Traduit (et très bien traduit) de l’américain par Pierre FURLAN.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Je n’aime pas les nouvelles, voilà qui est dit ! Alors pourquoi ces cinq coquillages ? Parce que cet auteur que je ne connaissais pas, est tout simplement extraordinaire, les moins de 40 ans diraient « génial ». Je déteste passer d’une histoire à une autre, surtout quand j’étais bien dans un univers, j’ai besoin de reprendre ma respiration. Je ne lis pas deux romans à la suite, j’ai besoin au moins d’une nuit pour changer d’univers, pour les nouvelles c’est pareil. Abandonner deux amies, l’une mariée à un Frank qui ne fait pas le poids face aux charmes qu’offre la liberté d’un récent veuvage de l’autre , pour aller vers un barmaid qui est le champion des cocktails, c’est pénible. Malgré toutes les qualités de l’écrivain cela reste un problème pour moi, mais j’ai adoré ses nouvelles . Un peu comme Carver ou comme Hooper, Russel Banks peint un pays dans toute sa variété quotidienne, les gens qui s’ennuient en couple ou seuls, ceux qui auraient aimé tromper leur femmes, et ceux qui le font. Les récits n’ont pas forcément de chute, parfois rien de grave ne s’y passe, parfois si.
Les portraits sont criants de vérité, cet écrivain sait capter l’attention du lecteur en quelques phrases, c’est très important pour des nouvelles surtout au début, car sinon on reste dans l’atmosphère du récit précédent un peu trop longtemps. On vit au rythme des retraités qui préfèrent le soleil de Miami aux froidures du nord. On appelle ces gens « les oiseaux des neiges », et une des nouvelles porte ce titre, c’est une de mes préférées. La scène de l’urne funéraire est très réussie. Je note d’ailleurs que les urnes funéraires sont de bons sujets littéraires. J’ai été très émue par cet ancien marine, qui est resté digne toute sa vie, mais qui ruiné, a trouvé une mauvaise solution pour que ses enfants n’en sache rien, et par cette femme noire qui essaie de réaliser le rêve de sa vie : acheter une voiture d’occasion et se retrouve coincée derrière les grilles du garage gardé un chien féroce. Toutes ces nouvelles pourraient être le script d’un film, tant les personnages sont vivants.
On n’est pas dans l’Amérique des perdants,même si une nouvelle parle de la drogue, la violence affleure sans être omniprésente, mais ce n’est pas non plus l’image des gens qui réussissent , ou alors c’est juste le moment d’avant ou d’après. Les gens ne sont souvent pas exactement ce qu’ils semblaient être. Une des nouvelles, la plus courte, montre combien on se raconte parfois des histoires sur une personne rencontrée par hasard. A partir d’une simple liste de courses, l’homme croit comprendre la détresse d’une femme qui finalement le taxera de vingt dollars pour se payer sa dose de drogue. J’ai beaucoup aimé cette nouvelle où il se passe si peu de choses.
Si je ne suis pas réconciliée avec le genre littéraire (les nouvelles) je sais, en revanche, que je viens de découvrir un écrivain de grand talent.
Citations
Les maisons de retraite
Mais ce n’est pas tout à fait une maison de retraite. Ils appellent ça une « communauté pour adultes » : elle comprend aussi un établissement qui donne des soins infirmiers. Donc à mesure que ton corps et ton esprit se détériorent, on te balance d’un niveau suivant sans que tu sois obligé de quitter les lieux avant de mourir. Alors, ouais. Je l’ai échappé belle.
Un mari bien rangé, trop !
Même ses sous – vêtements étaient pliés et empilés de telle façon qu’on pouvait les prendre facilement, comme dans un magasin de vêtements pour homme. Georges aimait dire qu’ils le faisait pour être capable de s’habiller dans le noir s’il y était obligé. Mais il n’y a jamais été obligé.
Le mariage
Si son mariage ne le fait pas exactement souffrir, il le trouvait ennuyeux et se sentait invisible dans cette vie conjugale, comme un vieux meuble qu’on ne peut pas déplacer sans chambouler tout le reste de la pièce et que, du coup on laisse – là où il est en ne tenant plus compte de lui.
Un portrait qu’on n’oublie pas
Le truc le plus extravagant que j’aie jamais fait, c’était d’auditionner auprès d’une boîte de prod de films pornos à South Beach. J’avais trente cinq ans, j’étais divorcé et fauché. J’avais une bite de dix -huit centimètres. Mais ils m’ont dit qu’ils en voulaient une de dix -neuf, alors à la place, j’ai pris un cours de préparation de cocktails – quarante heures de formation à la New York Bartending School de Floride du Sud.Le reste, c’est du passé. Je suis toujours divorcé, mais je ne suis plus fauché. J’ai toujours une bite de dix-huit centimètres, mais je n’ai plus trente cinq ans.
On en parle
Chez Clara.