La vie doit être elle-même à soi, sa visée, son destin
Traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat.
Une fois encore, j’ai suivi l’avis de Dominique, et pendant une quinzaine de jours, je me suis laissé guider, grâce à ce livre, dans la vie, dans l’œuvre de Montaigne et sa postérité en France et à l’étranger (surtout en Angleterre). Auteur merveilleux, mais dont la lecture n’est pas si simple, d’abord, il faut trouver une version traduite en français moderne car, hélas pour moi, le français du XVIe siècle est trop difficile à comprendre. Je perds, je le sais bien, un des charmes de la langue de Montaigne, qui mêle souvent au français des expressions périgourdines quand il les trouve plus savoureuses . Ce livre permet une approche simple mais aussi variée et riche des « Essais » en répondant de vingt façons différentes à la question : « Comment vivre ? » la première réponse : « Ne pas s’inquiéter de la mort » permet à Sarah Bakewell de rappeler comment Montaigne se mit à rédiger « Les Essais » après un accident de cheval , il crut, alors, mourir sans vraiment en souffrir , avec la dernière réponse « Laisser la vie parler d’elle même » , nous quitteront un Montaigne que nous avons l’impression de beaucoup mieux connaître, mais aussi un XVIe siècle plein de fureurs religieuses.
Comme tous les admirateurs de Montaigne, je me suis fait mon jardin personnel à partir des « Essais ». J’ai toujours aimé ce qu’il a écrit à propos de l’éducation des enfants : il faut savoir séduire et tenter plutôt que de les « dresser » et les accabler par un savoir qui ne les tente pas ou qui les ennuie, leur donner envie de découvrir par eux-mêmes les joies de la science et de la littérature. J’ai toujours aimé, également ses propos sur le voyage qui forme la jeunesse…. Sarah Bakewell nous en dit beaucoup plus sur ce sujet : comment Montaigne fuyait les lieux touristiques pour essayer de connaître la population du lieu visité, combien il savait s’étonner de tout sans jamais juger supérieures ou non ses propres habitudes, combien il s’agaçait des Français heureux de rencontrer d’autres français dans des contrées lointaines. On a l’impression de lire une charge contre le tourisme contemporain. Je me souvenais aussi de son intérêt pour les populations d’Amérique mais j’ai ,encore une fois, été étonnée par l’aspect très moderne de sa pensée à propos des autres civilisations , il a toujours su déplacer son regard pour appliquer sa philosophie qui lui permettait de douter de tout, et surtout de lui-même.
Ce qui, cette fois, a retenu toute mon attention , c’est sa façon de rester humain , alors que son siècle se déchire en factions religieuses et fanatiques. Dans la France d’aujourd’hui, où se moquer de Mahomet équivaut à une condamnation à mort, il est urgent de lire et relire Montaigne. Stefan Zweig qui, dans sa jeunesse avait trouvé Montaigne vieillot et un peu mou, trouvant ses idées sur la tolérance dépassées car, dans l’Europe de 1930, personne ne pouvait imaginer les fureurs du nazisme, retrouve « Les Essais » lors d’un exil douloureux au Brésil, il comprend, alors, la pensée et la modernité de cet humaniste du XVIe siècle, il en fait son livre de chevet. Comme lui, face à Daesh et aux crimes perpétués au nom de l’Islam, nous pourrons dire à la lecture des « Essais » :
« Ce n’est que quand le destin nous rendit frères, que Montaigne m’apporta son aide, sa consolation , son amitié irremplaçable. »
Citations
la peur de la mort
« Ne pas se soucier de la mort » devint sa réponse la plus fondamentale, la plus libératrice à la question du « comment vivre ». Elle permettait de faire simplement cela : vivre.
Les lectures de son enfance
Les Métamorphoses d’Ovide fut de ces textes inappropriés que Montaigne découvrit par lui – même à l’âge de sept ou huit ans. Cette ébouriffante corne d’abondance d’histoires de transformation miraculeuses parmi les dieux antiques et les hommes était, pour la Renaissance, ce qui ressemblait le plus à un recueil de contes de fées. C’était le genre de choses qu’un écolier imaginatif du XVIe siècle pouvait lire en ouvrant de grands yeux, les articulations des doigts blanchies à force de serrer les couvertures
Phrase qui pourrait être mise en exergue de nombreux blogs
Montaigne se prenait d’amitié pour les livres comme si c’étaient des gens, et qu’il les reçut dans sa famille.
Sourire
Si Plutarque veut nous dire que le secret pour vivre bien est de tirer le meilleur parti de toute situation, il le fait en nous narrant l’histoire d’un homme qui lança un caillou sur son chien, le manqua, frappa sa belle – mère et s’écria : « Pas si mal , après tout ! «
Sa façon de parler de lui-même
Les gens qui ont une bonne mémoire ont l’esprit encombré, or son cerveau était si heureusement vide que rien ne pouvait se mettre en travers du sens commun
La sexualité
Montaigne aimait le sexe, et s’y livra d’abondance tout au long de sa vie… »En vérité ,le plaisir que je fais chatouille plus doucement mon imagination, que celui qu’on me fait »
La philosophie de Montaigne
Le scepticisme dogmatique ordinaire affirme l’impossibilité de savoir, que résume le mot de Socrate : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. » Le scepticisme pyrrhonien part de là, mais ajoute ensuite, au fond, « et je n’en suis même pas sûr ».
Explication de la saint Barthélémy et de bien d’autres fureurs religieuses
Si les guerres s’alimentèrent la ferveur religieuse, les souffrances qu’elles produisirent nourrirent à leur tour l’imaginaire apocalyptique. Catholiques et protestants se dirent que les événements approchaient d’un point de vue duquel il ne pouvait plus y avoir d’histoire normale, car il ne restait en tout et pour tout que l’affrontement final de Dieu et du Diable. C’est bien pourquoi les catholiques célébrèrent si joyeusement les massacres de la Saint – Barthélémy, y voyant une authentique victoire sur le mal et une façon de ramener une multitude d’égarés à la vraie Église avant qu’il ne fût trop tard pour sauver leur âme.
Lutte contre le terrorisme
L’histoire l’a maintes fois suggéré : rien ne détruit plus efficacement les protections juridiques traditionnelles que l’allégation qu’un crime est singulièrement dangereux et que les hommes qui se cachent derrière ont des pouvoirs exceptionnels.
On en parle
Un peu brièvement chez Keisha qui a aussi beaucoup aimé.
Je ne connais Montaigne que par extraits mais je ne désespère pas de lire tout entier un jour ! J’adore ta citation sur les livres et tu donnes vraiment envie de se plonger dans cette bio…
je te préviens c’est un piège ce livre, un doux piège , on y est trop bien pour lire autre chose!
Un doux piège c’est tout à fait ça
je ne sais pas dans quelle édition tu as lu, je fais comme toi j’utilise une édition modernisée celle d’Arléa mais même là de temps à autre je bute alors j’ai aussi celle de Guy de Pernon en français normal mais effectivement cela perd de sa saveur
C’est un livre qui accompagne tout au long d’une vie je crois, que l’on peut ouvrir pour respirer un peu une réflexion en altitude
je suis comme toi admirative de cette homme qui parvient à garder tolérance, sérénité, esprit ouvert en plein milieu des guerres civiles et dieu sait qu’elles furent sanglantes et horribles, le film de Tavernier donnait bien le ton je trouve
Si un jour tu veux trouver une réflexion complète sur les Essais le meilleur livre est celui d’Hugo Friedrich, un allemand, c’est ancien mais c’est le plus pertinent c’est chez gallimard
Je suis heureuse de ta plongée, ce genre de lecture rapproche je trouve
Merci de ce si bon conseil de lecture, je pense que je ne vais pas être la seule à m’être laissé tenter par cette lecture. J’ai du mal à tourner la page, je relis des passages en me disant : mais j’ai oublié de dire ça et puis ça, j’ai hâte de lire d’autres commentaires. Pour montaigne j ai plusieurs versions mais je ne lis que celle en français moderne.
Je sautille, je sautille, 5 coquillages (sinon je te causais plus). Grâce à Dominique aussi j’ai lu ce livre (comment ça, il est en poche? chic!)
et tu as fais un billet? oui il est en poche et je ne le quitte plus!
Je l’ai vu chez Dominique, bien sûr. Maintenant qu’il est en poche, je n’ai plus d’excuse. Il fera partie de ma prochaine virée livres.
je te donne une excuse : quand on se plonge dedans, on ne le quitte plus!
« il est urgent de lire et relire Montaigne » : c’est terriblement vrai dans mon cas, c’est un auteur que je ne connais qu’à travers quelques extraits…
la difficulté , c’est que « les essais », se lisent difficilement , d’abord pour la langue, les anglais n’ont pas ce problème, ils lisent toujours des traductions,et puis pour l’aspect touffu des essais, cette auteure qui se ballade dans les essais comme chez elle , nous entraîne dans une compréhension de Montaigne qui donne envie de le relire, mais je t’avoue que je ne l’ai pas encore fait.
C’est l’occasion rêvée de découvrir de plus près ce personnage que je n’ai malheureusement fréquenté qu’épisodiquement au cours de ma scolarité (et 5 coquillages, tu ne les donnes pas souvent !).
c’est un livre parfait , je ne fais que ça pendant 15 jours et encore aujourd’hui je lis et relis , je dois dire que notre période de terrorisme et d’intolérance y sont pour beaucoup.
Lire ou relire montaigne était pourtant mon objectif… J’ai lu aussi offert Un été avec Montaigne. Je tourne autour (bon, j’ai lu le tome 3 et le début du 1, ce n’est pas rien ^_^)
oui moi aussi c’est mon objectif, c’est bien d’en avoir un, déjà!
En ce moment mon niveau de lecture est plutôt BD ou livre jeunesse. Montaigne, c’est pas pour moi pour l’instant !
Cette auteure rend Montaigne accessible à tous les curieux de la vie , c’est à dire aussi ceux qui lisent des livres jeunesses et des BD.
Il semble que ce livre soit parfait pour approcher l’oeuvre de Montaigne. J’ai parfois du mal à lire certains auteurs sans l’éclairage des cours…
oui ce livre est parfait pour cela et donne envie de lire Montaigne