Édition folio, traduit de l’américain par Josée Kamoun

 

C’est donc le troisième roman de cet auteur sur mon blog . Après « La Tache« , chef d’œuvre absolu , et « Le complot contre l’Amérique » qui m’avait un peu déçue, j’ai retrouvé dans « Un Homme » tout ce qui fait de cet écrivain un grand de la littérature contemporaine. Dans un texte assez court Philip Roth cerne la vie d’un homme de 73 ans à l’enterrement duquel nous assistons dans le premier chapitre. Grâce à une succession de flashback nous allons mieux connaître ses parents, son frère, sa fille Nancy, ses femmes et ses fils . Certains de ces personnages l’aiment ou l’ont beaucoup aimé d’autres, en particulier ses deux fils, n’éprouvent que de l’hostilité pour lui. Philip Roth sait bien décrire tous les ressorts de l’âme humaine, sans jamais forcer le trait , il n’édulcore aucun aspect négatif mais ne renie jamais ce qui a été le moteur de sa vie : il aime et a été aimé des femmes et cela a rendu le mariage compliqué pour lui, il aime la jouissance physique cela rendu aussi, la fidélité quasiment impossible. Il a bien réussi sa carrière de publicitaire mais nous n’en saurons pas grand chose si ce n’est que cela lui permet de vivre une retraite sans soucis financier. Une grande partie du roman décrit la difficulté de vivre avec les maladies qui accablent parfois les êtres vieillissants. Et lui a subi moultes opérations pour permettre à son cœur de fonctionner normalement. Alors, bien sûr, il ne peut que se poser « La Question », la seule qui devrait nous hanter tous : celle de la mort. Aucune réponse n’est donnée dans ce livre et pourtant le personnage principal se confronte à elle sans cesse, il passe même une journée dans le cimetière où sont enterrés ses parents pour bien comprendre le travail du fossoyeur, et, il est parvenu à m’intéresser à la technique du creusement d’une tombe ! J’ai aimé aussi l’évocation de sa vie de petit garçon qui faisait les courses pour son père horloger bijoutier, celui-ci lui faisait traverser New-York avec une enveloppe remplie de diamants. J’ai aimé aussi son rapport à Hollie son grand frère toujours en bonne santé. Il éprouvera même de la jalousie face à cette injustice, lui, encore et toujours, malade et Hollie dont la bonne santé est comme un contrepoint à ses propres souffrances. Son amour pour Nancy, sa fille de sa deuxième femme, est très tendre . Bref un homme tout en nuances comme sans doute les trois quart de l’humanité, banal en somme mais quel talent il faut à un écrivain pour intéresser à la banalité en faire ressortir tout l’aspect humain. Ce livre qui commence et se termine par les poignées de terre jetées sur son cercueil, comme elles l’avaient été auparavant sur celui de son père nous permet-il d’accepter un peu mieux la mort ? Aucune certitude évidemment.

 

(Je me souvenais d’avoir lu le billet de Géraldine que je vous conseille vivement.)

 

Citations

Les communautés de retraités aux USA

Il quitta Manhattan pour une communauté de retraités, Starfish Beach, à trois km de la station balnéaire où il avait passé des séjours d’été en famille, tous les ans, sur la côte du New Jersey. Les lotissement de Starfish Beach se composaient de jolis pavillons de plain-pied, coiffés de bardeaux, avec de vastes baies et des portes vitrées coulissantes donnant sur des terrasse en teck ; ils étaient réunis par huit pour former un demi-cercle autour d’un jardin paysager et d’un petit étang. Les prestations offertes aux cinq cents résidents de ces lotissement répartis sur cinquante hectares de terrain comprenaient des courts de tennis, un vaste parc avec un abri de jardin, une salle de sport un bureau de poste, une salle polyvalente avec des espaces de réunion, un studio de céramique, un atelier bois, une petite bibliothèque, une salle informatique avec trois terminaux et une imprimante commune, ainsi qu’un auditorium pour les conférences, des spectacles et les diaporamas des couples qui rentraient d’un voyage à l’étranger. Il y avait une piscine olympique découvert et chauffée en plein cœur du village, et une autre, plus petite couverte, il y avait un restaurant tout à fait convenable dans la modeste galerie marchande, au bout de la rue principale, ainsi qu’une librairie, un débit de boissons, une boutique de cadeaux, une banque, un bureau de courtage, un administrateur de biens, un cabinet d’avocat et une station-service.

Les choix de vie d’un homme qui a peur d’encombrer sa fille (Nancy)

Il rentra sur la côte, reprendre son existence solitaire. Nancy, les jumeaux et lui -ça ne tenait pas debout, de toute façon, et puis ça aurait été injuste, car il aurait trahi le serment qu’il s’était fait de maintenir une cloison étanche entre sa fille trop affectueuse et les tracas et faiblesses d’un homme vieillissant.

Je comprends ce choix

Quand il avait fui New York, il avait élu domicile sur la côte parce qu’il avait toujours adoré nager dans les rouleaux et braver les vagues, et puis parce que cette partie du littoral était associé pour lui a une enfance heureuse.

La vieillesse

La vieillesse est une bataille, tu verras, il faut lutter sur tous les fronts. C’est une bataille sans trêve, et tu te bats alors même que tu n’en n’as plus la force, que tu es bien trop faible pour livrer les combats d’hier. 

Une note d’humour

Son épouse de l’époque, sa troisième et dernière épouse (…) était une présence à haut risque. Pour tout soutien, le matin de l’opération, elle suivit le chariot en sanglotant et en se tordant les mains, et finit par lâcher  :  » Qu’est-ce que je vais devenir ? »
Elle était jeune, la vie ne l’avait pas éprouvée ; elle s’était peut-être mal exprimée, mais il comprit qu’elle se demandait ce qu’elle allait devenir s’il restait sur le billard. « Chaque chose en son temps, s’il te plaît. Laisse-moi d’abord mourir, si tu veux que je t’aide à supporter ton chagrin. »

 

 

30 Thoughts on “Un Homme – Philip ROTH

  1. keisha on 15 octobre 2020 at 08:20 said:

    Les communautés de retraités, en France, ça existe, sans doute pas si animées?

  2. Formidable souvenir de lecture, ces lignes (et toutes les autres) sonnent toujours tellement juste !

  3. Philip Roth, c’est une valeur sûre. J’aime beaucoup.

  4. J’aime beaucoup Philip Roth, mais j’avais été déçue par ce roman, dont je trouvais que le héros n’était pas très sympathique…

    • Pour moi il est humain, avec ses failles et ses atouts. Il existe surtout dans le regard des autres, ses deux fils ne l’aiment pas mais l’affection profonde de son frère et de sa fille montre que c’est aussi quelqu’un que l’on peut aimer. En revanche il ne fait pas sa propre promotion.

  5. J’ai deux romans dans ma PAL de lui, mais je n’arrive pas à les sortir. Je me demande si j’aimerai son style.

    • Son style est d’une simplicité extrême. C’est sa façon de considérer « l’humaine condition » comme aurait dit notre Montaigne qui peut moins tecplaire. Mais je serais très étonnée si je me réfère à tes lectures.

  6. « Bref un homme tout en nuances comme sans doute les trois quart de l’humanité, banal en somme mais quel talent il faut à un écrivain pour intéresser à la banalité en faire ressortir tout l’aspect humain. »
    C’est exactement ça ! Et c’est ce qui fait que malgré tout ce qui peut nous séparer de cet homme -l’âge, le sexe, le caractère, le milieu social…-, on se sent proche de lui.

  7. J’ai lu ce roman il y a pas mal de temps, j’avais beaucoup aimé.

  8. Lu et chroniqué récemment. C’est avec ce roman que j’ai bcp aimé que j’ai « rencontré » Philip Roth pour la première fois.

  9. philip Roth est un auteur que j’apprécie même si je n’aime pas tout ce qu’il a écrit je reste une inconditionnelle de la trilogie : Pastorale américaine, J’ai épousé un communiste et la Tâche

  10. Bonsoir Luocine, quand je lis ton billet, on ne peut que regretter que Philip Roth n’ait pas été lauréat du prix Nobel de littérature avant sa disparition. Je n’ai pas lu Un homme. Il faudrait que je répare cet oubli. Bonne soirée.

  11. L’un de mes écrivains favoris dont je me suis promis de tout lire. J’ai bien avancé mais il m’en reste encore….. Par contre ce roman ne m’avait pas touché quand je l’ai lu.

  12. j’en ai l’eau à la bouche, je n’ai pas suffisamment lu cet auteur, merci de me le rappeler !

    • L’eau à la bouche ce n’est pas exactement ce que j’aurais dit sur un livre sur la mort. Mais j’espère que tu le liras et que ton attente ne sera pas déçue.

  13. serais-je dire que je n’ai jamais lu cet auteur ? Je viens de note la tâche et celui-ci. Merci

  14. Ne pas avoir lu ce livre est un oubli à réparer d’urgence. La citation sur La vieillesse est absolument magnifique !

  15. Quel écrivain ! J’adore beaucoup d’auteurs américains mais pour moi Roth est vraiment (et largement) au dessus du lot !

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