Traduit de l’allemand par Georges STURM. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Il est très rare que je lise des romans policiers, mais c’est tout l’intérêt de ce club de lecture : se laisser guider vers des romans que j’ignorerais autrement. Ce roman permet de revivre le terrible hiver 1947 à Hambourg. Il y a fait un froid sibérien de janvier à mars. Et dans cette ville bombardée qui n’a pas encore eu le temps de se reconstruire, la population grelotte, a faim et vit pour une grande’ partie des plus pauvres dans des conditions de promiscuité terribles. Beaucoup de gens fuyant les russes, ou n’ayant plus de maison s’entassent dans des hangars ou des bunkers et doivent leur survie à la fouille des décombres laissés par les bombardements. Sur ces ruines, quatre corps nus seront découverts, un homme deux femmes et une fillette (le fait est réel, la police n’a jamais pu savoir qui étaient ces gens et n’a pas pu trouver leur assassin). L’enquête est menée par un policier Frank Stave, un adjoint qu’il n’apprécie pas Maschke, un anglais (Hambourg est encore en 1947 sous domination britannique) James C. MsDonald. La vie après le IIIe Reich à Hambourg est beaucoup plus passionnante que l’enquête elle-même (mais c’est une non-spécialiste du genre « policier » qui le dit !).
Au début j’étais gênée par le côté larmoyant du policier : oui les Allemands ont souffert après la guerre mais étant donné le traitement qu’ils avaient réservé à l’Europe, je me sentais peu de compassion. Et puis, peu à peu, les personnages se sont étoffés et on sent que pour revivre, l’Allemagne doit faire face à son passé, beaucoup essaient de le faire, mais aussi que l’on ne peut pas tourner la page brusquement. Les Allemands qui avaient vu leurs maisons détruites par les bombes anglaises étaient dans la misère et dans le désespoir car ils se sentaient aussi coupables que victimes. Cela donne une ambiance étrange que cet écrivain a parfaitement rendu. On sent aussi qu’il faudra beaucoup de temps pour que les Allemands prennent conscience de l’étendue des horreurs que les nazis ont commises. Hambourg est rempli de réfugiés, de personnes déplacées, mais aussi de bourreaux qui se cachent parmi tous ces gens et espèrent ainsi échapper à la justice.
Ce roman plaira sans doute aux amateurs des enquêtes policières, avec des flics un peu glauques et ayant trop vu d’horreurs pour garder confiance dans la bonté des hommes. Mais même les non-lecteurs du genre aimeront ce roman qui se situe à une époque très intéressante, celle où les Allemands n’ont pas encore réalisé l’étendue des horreurs nazies et où ils doivent mettre leur fierté dans leur poche et accepter que les vainqueurs qui les occupent et qui ont détruit leurs villes soient les maîtres de leur pays.
Citations
En 1947 à Hambourg
Il arrive que de jeunes Hambourgeois, dont certains viennent juste d’être libérés d’un camp de prisonniers des Alliés, chahutent des soldats britanniques dans les rues sombres, par fierté nationale comme ils disent, sans toutefois oser aller plus loin. Stave quant à lui ne ressent aucune haine des occupants, même si c’est bien une bombe anglaise qui lui a ravi Margarethe. Confusément, il se sent honteux des crimes des nazis, et c’est pourquoi, même si l’idée lui paraît perverse, il se sent libéré d’un poids face aux dévastations de la ville et à sa vie anéantie. Une perte et des privations comme punition méritée. On est devant des temps nouveaux. Peut-être.
Les survivants des camps 1947 Hambourg
Et quand un solliciteur a supporté patiemment toutes les humiliations, la Croix-Rouge lui accorde une ration spéciale : un pain, une boîte de corned-beef, cinq tickets repas- déjeuner dans une cantine publique, huit semaines de rations supplémentaires sur la présentation de la carte. C’est tout. Parce que les praticiens de la chambre des médecins de Hambourg ont décrété, je cite, » qu’en règle générale l’état sanitaire et le niveau d’alimentation des détenus des camps est absolument satisfaisant ».
je vais immédiatement noter ce roman car en ce moment les polars me tombent des mains mais ici, comme toi, je suis plus intéressé par le coté atmosphère historique, j’ai lu quelques romans sur cette période où comme tu le dis très bien les allemands étaient à la fois coupables et victimes
J’ai lu peu de romans sur cette époque, voilà pourquoi j’étais très intéressée par celui-ci
Moi non plus je ne suis guère attirée par les romans policiers mais j’ai lu ton avis avec attention et si je croise ce roman quelque part, je le lirai peut-être…
on ne peut pas tout lire, mais ce roman a le mérite de se situer à une époque assez peu racontée.
Comme toi je ne lis pas beaucoup de roman policier, mais là tu donnes envie
pour l’ambiance de l’Allemagne , plus que pour l’enquête policière, ce roman vaut le coup.
Je ne suis pas non plus roman policier, mais pourquoi pas essayer…
et ensuite je pourrai lire un autre avis sur ce roman.
L’arrière-plan historique m’intéresse beaucoup. Je le retiens donc, même si le côté polar est un peu faible.
c’est le principal intérêt du roman.
Un policier allemand sur fond historique, ça retient forcément mon attention. Je le note tout de suite. C’est vrai qu’on évoque tout de suite les « Trente Glorieuses » pour cette période d’après-guerre, mais les premières années après la guerre furent très difficiles : encore plus en Allemagne comme tu l’écris, pour des raisons d’évidence, mais aussi en France où les tickets de rationnement ont eu cours jusqu’en 1947. Merci pour ce conseil !
En France on a tout de suite forgé une légende le « l’héroïque France résistante » , ce qui a permis d’oublier la culpabilité. La réalité est revenue plus tard et par bribes. En Allemagne c’était massif et incontournable. Enfin, la responsabilité des industriels a été mise à jour beaucoup plus tard, je crois que c’est ce que raconte le dernier prix Goncourt et c’est ce que j’ai trouvé passionnant dans le livre d’Olivier Guez.
Bonjour Luocine, je note ce titre car le contexte historique est peu connu, l’Allemagne de l’après-guerre. Dans un genre similaire, je conseille les deux romans policiers d’Harald Gilbers, Germania et les Fils d’Odin avec une description de Berlin en 1944 (pour le premier) et mars 1945 pour le second. C’est haletant. Bon dimanche.
Bonsoir Dasola, merci pour ces conseils. Je lis peu de polars mais je suis capable de m’adapter ….
4 coquillages, un arrière-fond historique, je note surtout que je ne connais pas du tout cet écrivain.
C’est un auteur allemand. Peu connu encore en France.
Bravo pour l’éclectisme de vos lectures. Des titres et des éditions qui changent souvent de ce que l’on trouve partout!
merci à mon club de lecture… et à la bibliothécaire de Dinard
Je suis comme toi, pas spécialement lecteur de polar, mais j’adore tomber sur un excellent cru en la matière de temps en temps.
Celui-là est original et décrit une époque qui m’intéresse.
Je ne lis pas de polars… Une erreur probablement…
Si tu manquais de lecture,oui,sinon ce n’est pas très grave.
Pingback: « L’orphelin des docks », Cay RADEMACHER – Sur mes brizées