Édition Charleston, 437 pages, janvier 2024

Traduit de l’anglais par Sarah Tardy

J’avais beaucoup aimé « Pour que chantent les montagnes » et j’ai donc lu avec intérêt ce deuxième roman qui a pour sujet l’après de la guerre du Vietnam ; L’écrivaine construit son roman sur plusieurs temporalités et plusieurs personnages qui vont se retrouver dans les deux derniers chapitres.

La temporalité la plus ancienne se passe au Vietnam en 1969, deux très jeunes filles veulent sauver leurs parents du poids d’une dette et pour cela vont quitter leur village natal pour devenir « hôtesse » dans un bar à Saïgon. La plus âgée pense vivre une vie amoureuse avec un officier américain : Dan, un pilote d’hélicoptère, Quand Kim (de son vrai nom Thran) lui annonce sa grossesse, Dan s’enfuit. Ces deux filles seront un des fils de l’histoire, le deuxième fil est constitué par Phong, un enfant métissé Vietnamien et américain noir, il veut absolument retrouver son père américain, enfin le troisième fil, c’est Dan en 2016, qui avec sa femme est revenue au Vietnam .

On voit donc que le sujet principal est le sort des enfants métissés au Vietnam. L’écrivaine connaît bien le sujet et fait preuve d’une grande objectivité, il n’y a pas des bons et des méchants, la guerre bouleverse toutes les valeurs et la population est victime. Les soldats américains sont évidement les méchants, mais ce sont aussi des pauvres gosses assez paumés conduits à faire des actes qu’ils seront amenés à regretter toute leur vie quand ils ont survécu. En tout cas c’est la cas de Dan. Nous apprendrons peu à peu la raison de ses cauchemars récurrents, mais jamais l’auteure ne l’excuse d’avoir laissé Kim se débrouiller seule avec ce bébé à venir.

Si les deux sœurs ont été amenées à se prostituer, ce sont pour des raisons économiques et on sent que pour les soldats ce sont des filles qui aiment ça , pour les Vietnamiennes c’est une façon de se sortir de la misère. quand elles commencent à croire à l’amour elles sont perdues car c’est toujours à sens unique.
Pour les enfants métis, c’est l’horreur car ils sont le témoignage vivant des conduites de leurs mères avec les soldats ennemis, on les appelle de toutes sortes de nom racistes mais de toutes façon ils sont pour tout le monde des « poussières de vie »  : Phong, qui a la peau noire est deux fois rejeté comme métis et comme noir. Mais les USA se sentant un peu coupable de leur sort permettra à ces enfants de faire une demande d’exil pour venir vivre dans un pays qui semble un pays de rêve pour le Vietnam qui est très pauvre . Le pauvre Phong sera deux fois victime d’une arnaque, la première fois une riche famille vietnamienne prétendra l’avoir adopté pour pouvoir partir tous ensemble en Amérique. La supercherie est découverte et sa demande est rejetée quand 10 ans plus tard, il renouvelle sa demande en ayant donné toutes ses économies à un escroc qui s’enrichit sur des naïfs du genre de Phong. Pourtant, il a réussi à construire sa vie grâce à la gentillesse de sa femme et il a deux enfants.

Enfin il reste le couple de Dan et Linda qui sont revenus au Vietnam, Dan pour retrouver si possible son enfant et Linda pour aider son mari à vaincre ses fantômes. Le couple aura du mal à ne pas se séparer lorsque peu à peu Dan révèlera son passé.

Pourquoi j’ai quelques réserves sur ce deuxième roman ? Je lui reconnais de grandes qualités d’objectivité, c’est que l’on sent trop l’envie de construire une histoire cohérente qui sans se finir par un happy end, se termine d’une façon optimiste Je reconnais que je n’avais rien lu sur les enfants métis de soldats américains au Vietnam mais cela n’a pas suffit à provoquer chez moi un enthousiasme que je pourrai partager avec vous.

Extraits

Début.

« La vie est un bateau, avait dit sœur Nhã la religieuse qui avait élevé Phong. Dès lors que ce bateau quitte son port d’attache qu’est le ventre de la mère, sa course se poursuit au gré des courants. Mais si le bateau renferme assez d’espoir, de fou en lui-même, de compassion, de curiosité, alors il peut affronter toutes les tempêtes de la vie. »

Un vétéran marqué par la guerre.

Dan ouvrit les yeux. Certains passagers riaient de soulagement. Les turbulences étaient passées.
 Il cligna des yeux, le visage brûlant de colère et de honte, puis secoua la tête pour tenter de chasser les images qui l’avaient assailli, mais dans son esprit tout était encore parfaitement vif : son mitrailleur, Ed Rappa, posté à la porte faisant le signe de croix et embrassant le sol après chacune de leur mission ; son chef d’équipe, Neil Hardesty qui mâchait son chewing-gum la bouche ouverte ; son copilote Reggie McNair, inspectant ses chaussettes porte-bonheur trouées par les mite, qu’il portait toujours en vol. Dan aurait aimé pouvoir leur dire combien il était désolé.
Pourquoi avait-il survécu et pas eux ? Cette question Dan se l’était posée un nombre incalculable de fois au cours des quarante-cinq dernières années.

Les enfants des vétérans.

 Beaucoup de vétérans refusent tout simplement de reconnaître leurs enfants quand ces derniers les retrouvent. Il peut y avoir de nombreuses raisons. Par exemple certains de ces hommes ignoraient qu’ils avaient engendré des enfants au Viêt Nam. D’autres sont traumatisés et ne veulent plus entendre parler de leur passé. Retrouver des membres de la famille est plus complexe qu’on ne le pense.

 

 


Édition stock, août 1995, 266 pages

Je suis allée vers ce roman car je suis très rétive à la Science Fiction mais que j’aime bien aussi changer d’avis sur mes a priori. le billet de Karine était tellement enthousiaste que j’ai immédiatement pensé voilà une bonne occasion de sortir de mes idées toutes faites.

Je reconnais, à Jacqueline Harpman, un vrai talent d’écrivaine, car on part sans aucune difficulté dans son histoire . Elle a une imagination féconde et le sens du détail. Dans la première partie du roman nous sommes avec la narratrice la plus jeune des quarante femmes enfermées dans une cave surveillée sans cesse, jour et nuit, par des gardiens. Les règles sont strictes, elles ne doivent jamais se toucher, ni s’isoler, elles doivent être vues par leurs gardiens à tout moment. La narratrice sait moins de choses que les femmes plus âgées mais elle comprend vite que tout manquement aux règles leur vaut des coups de fouet terribles. Elles ne peuvent pas non plus se suicider et sont donc « condamner » à attendre, attendre quoi ? rien si ce n’est de mourir. Elles sont nourries et survivent donc jour après jour. La narratrice se rapproche de Théa une de ces femmes qui lui explique le monde dans lequel elle vit. Et puis un jour … la porte de la cage est ouverte et les gardiens sont partis. Commence alors la deuxième partie du livre l’enfermement dans un monde extérieur qui n’existe plus. Les femmes organisent leur survie à l’air libre, c’est d’autant plus facile que la terre est couverte de petites guérites qui mènent à des caves et où elles trouvent nourriture et vêtements. Et aussi … à des cadavres de quarante femmes ou quarante hommes. Les survivantes vieilliront puis mourront les une après les autres sans jamais avoir la moindre explication de ce qu’il s’est passé. Bien sûr l’intérêt du roman ne vient pas du réalisme de l’histoire : c’est de la science fiction ! Il y a eu une catastrophe sur la terre et des gens très méchants ont pris le contrôle des humains. Une seule poignée de survivantes arrivent à se sauver des cages dans les caves et maintenant. ? Quel est le sens de ce livre ? « l’accès à la condition humaine » comme l’annonce la quatrième de couverture ? Pour moi non, la condition humaine n’a de sens que dans l’interaction entre les hommes alors que la narratrice réduit son personnage à la solitude totale.

Je l’ai dit en commençant ce billet, je reconnais à cette écrivaine une force narrative intéressante, j’ai suivi avec intérêt la façon dont cette femme se frotte à un monde dont elle ne connaît pas les codes puisqu’elle a grandi dans la cave et essaie de comprendre les bribes du monde d’avant qui lui parviennent. Quand je suis devant ce genre de lectures, je me demande toujours pourquoi les écrivains ont besoin d’imaginer de telles catastrophes pour nous faire réfléchir. Pour moi la science-fiction a du sens quand elle nous permet d’analyser notre monde. Le chef d’oeuvre dans le genre c’est Orwell et « 1984 » et aussi « la ferme des animaux ». Mais ici c’est gratuit et sans aucune explication ni sur la catastrophe initiale, ni sur la force dominatrice, alors je trouve cela gratuit. L’autre remarque que je me suis faite : pour tout le clan des antidivulgâcheuses (dont je ne fais pas partie) comment avez vous vécu que ce livre vous mette en attente d’une explication qui ne viendra jamais ?

 

Extraits

Début.

 Depuis que je ne sors presque plus je passe beaucoup de temps dans un des fauteuils, à relire les livres. Je ne me suis intéressée que récemment aux préfaces. Les auteurs y parlent volontiers d’eux-mêmes, ils expliquent pour quelles raisons ils ont rédigé l’ouvrage qu’ils proposent. J’en suis surprise : n’était-il donc pas plus évident dans ce monde là que dans celui où j’ai vécu de transmettre le savoir qu’on a pu acquérir ?

La mémoire.

 Y a-t-il dans le travail de la mémoire une satisfaction qui se nourrit d’elle-même et ce dont on se souvient compte-t-il moins que l’activité de se souvenir

La dignité humaine.

 Moi, je trouvais tout naturel, quand j’allais uriner de m’asseoir sur le siège des toilettes en continuant la conversation où j’étais engagée, les rares fois où je conversais. Les vieilles maugréaient furieusement, elles parlaient d’indignité et d’être ravalées au rang de la bête. Si si tout ce qui nous différencie des bêtes est de se cacher pour déféquer, la condition humaine me paraît tenir à peu de chose, pensais-je.

Le cœur du récit.

 Au début -enfin pas vraiment au début, car il y a une période dont personne n’a un souvenir clair, mais après, à partir du moment où les choses s’organisent dans nos mémoires, nous savons que nous réfléchissions tout le temps. Ils auraient pu te tuer, mais ils ne tuent pas ou te retirer, t’envoyer ailleurs, s’il y a d’autres prisons semblables à celle-ci, mais là ton arrivée aurait constitué une information, et la seule chose dont nous soyons sûres est qu’ils veulent qu’on ne sache rien. Nous avons fini par supposer qu’ils t’ont laissé ici parce que toute décision peut être examinée, et que leur absence de décision marquait la seule chose qu’ils veulent qu’on sache, et qui est que nous ne devons rien savoir.

 


Édition Seuil, 334 pages, paru en mai 2024

lu dans le cadre de Masse Critique de Babelio

Je dois déjà à Babelio la lecture de « Les oiseaux chanteurs » , qui m’avait ensuite conduite à lire « l’agriculteur d’Alep » qui est certainement mon roman préféré de cette écrivaine.

Dans ce récit à plusieurs temporalités, l’auteure nous raconte la terrible tragédie d’un incendie meurtrier en Grèce en 2017 ou 2021. Elle choisit pour cela une famille, un peu à son image, à la fois grecque et anglaise. La mère est d’origine grecque, ses parents avaient été chassés de Turquie en 1920. Le père, lui, est grec et toute la famille vit dans une région montagneuse tout proche de la mer. Le grand-père vit de la récolte de la résine des pins et prédit depuis plusieurs années une catastrophe à cause de la sécheresse de l’été qu’il sent de plus en plus extrême, chaque année.

Le roman repose aussi sur un sentiment de culpabilité. Qui est vraiment responsable ?

Pour la population, c’est celui-ci qui a allumé le feu.

C’est simple ! D’autant plus que, celui qui a fait cela, est un homme peu aimé dans le village, il avait décidé de construire un grand hôtel au sommet de la colline, la mairie le lui a refusé car il y avait de très beaux arbres sur ce terrain, il a donc décidé de les brûler .

Oui, mais, il faut dire qu’en Grèce tout le monde fait cela ! Mais alors pourquoi ce feu a-t-il pris un tour aussi tragique ?

  • Le vent !
  • Les pompiers qui n’ont pas réagi à temps !
  • La police qui n’a su ni aider ni protéger la population !
  • Les habitants qui n’entretiennent plus correctement les sous-bois !
  • Mais surtout, la forêt était devenue aussi inflammable que de l’amadou avec ces étés de plus en plus secs.

L’incendiaire est retrouvé par la femme qui a réussi à survivre et à sauver sa fille qui a le dos brûlé, et dont le mari peintre a les mains brûlées et ne se remet pas de ne pas avoir pu sauver son père. Elle se rend compte que l’homme est vivant mais avec une corde autour du cou et une branche d’arbre cassée à côté de lui. Elle repart en le laissant puis reviendra, mais trop tard, elle se sent très, très, coupable.

Une des temporalité, c’est justement le sentiment de culpabilité de la mère qui n’a pas tout fait pour sauver cet homme qui a détruit son bonheur.
L’autre temporalité c’est la façon dont cette mère a réussi à sauver sa vie et celle de sa fille, en particulier en la maintenant en vie dans l’eau après avoir réussi à atteindre la mer, malgré les grillages des propriétés qui bordent la mer.

Christy Lefteri raconte aussi la rencontre qui unira Irini, professeur de musique à Tasso peintre, et leur amour pour cette région qui leur donne une énergie que rien ne semble pouvoir atteindre. Rien ? Sauf cet incendie qui ravage toute forme de vie sur son passage et risque d’éteindre l’espoir, mais l’humain est ainsi fait que la vie et le sourire reviendra à la fin du roman.

C’est très bien raconté, et le suspens au moment de la fuite devant le feu est insoutenable. Pourtant, j’ai une petite réserve un peu difficile à expliquer, on sent trop la volonté de l’auteure de montrer tous les aspects du problème posé par les incendies incontrôlables. Par exemple, le personnage qui a allumé le feu est détesté par tout le village, mais Irini recevra sa fille et l’ex-femme de cet homme et l’amour de cette petite pour son père (qui en plus est sourde et muette), met mal à l’aise Irini, cet homme n’était donc pas seulement un monstre ? Les vraies responsabilités sont donc peut-être ailleurs, et personne n’est vraiment innocent en ne faisant pas tout ce qu’il faut pour bien protéger notre planète.

 

Extraits

 

Début.

 Ce matin j’ai vu l’homme qui a allumé le feu. 
 Il a fait quelque chose d’horrible, mais au bout du compte moi aussi.
Je suis partie.
Je suis partie, et à présent il est peut-être mort. Je me le représente parfaitement, tel qu’il était quand je l’ai trouvé sous le vieil arbre. Ses yeux aussi bleus qu’un ciel d’été.

La mythologie grecque.

 La mythologie grecque raconte que Zeus confia à Hermès deux dons destinés à l’humanité : la honte et le sens de la justice. Lorsque Hermès lui demanda s’il devait accorder ces qualités à certains plus à d’autres, Zeus répondit que non : tous les hommes devaient les posséder pour apprendre à vivre ensemble. Déjà en ces temps reculés on comprenait l’importance de la communauté. Les récits et les légendes permettaient de transmettre ses valeurs. Zeus ajouta même que celui qui n’éprouvait ni honte ni conscience d’avoir mal mal agi devait être mis à mort par la collectivité.
Mais c’était il y a des siècles, et depuis nous avons fait des progrès n’est-ce pas ?

La mer pour fuir le feu.

 D’abord la fraîcheur. C’est ce que ressentit la femme lorsque son corps toucha l’eau. La fraîcheur bleue sur sa peau qui la submergeait, l’enveloppait, chassait la chaleur. Elle ouvrit les yeux et vit les bulles de son souffle remonter vers la surface. Puis elle sentit la main de sa fille dans la sienne. Jamais elle ne l’abandonnerait et surtout pas dans un moment pareil.
 Lorsqu’elle émergea pour respirer, elle se tourna immédiatement vers le visage luisant de l’enfant. Sur sa peau, sur ses joues et dans sa bouche haletante, sur ses paupières fermées, partout rougeoyait le feu, comme si elle était faite de flammes. Cette image la hanterait toute sa vie : sa fille en flammes, l’eau et le feu qui scintillait sur son visage.

Responsabilités.

 Et aussi : où est le début, où est la fin ?
 Les gens d’ici ont construit tout le long de la côte des villas bloquant l’accès à la mer. Les gens d’ici n’ont pas ramassé le bois mort dans la forêt, ils ne l’ont pas entretenue, non pas veillé sur elle, n’ont pas pris soin d’elle. Et pourtant nous nous posons en justiciers, face à l’homme qui a allumé le feu, face à la police et aux pompiers.
 La terre était desséchée, plus assoiffée qu’elle ne l’avait jamais été . Qui est responsable de cette situation ?

Avant et Après l’incendie .

 Il y avait très, très longtemps, la forêt était vivante. Il fallait la voir !.Du sol poussaient des fleurs sauvages et des herbes aromatiques. Elle était belle et généreuse. Les oiseaux survolaient les bois, des animaux se glissaient à l’ombre des arbres vénérables et l’eau ruisselait du sommet de la montagne jusqu’à la mer. Mais depuis le feu, la forêt avait perdu ses contours. 
Avant il y avait des pins, des sapins, des peupliers, des platanes et des chênes. Ici vivaient des bellettes et des visons, des chats sauvages et des blaireaux, des lapins et des lièvres et des hérissons et des taupes et des rats et des lézards et des scarabées. Un beau cerf élaphe parcourait les plaines.
Il ne restait que le néant.
 À la place des couleurs de la forêt, les ténèbres avaient recouvert la terre.


Édition Calmann Levy, août 2021, 343 pages

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Le thème de notre club était l’aristocratie, donc, ce roman avait toute sa place : le baron de Testacceca , descendant d’une famille haute en couleur des Corbières, est propriétaire d’un château fort. Mais rien ne va bien dans cette famille de ce baron colérique qui fait facilement le coup de poing avec des gens du village qui se vengeront. Diane, la mère fait tout ce qu’elle peut pour maîtriser son diable de mari, et tenir à flots le peu de finances de cette famille, ensemble ils ont deux enfants Clémence une bricoleuse de génie et Pierre qui adore sa soeur et qui est un peu étrange .

L’auteur évoque cette région avec ses légendes et ses merveilleux paysages, on sent qu’il connaît et aime les Corbières. Léon essaie de faire du vin pour gagner de quoi réparer son château, mais la famille va être expropriée car leur château est classé et ils sont incapables de l’entretenir. Le maire est un malhonnête et leur vole une parcelle pour en faire un lotissement alors que celle-ci était classée inconstructible, mais par une entourloupe, il arrive en quelques jours à acheter le terrain et à le classer en zone à urbaniser. C’est peu crédible mais peu importe, cela permet à l’auteur d’imaginer une guerre entre les gens du château et les malhonnêtes du village.

Je pensais au début que cette histoire allait me plaire, mais je m’y suis beaucoup ennuyée, je ne me suis intéressée à aucun des personnages , sans être antipathiques ils ne m’ont pas semblé incarné . Je pense que ce récit manque d’humour ou de réalisme. On est entre deux eaux, le personnage du père, Léon , qui adore les bagarres aurait gagné à être drôle. L’histoire tourne au drame et à la tragédie sans que je ressente la moindre tristesse . Bref je suis passée à côte de ce roman dont j’ai aimé cependant les descriptions d’une nature si belle : les Corbières.

Voici l billet de Sylire , avis qui rejoint un peu le mien

J’avais oublié que j’avais lui un livre qui m’avait bouleversée « Avant la longue flamme rouge »

Extraits

Début.

 Pierre passe sous l’aine, et enfonce le couteau au renflement du croupion dont il tient écartés les bords caoutchouteux. Il y a encore quelques heures, ce perdreau volait dans la campagne à la recherche d’une femelle avec qui partager son nid de paille et de boue beurrée. La chair cède. Les vaisseaux s’entortillent autour de la lame. Les entrailles apparaissent : le foie couleur guimauve, le cœur dans un liquide délié, la graisse cireuse, l’intestin, la vessie aux reflets grenadine. Pierre extirpe ensuite les poumons qui ont l’air chacun d’être le cœur d’un animal plus grand et, surtout moins mort.

Le vin des Corbières .

Non pas un de ces reglingards qu’on vous sert sur du pain noir avec un pot de mayonnaise, ni une de ces piquette tellement chargée en levure qu’elles ont moins un goût de raisin que de banana split aux champignons ; pas plus qu’une de ces imitations prétentieuse de médoc, à la sapidité d’écharde, fabriquée en trouillard des copeaux de chêne et du sucre pommade.

J’aime bien cette baronne.

La baronne Mahault, qui entreprit de mener une attaque pour détruire le Panthéon, en 1788, sous prétexte qu’elle le trouvait trop laid (« un téton de truies sur un coffre en or »)

Remarque exacte.

 Depuis dix ans, d’un bout à l’autre du département, les centres-villes se vident, tandis que leurs alentours se remplissent de maisons identiques, de rond-points bizarroïdes et de lampadaires.


Édition les Arènes, décembre 2023, 185 pages.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Voici un roman que je vous recommande sans aucune réserve , il m’a complètement séduite. Encore plus que « les loups » du même auteur qui était, pourtant, déjà passionnant. Ce court récit se passe au moment de la disparition de l’URSS, dans l’enclave de Kaliningrad. Un jeune délinquant sort de prison et veut retrouver sa mère. Ce trajet ressemble à un conte initiatique et de formation pour cette petite frappe. Au début, il ne comprend pas ce mot de « changement » que tout le monde prononce autour de lui. Le premier groupe qu’il rencontre ce sont des jeunes hippies qui vivent sur la plage et qui se permettent de tenir des propos d’une liberté qui le surprend, ils l’accueillent très bien sans lui demander d’où il vient, une jeune femme accepte facilement de faire l’amour avec lui, mais cela ne l’empêchera pas de leur voler tout leur alcool. Il repart et un paysan kolkhozien l’héberge, il y rencontrera le directeur qui est communiste et qui lui explique que les dirigeants communistes sauront très bien s’en sortir que tout est prêt pour l’après. Le Gris (c’est ainsi qu’il s’appelle lui-même) s’en ira en volant d’abord les économies du pauvre paysan kolkhozien qui l’avait aidé.

J’arrête de vous raconter l’histoire et des différentes rencontres de son trajet, je vous laisse découvrir, mais vous avez, je l’espère compris le principe, le jeune délinquant qui s’était formé dans les prisons soviétiques va au gré de ses rencontres se transformer peu à peu, sans jamais devenir un homme bon, la fin m’a surprise et désespérée. Il semble , un moment, aller vers la rédemption en sauvant un jeune garçon orphelin des griffes d’une bande de malfrats, il écoutera la sagesse d’un philosophe sur la liberté et la fameuse âme russe. Cela permet à l’auteur d’évoquer les différents aspects de la Russie actuelle. Le roman a été écrit en 2023, donc on ne peut pas parler parler d’un roman prémonitoire, mais d’une analyse exacte du régime poutinien.

Un livre efficace, prenant et qui fait beaucoup réfléchir.

(PS. Je pense que la couverture de ce roman aurait plu à notre regretté Goran)

 

 

Extraits

Début.

 Le Gris fait ses adieux en silence. Il se faufile entre les couchettes, tend la main à chacun des détenus, sans effusion. On entend tout juste quelques mots, le claquement des paumes qui se rencontrent. Les saluts sont virils, l’émotion absente. Le Gris ne sourit pas – dangereux, pas dans les mœurs. Pour les hyènes , les petites frappes qui forment le gros des troupes, sourire c’est déjà se faire baiser un peu. Si tu ouvres la bouche pour montrer tes dents c’est bien que quelqu’un a le droit d’y fourrer sa queue … Le Gris s’est adapté. Il a toujours su faire, il est malin. Pas assez pour éviter le trou – suffisamment pour deviner quel visage on attend de lui à chaque instant. 

Le changement .

 Il comprend le paysan : l’autre ne nie pas que des changements puissent advenir, il sait seulement qu’en pareil cas le mieux est de rentrer la tête dans les épaules et d’attendre de voir. Comme par mimétisme le Gris se tasse sur son siège. Il a appris la leçon depuis longtemps : lorsque les coups pleuvent, il n’y a rien d’autre à faire que de protéger sa tête. Seuls ces cons de hippies s’imaginent assez malin pour changer ça.

Les communistes et le changement .

– Le communisme n’est plus vraiment à la fête… Mais qui a dit que c’était un problème pour les communistes ? Tu crois qu’on n’a rien vu venir qu’on se retrouve à poil ? L’avenir comme tu dis, appartient à ceux qui ont des idées claires et un peu de capitale …
– Du capital, vous ?
– L’autre rigole encore
– Eh quoi ! Tu crois qu’on passe nos soirées à étudier Engels ? Ça fait des années qu’elle marche bizarrement, notre Union soviétique. Gorbatchev a lancé ses réformes depuis un moment. C’est permis, maintenant, de s’enrichir, d’épargner, d’investir … Et encore, le capital, ce n’est rien ! Qu’est-ce que nous possédons, nous, les communistes ? Des connexions, des réseaux. Qui tient les banques ? Qui sont les directeurs d’usine, les juges, les responsables des achats dans les municipalités. Nous ne sommes pas le passé, fils détrompe-toi ! 

Le philosophe et la liberté.

 Notre pays reçoit la liberté, mais existe-t-il des gens libres pour la recevoir ? Nos compatriotes savent-ils seulement ce qu’est la liberté ? Savent-ils la protéger, la faire vivre ? La soumission est beaucoup plus simple et confortable… Être libre à de quoi désemparer les âmes les plus faibles et les moins préparées. Il est bien plus aisé de s’en remettre à un chef, à une idéologie, à des illusions, à des habitudes, aux limites bien connues de son petit potager. Tout plutôt que l’inconnu. Imagine ce qu’on demande à nos concitoyens, en ce moment : ils doivent accepter que toutes leurs vieilles croyances soient mises au rebut et accueillir avec autant de conviction les nouveaux dogmes du moment -et dans le même temps apprendre à gérer les mille exigences que requiert la liberté. Il y a de quoi devenir fou ..

 


Édition Calmann Lévy, avril 2021, 390 pages

 

Je ne connaissais pas la catégorie « cosy morder » voilà c’est fait ! Il y a donc une enquête peu crédible, un coupable qui n’aurait jamais dû échapper à la justice, un peu d’amour et un village plein de ragots du côté des méchants et de courage et d’entre aide du côté des écolos gentils. On annonce aussi une suite car le le personnage de Cathie n’a pas tout dit de ses secrets , mais ce sera sans moi. Ce que je peux dire de positif sur ce roman, c’est qu’il ne m’a occupée qu’une après midi et que ce jour là il pleuvait, oui, j’habite en Bretagne. Ce qui m’énerve au plus haut point c’est les rajouts pour faire couleur locale, le biniou, le chouchen, le whisky Eddu (la distillerie du menhir !) la pluie et le dicton « en Bretagne il fait beau trois fois par jour ». Enfin, ce qui ne m’a pas plu du tout, c’est l’absence de toile de fond au récit, sans doute les villages bretons ne sont que rarement le théâtre de crimes, et très certainement aussi ils ont perdu leur couleur authenticité culturelle. Mais je pense qu’un bon écrivain pourrait quand même en faire un point de départ pour un roman.

Bref un essai mais pas un succès !

Extraits

lu dans le prologue :

« Cela finissait invariablement par s’apaiser un jour ou l’autre devant quelques pichets de cidre et de galettes »

Ça m’énerve que l’auteur ne vérifie pas, il cite son action dans le Finistère et on y mange des crêpes pas des galettes, les galettes on en mange en Ille et Vilaine…

 Début.

 Gros plan sur les fenêtres de l’hôtel de ville, éclairé comme un phare dans la tempête. La grande salle de la mairie est pleine. Exceptionnellement, il ne manque pas un élu à la session du conseil municipal. Le mauvais temps a vidé la mer et les champs pour remplir la maison du peuple. Un coup d’œil discret  : la discussion est animée.
Mais qu’est-ce qui perturbe ainsi la vie du village de Locmaria ?

Et pour la couleur locale …

 S’ils ont froid ou qu’ils veulent cacher leur cheveux, ils prendront du Amor-lux.ou du Saint-James de la vraie qualité de chez nous ! et dans ma boutique on vendra toujours des bottes Aigles pas des babouches.


Éditions Les Avrils, 210 pages, janvier 2024

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Un très bon moment de lecture pour ce récit qui décrit un milieu que je connais mal, celui de la chanson. Il y a deux temporalités dans le récit, celui du groupe d’étudiants qui était bien parti pour connaître le succès, composé du narrateur, Félix, chanteur et guitariste, le deuxième guitariste et chanteur Louis, une musicienne à la basse Alex, et un batteur Rémi. Et le Félix d’aujourd’hui père d’Élie un bébé qu’il a eu avec Anna une femme infirmière, et qu’il aime beaucoup.

Le groupe de musique n’existe plus, on apprendra au fil des chapitres pourquoi, mais on comprend très vite que Louis, le plus déjanté d’eux quatre en est la cause. Aujourd’hui Félix essaie de vivre de sa musique mais seul, il a beaucoup de mal à s’imposer. Son « agent » Marc lui promet la réussite mais qui ne vient pas. Félix essaie de gagner de l’argent, de bien s’occuper de son fils, et de ne pas décevoir Anna. Heureusement, il est apprécié par des personnages sympathiques comme Kacem, celui qui tient un bar en dessous de chez lui et qui est toujours prêt à l’aider. Il y a aussi Anna, qui l’aime mais qui voudrait qu’il essaie de mieux gagner sa vie car c’est elle qui doit assumer financièrement, et c’est trop lourd pour elle, et puis il y a Alex, la musicienne, qui viendra le voir à un moment important pour lui. Comme Anna, on est bien obligé de constater que dans sa vie actuelle ce n’est pas à travers les concerts ratés dans des salles où personne ne l’écoute qu’il est vraiment heureux.

Le charme du récit c’est la simplicité avec laquelle il est écrit, on suit très bien toutes les difficultés de Félix et avec lui je regrette que le genre de chanson qu’il compose n’ait pas plus de succès. Encore que, la chanson qui a tant de succès en ce moment « la symphonie des éclairs » de Zao de Sagazan me donne de l’espoir pour les chansons françaises.

Je l’ai déjà dit, je n’aime pas que dans les romans on présente la drogue comme un produit banal, il y a beaucoup de drogues dans les concerts et cela détruira un des membres du groupe, je le sais bien et cela m’attriste à cause de la violence que ce trafic impose à des quartiers et à des pays.
Mais ce n’est pas du tout l’essentiel du roman qui est plein de sentiments positifs, dans un monde parfois brutal qui utilise les artistes sans les respecter.

 

Extraits

Début.

Il n’y a pas d’applaudissements. Les conversations reprennent, je bois une gorgée de bière avant de me réaccorder. J’égraine doucement les cordes. De haut en bas, des graves jusqu’au aiguës. Les notes s’élèvent et flottent au dessus de la salle. À mes pieds, la diode de l’accordeur clignote. Je tourne à peine les mécaniques. Un quart de ton, pas plus. Des réglages fins pour parfaire l’équilibre 

 

La gentillesse du voisin.

 Elle range son vélo dans la cour derrière le scooter de Kacem. Elle ne l’entretient pas et répète qu’il est increvable, qu’à l’époque on faisait des objets robustes. J’acquiesce sans commentaire, mais je sais bien que Kacem y est pour quelque chose. Chaque fois qu’il passe devant, il ne peut s’empêcher de s’agenouiller près de la bicyclette. Il gonfle les pneus, surveille les freins ou règle le guidon. Je l’ai même surpris en train de graisser le dérailleur. 

Le producteur et le titre du roman.

– Il ne faut pas m’en vouloir, il poursuit d’un air désolé. Je te promets, c’est bien ce que tu fais. Il y a une âme, on sent que tu mets tout ce que tu as. Le problème c’est qu’il n’y a plus de public pour ça. J’ai déjà essayé, ça ne marche pas. On peut trouver que c’est triste, mais c’est la vérité. C’est une question de tempo. 
– De tempo ?
Il secoue la tête 
– de timing, quoi. De moment, de mode, d’époque, appelle ça comme tu veux. Ce que je veux dire, c’est que ta musique, ce n’est pas ce que les gens veulent l’entendre aujourd’hui. Demain peut-être. Qui sait ? Tout est possible après tout. Mais là non, vraiment je ne peux rien pour toi.

 


Édition Grasset, 427 pages, août 2023.

J’avais laissé cet auteur avec « L’ami de jeunesse » au milieu de ses études d’histoire à la Sorbonne (un roman qui m’a fait éclater de rire). Comme il a bien fait de les entreprendre et sans aucun doute en tirer le plus grand profit, car voici un roman historique qui m’a absolument enchantée. Je sais que j’ai été tentée par ce roman par un blog que je suis (je mettrai un lien dès que je saurai de qui il s’agit). Voici déjà Sandrine, Athalie et Keisha.

L’histoire se passe en 1367, dans la région de Toulouse. La peste de 1348, a ravagé l’Europe et une grande partie du monde, et ceux qui y ont réchappé, se tourne vers la religion pour retrouver l’espoir. Plusieurs thèmes se croisent dans ce récit, la peste et la mortalité qu’elle a engendrée, les doctrines religieuses qui traversent cette époque et qui n’ont pas intérêt à être traitée d’hérétiques, l’inquisition qui n’hésitent jamais à brûler tous ceux qui pourraient menacer l’autorité de l’église et du pape, quitte à les sortir de leur tombeau et envoyer sur le bûcher leur cadavre, la vie dans les couvent et dans les béguinages, les dissensions entre les franciscains et les bénédictins , et par dessus tout cela l’ombre d’un penseur dominicain le grand maître Eckhart, dont les sermons ont troublé tant de chrétiens à l’époque.

Le roman commence au couvent de Verfeil, dirigé par frère Guillaume. Deux moines, Antonin et le frère Robert, y sont religieux et amis, alors qu’il n’y a pas d’hommes plus différents : Antonin est cultivé et vient d’une famille aisée, Robert ne sait pas lire et est très frustre. Pourtant ces deux là sont amis et leur amitié guidera toute l’intrigue romanesque. Guillaume décide d’écrire ses mémoires et pour cela envoie Antonin et Robert chercher à Toulouse du vélin de qualité et de l’encre. Cela nous vaut des passages très intéressants sur le tannage des peaux. Malheureusement l’inquisiteur de Toulouse qui surveille de près, et cela depuis longtemps le frère Guillaume comprend le projet et arrête les deux amis Antonin et Robert. Il décide d’enfermer Robert et ne lui rendra la liberté que si Antonin trahit son supérieur.

Les mémoires du frère Guillaume nous font revivre le grand maître Eckhart dont il a été le principal disciple. Ils ont, tous les deux, séjourné en Allemagne et vécu dans un béguinage où vivait une certaine Mathilde dont le Maître Eckhart aurait été très proche. En exergue, du roman nous avons une prière de Mathilde où l’on sent toute l’exaltation de cette jeune femme (certains diraient la foi)

Couvre moi du manteau de ton long désir,

Laisse mon corps nu mourir au froid du monde …

Elle sera brulée vive pour hérésie comme appartenant à l’hérésie « les frères du libre esprit ». Et les théories d’Eckhart y ressemblent fort. Si j’ai bien compris, la théologie n’est pas mon fort, mais il faut reconnaître qu’Antoine Sénanque rend ces théories assez claires. Beaucoup de croyants cultivés avaient envie de se passer de la hiérarchie de l’église pour retrouver Dieu. Voilà le danger, que des esprits deviennent libres pour retrouver en eux-mêmes leur part de Divin.

Les mémoires de Guillaume nous font revivre aussi les ravages de la peste et toutes les erreurs commises pour la soigner. Mais le pire c’est l’horreur de l’inquisition, je retrouve intacte quand je lis des récits à propos de l’inquisition mes colères d’adolescente. Les guerres de religion, l’inquisition, la gestapo font partie de mes cauchemars d’enfant. Et dans tout cela il faut sauver Robert des griffes de l’inquisiteur et c’est un suspens très bien mené, je le dis souvent pour pouvoir complètement profiter du récit je suis allée lire l’épilogue pour savoir qui avait survécu à cette tragédie. Je ne vous en dis rien car je respecte nos différences.

Ce roman est passionnant, bien écrit, et il vous embarquera pour plusieurs jours dans un passé fait de violence mais aussi d’amitié sur les routes entre Toulouse , Albi et Avignon.

 

Extraits

Début.

Languedoc, Monastère de Verfeil. 11 février 1357
– On se gèle les couilles, frère Antonin.
 – Ce ne sont pas des paroles de moines.
– Ce ne sont pas les paroles qui font le moine, mais la vérité … et la vérité c’est qu’on se gèle les couilles.
– Il fait effectivement très froid.
– « Effectivement très froid… » . C’est sûr on n’a pas été élevé dans les mêmes et étables, frère Antonin. Maudit froid d’anglais. 
– Je dirais plutôt « froid de Franciscain ».
– Ces merdeux .
– Arrête, Robert. 
– Heureusement, Dieu ne les protège pas plus que nous et donne bonne récompense à leur leçon de misère. Hiver maudit mais juste, on dit qu’ils crèvent comme des sauterelles, sous la bénédiction de leur chère mère nature, cette cargne…

La vocation !

 Son père ne lui avait pas donné le choix. À douze ans il l’avait traîné chez les frères et en guise d’au revoir avait scellé sa vocation par ces mots : « Comme tu es bon à rien, tu seras bon à Dieu. »

L’explication du titre.

 François avait donné l’exemple d’une vie de pauvreté et d’amour, Dominique avait inspiré la sainte Inquisition qui convertissant les indécis par le feu. 
La voix de François parlait au cœur des hommes égarés, celle de Dominique à leurs cendres. C’est la sienne qui portait le mieux.
La promesse du bûcher avait repeuplé les églises et redressé les erreurs théologiques. On avait simplifié les débats et prier et les bonnes âmes qui s’interrogeaient sur une religion purifiée et libérés de l’autorité du pape de méditer leurs erreurs dans le silence l’isolement. Conseil à suivre. 
 Le monastère avait servi de forteresse aux cathares assiégés par les chevaliers français. Ces pierres avaient été baptisées par le sang des renégats qui prétendaient a une pureté impie.

J’aime l’humour de cet écrivain .

Les peaussiers turcs avaient envahi la périphérie des villes où on les prélevait en temps d’épidémie comme victimes expiatoires en compagnie des usuriers juifs. Les bûchers réunissaient ces pêcheurs et réconciliaient leurs croyances dans les flammes. Depuis les années de peste, ils s’en allumaient partout. Les prophètes des rues appelaient à une grande purification car les dernier jours de la terre étaient proches. Il était écrit qu’aucun juif ni aucun Turc ne connaîtrait la fin du monde en Europe, tant on les massacrait pour les priver d’apocalypse.

Eckhart

Il s’arrêtait pour goûter les parfums et prolongeait de longues pauses de les paysages. Il n’exigeait aucune prière, aucun rituel. Il me demandait de laisser faire la nature, de la laisser prier pour nous et pour le monde car sa beauté était action de grâce. C’était la première leçon du maître, Antonin, voir dans la nature une action de Dieu

Humour macabre .

Eckhart ne mesurait pas l’inquiétude du pape devant la montée des hérésies qui touchait l’Allemagne et le pouvoir de plus en plus souverain qu’il déléguait à son archevêque. Eckhart pensait que l’on devait corriger l’hérétique par la parole, l’archevêque suggérait qu’on lui tranche d’abord la gorge avant de l’écouter.

Pourquoi la haine de l’inquisiteur à propos d’ Eckhart ?

 Tous ceux qui prétendaient que l’Église était inutile, qui méprisaient le pape, les moines, et les sacrements. Tous ceux qui ne comptaient que sur leur propre force spirituelle qui se sentait capables de Dieu, tous ceux-là étaient fils d’Eckhart.
 L’inquisiteur avait pour suivit les insoumis qu’on accusait de posséder les écrits du maître. Il avait brûlé des centaines de pages de ses sermons mais il n’avait pas eu accès aux bibliothèques des grands du royaume, ni à celles des intellectuels et des universitaires qui en gardaient des copies. l’enseignement d’Eckhart était à présent une hérésie de riche.

Édition Acte Sud, 254 pages, août 2023.

Petite question : suis-je la seule à ne pas aimer lire les livres de cette maison d’édition qui ne peuvent jamais s’ouvrir complètement sauf à casser le dos du livre ?

 

Ceci dit, j’aime très souvent les romans que cette maison édite. Ce n’est pas ma première rencontre avec cet auteur, mais c’est la première fois que j’écris un billet à propos de lui sur Luocine.
Un roman difficile à lire car il faut suivre deux histoires qui n’ont comme point commun que la folie guerrière des hommes. On commence à suivre la survie d’un déserteur dégoûté par les violences de la guerre, celles qu’il a commises, celles qu’il a vues commettre. L’auteur utilise un style très particulier pour exprimer cette violence, il va à ligne à chaque virgule, j’avoue que j’ai du mal à comprendre pourquoi. Mais la langue est belle même si elle exprime ce qu’il y a de pire chez l’humain. Le soldat va être confronté à une femme qui a subi aussi le pire de la guerre . Je ne vais pas plus loin dans ce récit qui est terriblement anxiogène comme l’est sans aucun doute la violence de la guerre.
En parallèle, on suit une réunion le 10 et 11 septembre 2001, qui réunit des grands chercheurs en mathématiques pour célébrer Paul Heudebert, un personnage fictif qui aurait écrit des recherches essentielles au camp de Buchenwald. Communiste convaincu, il a choisi de rester en RDA. Il est très amoureux d’une femme qui, elle, est restée en RFA, leur fille Ingrid ira sans difficultés apparentes de l’Allemagne de l’ouest avec sa mère à celle de l’est. Cette partie est écrite de façon classique et nous permet de revisiter la guerre, le nazisme et de la division entre l’Ouest et l’Est, l’effondrement du communisme, puis l’attentat du 11 septembre qui fera tourner court la fameuse réunion. Les explications pour comprendre tous les enjeux du couple Heudebert ne seront dévoiler qu’à la fin du roman et c’est évidemment tragique.
J’ai un peu de mal à voir l’intérêt du mélange des deux histoires. Bien sûr, on comprend ce qu’a voulu faire l’auteur, montrer que la guerre est toujours là et toujours avec les mêmes horreurs. Mais pour moi il s’agit de deux histoires qui n’arrivent pas à se rejoindre.

Un beau roman, pas toujours facile à lire, mais on y revit tellement de problèmes de notre époque, c’est aussi un bel hymne aux mathématiques mais sans lien évident avec l’autre sujet

 

 

Extraits

Début.

II a posé son arme et se débarrasse avec peine de ses galoches dont l’odeur (excréments, sueur moisie) ajoute à sa fatigue. Les doigts sur les lacets effilochés sont des brandirons secs, légèrement brûlés par endroits ; les ongles ont la couleur des bottes, il faudra les gratter à la pointe du couteau pour en retirer la crasse, boue, sang séché, mais plus tard, il n’en a pas la force ; deux orteils, chair et terre, sortent de la chaussette, ce sont de gros verts maculés qui rampent hors d’un tronc sombre, noueux à la cheville.

Dieu pour le soldat.

 Il continue à marcher,
 Seigneur c’est bientôt le jour de la Passion,
 tu as honte quand tu penses à Son Nom -le fusil contre toi tu traverses Sa nature,
toute chose chante Ses louanges et fleurit Sa gloire,
il traverse les buissons, écoute les ailes qui claquent les branches qui remuent.

Style et mise en page …

 l’enfance parvient à te faire oublier la guerre et la faim,
 l’enfance rôde, c’est un monstre comme un autre,
 tu t’allonges sur la chaleur de la grande pierre plate du seuil.
Il réussit à fermer les yeux sans qu’apparaissent des visages torturés aux bouches sanglantes et aux cernés,
 ton corps, après l’eau, après le soleil, perd l’odeur électrique, de graisse et de sang, que la guerre a donné,
 haut dans le ciel les oiseaux et les avions tournent.

Le camp de Gur.

Que je fasse des mathématiques fascine mes camarades d’internement (on n’est pas détenu, ici, on est « interné » : nuance que mon niveau de français ne me permet pas réellement de saisir). Pour passer le temps, je lance des problèmes simples comme le ferai un prof de math – les quatre-vingts camarades de baraquements (Espagnols, Allemands, Juifs de toute ‘Europe) s’amusent à essayer de les résoudre. Ici on garde le papier (rare) pour les lettres : les maths, c’est sur les murs, avec des morceaux de pierre ou de charbon !

Un moment d’humour.

 Cet ajout se révéla aussi néfaste qu’hilarant : au lieu de se cumuler, ces deux forces semblaient soit se conjuguer inutilement, soit s’annuler. Les oublis étaient oubliés deux fois, les bévues doublement répétées. On aurait dit un dessin tracé par deux stylos à bille attachés entre eux par un élastique, des parallèles ne se rejoignant jamais, malgré tous leurs efforts, contraintes par Euclide soi-même.

Emmy Noether.

 Que vous a-t-elle enseigné (Emmy Noether) ? Paul prend alors son air pénétré, qui cache souvent chez lui une réponse ironique, qui en l’occurrence ne l’est même pas : « elle m’a appris que les mathématiques étaient l’autre nom de l’espoir ».

Les mathématiques.

 Les mathématiques sont un voile posé sur le monde, qui épousent les formes du monde, pour l’envelopper entièrement ; c’est un langage et c’est une matière, des mots sur une main, des lèvres sur une épaule ; la mathématique s’arrache d’un geste vif : on peut y voir alors la réalité de l’univers, on peut la caresser comme le plâtre des moulages, avec ses aspérités, ses monticules, ses lignes, qu’elles soient de fuite ou de vie.

 


Édition Minuit, 138 pages, mars 2006.

J’avais bien aimé « la fille qu’on appelle » du même auteur, je savais qu’avec lui on ne doit pas s’attendre à des sujets agréables ni à beaucoup d’optimisme. Mais là c’est tout ce que je n’aime pas ! Sauf parfois les trouvailles de style.

Dès le début on sent que, cette histoire va très mal tourner, dès le début, on est avec des gens minables et plus méchants les uns que les autres, et tout s’enchaîne effectivement allant du pire à encore « plus » pire ..

Sam et Lise ont décidé d’arnaquer un homme très riche, un commissaire priseur, Henri. Pour cela Sam se fait passer pour le frère de Lise qui va épouser Henri . L’arnaque tourne mal et c’était sans penser à Edouard le frère d’Henri .

Comme je sais que vous aimez le suspens, j’arrête là, et si vous avez le courage de passer du temps avec des personnages méchants et manipulateurs uniquement motivés par l’argent facile, ce livre est pour vous !

Extraits

Début .

 Il y avait la nappe blanche qui recouvrait la table et dont avec effort maintenant on pouvait se souvenir qu’elle avait été blanche, lumineuse sous l’effet du soleil quelques heures plus tôt, dressée de cristal et d’argenterie sur pourtant de simples planches de bois posées sur de simples tréteaux avec lesquels toute la soirée il avait fallu que les pieds composent pour ne pas écrouler l’édifice.

Une image d’un certain monde.

 L’égalité dans le silence, ai-je toujours pensé de ces soirées, que c’est cela qu’ils partageaient en vrai et pour toujours, quand s’effaçait pour quelques heures l’infranchissable séparation des mondes, de ces hommes grossis par l’âge et le trop bon vin contre ces filles souriantes et comme tenues en laisse par leur maquillage et la lumière de tables. Il y avait les élus de la ville et les vieux riches autour, les parvenus et les bandits locaux, il y avait ce qu’on imagine de ce monde, répondant comme à l’image archétypale, parfaitement établie de l’argent sale et du stupre