Édition Albin Michel, 395 pages, avril 2024
J’écoute très régulièrement les podcasts de Phillipe Collin, et je vous conseille ceux sur Céline, et Léon Blum en particulier mais ils sont tous intéressants. Je savais que je lirai son roman, et j’ai bien aimé mais sans retrouver le plaisir d’écoute des podcasts.
L’auteur a été très intéressé par le barman du Ritz, qui est d’origine juive et qui l’ a caché pendant toute la guerre alors qu’il servait tous les jours les plus hauts gradés de la Wehrmacht. Le roman a trois centres d’intérêt : le Ritz, ses clients et le parcours de Franck Meier le barman.
Le Ritz, cet hôtel de luxe appartient à l’époque de la guerre à Madame Ritz, une femme peu sympathique qui veut avant tout que les clients prestigieux soient bien servis, peu importe la couleur de leur uniforme. Il est dirigé par Monsieur Auzello qui est l’époux de Blanche une très belle femme américaine juive. Je ne sais pas si le fait est exact, mais le barman l’aurait aidée à avoir des papiers lui créant une nouvelle identité chrétienne américaine. L’important dans cet hôtel, c’est le luxe, le luxe des plats, des boissons, des meubles le tout servi par un personnel de grande classe.
Les clients, nous sommes donc avec les gradés de la Wehrmacht certains ont une certaine classe, d’autres sont de véritables porcs comme Goering qui passe son temps à se droguer et à piller les trésors culturels français. Je ne sais pas non plus si c’est exact, c’est au Ritz qu’aurait été fomenté le dernier attentat contre Hitler. Le roman se termine sur le retour d’un client qui avait fait la réputation du Ritz : Hemingway .
Franck Meier, c’est bien lui le personnage principal , sa naissance aurait dû lui couter la vie : son père est un rescapé de pogroms qui est venu vivre à Vienne, il a rejeté la religion juive et n’a pas voulu circoncire son fils. Pour fuir la misère, Franck part aux États-Unis et se forme à la fabrication de cocktails, il est attiré en France dans les années 1900 et commence au Ritz fréquenté alors par des écrivains américains, Fitzgerald, Hemingway. Quand la guerre 14/18 éclate, Franck s’engage dans la légion étrangère , il deviendra français et sa carrière continue. Il ne dira à personne qu’il est d’origine juive mais certainemant cela l’empêchera d’adhérer à l’idéologie nazie, l’écrivain nous le fait connaître grâce aux extraits de son journal, on apprend sa vie personnelle. Il est très sensible à la beauté de Blanche Auzello qui ne se remettra jamais des tortures qu’elle a subies dans les caves de la Gestapo . On découvre aussi son mariage et l’existence de son fils auquel il semble moins attaché qu’à un jeune juif d’origine italienne qu’il a aidé à fuir.
L’ambiance est très bien rendue, à la fois les années de luxe de la collaboration et les personnages qui s’affichent sans aucune vergogne au bar avec les Allemands , Coco Chanel, Arletty, Sacha Guitry, Jean Cocteau, tous ces gens profitent aussi d’une nourriture abondante et de l’alcool qui coule à flot. Pendant ce temps là les juifs sont raflés, pillés et les français ont faim. Et quand la victoire des Américains s’annoncent les rats quittent le navire et les vestes se retournent. J’avoue que ce monde là m’intéresse assez peu et parfois même il me dégoûte cela fait partie de mes réserves .
Ma réserve principale vient du parti-pris de l’auteur de centrer tout son roman sur Franck Meier dont l’auteur ne sait pas grand chose à part qu’il soit d’origine juive , donc on ne sait jamais si c’est vrai ou romancé. Cela n’empêche pas que ce livre se lit très facilement et qu’on passe un bon moment au Ritz dont je ne pourrai jamais m’offrir que la vue de la façade .
Extraits
Début du prologue
Demain, les troupes allemandes entreront dans Paris. La France est dissoute comme un morceau de sucre dans un verre d’absinthe.
Début du roman.
14 juin 1940« Me voilà coincé dans le nid des Boches. »Six heures et demie du soir, et les Allemands se font toujours attendre.Ce matin, ils ont défilé sur l’avenue Foch.Désormais ils sont là dans les murs dans l’enceinte du Ritz.Tous les palaces parisiens sont réquisitionnés par l’armée allemande afin d’y installer des bureaux ; le Ritz, lui, accueillera une centaine d’officiers supérieurs – la crème de la Wehrmacht – et devient « la résidence du gouverneur militaire en France » : si ce titre ne rappelait pas la cruelle humiliation que vient de subir l’armée française, il serait presque prestigieux.
Exil : l’ambivalence des sentiments.
L’équipage a largué les amarres, la sirène du paquebot a retentit. Et j’ai soudain été pris d’une immense tristesse en pensant à ma petite mère, l’exil social se paye d’une tristesse éternelle.
Il est vrai que les gens se révèlent dans des moments tragiques.
Elmiger a le sourire modeste, il se cale dans le siège passager. Franck le regarde à la dérobée en tournant boulevard Pasteur. Le directeur lui fait penser à ces hommes qui sur le front des Ardennes se révélaient à l’épreuve du feu. Au départ, ils étaient frêles, discrets, tourmentés. Souvent instituteurs ou clercs de notaire, ils avaient des larmes pleins les yeux et voulaient rentrer chez eux. La trouille au ventre, le casque trop grand sur la tête. Le genre de sous-officier trouillard que tous les soldats fuyaient, persuadés qu’ils portaient la poisse. Puis, contre toute attente, la prudence de leur tempérament leur a permis de survivre. Au fil de la mitraille, une force morale s’est forgée en eux. Ils se sont redressés, ont rajusté la lanière de leur cervelière, ont domestiqué leur peur. Chaque jour qui passait sous les pluies d’obus, ces hommes qu’on avait jugé trop vite se parvient de ce charisme rare qui rassure les autres, jusqu’à conduire les gars au moment de l’assaut.