http://ecx.images-amazon.com/images/I/41v5XYXC56L._SL500_AA300_.jpg

4
Je savais que je lirai le livre de Dany Laferrière sur le tremblement de terre à Haïti, j’avais tellement apprécié « l’énigme du retour », je n’étais pas pressée car évidemment, je ne m’attendais pas à un livre d’actualité. Son livre est réussi, d’abord parce qu’il aide à comprendre ce que peut être une catastrophe de cette ampleur. Pour moi, les mots sont plus forts que les images, et je regarde de moins en moins les actualités à la télévision, je trouve que ça nivelle tout et qu’on perd tout sens critique.

Le livre de Dany Laferrière restera donc le témoignage de ce qui s’est passé le 12 janvier 2010 à 16 heures 53. Heure à partir de laquelle « notre mémoire tremble » nous dit-il avec cet art de dire les choses les plus graves sans pour autant larmoyer. On retrouve à travers sa déambulation pour savoir si les siens sont encore en vie, la société Haïtienne dans toute sa variété. Sa famille,ses amis toujours occupés à résoudre les problèmes du quotidien. Par exemple : savoir choisir un pneu pour qu’il dure au pire une journée au mieux une semaine !

On y retrouve la passion de l’auteur pour les artistes de son pays, son mépris pour ceux qui veulent réduire Haïti aux rites vaudou, beaucoup de remarques très intéressantes sur la façon de traverser une catastrophe comme ce photographe qui mitraille l’horreur sans trop se poser de questions.
Dany Laferrière sait faire aimer son pays et ses habitants, et lorsque j’ai senti l’humour poindre dans son texte, j’ai pensé que la vie reprenait ses droits :

« Un seul endroit a été épargné : le jardin dans lequel on s’est retrouvé maintes fois pour discuter de Tolstoï, de Joyce ou de Dieu (Frankétienne ne s’embarrasse pas du menu fretin). »

Citations

Dans les chambres d’hôtel souvent exiguës, l’ennemi c’est le téléviseur. On se met toujours en face de lui. Il a foncé droit sur nous. Beaucoup l’ont reçu sur la tête.

 

Toujours impeccable dans leurs uniformes, les employés de l’hôtel n’ont pas perdu leur sang-froid…..C’est peut-être le fait d’avoir une fonction à remplir qui leur permet de marcher droit.

 

Le séisme s’est donc attaqué au dur, au solide, à tout ce qui pouvait lui résister. Le béton est tombé. La fleur a survécu.

 

Je ne savais pas que soixante seconde pouvaient durer aussi longtemps. Et qu’une nuit pouvait n’avoir plus de fin.

On en parle

Les coups de cœur de Géraldine

http://ecx.images-amazon.com/images/I/516MksLYWML._SL500_AA300_.jpg

 Traduction Philippe Giraudon.

3
L’été, j’aime bien lire des bons romans, un peu longs qui m’entraînent dans des univers différents du mien. Je n’aime pas trop les romans historiques, je traînais donc dans ma bibliothèque préférée (à Dinard) et la bibliothécaire, m’a proposé celui-ci, en me disant « ce n’est pas ton genre mais ça peut te plaire ». Elle a gagné, je m’y suis plongée et je n’en suis sortie que quatre jours plus tard.

C’est un roman pastiche des romans Victoriens. Tout y est : les bas fonds de Londres, la richesse et la décadence de la noblesse anglaise, les histoires compliquées d’héritage et l’enfant que l’immonde oncle croyait avoir assassiné et qui réapparaît. Et même le Happy End final. On a tous lu des histoires similaires dans son enfance ou adolescence.

Cela permet de soutenir l’intérêt du lecteur , car l’histoire est touffue et souvent sordide , mais le côté novateur et passionnant de ce roman, c’est la construction de la personnalité de Rose Des circonstances exeptionnelles ont obligé cet enfant puis adolescent à garder l’apparence d’une fille alors qu’il était un garçon. Et cela pendant 17 ans ! C’est très bien raconté, on s’attend toujours à une catastrophe qui arrivera finalement.

Les différents cadres où se passe l’action sont très importants pour ce roman, j’ai vraiment cru que ce château était réel, il correspond à des images tellement classiques vues au cinéma ou dans des illustrations que, finalement, il existe bien dans l’imaginaire de chaque lecteur.

Il y a un passage où j’ai lâché prise, c’est lorsque le personnage arrive en Turquie pour retrouver la source d’Hermaphrodite, j’ai alors lu en diagonale.Si cet été vous avez envie d’un roman ,celui-là n’a d’autres ambitions que de vous embarquer dans la fiction et dans vos souvenirs de Dickens, en même temps il vous fera réfléchir sur la construction de la personnalité d ‘un être humain.

Citations

 Après avoir porté le deuil de son époux – une année en noir, deux en gris puis encore deux en gris clair-, lady Loveall était passé directement à celui de sa fille, puis à celui de sa sœur, avec qui elle était brouillée. Quand elle eut épuisé les ressources des autres, elle porta son propre deuil.

 

Sa mère ne s’intéressait pas aux enfants, et encore moins aux siens qu’à ceux des autres. Elle détestait les toucher….. À ses yeux, l’enfance n’était que l’état ennuyeux après lequel la conversation devenait possible. Encore faut-il avouer que Lady Loveall avait plus besoin d’un muet admirateur que d’un interlocuteur.

 

Toute réponse évidente est un mensonge.

 

Pour la première fois de ma vie, j’éprouvai un sentiment qui me serait familier à l’avenir : celui d’essayer en vain de convaincre une personne de la réalité d’un fait qu’elle ne pouvait pas comprendre.

 On en parle

Lulu off the Bridge

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51pwfV9DvBL._SL500_AA300_.jpg

4
Merci Krol, cette BD est vraiment exceptionnelle à mon tour de t’en recommander une autre « la vieille dame qui n’avait jamais joué au tennis  » et en plus elle est moins triste.Car là ! il faut avoir le moral pour la lire, cette BD, je comprends ta tristesse si un ou une de tes proches est touchée par la maladie d’Alzheimer, car je crois que tout ce qui est décrit est très juste et du coup très triste.

Elle fait réfléchir, mais je ne vois pas de solution à cette maladie qui nous touchera tous, nous ou nos proches. J’apprécie que le dessin serve à ce point le propos de l’auteur, il y a de bons romans sur ce sujet mais le dessin permet de mieux se rendre compte de l’imaginaire de chacun et la remontée des souvenirs. J’ai beaucoup aimé quand le père revit une scène traumatisante de son enfance quand il se sent abandonné par ses enfants.

Une BD se relit plus facilement qu’un roman et cela permet de voir des détails qui avaient échappé à la première lecture comme la montée de la tension de l’homme qui ne supporte plus les ronflements de son voisin. Les maisons de retraite ne sont pas caricaturées, elles apparaissent dans leur dure réalité un lieu qui épargnent à ceux qui sont encore dans la vie la vue de ceux qui n’y sont plus !

On en parle

KrolAmeniKeisha.

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51KJ0wW6jpL._SL500_AA300_.jpg

Traduit de l’anglais par Sabine Porte.

4
Je ne connais pas le premier roman (« une brève histoire du tracteur en Ukraine ») de cette auteure, je me promets de le lire car j’ai beaucoup apprécié son humour et son style. Le talent de la traductrice Sabine Porte m’a bluffée. L’auteure joue avec les accents de chaque personnage, et avec les déformations des mots de la mère de Georgina qui souffre d’une légère surdité, c’est très drôle en français (petit exemple son père qui doit être opéré de la prostate et risque d’être « imputent »), je me demande comment c’était en anglais.

Le fil conducteur, c’est peut être la rupture de Georgina et de son mari Rip, à moins que ce soit la colle ! Ou le chat Wonder-boy qui tue les oiseaux et qui saute sur toutes les chattes du quartier ! Peu importe, ce roman survole beaucoup des problèmes de notre monde, la solitude et la déchéance des personnes très âgées, les malaises de la jeunesse, les conflits sociaux de la Grande Bretagne, les conflits du monde actuel, ceux du XXe siècle aussi.

Tout cela dans une sombre histoire de maison et d’héritage, dont on a très envie de connaître la fin.Je ne peux pas la raconter, ce serait dommage pour le suspens, je peux quand même dire que c’est bien imaginé ! L’amitié entre Georgina, hantée par sa séparation douloureuse et sa voisine très âgée, Madame Shapiro, permet de découvrir le monde de l’hôpital pour les personnes âgées et les problèmes de la dépendance quand des intérêts financiers sont en jeu. Ce n’est pas très réjouissant.

À travers madame Shapiro une femme juive de 82 ans, on suit le parcours tragique des juifs européen et la belle exception danoise. Comme sa vieille et trop belle maison a besoin de réparations, nous ferons la connaissance d’ Ali l’ex ingénieur palestinien reconverti en plombier, et de la tragédie des palestiniens chassés de leurs maisons en 1947 pour permettre la création d’Israël . (C’est la deuxième fois, pour moi cette année qu’un livre réunit le destin des juifs et des palestiniens « la maison au citronnier  »).

Le récit est loin d’être linéaire et Georgina, est aussi la fille de parents ouvriers qui ont connu les terribles grèves de mineurs. Mère d’un ado tenté par des gourous religieux qui sévissent sur le net. Amante d’un Mark qui l’attache du velcro aux montants de son lit, et qui oublie de la détacher alors que son fils rentre du lycée…

Tout cela prend peu à peu sa place dans le roman, qui du coup est un touffu, un peu trop peut-être, la colle a beau être le fil conducteur on s’y perd un peu.

Citations

 

Peut-être que si l’on réussissait à améliorer la cohésion humaine, les autres détails – les lois, les frontières, la Constitution – se régleraient d’eux-mêmes. Il suffisait de trouver l’adhésif le mieux adapté aux supports. La clémence. Le pardon. Si seulement ça existait en tube.

 

Ben, mon bébé, seize ans déjà et citoyen à part entière du Web ; « je suis un cuber-ado, m’man. J’ai grandi avec l’hypertexte », m’avait-il répondu un jour où je lui reprochais de passer trop de temps sur le Net.

 

Elle m’a regardée en arborant son impassible sourire professionnel. J’avais envie de l’étrangler avec son ignoble tenue de reptile et de lui enfoncer ses talons carrés dans sa gueule de crécelle.

 

Papa disait toujours : « J’aime bien quand c’est un peu brûlé », ce qui tombait bien, car maman lui faisait volontiers cette faveur.

 

On en parle

Fattorius.

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41wyzLp0f8L._SL500_AA300_.jpg

5
Merci Cathy de m’avoir prêté ce livre, depuis que je l’ai commencé je ne l’ai pas lâché. Et bravo à Emmanuel Dongala d’avoir écrit ce beau livre sur une lutte de femmes. Le sujet est superbe une lutte de femmes qui cassent des pierres et qui exigent d’être un peu mieux payées. Le style est réussi, l’héroïne se parle à elle-même et en se secouant avec un « tu » qui rend son discours accessible immédiatement.

Chacune de ces dix femmes est, en quelque sorte, représentante d’un des problèmes de l’asservissement des femmes en Afrique : les femmes réduite à la mendicité par leur belle famille dès leur veuvage, celles qui ont été défigurées par une première épouse jalouse, celles qui ont failli brûler vives parce que leur propre famille les pensent sorcières, celles qui ont été violées par la soldatesque en furie, celles qui sont rejetées parce qu’elles n’ont pas donné d’enfant à leur mari….

Et les autres drames de femmes dans le monde sont évoqués grâce aux informations de la radio qu’écoute tous les matins Méréana. Vraiment les hommes ont beaucoup d’imagination quand ils ont le pouvoir d’assouvir tous leurs bas instincts au détriment d’être sans défense !

Comme cette enfant de13 ans en Somalie qui a été lapidée pour avoir été violée et jugée comme adultère. Ses bourreaux s’y sont repris à trois fois, trois fois ils l’ont déterrée et malgré ses supplications ses bourreaux ont fini par l’achever à coups de pierre ! !

La lutte permet de décrire des personnalités complexes, ce ne sont ni des saintes, ni des militantes mais des femmes qui sont confrontées à la survie des leurs. Ce n’est pas un roman triste même si la tragédie est présente, la force de vie des femmes africaines est extraordinairement bien rendue. Les hommes ne sont pas tous mauvais mais le pouvoir corrompt tout et tout le monde. On sent quand même que la ministre des « femmes et des handicapés » (oui, les deux sont réunis sous le même ministère je ne sais pas si ce détail est vrai mais c’est savoureux !), est un peu moins corrompue que le Ministre de l’intérieur.

La fin se termine par un happy end qui fait du bien même si on n’y croit pas beaucoup, et on espère de toutes ses forces qu’un jour le Congo sera à la hauteur de ses écrivains.

Citations

Triste à dire, mais en Afrique il n’y a pas que le sida et la malaria qui tuent, le mariage aussi.

 

La génération de la messe en latin où, les yeux fermés, vous vous agenouilliez avec foi devant le prêtre, ignorant que dans son baragouin il vous disait en réalité : « Fermez les yeux que je vous couillonne, » Dieu merci, votre génération est celle des femmes aux yeux ouverts !

 

Le chemin le plus court vers le cœur d’un homme passait par son estomac 

 

Je ne fais confiance à aucun homme. Ils ont beau avoir des bourses entre les jambes, ils ne sont pas si couillus que ça !

 

La question de l’heure est toujours un problème dans un pays où l’heure est toujours en avance et où les gens arrivent toujours en retard.

On en parle

Chez Lo.

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41dKu2BzU8L._SL500_AA300_.jpg

Traduit de l’américain par Sophie Aslanides.

2
Coup de cœur de mon club de lecture. Tous les blogs vous le diront ce livre commence par le pire cauchemar de tous les parents : perdre des yeux quelques secondes un enfant et ne plus le retrouver. C’est pour cela que je l’ai lu et le début m’a beaucoup intéressée et puis, le roman s’enlise dans une enquête à laquelle je n’ai absolument pas cru.

Ensuite, contrairement aux lectrices du club et beaucoup de blogueuses qui ont adoré ce livre, je me suis beaucoup ennuyée à la lecture de ce roman que j’ai fini en diagonale. Tout m’a semblé convenu et tellement prévisible ! Quant-aux considérations pseudo philosophiques sur la mémoire, j’ai trouvé cela très, très lourd !

Mais si, comme moi, le sujet vous tente lisez la critique dans le blog « quartier livre  » cela vous convaincra peut-être.

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41q9qxt%2BfDL._SL500_AA300_.jpg

Traduit de l’anglais (Irlande) par Jacqueline Odin.

5
Vive les blogs et les blogueuses ! ! Je leur dois cette belle émotion de l’été. C’est un petit livre qui n’a l’air de rien, à peine plus long qu’une nouvelle et qui dévoile peu à peu toutes ses richesses. Je l’ai dégusté relu (c’est l’avantage des livres très courts) et je l’offrirai en sachant que je peux faire plaisir à beaucoup de lectrices (et de lecteurs ?). Une petite fille de 7 ans membre d’une grande fratrie est gardée le temps de la naissance d’un énième bébé chez un couple sans enfant. Être ainsi, pour la première fois, à la fois séparée de sa famille et l’objet d’une attention bienveillante, la trouble, lui plaît et finalement lui permettra de grandir.

Son regard sur les adultes va changer, à l’avenir on peut espérer qu’elle se défendra d’eux, en particulier de son père. Tout le texte est écrit à travers la compréhension de l’enfant, tous les mots sonnent justes, c’est à la fois pudique et émouvant.

Je me joins au concert de louanges .Cela fait plaisir de se sentir ainsi en phase avec une belle sensibilité d’auteur ainsi que des lecteurs et lectrices que je ne connais qu’à travers le monde des blogs mais dont je me sens parfois si proche.

Citations

 Je me demande pourquoi mon père ment sur le foin. Il a tendance à mentir sur des choses qui seraient bien si elles étaient vraies.

 

– Ah, les femmes ont presque toujours raison quand même, dit-il. Sais-tu pour quoi les femmes ont un don ?
– Quoi ?
– Les éventualités. Une vraie femme regarde loin dans l’avenir et devine ce qui arrive avant qu’un homme flaire quoi que ce soit. 

On en parle

Je dois ce livre au blog de Krol que je lis toujours avec grand plaisir.

Une-Separation-Asghar-Farhadi-5

Il n’y a parfois pas d’autres commentaires à faire que « Allez-y ». C’est un excellent film, tout le monde le dit, le festival de Berlin l’a reconnu, les critiques officielles et les blogs. Je n’ai pas trouvé de voix discordantes et je vais simplement rajouter la mienne à ce concert de louanges.

L’Iran est un pays qu’on ne connaît qu’à travers ses grands drames, et on se dit : c’est horrible mais ce n’est pas comme ça chez nous. Ici, il s’agit d’un drame ordinaire et à travers ce couple qui s’aime mal, les grands problèmes humains sont posés : l’amour, la vérité, la religion, les différences sociale, la justice… Et vraiment que ce soit en Iran ou en France nous réagissons tous de la même façon. Le fait que cela se passe en Iran rajoute beaucoup au film : donc un film universel ancré dans une réalité étrangère.

Le drame de la petite fille de 11 ans qui ne peut pas choisir entre son père et sa mère est bouleversant. L’histoire est parfaitement racontée, on est tenu en haleine jusqu’au bout sans effets spéciaux et sans manichéisme chaque personnage est respecté pour ce qu’il est, aucun jugement aucune caricature , vraiment Bravo !

Ah ! Que j’aimerais que le festival de Cannes ait aussi bon goût dans ses récompenses !

On en parle

Chritoblog.

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51qFFNWNhFL._SL500_AA300_.jpg

 Traduit du Suédois par Philippe BOUQUET.

Quel plaisir de découvrir et savourer ces neuf nouvelles autour d’un même thème : la recherche universitaire. Neuf disciplines différentes donc neuf personnages soumis aux dures lois de la production intellectuelle. L’écrivain suédois, Björn Larsson, invité au Festival des étonnants voyageurs à Saint-Malo, lui-même professeur de français à l’Université de Lund, connaît bien les petits et grands travers de ses chers collègues. Il ne les brocarde pas avec férocité mais les décrit avec humour et beaucoup de tendresse.Passant du philologue, au grammairien, au chimiste au virologue au philosophe… ces neuf facettes de la vie universitaire, nous permettent de faire le tour des connaissances actuelles et de leurs limites.

Ce livre plaira beaucoup aux universitaires, car si aucun d’entre eux ne s’identifiera complètement à l’un des portraits, tous reconnaîtront un de leurs défauts, une de leurs qualités et surtout un de leurs collègues dans les personnalités décrites. Mais au-delà de ce «  petit monde », l’auteur à travers ses neuf récits scrute la condition humaine , soulève beaucoupde questions et ne se contente pas de réponses faciles.

Parfois ce sont les travers de notre société qui sont visés : le « Da Vinci Code » est bien largement préféré aux savantes études du philologue qui, seul pourtant, peut lire et comprendre les textes anciens dont prétend s’être inspirés Dan Brown. Plus grave, et quelque peu ridicule, on lui demandera de répondre à des questions posées par l’écrivain à succès mais qui n’ont rien à voir avec le sérieux de son travail. Combien de fois dans les interviews à la radio ou à télévision « le spécialiste » invité semble ennuyeux et combien plus chatoyant l’inventeur d’histoires et parfois même l’animateur du débat !

Les neuf nouvelles sont autant de petits drames très bien imaginés, surprenants et parfois angoissants à l’image du spéléologue qui met sa vie en danger pour la gloire d’être le premier à trouver un lac souterrain. Les chutes sont toujours surprenantes un peu trop à mon goût, j’aime bien que les nouvelles ne finissent pas par « un effet » mais soient comme suspendues dans le vide à l’image de la vie. Que ce léger reproche, qui ne reflète que mon goût ne vous empêche pas de vous précipiter sur ce livre qui, j’en suis certaine, saura vous plaire, vous amuser et souvent vous émouvoir.

Citations

Mais le monde est ingrat. Personne ne prêtait attention, quand il clamait les lois de l’évolution phonétique dans des salles de cours à moitié vides.

 

Il avait beau vivre dans son ancien français, il avait lui aussi besoin d’un peu de compagnie humaine, de temps en temps, surtout si la conversation, ainsi qu’elle le fit tout naturellement, venait à porter sur les subtilités de l’emploi du subjonctif dans le français du haut moyen-âge

 

Étant donné que tous les autres parlent anglais il suffit de savoir « un peu de français de tous les jours » pour se distinguer de la masse.

 

Ses collègues, en particulier ses rivaux dans la chasse aux crédits…

 

Au cours des années qui suivirent, Birger travailla encore plus dur, si possible. Il négligea femme et enfants, même si ceux-ci ne purent guère noter de différence par rapport à ce qui se passait précédemment. Ils avaient pris l’habitude que leur mari et père ne soit qu’exceptionnellement présent à la maison. La seule nouveauté était qu’il travaillait également le samedi et le dimanche.

On en parle

Un nouveau blog celui de miss orchidée.

http://ecx.images-amazon.com/images/I/417UPPFfM-L._SL500_AA300_.jpg

 Traduit du Turc par Ferda Fidan.

4
Attention Piège ! Voilà, j’ai trouvé une formule choc pour vous donner envie de vous lancer à l’assaut de ces 700 pages. Pourquoi piège ? Car, lorsque vous aurez commencé « Istanbul était un conte », vous ne pourrez plus vous arrêter. Comme moi, vous emporterez votre livre partout, espérant grappiller quelques moments de lecture dans votre vie de tous les jours et rejoindre cet écrivain dans sa lente déambulation à travers Istanbul et la famille Ventura.

C’est un livre magique. Mario Levi vous enferme hors du temps, hors de vos repères habituels. Il se construit devant vous en tant qu’écrivain témoin de la communauté juive d’Istanbul. Il a reçu en héritage tant d’histoires qui, à elles seules, auraient pu être la matière de centaines de romans qu’il donne l’impression à son lecteur que sa place d’écrivain était en quelque sorte prédestinée.

Que serait la société littéraire du début du 20° Siècle français sans Marcel Proust ? De la même façon, que serait la minorité juive stambouliote sans Mario Levi ? Et comme pour l’auteur français, auquel on le compare souvent, au delà du particularisme local, c’est bien de nous et de toute la condition humaine dont il s’agit. Tout en étant très ancré dans cette ville de traditions, le roman se fait l’écho des conflits du monde qui frappent les membres de la communauté.

Mario Levi se promène et nous promène, à travers trois générations de la même famille, pour la plupart habitant à Istanbul. Racontant avec précision leurs métiers, leurs histoires d’amour, leurs rites religieux, leur façon de parler, leurs recettes de cuisines, il redonne vie à tous ceux dont il se sent l’héritier. Pour finir, je lui laisse la parole, pour qu’il vous dise sa façon, le pourquoi de ce livre :

 «  Témoigner c’est se sentir responsable .Peut-être avais-je mis du temps à saisir mon rôle dans la pièce mais j’y étais parvenu. Je me multiplierais en observant tout, et en écoutant les propos échangés. C’était aussi un jeu d’écoute. »

Citations

 Mais il y a tant d’individus qui n’ont jamais connu de véritables réussites et qui ont besoin de l’insuccès des autres pour camoufler le leur

 

Respirer la même nuit, au même endroit, ne constituait donc pas un garde fou évitant de tomber dans des solitudes s’ignorant l’une l’autre….

 

Il avait trente-neuf ans lorsqu’il partit pour des campas de concentration ? Et, quand il revint, son âge n’avait plus aucune importance.

 

Nul n’aurait pu imaginer que l’Allemagne trahirait un jour si cruellement l’humanité, ni Liman von Sanders, ni personne.

On en parle

Un nouveau site BOOK’ING