Édition L’avant scène Théâtre

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Une pièce que j’aurais eu un grand plaisir à voir. Un dialogue inventé entre deux génies du XX° siècle Einstein et Charlie Chaplin. C’est souvent drôle, tragique aussi . L’auteur concentre sa pièce sur trois moments de leur vie. D’abord quand Einstein, découvre avec horreur le sort des juifs sous la botte nazie, et que Chaplin veut faire un film en se moquant d’Hitler. Le deuxième moment Einstein s’en veut d’avoir pousser Roosevelt à construire la bombe atomique enfin la dernière scène Charlie Chaplin victime de la commission d’épuration menée par McCarthy vient voir une dernière fois son ami avant de s’exiler en Suisse. Il y a aussi un gouvernante qui permet d’avoir un lien avec l’extérieur.

Tout le travail de l’auteur c’est de nous faire comprendre à la fois le génie de ces deux hommes extraordinaires et la différence de leur démarche. Tous les deux sont des créateurs et ont besoin de liberté pour créer mais ils réagissent très différemment. Dison que Chaplin est plus humain qu’Einstein et qu’il finira sa vie dans une forme de bonheur familial qu’Einstein n’a jamais onnu.
Un beau texte et une grande envie de le voir sur scène

Citations

Un bon mot .

 « Avec le « professor » c’est pas évident pour l’habillement … au début je faisais comme Elsa. Quand il y avait des visiteurs importants, je lui demandais de faire un effort… Un jour, il m’a dit : « Si c’est moi qu’ils veulent voir, fais-les entrer…Si c’est mes vêtements, tu ouvres mon armoire et tu leur montres mes costumes ! »

Les génies scientifiques sont jeunes.

Chaplin : Et pourquoi ne fait-on plus de découvertes après quarante ans ?… Le cerveau s’amollit à ce point ?

Einstein : Je crois plutôt qu’on est prisonnier de soi-même… De ce qu’on a découvert avant … On se répète….. Ce qui manque c’est l’insolence.

Dictature et démocratie.

Einstein  : …Vous savez la différence entre une dictature et une démocratie, Charlie ?… Dans une dictature les gens sont gouvernés par la force et le mensonge. Dans une démocratie, uniquement par le mensonge !

Les stars

Chaplin : J’en ai observé beaucoup à Hollywood des stars quand on les voit groupées et elles produisent peu de lumière et encore moins de chaleur ! ( « Einstein sourit montrant le télescope »). J’ai le même à la maison. Je voulais apprendre l’astronomie. Mais c’est plus fort que moi : je dirige toujours l’objectif vers la rue. Les hommes intéressent plus que l’univers … Le contraire de vous, en somme !

Einstein : l’univers me paraît moins compliqué que mes semblables en tous ca !

 


Édition Belfond

Traduit de l’anglais (Irlande) par Sarah Tardy

 

Quel merveilleux roman, comme je comprends le coup de cœur unanime du lecteur et des lectrices de mon club de lecture ! Cette plongée dans l’Angleterre de la fin du XVI° siècle est absolument captivante.
Nous sommes à Stratford avec un petit garçon Hamnet qui part à la recherche de sa mère Agnes car sa sœur jumelle Judith est subitement très malade. Petit à petit nous allons connaître toute la famille et comprendre vers le milieu du roman que le père de ce petit garçon est William Shakespeare. L’auteure a redonné vie à la famille de ce génie, en particulier à son épouse. On se soucie assez peu de savoir si la vérité historique est respectée, car si tout n’est pas vrai tout est vraisemblable. Nous vivrons donc avec une femme qui sait soigner avec des plantes mais qui ne pourra rien quand son adorable petit garçon sera pris par la terrible peste qui va ravager Londres et ses environs. L’auteur raconte une façon très plausible l’arrivée de cette terrible maladie en Angleterre. De la même façon, l’auteure nous plonge dans une vie de village agricole avec ses tensions et ses rivalités, la dureté de la condition des femmes le peu de chance de survie des nouveaux nés. Et le grand Shakespeare dans tout cela ? Il fuira une vie trop étriquée à Stratford sous la férule d’un père violent et malhonnête, pour monter des pièces de théâtre à Londres. Mais est- ce un hasard si sa pièce la plus célèbre s’appelle Hamlet ?

En tout cas, c’est cette tombe de Stratford portant l’indication d’un très jeune enfant (Hamnet) qui a inspiré ce roman à Maggie O’Farrell et ce qui m’a le plus étonnée à la lecture de ce roman que je ne peux que vous conseiller c’est à quel point je n’avais nulle envie de vérifier si cela correspondait du peu que l’on sait sur la vie de William Shakespeare. Je suis partie pour quelques jours en Angleterre, au XVII° siècle, et j’ai partagé avec cette femme la douleur de perdre un enfant tant aimé .

Cette auteure irlandaise a visiblement un talent très étendu , il y a, cependant, un fil conducteur entre les trois romans que j’ai lus : la condition de la femme en 1666 pour « Hamnet », une femme recluse dans un asile pour aliénées au début du XX° siècle pour L’étrange disparition d’Esme Lennox , la vie d’une femme face à la maladie dans « I Am I Am » .

 

Citations

Le père violent.

 Depuis toujours, il vit avec l’impression de sentir sa main calleuse se refermer sur le haut de son bras, là où la chair est tendre, cette force inéluctable qui le cloue et permet à son père de faire pleuvoir les coups de son autre main, encore plus puissante. La sensation d’une claque qui vous sonne, arrivant d’en haut, imprévisible et cinglante ; la brûlure de l’outil en bois qui déchire la peau derrière les jambes. L’incroyable dureté des os de la main adulte, l’extrême souplesse et douceur de la chaire de l’enfant, la facilité avec laquelle ploient, se contraignent ces jeunes os inachevés. Et la fureur à sec, en veilleuse, ce sentiment d’impuissance dans l’humiliation qui imprègne ces longues minutes d’acharnement.

L’autre sujet du livre : la peste.

 Puis son regard tombe sur un gonflement, à la hauteur de son cou. De la taille d’un œuf de poule fraichement pondu. Doucement, elle pose ses doigts dessus. La boule est moite, semble gorgée d’eau, comme de la terre détrempée. Elle dessert le col de sa robe, défait ses boutons. D’autres œufs se sont formées par des aisselles, certains petits, d’autres plus gros, hideux, comme des bulbes qui lui tirent la peau. 
Cette image, Agnès l’a déjà vue, rares sont ceux en ville, ou même dans le pays, à ignorer à quoi ressemblent ces choses. Elles sont ce que les gens redoutent plus ce qu’ils espèrent ne jamais voir, ni sur leurs propres corps ni sur celui des autres qu’ils chérissent. Si grande est leur place dans les peurs collectives qu’Agnès peine à croire ce qui se trouve sous ses yeux, qu’il ne s’agit pas une hallucination, d’un tour que lui joue son imagination

Joli passage sur les jardins.

Les jardins sont des lieux intranquilles ; une dynamique les anime toujours. Les pommiers tendent leurs branches jusqu’à les faire dépasser du mur. Les poiriers donnent la première année et la troisième, mais pas la deuxième. Les soucis déploient leurs pétales vifs, infailliblement, chaque année, et les abeilles quittent leurs cloches pour flotter au dessus du tapis de fleurs et plonger dans les corolles. Les bosquets de lavande dans le parterre, finissent par s’emmêler, par donner du bois  ; Agnès les taille et conserve des tiges, les mains imprégnées de leur parfum capiteux.

La mort d’enfants .

 Ce qui est donné peut être repris, à n’importe quel moment. La cruauté et la dévastation vous guettent, tapies dans les coffres, derrière les portes, elles peuvent vous sauter dessus à tout moment, comme une bande de brigands. La seule parade est de ne jamais baisser la garde. Ne jamais se croire à l’abri. Ne jamais tenir pour acquis que le cœur de vos enfants bat, qu’ils boivent leur lait, respirent, marchent, parlent, sourient, et se chamaillent, jouent. Ne jamais, pas même un instant, oublier qu’ils peuvent partir, vous être enlevés, comme ça, être emportés par le vent tel le duvet des chardons..

 

 

 

 


Édition Calmann Levy.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Décidemment cet auteur est attiré par la vieillesse car après  » L’étoile et la vieille » voici « le vieux » !

Ce roman se divise en trois moments : la peur du Vieux de ce qu’il appelle « les bombes » c’est à dire tous ceux qui meurent autour de lui ou qui sont atteints de maladie dégénératives. Il rencontre à un enterrement d’une femme qu’il a aimée autre fois, la fille qu’il a élevée pendant quelques années, Camille qui est devenue actrice et metteur en scène. Il va croiser aussi Simon un jeune acteur très beau qui le questionne sur le suicide assisté.
La deuxième partie tourne autour du suicide de Simon et de l’opéra que Camille et lui voulaient monter « La flûte enchanté ». Le vieux qui a monté plusieurs opéra a toujours souffert de n’avoir jamais réussi à monter cette œuvre de Mozart. Nous verrons comment l’équipe d’acteurs et de chanteurs vont vivre ce deuil brutal et apparaît un personnage étrange une bretonne comme je n’en ai rencontrée que dans des contes, qui fait des crêpes et qui racontent des légendes en particulier autour de l’Ankou (la représentation de la mort en Bretagne), elle est la concierge du théâtre et jouera un rôle dans le suicide de Simon on découvrira un personnage obsédé par la mort, très déséquilibré et alcoolique.

Enfin la troisième partie, nous apprenons le prénom du vieux : Jean-Michel qui vit avec une ancienne cantatrice, Mireille, et ensemble ils décident de mourir en utilisant le suicide assisté , ensemble ils auront le COVID et ensemble, ils s’en sortiront et finalement ne se suicideront pas.
Plusieurs thèmes se croisent dans ce roman, la représentation théâtrale, la vieillesse et surtout la mort.

J’ai assez bien aimé la première partie, franchement détesté la deuxième avec cette bretonne sortie dont on ne sait quel imaginaire et qui ne rend pas justice aux bretons que je connais et la troisième est quasiment insupportable, cette description de ce couple qui veut mourir dans la dignité et qui, au dernier moment se raccroche à la vie m’a absolument dégoutée .

Au moment où je rédige ce billet des bombes, des vraies celles-là, tombent sur Kiev et cela explique beaucoup mon dégoût de cette fascination pour la mort de ceux qui ont tout pour vieillir tranquillement. J’exagère peut-être mais c’était bien le thème de Michel Rostain, la mort et celle-ci frappe à notre porte de façon tellement plus terrible et l’on se rend compte que le plus souvent l’homme ne choisit plus rien .

 

Citations

La peur de l’Ehpad .

 – Ce n’est pas l’état de Catherine qui m’angoissait, c’est l’Ehpad : y aller me terrorisait comme s’il s’agissait de mon prochain domicile !
 « Lorsque j’ai enfin surmonté ma trouille, je suis arrivé là-bas un jour de chorale. Dans le grand salon de l’Ehpad, une chef d’orchestre tirait de toutes ses forces les voies épuisés d’un demi-cercle de vieillards – vingt voix éraillées égrenait comme elles pouvaient les sous-titres de la chanson de Dalida qu’on leur projetait en mode karaoké :
 » Je sais bien que tu l’adores, Bambino, Bambino
 Et qu’elle a de jolis yeux, Bambino, bambino…
Mais tu es trop jeune encore, Bambino, Bambino,
 Pour jouer les amoureux. »
 » Cette chanson qui claudiqué, lento, mollo, pas sano du tout, c’était à pleurer. Catherine était la, hagarde au milieu de cette assemblée de fauteuils roulants, et alors je me suis vu, je t’assure… vu à côté d’elle, en survêt lamentable, édenté et gâteux. la vraie bombe, c’est celle-là, celle qui ne me tuera pas et me maintiendra en vie mais en ruine !
 Coup de massue supplémentaire, un des choristes a fait rouler son fauteuil jusqu’à moi pour demander : « c’est vous le nouveau ? » Et j’ai soudain réalisé pourquoi pas moi en effet ? après tout j’ai l’âge réglementaire pour déposer un dossier d’admission dans un Ehpad. (Catherine et moi, on est nés la même année !) 

J’ai souvent entendu cette remarque.

 Même vides, les salles de théâtre ne sont jamais désertes. Les notes qu’on y a chantées, les pages qu’on y a dites, les âmes qui ont dansé sur la scène ont toutes laissé un bout d’elles-mêmes. Il suffit de fermer les yeux et d’écouter, les Théâtres palpitent tout le temps de milliers d’émotions

Édition Gallimard NRF, Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Je me rends compte que je n’ai noté qu’un passage sur cet essai, c’est le signe du peu d’intérêt que j’ai ressenti à cette lecture. Jérôme Garcin est le gendre de Gérard Philip, toute la famille vit dans le souvenir de cet acteur qui émouvait tant ma grand-mère et ma mère. L’auteur veut nous faire revivre cette émotion. Je me souviens du livre de son épouse que j’avais lu à l’époque. Je m’en excuse mais je vais faire du mauvais esprit mais j’ai pensé en lisant ce livre : sur ce même sujet, on a eu sa femme, on a maintenant son gendre à quand les petits enfants ? Et puis malgré moi j’ai pensé aussi  : voici une mort qui rapporte … Je sais, c’est horrible mais c’est à l’image du vide que j’ai ressenti à cette lecture. J’ai quand même retenu trois choses, je trouve toujours aussi inadmissible qu’on lui ai caché son cancer. Je savais mais j’avais oublié que son père était un riche bourgeois compromis au moment de Vichy, Et j’ai appris aussi, que, pour lui, le plus grand homme du siècle était Lénine…. Une lecture donc tout à fait inutile même si, comme moi, vous avez aimé sa voix lisant « le Petit Prince » et racontant Mozart aux enfants.

Citation

La mort

C’est à Rodrigue, un Rodrigue au visage pâle, presque transparent, que, toute la journée, des visiteurs vont venir dire adieu. Comme si la tragédie de Corneille se prolongeait dans un post scriptum grandiose, il reçoit, couché sur son lit, dans la chambre en hauteur où l’on accède en montant quelques marches, à la manière d’un prince espagnol exposé dans la salle des audiences du palais Sévillan de l’Alcazar. Jamais la mort n’a été plus théâtrale.