Édition Albin Michel

 

 

Le destin de femmes, en particulier les quatre femmes de la famille Malivieri, Agnès la mère, Sabine l’aînée, Hélène la seconde et Mariette la cadette est décrit avec précision par Véronique Olmi, ce récit est inscrit dans le temps : de 1970 à 1981.

C’est un gros roman de cinq cents pages, l’auteure souhaite donner la même importance à chacune de ces femmes. C’est donc l’émergence de la condition féminine qui va être le principal moteur de cette histoire.

Nous sommes au début, dans la famille Maliviéri, un couple uni dans la foi catholique et qui est presque dans la misère, car le père, Bruno doit payer pour la faillite financière de l’affaire de son père. À cause de ce manque d’argent, la famille doit accepter un chèque mensuel de la famille Tavel, le beau-frère d’Agnès, sa sœur a fait un très beau mariage avec un très riche industriel. La seule contre partie à ce chèque mensuel, c’est de laisser Hélène venir passer toutes ses vacances dans la famille Tavel. C’est humiliant et compliqué à vivre pour la petite fille, car elle aime les deux familles et ne se sent chez elle nulle part. Ses deux pères sont des figures bienveillantes qui vont l’aider à se construire une personnalité toujours un peu ambivalente.

Commençons donc par la mère Agnès, dernière née d’une famille nombreuse, elle n’a pas été soutenue dans son désir d’études et s’est précipitée dans son mariage avec le gentil Bruno, pensant trouver là le moyen de se réaliser. Le début de leur union sera marqué par la perte d’un enfant à la naissance, mais la foi chrétienne et la vie de famille avec trois filles suffiront au bonheur d’Agnès. Et puis les filles partiront vivre leur vie et le silence qui s’installe dans leur petit appartement devient pesant. Elle décide alors de devenir factrice et c’est encore un moment de bonheur dans le monde du travail qui s’installe pour elle . Hélas ! une dernière grossesse désirée par le couple se soldera par un drame (je ne peux pas sans trop en dire sans divulgâcher la fin).

Ensuite vient Sabine, l’aînée des filles qui a une volonté de fer et une énergie peu commune. Elle n’a qu’une envie vivre à Paris et quitter l’atmosphère étriquée de la province. Elle se lancera dans une carrière d’actrice et nous permet de découvrir la galère des débuts dans le monde du spectacle et toutes les luttes qui ont marqué cette époque. Elle a des amours compliqués et un engagement politique à gauche qui lui permettra de fêter avec un grand bonheur la victoire de Mitterrand sur Giscard .

Vient ensuite Hélène, la seule qui soit à l’abri des soucis financiers grâce à l’affection de son oncle David Tavel. Elle épousera la cause animale et se lance dans la lutte pour la survie de toutes les espèces. Ses amours ne sont pas très simples et cela nous permet de découvrir le monde de Neuilly vu du côté des jeunes très favorisés.
Il reste donc Mariette qui a vécu longtemps seule avec ses parents et qui en veut à ses sœurs de ne pas se soucier plus des difficultés de Bruno et Agnes , elle se découvrira une passion pour la musique et un amour pour Joël qui l’aide à comprendre ses parents.
J’ai oublié une autre femme : Laurence une femme aisée et libre qui vit dans une belle bastide et qui sera un point d’appuie important pour Agnès et Mariette.

Bien sûr il y a des hommes mais ils ne sont là que pour accompagner le cheminement de ces femmes. Même Bruno, le gentil Bruno, qui jamais ne s’impose auprès de sa femme ni de ses filles.

C’est un roman qui se lit très facilement et où on retrouve des aspects de la société que l’on a connus. Je trouve très bien raconté, l’arrivée de la sexualité dans la vie des jeunes filles. La peur et l’attirance à la fois. Comme je viens d’un milieu laïc, je suis étrangère à l’engagement religieux des parents, mais laïcs ou catholiques se retrouvent dans la condamnation d’une sexualité féminine libérée. J’ai été un peu lassée par la répétition des modèles féminins. Si elles sont différentes, ces quatre femmes, elles donnent toutes l’impression de sortir d’un cocon et d’ouvrir peu à peu leurs ailes pour affronter le monde. Je n’ai pas réussi à croire complètement aux personnages, et je regrette qu’aucun homme ne prenne une vraie consistante. J’imagine cependant assez bien l’adaptation de ce roman en une mini série télévisée .

 

 

Citations

Bien observé

Autour du cou une étiquette à son nom Hélène Malivieri , mais elle n’avait plus, comme lorsqu’elle était plus jeune, à tenir la main d’hotesse de l’air qui ressemblaient toutes à Françoise Dorléac et s’avançaient au-devant de son père avec un air affranchi et une sensualité piquante.

Le manque d’argent

Le manque d’argent rendait les liens fragiles, comme si tout pouvait disparaître d’un jour à l’autre, et les parents à force de se priver et de faire attention ressemblaient à deux enfants au bord de la route sans jamais arriver à traverser.

Le mariage

Les liens du mariage sont sacrés, avait-il expliqué à ses filles, ils ne peuvent jamais être rompus, le mariage est indissoluble, comme le métal dans l’eau, c’est in-dis-so-lu-ble, ça ne cesse jamais d’exister même après un divorce puisqu’un mariage ne peut pas être annulé, donc le divorce c’est tout simplement impossible. Cela les avait soulagées d’apprendre que jamais leurs parents ne divorceraient, que ce malheur-là ne pourrait pas avoir lieu, mais il y avait avant cet indissolubilité une énergie puissante qui donnait au mariage la force d’une condamnation.

Les castings

Un directeur de casting lui dit qu’il avait quelque chose pour elle, elle pouvait faire un stage et devenir cascadeuse, on manquait de cascadeuse. Un autre lui demanda de rire. Elle rit. De pleurer. Elle pleura. Il frappa dans ses mains, Ris ! Pleure ! Rit ! Pleure !Et quand elle eut fini, il lui dit qu’elle était très ordinaire.

Portrait d’un mari et (père) effacé

Il ne comprenait pas qu’Agnès soit partie en cachette, comme si elle avait été captive, mais peut-être avait-elle besoin de cela aussi, ce sentiment d’évasion, il ne savait pas, il savait peu de chose, à la vérité, il avait la sensation d’être un peu à la traîne et de ne rien voir venir, il demeurait cet homme décalé et qu’on aimait pourtant, il ne savait pas vraiment pourquoi. La mort de la petite fille, Agnès refusait d’en parler et cette mort l’obsédait comme une faute inexcusable, la douleur était physique. Il n’osait dire que l’enfant lui manquait et qu’il lavait aimée, lui aussi, même s’il ne l’avait pas portée. La grossesse, cet état qu’il ne vivrait jamais, était sa défaillance, il était spectateur d’un mystère puissant et menaçant. Il avait l’impression d’avoir toujours vécu avec Agnès et il pensait rarement à sa vie d’avant, son enfance au fil du temps était devenu une zone un peu floue, appartenant à un petit garçon aux cheveux rasés et au sourire rêveur, ainsi que les photos le représentait au milieu de garçons en short et de filles aux nattes brunes, ses frères et soeurs. C’était loin, des années sans tendresse dont il aurait préféré se passer. Agnès n’était pas la deuxième partie de sa vie, elle était toute sa vie, une vie prise à présent entre deux enfants perdus, l’effroyable chagrin sans souvenir.

Création de la ligue de protection des oiseaux

C’était juste avant la Grande Guerre. En 1912. Des safaris était organisée sur les côtes bretonnes par les chemins de fer de l’Ouest, et chaque dimanche des chasseurs débarquaient pour tirer sur les macareux moines venus nicher en France. Le soir ils repartaient et laissaient derrière des oiseaux plombés, des poussins affamés et des oeufs explosés. Un homme, le lieutenant Hémery, a décidé de stopper ce massacre. Il a créé la Ligue pour la Protection des Oiseaux, et la chasse dans les sept îles au large de Perros-Guirec est devenu illégale.

Le symbole de Luocine : le fou de bassan

Depuis 1930, l »île parce qu’elle est protégée attire les fous de Bassan. Ces milliers de points blancs, ce sont eux, en colonie, sur l’île de Rouzic, que l’on surnomme l’île aux oiseaux. Ils l’ont choisie pour sa sécurité mais aussi pour les bonnes conditions de vent du vent, de déplacement et de nourriture tout autour.

 

Édition La table ronde . Traduit de l’Anglais par Christiane Armandet et Anne Bruneau

 

C’est sans doute pendant le mois anglais que j’ai vu le nom de cette auteure, je sais que Keisha et Katel l’apprécient. Si vous ne connaissez pas ce roman, je vous remets le sujet en tête : trois femmes britanniques très différentes sont volontaires pendant la deuxième guerre mondiale pour travailler dans une ferme. En effet, la mobilisation de jeunes hommes anglais privent l’agriculture de bras précieux. Elles sont très différentes et pourtant toutes les trois auront une aventure sexuelle avec le fils du fermier : Joe, réformé pour asthme. Prue, la jeune coiffeuse se lance immédiatement dans la séduction de Joe pourtant fiancé officiellement à Janet qui travaille dans une ville éloignée . Ag ne va utiliser les services de Joe que pour se débarrasser de sa virginité qui l’encombre, avant de pouvoir se lancer dans l’aventure amoureuse avec son collègue professeur à Cambridge Eliel. Stella est passionnément amoureuse d’un bel officier de la marine britannique Philip qu’elle n’a rencontré que trois fois. Lorsque son rêve rencontrera la réalité elle sera déçue et vers qui ses regards se tourneront ? et oui Joe, et ils finiront par s’aimer.

J’avoue ne pas avoir été enthousiaste par ce roman qui se centre trop les amours des uns et des autres, mais il est sauvé par la toile de fond : la guerre 39/45 sur le sol anglais.

 

Citations

Genre de remarques qui me fait aimer les romans anglais

Des années auparavant, sans s’extraire de sa somnolence, elle lui aurait réclamer un baiser. Il se serait exécuté et en aurait été remercié d’un sourire en sommeiller. À proprement parler, et tu dis tu n’avais pas souri depuis des années. Pas de bonheur. La seule chose qui faisait briller ses yeux, c’était le triomphe. Triompher de ses voisins, ses clients. Triompher de n’importe qui, et de Ratty lui-même. Il se demandait ce qui avait si vite transformer une jeune fille insouciante en une vieille femme revêche. Rien que Ratty pût clairement identifié, il faisait ce qu’il pouvait pour la satisfaire. Mais il avait appris que le mariage était une drôle d’affaire. À l’époque -jeune homme tout fou- il ne savait pas dans quoi il se lancer. Et il n’avait jamais envisagé d’abandonner sa stérile embarcation. Il avait fait des promesses au Seigneur et il ne Les romprait pas.

Deux conceptions de l’amour

Je suis si désespérément romantique que la seule idée de l’amour me suffit presque, bien que je sache, au fond de mon cœur, que l’essentiel n’est que chimère et que je serai déçue. Je le suis presque toujours. Et cette fois avec Philippe, je crois que c’est différent. 
-Je croiserai les doigts, dit Prue. Moi je ne marche pas dans tout ces romans fleur bleue. Surtout pas quand il y a une guerre, pas de temps à perdre,. Se déshabiller aussi vite que possible, voilà ma devise, avant que ces pauvres diables ne soient tués. Un peu de plaisir rapide, puis au suivant. À la fin de la guerre, quand nous serons tous un peu plus vieux et plus sage, il sera temps de chercher un mari. C’est là qu’un millionnaire sans méfiance sera le bienvenu. En attendant, je prends mon plaisir là où je le trouve.

 

Édition Le Livre de Poche

 

Une auteure et un livre que vous êtes nombreuses (sans oublier Jérôme ) à aimer. Je l’ai lu rapidement l’été dernier sans faire de billet. Il m’avait rendu si triste ce roman, justement pour son aspect circulaire. Dans ce cercle où tout se reproduit à l’identique, je me sens malheureuse et je crois que la vie peut être plus belle que cela. Marion Brunet à mis en exergue de son roman cette citation de Maupassant que j’aime tant :

« La vie voyez vous , ça n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit ».
Mais ici, il n’y a rien de bon que du sordide.
Le roman commence par une scène qui sera reprise à la fin, la famille va ensemble a une fête foraine mais le soir Céline, la fille aînée de Manuel, un maçon d’origine espagnole et de Séverine, fille d’un paysan de la région annonce sa grossesse à ses parents. Elle n’a que 16 ans et refuse de dire qui est le père de cet enfant. C’est vraiment dommage car, pour son père, cela ne peut être que Saïd l’Arabe avec qui il revend des objets que celui-ci vole dans les villas qu’il restaure, l’Arabe va le payer très cher. Je sais vous n’aimez pas qu’on divulgâche le suspens des romans, surtout qu’ici on annonce un roman policier. Tout est tellement prévisible dans cet enfer de gens qui ont tout raté dans leur vie et qui ne trouvent de l’énergie que dans la bière ou les cigarettes . Pour moi ce n’est pas le côté policier qui fait l’intérêt du roman mais dans la description d’un milieu social qui n’a aucun sens des valeurs. J’ai du mal à imaginer que de telles personnes existent mais pour le temps du roman, il faut l’accepter. Personne ne sort indemne de cette peinture sociale pas plus le grand père paysan qui emploie des clandestins et les dénonce à la gendarmerie pour ne pas les payer, que les parents de Céline et de Johanna qui ne cherchent pas à comprendre leurs filles adolescentes, même Saïd trempe dans des affaires de recels, l’institutrice gentillette est ridicule et la police complètement nulle. L’absence de leur enquête montre bien qu’il ne s’agit pas d’un roman policier. La seule qui donne un peu d’espoir c’est Johanna qui aime le théâtre et les livres.
C’est un roman sur l’adolescence dans un milieu frustre et aigri dont les seuls dérivatifs sont l’alcool et les cigarettes. Il se lit facilement car il est bien enlevé et rempli de remarques très justes sur un monde qui va mal, mais pour moi tout est trop prévisible.

Citations

 

 

Le début du roman

Chez eux , se souvient Johanna, ou une main au cul c’était un truc sympa, une façon d’apprécier la chose, de dire « t’as de l’avenir » – à mi-chemin entre une caresse et une tape sur la croupe d’une jument. Les filles avaient des atouts, comme au tarot, et on aurait pu croire que si elles jouaient les bonnes cartes au moment adéquat, il y avait moyen de gagner la partie.

Conséquences de l’alcool au volant.

David et son cousin Jérémy s’étaient plantés un soir, au carrefour entre l’entrée d’autoroute vers Marseille et la bretelle pour Cavaillon. La bagnole avait heurté le parapet, finit sa course sur une berges du Rhône. Les pompiers avaient mis des heures pour les sortir de là. David après six mois de coma, s’était réveillé légume (….)
Les premières années, Jérémy allait le voir régulièrement. Il avait eu plus de chance, des fractures, mais il s’en était remis(….) Ses vannes tombaient toujours mal au pied du cousin, pied tordu vers l’intérieur et chaussé de baskets neuves qui le resteraient Il avait cessé de venir, à cause de sa tante, qui ne supportait plus de le voir. Ce regard lourd de reproches et de détresse ça le rendait fou – c’était lui qui conduisait, ivre mort.

Genre de dialogues qui me rendent triste.

– Comment va Séverine ?
– Bien. 
-Elle fait un métier difficile. Tous ces mômes c’est bien ce qu’elle fait.
– Elle est cantinières, papa. Elle leur sert à bouffer, c’est tout. 
-Nourrir des gosses, pour toi c’est rien ?
– Papa…

 

Ce livre reçu en cadeau, m’a vraiment intéressée. Je n’en fais pas un coup de cœur pour des raisons qui lui sont reprochées par son éditeur à l’intérieur (en effet c’est un roman qui raconte entre autre la création d’un roman qui s’appelle « l’Anomalie »), son éditeur lui reproche le trop grand nombre de personnages, et je suis d’accord on se perd un peu et il faut vraiment s’accrocher pour suivre tous ces destins . Il est temps que je vous raconte un peu l’histoire sans pour autant divulgâcher le suspens . (Tâche au combien délicate, surtout pour moi qui adore commencer les romans par la fin … ) Tous les personnages ont un point commun : ils ont pris un vol Paris- à New-York et ont été victimes de turbulences absolument catastrophiques et tous ont cru en leur mort prochaine. Mais ils ont finalement bien atterri. Surtout ne cherchez pas, comme je l’ai fait, un lien entre tous ses gens, il n’y en pas. On commence donc par connaître la vie d’un tueur, puis celle du de l’écrivain Victor Miesel qui écrit le roman « l’anomalie » et ainsi de suite avec sept autres personnages. Et puis … le même avion revient sur terre quelques mois plus tard … avec les mêmes personnes à bord. C’est là que le roman devient passionnant même si c’est un sujet très traité, il l’est ici de façon originale : comment l’humanité réagirait à un phénomène qui dépasse notre raison. Les débats entre les scientifiques, les philosophes, les religieux sont très bien menés et le lecteur se demande alors ce qu’il aurait pensé et comment il aurait agi s’il avait eu un quelconque pouvoir. L’auteur pour rendre le questionnement plus vivant imagine que c’est un phénomène qui s’est déjà produit en Chine. Evidemment les Chinois ne se sont pas embarrassés de considérations humanitaires, ils ont fait disparaître le deuxième avion et tous ceux qui étaient dans cet avion. Aux États-Unis, on a plus de scrupules et commence alors une autre partie du roman : la confrontation de ces revenants avec eux-mêmes . Je ne peux pas vous raconter la suite sinon vous ne viendrez plus sur Luocine .

J’ai toujours un peu de mal avec le genre science-fiction mais j’apprécie aussi que l’on me confronte à des interrogations qui me font sortir de mes pensées ordinaires. Hervé Le Tellier croque assez bien les défauts de notre époque. Mais il reste que ce roman avec tous ces personnages m’a un peu perdue en route.

J’ai lu et bien aimé de cet auteur Toutes les familles heureuses, un peu moins Assez parlé d’amour

 

Citations

Une rupture

Peu à peu, face à l’exaltation d’André, à ces bras qui veulent l’enserrer , à ces baisers qui lui infligent à tout instant devant ces amis à qui il veut absolument la présenter, comme le butin d’une bataille qu’il aurait gagné, elle recule. Pourquoi les chats qui attrapent les souris refusent-il de les laisser vivre ? Elle n’était pas disposée à un tel envahissement, elle aurait voulu moins d’impératif, un engagement plus lent et plus serein. L’avidité de ses mains d’homme l’effraie, leur convoitise oppressante interdit à son propre désir de naître.

Patriotisme

À Guantanamo, on avait bien balancé des tranches de jambon dans les cages. Des ordures seront toujours trouvé refuge dans le patriotisme.

Le racisme aux USA

Elle discerne dans le rictus de Prior cet indicible du Sud qu’il porte sur lui, ces signes et ces nuances symboliques qui imprègnent toutes les relations raciale, elle reconnaît cette posture spontanée qui autorise une riche dame blanche aux cheveux bien mis à offrir à son chauffeur noir le plus radieux des sourires, un sourire d’affection écrasant où se déchiffre son impérieuse certitude de l’infériorité naturelle de ce petit- fils d’esclave, ce sourire empoisonné qui n’a pas bougé d’un pouce depuis « Autant en emporte le vent » et que toute son enfance Joanna a vu se dessiner sur le visage poudré des clientes blanches de sa mère couturière.

L’âge entre amants

La différence d’âge rendait tout invraisemblables. Jeanne, sa fille, aura bientôt l’âge de Lucie. Voici peu, il a demandé à une femme, pour rire. Voulez-vous être ma veuve ? La veuve putative n’avait pas ri. Et pourquoi ses compagnes sont-elles désormais si jeunes ? Ses amis vieillissent avec lui, mais pas les femmes qu’il aime. Il fuit, il a peur. Il peut dîner avec la mort à venir, mais ne parvient pas à coucher avec.

 

Édition Pocket

Le bandeau me promettait une lecture inoubliable et un roman qui a connu un énorme succès. Même « la souris jaune » en avait dit beaucoup de bien, je dis même car il est très rare que je trouve chez elle des livres à grand succès. Je l’avais remarqué chez « Sur mes brizées« . J’ai été beaucoup plus réservée qu’elles deux. Je trouve que la première partie sur la montée du nazisme en Autriche est bien raconté mais je crois que j’ai tellement lu sur ce sujet que je deviens difficile. Il y a un aspect qui a retenu mon attention, c’est à quel point les Autrichiens ont été parfois pires que les Allemands dans le traitement des juifs. Ils n’ont pourtant été que peu jugés après la guerre pour ces faits. On comprend bien la difficulté de s’exiler, même quand l’étau antisémite se resserre, la famille que nous allons suivre a beaucoup de mal à laisser derrière elle leurs parents âgés et ils espèrent toujours au fond d’eux que cette folie va s’arrêter. Quand ils se décideront à partir au tout dernier moment, les frontières se sont refermées et les pays n’accueilleront plus les juifs. Ils passent donc un moment en Suisse dans un camp assez sinistre. Ils iront finalement dans le seul pays qui a accepté de recevoir des juifs : La République Dominicaine. C’est toute l’originalité du destin de ces juifs qui ont été accueillis dans ce pays si loin de leurs traditions autrichiennes. Dans ce gros roman l’auteure décrit avec force détails l’installation de ces intellectuels dans un kibboutz où chacun doit cultiver, élever les animaux, construire une ferme dans le seul pays qui a accepté officiellement d’accueillir jusqu’à la fin de la guerre des juifs chassés de partout. Nous voyons ces Autrichiens ou Allemands tous intellectuels de bons niveaux s’essayer aux tâches agricoles et de faire vivre un kibboutz et ensuite la difficulté de se reconstruire avec des origines marquées par la Shoa . Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas entièrement adhéré à ce roman. Je n’avais qu’une envie le de finir sans jamais m’intéresser vraiment à ces personnages.

 

Citations

 

Beau rapport père fils

Je ne pus retenir un soupir de soulagement : finalement il n’y avait eu ni affrontement ni querelle. Je lus dans les encouragements de mon père une grande ouverture d’esprit et une tolérance que je ne soupçonnais pas. Ses yeux perçants souriaient et je sentis une puissante vague d’amour déferler et m’envelopper tout entier. Je savais quel renoncement et quels regrets c’était pour lui. J’étais fier de mon père. Il m’aimait. Je ne le décevrais pas.

Vienne

Je ne me sentais pas juif, mais simplement et profondément autrichien. J’étais né dans cette ville, comme mon père et ma mère avant moi. C’était mon univers, dans lequel je me sentais en confiance et en sécurité, et qui devait durer éternellement. L’Autriche était ma patrie, et être juif n’avait pas plus d’importance qu’être né brun ou blond. Bien sûr nous étions juifs, mais notre origine ne se manifestait guère plus qu’une fois par an le jour du grand Pardon, quand mon père s’abstenait de fumer ou de se déplacer, plus pour ne pas blesser les autres dans leurs sentiments que par convention conviction religieuse.

Vienne et ses juifs

Malgré les signaux d’alerte qui ne cessaient de se multiplier, nous nous raisonnions : nous étions si nombreux, quelques 180000 rien qu’à Vienne, et tant de juifs occupaient des positions clés dans l’économie et la culture. Nous étions héros de guerre, artistes, scientifiques, universitaires, médecins, notre pays ne pouvait se passer de nous.

 

 

 

Édition Presse de la Cité. Traduit du japonais par Jean-Baptiste Flamin

 

C’est avec « Treize marches » que j’avais découvert cet auteur et malgré la classification thriller de celui-ci et ses 740 pages je m’étais promis de le le lire. Voilà qui est fait mais je ne suis pas certaine de relire de sitôt un thriller ! Les trois coquillages s’expliquent par ma grande difficulté à lire un roman où le ressort essentiel est dans le suspens. Mais si cela ne vous dérange pas, précipitez vous sur cet énorme roman, car dans le genre il doit être bienfait et le côté « science à peine fiction » fonctionne bien. Pour une fois, le point de vue n’est pas américain mais japonais et ça change pas mal de choses. D’abord sur les révélations des pratiques peu glorieuses des services secrets américains. Par exemple : les lieux de tortures et d’assassinats des personnes soupçonnées de terrorisme, pour respecter les règles du droit américain ces prisons sont dans des pays étrangers. Le plus grand scandale c’est certainement la guerre en Irak qui a laissé cette région complètement dévastée. Un jour où l’autre les États-Unis seront jugés pour avoir déclenché une guerre sous un prétexte qu’elle savait faux. Dans ce roman, il y a quelques personnages positifs des hommes désintéressés qui œuvrent pour le bienfait de l’humanité et qui prennent des risques incroyables pour réussir à créer un médicament qui sauvent des enfants atteints d’une maladie rare, ce sont des scientifiques japonais, et c’est très amusant de voir les rôles habituellement tenus par des américains donnés à de jeunes nippons.
Je dois évoquer le côté science fiction du roman.Un enfants est né dans une tribu pygmée dans la forêt africaine au Congo avec une tête très bizarre mais surtout des capacités cognitives complètement hors normes. Une expédition organisée par la CIA sous la responsabilité directe du président des États-Unis veut absolument liquider cet enfant. Comme tout roman de science-fiction celui-ci repose sur une question intéressante que ferait notre espèce à l’arrivée d’une mutation d’hommes avec des capacités nous dépassant complètement. Dans ce roman tout est mis en œuvre pour la détruire et cela permet de décrire tous les plus mauvais côtés de la puissance américaine, relayée par les pires instincts de violence des humains plongés dans les guerres tribales. Les violences dans les villages africains sont à peine soutenables et hélas elles ne sont pas loin de la vérité. Bref, 750 pages de tensions et d’horreurs de toutes sortes, ce n’est vraiment pas pour moi. Mais je suis quand même contente de l’avoir lu car je trouve que cet auteur pose de bonnes questions, et n’hésite pas à décrire ce qui d’habitude est soigneusement dissimulé. Après la peine de mort du Japon, (dans treize marches) voici les pratiques de la CIA américaine, l’humanité est vraiment loin d’être un havre de paix !

 

Citations

 

Le personnage principal japonais.

Kento n’avait pas décidé de continuer en doctorat parce que le monde de la recherche l’attirait, mais parce qu’il n’avait plus se résoudre à rentrer dans celui du travail. Au contraire, depuis son premier jour à l’université, Kento ne s’était jamais senti à sa place, comme s’il s’était trompé de voie. Il n’avait pas éprouvé une once d’intérêt pour la pharmacie ou la synthèse organique. Comme il ne pouvait rien faire d’autre, il s’était résigné à poursuivre, sans plus. Si rien ne changeait, dans vingt ans, il serait devenu un de ces chercheurs ennuyeux ayant trouvé refuge dans une niche, comme son père.

Les rapports amoureux chez les scientifiques (Humour)

On s’approche, on s’éloigne, sans jamais se heurter. Une vraie liaison de van der Waals.
– Ah, le plaignit Doi. Dommage.
– Et toi, tu as quelqu’un ? Il y a une fille mignonne dans mon labo. Avec elle c’est plutôt une liaison métallique. On bouge comme des atomes dans un groupe sans parvenir à se toucher. 
– Ce serait bien si je pouvais avoir une petite liaison covalente…
-Pareil…

Le danger

Le conseiller scientifique avait mesuré avec justesse l’ampleur de la menace biologique née dans la jungle congolaise. Cette menace c’était « le pouvoir » . Ce qu’il fallait craindre, ce n’était ni la force destructrice de la bombe nucléaire ni le potentiel des technologies et des sciences les plus avancées, mais la puissance intellectuelle qui les engendrait.

La guerre des drones

La brusque onde de choc l’assaillit par-derrière transperça tout son corps, la vague de chaleur et le souffle embrasé le firent voler en avant.

Il tomba la tête la première dans un ruisseau, ce qui lui évita de perdre conscience. Il ne récolta que des éraflures au visage. L’explosion l’avait rendu sourd, il se tapota les côtés du crâne pour tenter de retrouver l’ouîe. Il se releva, se retourna, et là, à cinquante mètres de l’endroit qu’il avait foulé quelques secondes plus tôt, découvrit un gigantesque cratère, bordée d’arbrisseaux aplatis par le souffle.
Yeagger se coucha à plat ventre, dégaina son fusil, sans la moindre idée du point de tir de les nuits. Il leva finalement les yeux, regarda à travers les branches qui recouvraient sa tête, et frémit. L’ennemi était dans le ciel. À six cents mètres d’altitude un Predator, drone de reconnaissance armée, avait lancé un missile antichar Hellfire. Son pilote avait déclenché ses flammes infernales depuis une base de l’armée de l’air situé dans le Nevada : un dispositif de pilotage semblable à une console de jeux lui permettait de manœuvrer cet engin à distance, de l’autre côté du globe.

Ce passage résonne aujourd’hui :

Il y a entraide parce qu’il est lucratif de s’entraider. Un exercice simple : l’aide publique au développement des pays industrialisés n’a d’autre but que de permettre à terme d’investir dans les pays en développement. Tôt ou tard, l’Afrique sera suffisamment développée pour garantir assez de ressources et de consommateurs. Allons plus loin : prenez les traitements médicaux. Dans ce domaine le profit passe avant tout le reste, même dans le développement de traitements contre les maladies graves. Les remèdes aux infections les plus rares ne sont pas développés faute de débouchés assez juteux.

Édition NRF Gallimard. Traduit de l’anglais par Élodie Leplat

J’avais lu des réserves sur ce roman, réserves que je partage, pourtant son premier roman : » Le Chagrin des Vivants » m’avait beaucoup plu, j’étais moins enthousiaste pour « La salle de Bal’ et encore moins pour celui-ci. On suit le destin de trois amies : Hannah qui cherche à avoir un bébé à tout prix, Clare qui se remet difficilement de la naissance de son fils et Mélissa (Lissa) qui veut réussir sa vie d’actrice. Ces trois femmes sont les filles de la génération qui pense avoir libéré la femme des carcans qui avaient tellement pesé sur elles. Libérées ? je ne sais pas si elles le sont mais en tout cas heureuses elles ne le sont pas tellement. Lissa, malgré un succès dans une pièce de Tchekhov, finira par renoncer à sa carrière . Hannah détruira son couple à force de FIV et de traitement hormonaux, et Clare ne sait plus si elle est homosexuelle ou amoureuse encore d’un mari qui fait tout pour l’aider à élever leur fils. L’auteure promène son lectorat dans l’enfance et la jeunesse de ces trois femmes et je lui reconnais un soucis d’honnête très poussé au détriment des effets romanesques trop faciles. Je pense qu’elle cerne bien les personnalités des jeunes femmes à l’heure actuelle , mais c’est loin d’être passionnant. Tout tourne autour de la transmission mère/fille et du désir d’enfant. ( je me suis demandé si l’auteure n’étais pas confrontée à un bébé un peu fatigant quand elle a écrit ce roman). Les difficultés de notre société, et la vie des couples d’aujourd’hui sont très bien rendues, et beaucoup d’entre nous reconnaîtrons leur mère, leur fille, leurs amies. Il n’empêche que cette lecture m’a quelque peu ennuyée et je sais que j’oublierai assez vite ces personnalités sans grand intérêt. Je crois que c’est particulièrement compliqué de rendre compte de la vie « ordinaire » ! ( pas si ordinaire que cela puisque deux d’entre elles sont diplômées d’Oxford !)

 

Citations

 

L’université

C’est là, d’après Lissa, l’enseignement principal de l’Université, comment raconter des conneries avec conviction. Plus la fac est réputée, meilleures sont les conneries.

Droite et gauche en Grande Bretagne

Comparés à ses propres parents, la mère et le père de Cate paraissent jeunes. 
Chez Cate on vote à gauche. Chez Hannah on vote à droite.
 Chez Cate il y a Zola et Updike. Chez Hannah il y a les Reader Digest et l’Encyclopaedia Britannica. 
Le père de Cate fait un métier en rapport avec l’ingénierie. Le père d’Hannah est gardien à l’hôpital Christie.
 Chez Cate il y a de l’huile d’olive. Chez Hannah il y a de la vinaigrette toute prête.

 

 

 

 

Édition le Nouvel Attila. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Roman très atypique et très loin du monde si rapide de notre époque. Il s’appuie sur un autre roman, celui d’Ernest Pérochon, « Nêne » qui a obtenu le prix Goncourt en 1920. (Je vous mets le lien si cet auteur est tombé pour vous comme pour moi dans les oubliettes.) Ce roman, que je n’ai pas lu, raconte la vie d’une servante à la campagne qui consacre sa vie à élever les enfants de son maître et qui oublie de vivre elle-même. Après la guerre 14/18, les femmes qui viennent de vivre quatre ans en prenant toutes les responsabilités de la vie sociale ont du mal à rentrer dans les anciens schémas. Ernest Perochon est visiblement sensible au statut de ces femmes puisque c’est lui aussi qui a écrit « Les Gardiennes » dont a fait un film en 2017 avec Nathalie Baye et Laura Smet. Et c’est bien là, au-delà de l’intrigue, le thème principal du roman qui se situe après la guerre 14/18 qui a tant marqué les hommes mais aussi les femmes. Ce roman permet de croiser des femmes au destin incroyable comme Madeleine Pelletier et Marie Curie dont l’invention des ambulances avec radio ont permis d’énormes progrès pour soigner les soldats blessés à la guerre 14/18.

Ce roman se divise en trois parties. nous sommes d’abord avec le pasteur du village qui tremble d’un amour coupable pour la belle Gabrielle . C’est la partie la plus longue et qui m’a le plus intéréssée , ensuite vient le temps des Femmes et en particulier celui de la sienne Blanche qui souffre de se sentir trop proche de Nêne l’héroïne du roman grâce auquel elle a appris à lire. Même leur fils Jaques ne réussira pas à l’arracher à sa détresse. Enfin le temps du fils qui vivra lui aussi un grand amour .
Je ne peux pas en dire plus sans vous dévoiler la fin mais vous la devinerez dès la première partie Seulement, je sais maintenant que la majorité des blogueurs et des blogueuses ne commencent pas comme moi tous les romans par la fin. Le suspens ne joue pas un grand rôle dans cette histoire, mais en revanche la vie dans une petite ville dans l’entre deux guerres est bien racontée. J’ai beaucoup aimé l’amitié entre les deux hommes : le pasteur et le curé de ce village. Ils ont à eux deux créé, bien avant 1962 et le Concile œcuménique Vatican II, la réunion des gens de bonne foi qu’ils soient protestants ou catholiques. Un roman hors du temps et dans la lenteur de la vie de village mais aussi dans l’histoire de femmes qui ne veulent plus être ni des suivantes, ni des servantes. Et cela est souligné par un style particulier un rien vieillot qui convient bien à cette histoire. Je n’ai pas lu Ernest Pérochon mais je me demande s’il n’écrit pas un peu comme cela. J’ai essayé d’en rendre compte dans les extraits choisis . Si je n’ai pas mis plus de coquillages, c’est que j’ai trouvé que les trois parties étaient de valeur inégale, et surtout ce qui est vraiment dommage l’intérêt allait décroissant. La première partie est très belle et méritait (selon mon goût) cinq coquillages.

 

Citations

Le changement d’époque et le style imagé de l’auteure

 Il s’imaginait avoir un œil ouvert sur le monde mais ce n’était pas le bon, le gauche. Son iris se concentrait sur un ordre des choses tissé dans l’étoffe d’une nature qu’il croyait éternelle, or la fibre est friable et se délite lorsque sous l’habit on se heurte au moine, ce vieux fossile entravant depuis la nuit des temps l’horizon des femmes. Que certaines puissent être lasses de marcher à l’ombre, il n’y avait jamais songé. Que Gabrielle mérite la lumière, c’est une évidence. Adelphe s’en veut. Il s’en veut d’autant plus qu’il n’est pas frileux, plus maintenant qu’il a vécu la guerre, qu’il a vu l’homme dans le plus laid des bourbiers, déchiqueté, les boyaux a l’air, hurlant comme un goret, alors oui, que le monde bouge mais comme il faut cette fois.

Jolie phrase

 Ainsi vont peut-être certains hommes de père en fils sans la clé des femmes, avec l’incertitude pour seule boussole.

Cette auteure aime les images

En réalité ce soir tout en lui est repu, l’heure est la douceur, il n’est pas d’humeur à égratigner quiconque et assure à sa gouvernante que son pot-au-feu est un véritable délice. Elle répond d’un borborygme ponctué d’un sourire mesquin ; une éclaboussure qui le plonge instantanément dans un court-bouillon désenchanté.

Le pasteur et le curé

Le curé est une vieille connaissance qu’il a un peu délaissé cette année . Pourtant c’est un bon compagnon, toujours partant pour la modernité avec qui il a déjà partagé des bières et deux ou trous déconvenues, des espoirs communs qui n’avaient pas trouvé preneur

 

Édition Jacqueline Chambon. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Gilbert Cohen-Solal.

Un livre d’apparence légère mais qui exhale aussi un parfum de tristesse : Arthur Mineur essaie de se remettre d’une rupture amoureuse en faisant le tour des invitations pour écrivains à travers le monde. Nous suivons donc la tristesse d’un homme amoureux américain qui est souvent maladroit et fait de mauvais choix. Arthur Mineur se raconte lui-même de façon très drôle à l’image de son apprentissage de la langue allemande et la joie d’être,enfin, dans un pays dont l’auteur parle la langue – du moins le croit-il- ses propos se terminent ainsi :

Toujours est-il que Mineur arrive à Berlin et se rend en taxi jusqu’à son appartement provisoire à Wilmerdorf en se jurant de ne pas parler un seul mot d’anglais durant son séjour. Bien sûr, le vrai défi est de parler un mot d’allemand.
Il s’amuse beaucoup et nous fait sourire à propos de toutes ses approximations dans la langue de Goethe, il n’hésite jamais à souligner le ridicule dans lesquelles ses différentes maladresses le mettent souvent. Comme l’image de la couverture  : sa carte magnétique n’ouvrant plus la porte de son appartement, il entreprend de passer par le balcon ! Il scrute avec précision la moindre de ses réactions en particulier sur sa place en tant qu’écrivain. Est-il un écrivain important ? Il n’en est absolument pas certain, d’autant qu’il a vécu pendant longtemps avec un génie de la poésie américaine et qu’il sait bien que lui n’est pas un génie. Et puis il y a cette barre des cinquante ans qu’il doit franchir pendant son périple, on voit alors le problème du vieillissement pour un homme dont la jeunesse a été le principal atout de séduction. La lecture est rendue plus difficile par le changement de narrateur, sans prévenir le lecteur on ne sait jamais si c’est Arthur d’aujourd’hui qui prend la parole ou Mineur l’écrivain connu pour un premier roman et à qui a-t-il donné la parole au dernier chapitre ? je ne peux vous le dire sans dévoiler la fin. Je ne suis pas enthousiaste à propos de ce roman et contrairement aux lectrices du club, je n’aurais certainement pas mis de coup de cœur mais c’est un roman original très agréable à lire.

Citations

Humour

Mineur n’est pas vraiment connu en tant que professeur, de même que Melville ne l’était pas vraiment en tant qu’un inspecteur des douanes. Et pourtant, les deux hommes occupent respectivement ces fonctions.

Un hommage à la traductrice

Mineur se met à imaginer (tandis que le maire marmonne toujours son discours en italien) qu’on a mal traduit, où – comment dire ?- qu’on a comme « super-traduit » son roman, confié à un poète de génie méconnue (elle s’appelle Giulliana Monti), qui a réussi à faire de son pauvres anglais un italien stupéfiant. Son livre a été ignoré en Amérique, on en a à peine rendu compte, sans qu’un seul journaliste ait demandé à l’interviewer (son attaché de presse lui a dit : « L’automne est une mauvaise période »). Mais ici, en Italie, il se rend compte qu’on le prend au sérieux. Et en automne, de surcroît. Pas plus tard que ce matin, on lui a montré des articles de la « Républica », du « Corriere della Serra », de journaux locaux et de revues catholiques, avec des photos de lui dans son costume bleu, fixant l’appareil du même regard bleu saphir, naturel et inquiet, qu’il avait lancé à Robert sur cette plage. Mais la photo devrait être celle de Giuliana Monti, c’est elle, en fait, qui a écrit ce livre .

L’humour et la sexualité

Mais leurs rapports sexuels n’était pas idéaux : Howard était trop directif.  » Pince-moi là ; oui c’est ça ! Maintenant, touche-moi là ; non, plus haut ; mais non, plus haut ! Non, plus haut, je te dis. » Mineur avait presque l’impression de passer une audition pour une comédie musicale.

Je vois bien la scène

Pendant qu’il patiente, une jeune femme en robe de lainage marron pollinise l’un après l’autre des groupes de touristes, avec les mouvements circulaires d’une sorte d’oiseau-mouche vêtu de tweed. Elle se penche sur un bouquet de chaises, pose une certaine question et, mécontente de la réponse, s’élance à tire-d’aile vers un autre groupe.

Édition les allusifs . Traduit du polonais par l’auteure relu par Martin Gipet

 

Je dois cette lecture à Aifelle et je suis ravie d’avoir découvert cette auteure. On a tiré une pièce de théâtre de ce petit livre et je pense que la pièce devait être plus passionnante que le livre. J’ai trouvé le texte trop court et il manque de la profondeur à chacun des personnages c’est plutôt un synopsis qu’un roman ou qu’une nouvelle. Voici donc le sujet : une femme, enfant cachée de la guerre découvre que la meilleure amie de sa mère morte à Birkenau lui a volé son manuscrit . Elle est devenue riche et célèbre. L’enfant de la femme juive, ne veut qu’une chose se venger et elle est complètement habitée par cette vengeance. En moins de 60 pages, l’auteure donne une idée des protagonistes de ce drame qui s’avance inexorablement vers une fin tragique , sauf que … la fin en forme d’épilogue et de carte postal enlève (maladroitement selon moi !) le tragique de l’histoire.

Citation

Épeler son nom

Voulez-vous savoir comment je m’appelle ? Voilà une question préliminaire qui m’horripile ! J’aimerais vous répondre Marie Smith ou Stanislawa Gorka ou Rachel Néguev. En faisant un effort, je vous dirai mon vrai nom, Irena Golebiowska. Si vous n’êtes pas slave, et cependant honnête et bien intentionné, vous allez aussitôt me demander d’épeler ce nom barbare. Et cela va m’irriter. On ne me demandait jamais cela en Pologne. C’est à des détails comme celui-ci qu’on s’aperçoit qu’on est en exil. Après toutes ces années, de telles requêtes provoquent toujours chez moi une réaction presque paranoïaque.
(PS : pour habiter la France je sais qu’il n’y a pas besoin d’être étranger pour épeler son nom les Lozac’h bretons en savent quelque chose)