est pas mal mais j’ai envie de lire quelque chose de plus léger. Bonne après-midi.
léger!! oh que non ! sans mon club je ne l’aurais pas lu mais je ne regrette pas ma lecture.
J’ai aussi parlé de ce livre sur mon blog et il me semble avoir mis cinq étoiles :-)