Édition Arthaud. Traduit de l’italien par Béatrice Vierne.
En ce trois octobre, ma meilleure amie a 80 ans et comme cette auteure, elle aime par dessus tout créer des jardins, comme elle, elle lutte aussi contre des maladies graves mais heureusement qui la laisse en vie permettant à ses amis de profiter de son incroyable optimisme . C’est aussi une photographe de talent et j’avais parlé d’un de ses livres sur le pain sur Luocine.
Le titre du livre vient d’un poème d’Emily Dickinson :
« Je ne l’ai pas encore dit à mon jardin
Tant je redoute ma défaillance.
Pour le moment, je n’ai pas tout à fait la force
De mettre l’abeille dans la confidence »
Pia Pera est connue pour ses livres sur les jardins et elle écrit ce dernier livre en luttant contre une maladie qui va finalement l’emporter. Tout le long des années où elle a senti son corps la trahir, elle a cherché du réconfort auprès des plantes dont elle s’était occupée dans son merveilleux jardins. Elle a aussi cherché auprès de la médecine, si impuissante dans son cas, une guérison qui n’est pas venue. Elle a accepté de trouver dans des médecines non conventionnelles un peu de réconfort, elle a beaucoup espéré hélas, en vain. Elle a trouvé aussi dans les lectures des points d’appui, plus sans sans doute que dans la science médicale. Mais ce qui fait le charme de ce livre qui a tant plu à Dominique -au point de me donner envie de le lire et de l’offrir- ce sont tous les passages sur les merveilles de la nature. Autant elle sent l’inutilité des souffrances qu’on lui impose pour soi-disant la soigner, autant on sent qu’elle se regénère à chaque fois qu’elle peut se fondre dans le paysage qu’elle a su créer.
Comme ce livre suit ses pensées, il fourmille de petits passages merveilleux qui enlèvent la tristesse du propos. Par exemple savez vous qu’à Détroit les habitants créent des jardins potagers et des fermes sur des terrains arrachés aux friches industrielles ou aux barres d’immeubles vidés de leurs habitants par la délocalisation des industries métallurgiques et automobiles. De nombreux jardins sont évoqués que j’aimerais bien aller visiter, et tant de livres que je n’ai pas lus et où elle trouve des propos qui correspondent à son état physique et mental. Car évidemment son corps souffre et trahit la femme active qu’elle a toujours été. C’est triste mais pas tragique car dès qu’elle peut adapter son corps à des plaisirs physiques, on la sent heureuse. Comme ce dernier bain de mer à l’île d’Elbe dans une voiture adaptée. Mais, ce sont les passages sur les plantes qui font tout le charme de ce livre et pourtant ce n’est pas mon sujet de prédilection. Je vous ai recopié le passage sur les rose pour vous donner une petite idée du style de Pia Pera.
Finalement que dire de plus : un très beau livre et un hymne à la vie. Comme le dit la mère de José Saramago
« Le monde est si beau, quel dommage d’être obligé de mourir. »
Citations
On a envie de s’y promener.
J’ai tenté de raconter comment j’avais transformé une ferme austère en lieu où l’on pouvait, par une transition progressive entre le spontané apparent et le champêtre, entre le fortuit et le délibéré, assez discrète par une transition imperceptible côtoyer des bosquets, des oliviers, un verger, un potager, jusqu’au jardin des buis, derrière la maison. Mon intention avait été d’effacer ou pour le moins d’estomper mes propres traces, tous les indices risquant de laisser deviner un projet, une attention.
Les plantes et les ruines.
Ce qui émeut, dans les plantes superbes poussant telle de courageuses pionnières, parmi les ruines archéologiques, ce n’est pas la mort, mais la vitalité.
J’espère que mon amie arrivera à cette sagesse .
La canne à la main, me dis-je, je ne me laisserai plus dominer par personne. Je tiendrais tête. Vraiment, elle me met en joie. Elle favorise ma vocation de despote. J’adore dire aux autres ce qu’ils doivent faire. Il a fallu que je tombe malade pour découvrir à quel point donner des ordres est plus gratifiant, au fond, qu’une pénible autonomie. Au début, je m’obligeais pour des raisons morales, à tout faire toute seule. Maintenant, malade, je peux profiter en secret d’un privilèges suspect sur le plan éthique.
Les roses.
Depuis leur premières apparition, j’appelle les boutons de rose minuscules et serrés, comme des écrins en miniature tantôt ronds, tantôt allongés, avec parfois des pétales disposés capricieusement, par petites Gilles. Chacun d’eux m’inspire une tendresse poignante, mêlée de curiosité envers les nuances, les formes comprimées jusqu’à l’invraisemblable. Et puis enfin, quelque chose transparaît : l’étreinte des sépales se relâche tandis que la fleur pousse afin de s’ouvrir à la lumière. Pour le bouton c’est la capitulation , et alors les rôles s’inversent : on voit la petite couronne de sépales ployer, vaincue, au pied de la fleur triomphante, tantôt dessinée selon des lignes Art nouveau, tantôt fluide comme la tache de couleur d’un impressionniste, tantôt avec des pétales disposées en corolle simple, comme dans un codex enluminé.
Une autre amoureuse de jardin.
Aussi longtemps qu’elle (Vitæ Sackville-West) l’a pu, elle a vécu avec et pour son jardin. Elle n’était pas femme à sacrifier un seul instant pour penser à cette goujate qu’est la mort .
J’ai aimé tant de passages comme celui-ci :
José Saramago, dans son discours pour le Nobel, évoque l’homme le plus sage qu’il est connu – son grand-père maternel, qui ne savait ni lire ni écrire. Pressentant qu’il ne reviendrait pas du voyage qui d’Azinhaga allait le conduire jusqu’à un hôpital de Lisbonne, il a pris congé, en larmes, des arbres de son jardin, les étreignant un par un. quant à sa grand-mère maternelle, elle a déclaré : « Le monde est si beau, quel dommage d’être obligé de mourir.
C’est très beau en effet. Et quand je lis ce passage sur les boutons de roses, je ne peux pas m’empêcher de penser aux chevreuils qui ici les apprécient aussi tellement qu’ils les mangent tous !
sacrés chevreuils! il doit y en avoir moins en Italie
Ce titre me semble bien lumineux malgré le contexte. En tous cas tu donnes envie..
j’ai adoré mais c’est sans doute un texte qui va bien aux gens qui comme moi vieillissent .
Mais tout le monde vieillit à chaque instant qui passe, non ?
À un certain âge on prend conscience du vieillissement c’est très différent .
Il est dans ma PAL ; j’aurais aimé le lire tout de suite, mais ça se bouscule beaucoup en ce moment dans ma PAL.
J’ai absolument adoré et je l’ai prêté, offert, avec toujours ce même retour positif , souvent les livres découverts chez Dominique sont de petits bijoux
Oups je crois que mes biblis ne l’ont pas (hélas)
il te reste à le mettre sur une liste de cadeaux pour …. Noël ou ton anniversaire!
Comme je te comprends de faire le parallèle entre ce livre et ton amie
Un livre qui m’a beaucoup touché, il faut dire que je fais partie de la cohorte des personnes qui ont une atteinte physique qui transforme leur vie totalement hélas alors je me suis retrouvée dans ces pages.
Un très beau livre sur le vieillissement à travers un jardin où j’aimerais me promener. Mais j’ai aimé aussi toutes ses recherches pour trouver des solutions en dehors de la médecine qui l’écoute si mal et ne sait pas la soigner
C’est certainement très beau, mais pas sûr que cela soit pour moi !Je craindrais sans doute de m’y ennuyer un peu.
Je peux me tromper mais peut être serais tu sensible à ce corps qui refuse d’être aussi performante que sa tête.
J’avais déjà un commentaire allant dans le même sens sur ce livre et je dois avouer que je me laisserais bien tenter. C’est très émouvant, et les extraits que tu proposes, surtout sur les roses et José Saramago, vont dans le même sens. Merci pour cette jolie chronique !
C’est un très beau livre un récit touchant et plein d’humanité
Moi, c’est le côté jardin qui me plairait beaucoup, je pense ! L’extrait sur les roses me parle en tout cas … Je suis assez du genre à rester regarder une jeune pousse dans mon jardin !
J’ai eu envie de me promener dans son jardin dès qu’elle le décrit .
Très belle écriture en effet
une petite pépite apparemment. Quel joli titre !