Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Quel plaisir de lire qu’un tout petit pays à l’échelle du monde a sauver l’honneur de la conscience humaine ! Seul le gouvernement Haïtien a décidé de recueillir tous les juifs qui se présenteraient dans son pays pour échapper au nazisme. Les Haïtiens s’enorgueillissaient déjà d’avoir défait les troupes de Napoléon, d’avoir aboli l’esclavage et d’être sorti de la domination américaine. En 1940, Haïti a déclaré la guerre aux Nazis allemands et aux Fascistes italiens. Bien sûr leurs moyens militaires ne suivaient pas vraiment mais on aurait tant aimé que d’autres pays aient eu le même courage. Louis-Philippe Dalembert raconte le destin d’un médecin Ruben Schwarzberg descendant d’une famille de fourreurs polonais, ayant vécu une vingtaine d’année à Berlin. Ces destins de Juifs de la diaspora polonaise, nous sont connus. La famille a fui l’intolérance catholique polonaise, s’est fort bien adapté au développement économique en Allemagne, a souffert de la crise de 1929 et puis a vécu l’horreur de la montée du nazisme. Mais l’originalité et le charme de ce livre vient du rappel des positions historiques d’Haïti.
Grâce au style de Louis-Philippe Dalembert, qui sait nous faire comprendre pourquoi et comment les Haïtiens nous réchauffent le cœur, le roman n’a pas, pour une fois, le ton tragique alors que le risque de mort est présent pendant toute la fuite du Docteur Ruben vers son île de liberté. Le style de l’auteur donne un souffle des Caraïbes et épouse tellement bien ce que l’on peut savoir de ce pays. Je recommande pour tous ceux et toutes celles qui seraient en manque d’érotisme la scène durant laquelle notre tout jeune médecin allemand (un peu coincé) rencontre pour la première fois la plénitude d’une expérience sexuelle réussie avec Marie-Carmel épouse trop délaissée d’un diplomate Haïtien, les deux pages qui lui sont consacrées commencent ainsi :
« Marie-Carmel savait jouer de son corps comme d’un instrument de musique, en tirer les notes les plus vibrantes, des accords dont Ruben lui-même ignorait que ses sens étaient porteurs. »
Citations
Déclaration de guerre de Haïti le 12 décembre 1941 à l’Allemagne nazie
Pour les plus avertis, c’était juste une question de logistique. On aurait été un chouïa mieux armé, il aurait vu ce qu’il aurait vu, ce pingre -« nazi » en créole haïtien signifiant aussi « grippe-sous ». On lui aurait fait bouffer sa moustache ridicule à Charlie Chaplin, dit un homme qui avait vu « le Dictateur » la veille. On lui aurait tellement latté le cul que même sa mère n’aurait pu le distinguer d’un babouin. (…) Depuis que leurs ancêtres avaient mis une branlée aux vétérans de l’indicible armada de Napoléon, les Haïtiens s’imaginaient terrasser les plus puissants de la planète, comme on écraserait un chétif insecte, d’un talon indifférent. Dans leur esprit, un Autrichien à la gestuelle de bouffon ou un nabot corse dressé sur ses ergots, c’était blanc bicorne, bicorne blanc.
Rencontre à Paris d’un juif allemand et d’une poétesse d’Haïti
Ces deux derniers années, Haïti avait accueilli quelques dizaines de Juifs, venus de Pologne et d’Allemagne pour la plupart. Les informations récentes avaient amené le nouveau gouvernement à prendre des décisions radicales, en désaveu officiel de la politique de ce monsieur Adolf. Tous semaines plus tôt, il avait publié un décret-loi permettant à tout Juif qui le souhaitait de bénéficier de la naturalisation « in absentia ».
Générosité haïtienne
S’il avait accepté de revenir sur cette histoire, c’était pour les centaines de millions de réfugiés qui, aujourd’hui encore arpente déserts, forêts et océans à la recherche d’une terre d’asile. Sa petite histoire personnelle n’était pas, par moment, sans rappeler la l’heure. Et puis, pour les Haïtiens aussi. Pour qu’ils sachent , en dépit du manque matériel donc il avait de tout temps subit les préjudices, du mépris trop souvent rencontré dans leur propre errance, qu’ils restent un grand peuple. Pas seulement pour avoir réalisé la plus importante révolution du XIX° siècle, mais aussi pour avoir contribué au cours de leur histoire, à améliorer la condition humaine. Ils n’ont jamais été pauvre en générosité à l’égard des autres peuples, le sien en particulier. Et cela, personne ne peut le leur enlever.
Les mœurs haïtiennes
Il n’était pas rare en tout cas de voir, un dimanche midi, déjeuner à la table familiale un enfant du dehors -comme on appelle ici les fils naturel- à côté d’un frère ou d’une sœur « du dedans » du même âge ; tout comme de voir un gosse porter, réunis en prénom composé, les nom et prénom de son père naturel mariée par ailleurs, et qui avait refusé de le reconnaître légalement. La maîtresse bafouée jurait ses grands dieux que ce n’était pas pour elle, mais pour le petit innocent venu au monde sans rien avoir demandé à personne, et prenait ainsi sa revanche, mettant, sinon le père réel ou supposé devant ses responsabilités, du moins toute la ville au courant, surtout si le coupable était quelqu’un de connu.
Philosophie
L’avantage avec le grand âge, c’est qu’on sait qu’on va mourir de quelque chose, autant que ce soit par le rhum.
La religion à Haïti
Ce qui préoccupaient le plus les Haïtiens, c’était de savoir si on pouvait être juif et vaudouisant à la fois, servir Yahweh et le Grand Maître, Abraham et Atibon Lebga, un compromis trouvé de longue date avec la religion catholique.
Même si je suis curieux des 2 pages consacrées à Marie-Carmel, je retiendrai en premier lieu l’extrait sur la générosité haïtienne ! J’ai entendu dire beaucoup de bien sur ce livre, sans avoir encore pris le temps de m’arrêter sur l’histoire, merci pour ce billet.
Un érotisme très agréable à lire mais ce roman est si riche en tant d’émotions.
Une écriture savoureuse, une histoire à découvrir, voilà qui m’a attirée aussi.
Je viens de rajouter un lien vers ton billet
Une de mes meilleures lectures de l’an dernier. J’ai énormément aimé.
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Je l’avais déjà noté, ravie de voir que tu confirmes !
une lecture qui transporte et qui fait du bien.
Un auteur que j’ai lu il y a très longtemps. La littérature Haïtienne est vraiment d’une incroyable richesse.
Oui avec une telle littérature on s’étonne de leur misère, il sont une telle force en eux qu’ils devraient s’en sortir mieux que ça.
Tu m’as convaincue ! Pour la scène d’érotisme, pour l’Histoire, pour les haïtiens…
et en plus ce livre met de bonne humeur en traitant sérieusement de la shoa …
Il est dans ma pile à lire (pas urgente), et j’ai l’impression que c’est une bonne pioche !
Oui une bonne pioche mais encore faut-il que tu trouves du temps pour lui
J’avais déjà repéré ce livre ! ( Je note tellement de livres que je ne sais pas si un jour, j’arriverai à venir à bout de ma PAL)
Nous sommes toutes logées à le même enseigne, aucune urgence avec les livres ils sont toujours là!
Bonjour Luocine, voilà un livre que je veux lire absolument. J’espère le trouver en bibliothèque. Bonne soirée.
moi aussi j e l’espère et bonne nuit à toi
Comme Aifelle, c’est un livre que j’ai beaucoup aimé et que je retiens.
c’est vrai qu’on ne peut pas l’oublier il a un sacré talent cet écrivain!
Pourquoi pas…
et oui pourquoi pas…
Je n’ai jamais lu de littérature haïtienne mais ton article et le commentaire de Jérôme me poussent vers ces pages fortes…
tu verras que ce curieux petit pays a bien des charmes et surtout de grands écrivains
Ma petite voix est un peu discordante, j’ai apprécié cette lecture pour son exotisme et les premières pages m’ont vraiment fait rire, c’est caustique et enlevé … J’ai cependant regretté un côté un peu trop construit, un peu trop conventionnel …
J’ai tout aimé je n’ai pas vu le côté trop conventionnel. J’ai beaucoup aimé la vie en Haiti.
Je ne savais pas que Haïti avait été terre d’accueil. Ton post donne envie
tant mieux , j’aimerais bien savoir ce que tu en penses.