Éditions Seuil

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Un livre de 85 pages qui se lit comme un grand article de magazine sur la mort du père d’Édouard Louis que j’avais connu grâce à « En finir avec Eddy Bellegueule » . On retrouve dans ce roman la description sans concession de la misère qui a vaincu son père. J’aime beaucoup l’écriture de cet écrivain et il permet de cerner de près le pourquoi de la déchéance physique de cet homme dont il a eu tant peur avant de penser qu’il l’a sans doute aimé. Son fils remonte dans le temps et essaie de retrouver celui dont le principal crédo était de ne pas être une femmelette et le pire de l’injure était d’être un pédé. Tout le long de ce petit texte Édouard Louis se souvient d’un spectacle qu’il avait monté avec ses cousins où lui même jouait le rôle de la chanteuse. De façon obstinée, il cherche à savoir pourquoi son père n’a pas été fier de lui : est ce parce qu’il était déguisé en fille ? Sans doute, mais son père ne lui a rien dit. Cet auteur se souvient aussi du jour ou un de ses frères a essayé de tuer ce père, tout cela parce que lui a dénoncé le fait que sa mère donnait de l’argent à un délinquant qui ne cherche qu’à boire et à se droguer. L’auto-analyse de la mauvaise conscience est bien à l’image de ce que j’ai déjà lu de cet auteur. Dans sa recherche de la cause de la mort de son père les 10 dernières pages (sur 85, je le rappelle !) sont consacrées à tous les responsables politiques qui ont pris des décisions qui ont appauvri son père donc qui lui a rendu la vie plus difficile. J’avoue que ce ne sont pas mes passages préférés. Je trouve que dénoncer des hommes politiques en distribuant les mauvais points comme un maître d’école à l’ancienne, sans dénoncer Ricard, alors que son père est capable d’en boire une bouteille entière certains soirs, ce n’est pas très juste dans la distribution de ceux qui ont tué son père.

 

 

Citations

Noël .

 Toute la famille est autour de la table. Je mange beaucoup trop, tu as acheté trop de nourriture pour le réveillon. Tu avais toujours cette peur d’être différent des autres à cause du manque d’argent, tu le répétais, Je ne vois pas pourquoi on serait différent des autres à cause du manque d’argent, et pour cette raison, pour ça tu voulais avoir sur la table tout ce que tu imaginais que les autres avaient et mangeaient pour Noël, du foie gras, des huîtres, des bûches, ce qui fait que paradoxalement plus nous étions pauvres elt plus on dépensait d’argent à Noël, par angoisse de ne pas être comme les autres.

École et masculinité .

Pour toi, construire un corps masculin, cela voulait dire résister au système scolaire, ne pas te soumettre aux ordres, à l’Ordre, et même affronter l’école et l’autorité qu’elle incarnait. Au collège, un de mes cousins avait giflé un professeur devant toute sa classe. On parlait toujours de lui comme d’un héros. La masculinité, -« ne pas se comporter comme une fille, ne pas être un pédé »-, ce que ça voulait dire, c’était sortir de l’école le plus vite possible pour prouver sa force aux autres, le plus tôt possible pour montrer son insoumission, et donc, c’est ce que j’en déduis, construire sa masculinité, c’est se priver d’une autre vie, dans un autre futur, dans un autre destin social que les études auraient pu permettre. La masculinité t’a condamné à la pauvreté, à l’absence d’argent.

 

Éditions Fleuve

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Lors de la réunion du club de lecture du mois de février, une seule lectrice avait lu ce roman. Elle l’avait adoré et aurait aimé lui mettre un grand coup de cœur. Notre bibliothécaire a donc décidé que nous devions être plusieurs à donner notre avis car nos coups de cœur doivent être le reflet d’au moins quatre personnes. Je peux comprendre l’enthousiasme de la lectrice que je ne partage pas. Le secret pour tomber sous le charme de ce roman c’est d’en aimer le style. Cette écrivaine écrit dans une langue poétique qui ne m’a pas touchée, et toute l’histoire se passe dans une atmosphère de mystère qui va peu à peu s’éclairer, si, comme moi, vous êtes rationnelle et n’acceptez pas les coïncidences qui tombent trop bien vous resterez en dehors de cette histoire qui peut alors sembler à la limite du ridicule. Pour les différents personnages c’est aussi quitte ou double où vous vous y attacherez ou vous n’y croirez pas : Antonin, le mari parfait qui pendant vingt ans reste pétri d’amour pour cette femme murée dans son silence. L’ enfant de 5 ans, Solen qui croisant une femme qu’il n’a jamais vu dans un square crée immédiatement avec elle un lien. Cet enfant s’avèrera son petit fils…

L’histoire commence ainsi : une très belle jeune femme est sauvée de la noyade par un homme sur la plage de Saint Enogat, c’est à dire chez moi  ! Incroyable !

 

En effet tout démarre à Dinard et se continue à Luchon. Car l’homme emmènera la jeune femme dans son chalet des Pyrénées, celle-ci est devenue mutique, son mari Antonin l’aime très fort et la protège. Vingt ans plus tard , elle retrouvera sa voix grâce à une amie et surtout grâce à la correction d’une thèse sur la négation de grossesse, et elle retrouvera aussi sa fille et son petit fils ! Sa fille retrouve le père de son fils … La jeune femme qui a perdu ses jambes dans un accident de montagne , les retrouve ….Mais non là j’exagère elle marchera grâce à des prothèses.

Quand je résume l’intrigue je ne rends absolument pas justice au roman car rien n’est plausible seul le style sauve cette histoire :encore faut-il y être sensible !

Je ne voterai donc pas pour coup coeur mais je vais vite remettre ce livre en circulation pour que d’autres lectrices puissent donner leur avis .

 

Citations

Ma plage dans un roman trop poétique pour moi.

 Comme sur un coup de tête, ils avaient décidé de retourner à Luchon par la route littorale, à son rythme, au gré de ses envies, et c’est à Dinard, sur la plage de Saint-Énogat, qu’il avait remarqué une femme de dos, vêtu d’une longue chemise blanche qui se laissait aller tout habillée dans l’océan. La nuit était claire. Une nuit de juin où la lune explose de lumière ronde et pleine telle une parturiente. En regardant la silhouette s’avancer dans l’eau, il s’était sentie comblé par cette balade nocturne le long de la mer qui, à cette latitude, se confondait avec l’océan.

Le cœur du roman.

 On appelle « noyade blanche » ce qui aurait pu lui coûter la vie si Antonin n’avais pas nagé jusqu’à elle. Son corp s’était brusquement refroidi et elle avait perdu connaissance, comme si la mort avait voulu l’approcher sans qu’elle s’en rende compte. Elle ne s’était pas débattue, avait pas impulsé le mouvement du bouchon qui crie à l’aide. Elle s’était laissée aller. Ses artères avait dû se rétracter et elle avait dérivé dans l’inconscience tranquille de l’esprit en sommeil. Antonin avait lutté contre la mariée pour la ramener sur la plage. Elle serait partie vite, très vite s’il avait attendu, il le savait. De l’eau était sortie de sa bouche, il avait fait ce qu’il fallait. Du nez aussi. Grande douleur à cet endroit là. Elle avait toussé, s’était étranglée, son corps s’était recroquevillé, animé par un réflexe sans doute. Elle avait toussé encore à s’en arracher les côtes et les poumons, puis elle avait ouvert les yeux.
Qu’avait-elle à fuir en plein cœur de la nuit pour avoir chercher la mort dans l’océan ?

 

 

 

Éditions Stock 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Dans cette autofiction, Emmanuelle Lambert retrace la personnalité de son père en suivant les six derniers jours de sa vie. J’avais choisi cette lecture grâce à ces deux phrases qui sont sur la quatrième de couverture :

Mélancolique sans le poids du pathos. Poignant et solaire.

Seulement, c’est bien de mort dont il s’agit, et je suis à l’âge où je vois partir les miens et mes amis et je n’ai pas eu le courage de lire les derniers instants de son père. C’est moi qui ai remis du « pathos » et ma sensibilité m’a empêchée de profiter du côté « solaire » pour le « poignant », j’ai été plus que bien servie, j’ai bien revécu mes proches qui ont récemment disparu avec des cancers en phase terminale.

Pour les lecteurs plus jeunes que moi et moins nostalgiques, je pense qu’ils auront plaisir à connaître ce père qui a mordu dans la vie et toutes ses nouveautés avec une force et une détermination peu communes. Avec trois amis scientifiques comme lui, ils ont été très actifs en mai 68. L’un est devenu médecin, l’autre mathématicien de génie et emporter par la folie et lui qui est au début de sa vie programmeur mais surtout le père de deux filles, l’auteure et Magalie sa cadette.

Le couple parental sera emporté par la tempête d’un divorce que la mère aura tant de mal à vivre, elle qui avait mis toutes ses forces dans la survie de cellule familiale beaucoup trop étroite pour ce père dont l’énergie était sans limite.

On sent que la narratrice a du mal à supporter cet aspect de la vie de son père, elle nomme sa nouvelle femme « l’épouse » il y a d’ailleurs un jeu sur les prénoms que j’ai eu du mal à comprendre, elle ne donne les prénoms que des personnes qui lui ont fait du bien mais ni de son père ni de sa mère.

Pour vous donner envie de lire ce livre, je dirai que son père m’a rappelé « les vieux fourneaux » . Je pense que vous pourrez alors sourire quand elle décrit sa façon de conduire et de faire du sport sans jamais prendre de leçons.

 

Citations

Le style de l’écrivaine.

Il suintait la solitude d’un enfant grandi sans mère, et la conscience douloureuse de la différence sociale lorsqu’on l’expédia dans une autre des écoles du groupe des Frères des écoles chrétiennes, les Francs-Bourgeois de Paris. Ils était la bonne œuvre brillante et perdue parmi les grosses de riches. On dit que certaines personnes portent leur embryon mort de leur jumeau dans leur corps, dans des endroits incongrus. Il me semble que, pour certains, l’enfance désolée s’accroche à leur corps comme l’embryon mort à son double.

le dernier jour .

Le vendredi matin ma sœur et moi sommes arrivés en même temps. Dans la chambre de l’épouse nous attendait sa douleur et son épuisement m’ont attendrie, bien que j’ai toujours été trop vieille et mal aimable pour avoir une belle-mère de mon âge.

 

 

 

 

Édition Acte Sud Babel, Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy

 

Quand j’ai fait paraître mon billet sur « la rivière » de Peter Heller plusieurs d’entre vous (le Bouquineur Kathel ) dans les commentaires ont parlé de ce livre comme un chef d’œuvre bien supérieur à « La rivière ».

Ce n’est pas du tout mon avis, mais je le dis tout de suite j’ai peu de goût pour les livres ou les films d’anticipation de catastrophes. Il faut dire que cette catastrophe décrite en 2013 (pour la traduction) rappelle étrangement le virus du Covid trop célèbre aujourd’hui. Le roman commence neuf ans après la « fin de Toute Chose », l’originalité du roman, c’est de ne pas être dans un développement chronologique, donc nous n’apprendrons qu’à la moitié du récit que le monde a été détruit par un terrible virus qui combine celui de la grippe avec celui de la grippe aviaire. C’est un virus extrêmement contagieux et mortel à 99,9 pour cent. L’origine à été attribuée à l’Inde mais la vérité est que ce virus vient d’un laboratoire et à été répandu à cause d’un accident d’avion.
Le roman raconte les rapports entre les humains après une catastrophe aussi terrible. Les deux hommes Hig et Bangley ont réussi à sécuriser un territoire autour d’un aéroport qu’ils protègent le mieux qu’ils peuvent. Et comme Bangley est un excellent soldat et Hig un pilote remarquable, ils peuvent repousser toutes les attaques de gens qui ne veulent que leur mort. Il y a aussi un petit groupe de religieux mennonites qui ne sont pas attaqués par les prédateurs car ils sont atteints d’une maladie du sang mortelle et contagieuse.
Tout le roman repose sur cette extrême violence qui vient de l’extérieur, tous les autres humains n’ont qu’une idée en tête : assassiner nos deux héros. Le pourquoi de cette haine violente n’est jamais expliquée.
La deuxième partie du roman se passe après la mort du chien de Hig. Comme dans tant de film américain la mort du chien fidèle est ressentie comme un si grand drame que cela change tout pour Hig qui va partir de son aéroport sécurisé à la recherche d’une autre histoire. Il va rencontrer une femme et son père qui avaient réussi à survivre dans un vallon bien protégé avec du bétail.
Ensemble, ils reviendront dans l’aéroport retrouveront Bangley bien mal en point .
La fin montre un renouveau possible. Les familles mennonites vont sans doute survivre et des avions qui survolent l’aéroport prouvent que la vie normale a peut être redémarré ailleurs.
Le style de l’écrivain est assez particulier. Le roman est une succession de petits chapitres et l’auteur ne nous explique rien qui ne relève pas du vécu actuel des personnages.
Outre l’extrême violence du récit, ce que je trouve très gênant c’est de ne pas comprendre pourquoi tous les hommes ne cherchent qu’à se tuer les uns et les autres sauf nos deux héros.
La nature en danger est sans doute le thème le plus important du roman. Comme dans « La rivière » l’auteur qui adore les grands espaces naturels les voit détruits chaque année par des incendies de plus en plus violents. C’est sans doute cela qui l’a poussé à écrire ce roman que vous êtes plusieurs à avoir tant apprécié.
Bref un roman qui donne pas le moral mais qui va plaire aux lecteurs très nombreux qui aiment ce genre de récit d’anticipation-catastrophe. Je me demande pourquoi les américains sont les grands spécialistes du genre, cela doit être le reflet de leur mauvaise conscience face à leur façon de maltraiter leur pays et même la planète.

Citations

 

Quand on commence à comprendre ce qui s’est passé

 Je ne veux pas perdre le compte : ça fait neuf ans. La grippe a tué presque tout le monde, puis la maladie du sang a pris le relais. Dans l’ensemble, ceux qui restent sont du genre pas gentils, c’est pour ça qu’on vit dans la plaine, pour ça que je patrouille tous les jours.

Réflexions face à la solitude

 La famine. Qui consume aussi lentement que le feu sur du bois humide. Fragilise les os, des sacs d’os ambulants, puis l ‘un meurt, puis l’autre. Ou peut-être qu’il vaut mieux être attaqué par des indigènes
 Qu’est-ce qui te manque le plus ? La foule babillant et sans visage, la célébrité, les fêtes, l’explosion des flash ? Les amants, la gaieté, le champagne ? La solitude taillée dans la célébrité, L’étude des cartes à la lumière d’une unique lampe sur un vaste bureau dans un hôtel vénérable ? Le room service, le café avant l’aube, la compagnie d’un ami, de deux ? le choix : tout ou rien ? Un peu ou rien ? Maintenant, pas maintenant, peut-être plus tard ?

L’aspect hilarant ? (dont parle la quatrième de couverture et que j’ai eu du mal à trouver)

 C’est fou à quel point le fait de ne pas devoir tuer quelqu’un simplifie la relation, en général. Même si papy a bien essayé de me tuer, moi. Bon. Passons l’éponge. Toujours est-il que je pouvais marcher jusque chez eux, les buter ou pas, et ça c’est une libération.

 


Édition Belfond Noir. Traduit de l’anlais (royaume Uni) par Alexandre Prouvèze.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Lorsqu’un roman policier est proposé au club de lecture, je sais qu’il a une dimension autre que l’énigme. C’est le cas ici, la toile de fond de ce roman est l’enlèvement d’enfants aborigènes de 1910 à 1975, pour les élever dans un milieu plus » favorable » à leur éducation. C’est une horreur dont l’Australie a honte aujourd’hui mais qui a bouleversé à jamais la vie des enfants qui en ont été victimes. L’auteure britannique veut aussi en faire une charge contre le colonialisme anglais.

L’intérêt du roman vient aussi de l’emprise de l’alcool sur le principal suspect. C’est une originalité de ce roman, aucun personnage n’est vraiment sympathiques. J’explique rapidement l’intrigue, le roman se situe sur deux époques en 1967 et en 1997. Ces deux époques voient deux drames se passer.

En 1967, on suit un policier Steve qui est chargé d’enlever les enfants aborigènes pour les conduire dans un orphelinat. Il est torturé par sa mauvaise conscience, et de plus son couple bat de l’aile. Son épouse Mandy ne veut pas d’enfant et ne se sent plus amoureuse de Steve. Ils ont comme voisin Joe Green, sa femme Louisa et leur fille Isla, Joe est alcoolique et sa femme enceinte ne le supporte plus et décide de repartir dans son pays d’origine : l’Angleterre.

En 1997, Isla s’est installée en Angleterre mais elle revient en Australie car son père est accusé du meurtre de Mandy qui a disparu depuis vingt ans.

Les deux histoires vont évoluer en parallèle car la clé de l’énigme policière se passe en 1967. En attendant le roman se déroule avec des personnages auxquels on ne peut pas s’attacher : Joe l’alcoolique qui bat sa femme Louisa, qui reste finalement avec lui sans que l’on comprenne pourquoi, Mandy la voisine qui prend en cachette la pilule tout en ne le disant pas à Steve son mari qu’elle n’aime plus. Steve auteur des rapts d’enfants et qui sera directement responsable de la mort d’un bébé aborigène sans qu’aucune enquête ne soit diligentée. Et enfin Isla, alcoolique elle aussi, qui cherchera à innocenter son père, contrairement à sa mère qui essaiera de faire inculper son mari.

J’ai vraiment été gênée par le peu d’empathie avec laquelle l’auteure a décrit ses personnages, on a l’impression d’un exercice littéraire autour d’une histoire mais que les différents protagonistes n’ont pas de chair. Et les grands absents ce sont les Aborigènes, alors que c’est pour eux que cette écrivaine a voulu écrire cette histoire. Bizarre !

 

Citations

Une image qui ne marche pas en français.

Isla constate en effet que la clôture autour de la véranda vient d’être peinte. La haie à l’avant de la maison a été taillée en pointe et des corbeilles, accrochées de part et d’autre de la porte, débordent d’une forme rose et violette. Le bardage a l’air vétuste, à côté de la peinture fraîche et de ces suspensions ridicules . Du mouton servi comme de l’agneau.

 

Souvenir d’un homme qui boit trop.

 Il y avait trop bu le vendredi précédent Louisa avait vu Mandy. Le lendemain, il avait retrouvé la bouteille de whisky vide, dans la poubelle, mais il ne se souvenait pas de l’y avoir mise. Il s’était penché sur Louisa dans son lit puis ils s’étaient battus. Ça, oui il s’en souvenait. La proximité de son visage dans l’obscurité. Puis plus rien ensuite. Elle n’en avait pas parlé le lendemain. Il s’était réveillé sur le canapé -ce qui, en soi, n’avait rien d’exceptionnel- en se demandant s’il avait rêvé. Mais un terrible sentiment de culpabilité le rongeait, comme s’il avait disjoncté. En même temps. Les comas éthyliques lui donnaient toujours l’impression d’être un monstre.

En 1997.

 La radio diffuse une interview d’un membre du gouvernement. C’est la même rengaine qui passe en boucle depuis son arrivée : le Premier ministre John Howard, refuse de s’excuser auprès des Aborigènes pour les enlèvements de leurs enfants. À l’époque, les gens pensaient agir comme il le fallait, assure le ministre. C’étaient d’autres mœurs.

Une jeune femme alcoolique.

 Elle n’avait pas bu devant lui, les premiers mois. elle commandait un jus d’orange au pub, après le travail, tout en remplissant son frigo de cannettes de bière blonde et forte. C’est devenu plus difficile quand il a emménagé chez elle. Il lui avait passé un savon, la fois où il l’avait surprise à boire de la vodka pure à la bouteille, alors qu’elle le croyait au lit. Elle avait minimisé la portée de son geste, lui avais promis de changer. Il l’avait crue. Il s’était mis à lui parler mariage, tandis qu’elle songeait à la bouteille qu’elle avait gardé planquée dans la sacoche de son vélo. Et puis plus tard, des années plus tard, il était devenu l’adversaire, celui dont elle se cachait, celui qui la forçait 0à se regarder en face. Et sur lequel elle se défoulait quand elle détestait ce qu’elle voyait.

Scène clé du roman le rapt d’enfant aborigène.

 -On va s’occuper du petit », dit-il. Ses propres mots lui donnaient la nausée. « Ça lui fera un bon. de départ dans la vie.
– Mensonge ! Elle pointa son index vers le visage de Steve. « Ma tante a été enlevée quand elle était petite. Elle m’a racontée comment c’était. »
Les pleurs du bébé s’amplifièrent tandis qu’il fermait la porte derrière lui. elle prit l’enfant dans ses bras, le serra contre elle, sanglotant en silence, son visage appuyé contre celui du bébé.

Édition Philippe Picquier . Traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu. 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

 

 

Du charme, de l’ennuie, et une petite dose de bizarrerie , tout cela soupoudré de l’étrangeté des mœurs japonais et vous avez l’essentiel de ce roman.

Je vous en dis plus ? Cela se passe dans une brocante tenue par Monsieur Nakano qui emploie deux étudiants Hitomi et Takeo. Ces deux personnages finiront par se rendre compte qu’ils s’aiment mais cela sera bien compliqué. Il y a aussi la sœur de Monsieur Nakano qui est artiste, toutes les maitresses de son frère et les clients les plus remarquables.

Le roman se divise en chapitres qui portent le nom d’un objet le plus souvent en vente dans la boutique (le bol), ou en rapport avec le récit (le presse-papier) . Ce n’est pas un magasin d’antiquité mais bien une brocante et les objets n’ont pas de grande valeur. La patron monsieur Nakano, est souvent mesquin et j’ai eu bien du mal à m’intéresser à ses réactions. Aucun des personnages n’est vraiment très attachant, le charme du roman vient sans doute( « sans doute » car j’y ai été peu sensible) de tous les petits gestes de la vie ordinaire ; tant dans les objets que dans les relations entre les individus.

J’étais très contente d’entrer dans l’univers de cette auteure, mais au deux tiers du livre, je m’y suis beaucoup ennuyée.

Citations

L’amour

 Takeo est arrivé en apportant de nouveau avec lui une odeur de savonnettes. L’espace d’une seconde, j’ai pensé que j’aurais dû prendre une douche, mais l’instant d’après, je me suis félicitée d’avoir renoncé, car il aurait pu avoir l’impression que je l’attendais de pied ferme. C’est bien pour ça que c’est difficile, l’amour. Ou plutôt, ce qui est difficile en amour c’est de savoir d’abord discerner si on veut être amoureux ou non.

Le tabac

 « En ce moment, mes poumons, c’est pas ça ! » C’est le tic de langage du patron depuis quelque temps. « Toi, Takeo, et vous aussi, ma petite Hitomi, je vous assure que c’est dans votre intérêt de ne pas fumer, dans la mesure du possible. Moi d’ailleurs, si je voulais, je pourrais m’arrêter n’importe quand. Seulement voilà, je préfére respecter la raison pour laquelle je ne m’arrête pas. Hé oui, c’est comme ça que les choses se passent quand on arrive à l’âge que j’ai. »

La tonalité du roman

 Il y avait dans le monde une foule de gens que je ne détestais pas, parmi eux, quelques-uns faisaient partie de la catégorie de ceux que je n’étais pas loin d’aimer ; il y avait aussi le contraire ceux que je détestais presque. Mais alors, qu’elle était la proportion des gens que j’aimais vraiment ?

Le téléphone portable et les amours d’Hitomi

 Le portable, objet haïssable. Qui a bien pu inventer cette chose incommode entre toute ? Quelque soit la perfection du message reçu, le téléphone portable est pour l’amour -aussi bien l’amour réussi que l’amour raté- la pire des calamités. Pour commencer, depuis quand est-ce que je suis amoureuse de Takeo pour de bon ? Et pourquoi je m’obstine à lui téléphoner ?

Édition Le livre de Poche

 

Merci Géraldine, tu tiens bien tes promesses ! Effectivement tu m’as prêté ce roman qui t’avait tant plu. Je comprends ta recherche après avoir visité l’Afrique du Sud pour retrouver ce pays si problématique à travers la littérature. J’ai beaucoup lu sur ce pays et comme souvent, je trouve que les écrivains originaires du pays me font mieux ressentir les réalités de leur société. Celui qui m’a fait vibrer pendant mon adolescence André Brink celle que j’ai découvert grâce aux blogs mais qui ne m’avait pas trop plu Karel Schoeman et le dernier qui a été pour moi un vrai coup de coeur La Voisine de Yewande Omotoso.

Dans ce roman, l’auteur crée une histoire d’amour et un roman d’action pour faire comprendre la réalité de l’Apartheid. Une jeune enseignante littéraire de l’université de Nanterre a accepté un poste à l’université du Cap. Grâce à une amitié avec une jeune fille très engagée auprès des noirs dont les droits sont bafoués, elle découvre l’aspect le plus cruel de la société Sud-africaine, et un jeune médecin beau comme un Dieu avec qui elle va vivre une passion amoureuse. Le beau Victor cache un engagement politique qui les entraînera dans un projet d’évasion de Nelson Mandela de son horrible prison sur l’île de Robben Island.

L’apartheid est très bien raconté et la société apparaît dans toute sa complexité . En particulier la difficulté des Noirs à faire confiance aux Blancs. Comme on les comprend ! Car l’imagination des racistes pour faire souffrir des hommes qu’ils considèrent comme des sous hommes ne connaît pas de limite. Le père de Victor avait réussi à enfermer dans une cage une famille de Buchmen et la famille venait se distraire comme si ses gens étaient des animaux. La scène est à peine supportable. Et tout cela dans un pays dont la beauté est parfois à couper le souffle et qui est bien décrite.

Mes réserves viennent de l’aspect romanesque : je n’avais pas besoin de cette histoire d’amour trop parfaite pour partir dans la réalité de ce pays, la réalité de la tentative d’évasion de Mandela a eu une vague réalité et cela permet de voir les services secrets en action. Mais que ce soit le beau Victor qui en soit l’instigateur c’est un peu trop pour moi.

 

Citations

Justice de l’apartheid

 En Afrique du sud, quant un Noir viole une blanche, le juge le condamne à mort. La semaine dernière, un blanc, qui avait violé une petite indienne de neuf ans, a écopé de neuf mois de prison. Récemment, aussi, à jury a condamné à six coups de canne quatre jeunes fermiers blancs coupables de viol en bande sur une femme noire. Depuis 1911 ne figurent que deux blancs sur la salle liste des 132 homme exécutés pour viol. Et tous deux ont commis leur crime sur des petites filles blanches.

Mandela en prison

 La nuit, dans le bloc plongeait dans le silence, il quittait sa couchette, se frottait les épaules et les pieds au mur de sa minuscule cellule, puis se plantait devant les barreaux de sa lucarne. Au delà du soupirail, et de la cour, une batterie de projecteurs illuminait des hommes, le fusil à la main, patrouillant, prêts à réagir d’un coup de feu à la moindre évasion. Un Mirador installé sur pilotis parachevait encore le dispositif de parade.

Le statut de la nounou ou maid

 Elle est devenue la maid de la famille à ma naissance. Elle m’a bercé et élevé avec amour. Je l’adore et je la plains, c’est très confus, je ne pourrais pas me passer d’elle et en même temps je vois qu’elle vieillit et qu’elle aura consacré sa vie à servir des blancs. Tu comprendras qu’en Afrique du sud il n’y a pas de sujet plus casse-gueule que celui de la maid. Chacun témoigne d’une affection sincère, mais en fermant bien les yeux sur la malhonnêteté de cette relation forcément inégalitaire.

 

 

Édition Buchet Chastel

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Je ne connaissais pas cette écrivaine et ce roman me le fait regretter car elle a un talent certain pour raconter des histoires et rendre vivante et proche de nous la civilisation guadeloupéenne de son enfance. Dans ce roman elle raconte le voyage initiatique pour un jeune Pascal qui est le fils de … Corazon Tejera, autrement dit, Dieu lui-même, pour ses adeptes. Alors Pascal serait le fils de Dieu ? c’est dur à porter ! déjà que sa naissance a été un miracle pour ses parents adoptifs qui l’ont recueilli dans un appentis qui ressemble fort à une crèche sous d’autres cieux. Voilà le roman est lancé, en s’inspirant des évangiles, Maryse Condé va nous raconter son pays et aussi le monde contemporain dans ce qui ne va pas trop mal et surtout ce qui va très mal.

Le message du Christ est toujours aussi dérangeant « aimons-nous les uns les autres » et toute vie sur terre a la même valeur. Pascal, un peu à l’image de Candide ira de société en société sans jamais trouver le bonheur. On le croit quand il est chez les Mondongues qui ont supprimé la propriété privée, l’alcool … Hélas ! cette société ira vers la tyrannie et Pascal devra prendre la fuite. Finalement, la solution ne sera pas « cultivons notre jardin » mais « trouvons l’amour ».

J’ai parfois beaucoup aimé ce roman surtout quand je sens vivre la société guadeloupéenne, surtout à travers le talent de conteuse de cette auteure. Cela m’a amusée de reconnaître mes souvenirs du catéchisme de mon enfance. Mais je m’y suis aussi souvent ennuyée . J’ai vraiment décidé de lire d’autres livres de cette auteure car son talent aux multiples facettes ne se résume certainement pas à ce roman très original.

 

 

 

Citations

Pourquoi prendre la beauté en photo est elle mortifère ?

 Comme elle jouit d’un « été éternel », les touristes s’y pressent, braquant leurs appareils mortifères sur tout ce qui est beau. Certains l’appellent avec tendresse « Mon pays », mais ce n’est pas un pays, c’est une terre ultramarine, un département d’outre mer quoi !

Autre temps autre mœurs

 Ce n’était un mystère pour personne que ses filles étaient les enfants du révérend père Robin qui avait dirigé la paroisse pendant de longues années avant de transporter ses vieux jours dans une maison de retraite du clergé situé près de Saint-Malo . En ces temps là, les gens de médisaient pas du comportement des prêtres.

Voilà la construction du roman :

 Brusquement Esperitu se tourna vers lui :  » J’ai quelque chose de peu agréable à vous apprendre. Vous ne verrez pas votre père, malheureusement, hier il a dû partir précipitamment pour l’Inde. -Pour l’Inde » répéta Pascal abasourdi, se demandant : mon père, pourquoi me fuis-tu ? mon père, pourquoi m’as tu abandonné ?

Mélange des évangiles et du monde moderne

 Certains jours, il se consacrait à la rédaction d’un ouvrage qu’il avait intitulé « Deux mots, quatre paroles ». Ce serait son œuvre maîtresse, il entendait prouver que cette mondialisation dont on nous rebat les oreilles était, en fin de compte, qu’une forme moderne de l’esclavage. Les nations riches de l’Occident obligeaient des pays pauvres du sud, dont la main d’œuvre était abondante et sous-payée, à confectionner à moindre frais les produits dont elles avaient besoin.

Humour :

 Cependant, on doit à la vérité de dire que les détracteurs des Mondongues avec des motifs de reproches plus sérieux. Au cours de leur histoire, ceux-ci n’avaient pas su produire un Robert Badinter et ils pratiquaient impunément la peine de mort. Ceux qu’ils appelaient les grands criminels étaient traduits devant un peloton d’exécution qui leur perforait la poitrine. Autrefois, ces exécutions étaient l’occasion de grandes fêtes et de réjouissances de nature à divertir la population. Mais les choses avait évolué aujourd’hui les Mondongues avaient adopté la pratique américaine de la chaise électrique, plus discrète, on en conviendra.

 

 

 

Éditions Points . Traduit de l’anglais par Jean Esch

Après « la trilogie berlinoise » voici l’offrande grecque. Je retrouve avec plaisir cet auteur écossais qui cherche avec obstination pourquoi la réparation des horreurs commises par les nazis a épargné tant d’assassins allemands. Bernie Ghunter, le personnage principal, vit maintenant sous une autre identité à Munich pour faire oublier son passé de policier berlinois sous le régime nazi, il va se retrouver en Grèce où l’attend une enquête très compliquée et pleine de rebondissements sanglants et effrayants impliquant Aloïs Brunner, responsable de tant de crimes et entre autre de l’extermination des juifs de Salonique. (Aloïs Brunner a terminé sa vie en Syrie, il devient conseiller d’Haez el Assad qu’il aide à former les services de renseignement, et à organiser la répression et la torture dans les prisons. lisez l’article de Wikipédia qui lui est consacré).

Ce qui m’a intéressée dans ce roman, c’est l’analyse de cet auteur face aux réactions -si peu nombreuses- suscitées par les crimes nazis en Grèce. Qui sait que 43 000 mille juifs furent déportés sous les ordres d’Aloïs Brunner ?. Pour l’auteur la façon dont l’Allemagne domine à l’heure actuelle l’Europe est une belle revanche pour les nostalgiques de la grandeur de l’Allemagne. L’enquête passionnera plus que moi les amateurs du genre .

Citations

Réflexions sur les atrocités nazies

Juste avant la guerre, j’étais un jeune avocat au ministère de la justice, ambitieux, obsédé par ma carrière. à cette époque, la SS et le parti nazi étaient le moyen le plus rapide de réussir. Au lieu de cela, je suis resté au ministère, Dieu merci. si vous ne m’aviez pas fait changer d’avis, Bernie, j’aurais certainement fini au SD, à la tête d’un groupe d’action de la SS dans les pays baltes, chargé d’éliminer des femmes et des enfants juifs, comme un tas d’autres avocats que j’ai connus, et aujourd’hui, je serais un homme recherché, comme vous, ou pire. J’aurais pu connaître le même sort que ces hommes qui ont fini en prison, ou pendus à Landsberg. Il secoua la tête, sourcils froncés. Très souvent, je me demande comment j’aurais géré ce dilemme… les massacres…. Qu’aurais-je fait ? Aurais-je été capable de faire. ça ? Je préfère croire que j’aurais refusé d’exécuter ces ordres, mais si je suis vraiment honnête avec moi-même, je n’en sais rien. Je pense que mon désir de rester en vie m’aurait persuadé d’obéir, comme tous mes collègues. Car il y a dans ma profession quelque chose qui m’horrifie parfois. J’ai l’impression qu’aux yeux des avocats tout peut se justifier, ou presque, du moment que c’est légal. Mais vous pouvez légaliser tout ce que vous voulez quand vous collez une arme sur la tempe du Parlement. Même les massacres.

Les fraudes( ?) à l’assurance : humour noir.

Sur la note du restaurant apparaissait deux bouteilles de champagne et une bouteille d’excellent bourgogne. Peut-être était-il ivre, en effet, je n’en savais rien, mais si l’assurance payait, Ursula Dorpmüller toucherait vingt mille marks, de quoi faire d’elle une authentique veuve joyeuse. Avec une telle somme, vous pouviez vous offrir des tonnes de mouchoirs et un océan de condoléances les plus sincères .

Descriptions qui me réjouissent .

 Je fus accueilli dans le hall par un gros type qui brandissait une pancarte MUNICH RE . Il arborait une moustache tombante et un nœud papillon qui aurait pu paraître élégant s’il n’avait été vert et, pire encore, assortie à son costume en tweed (et vaguement à ses dents aussi). L’impression générale -outre que le costume avait été confectionné- par un apprenti taxidermiste, était celle d’un Irlandais jovial dans un film sentimental de John Ford.

Je peux lire des romans polars quand l’écrivain possède cet humour :

 Située à une vingtaine de minutes en voiture d’Athènes, la ville ne possédait plus aucun monument ancien important, grâce aux Spartiates qui avaient détruit les fortifications d’origine et les Romains qui avaient détruit quasiment tout le reste. Voilà ce qui est réconfortant dans l’histoire : vous découvrez que les coupables ne sont pas toujours les Allemands.

 

 

 

Édition Phébus. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Bru

Ce roman m’a été offert car j’avais bien aimé « Dans la Forêt » de la même auteure. J’ai plus de réserves sur celui-ci qui connaît cependant un beau succès sur la blogosphère . J’ai eu un plaisir certain à découvrir les destins croisés de Cerise et Anna. Ces deux femmes ont, au même âge, avorté pour Anna, eu un bébé pour Cerise. Nous retrouvons ces deux femmes à d’autres moments clés de leur vie. Cerise éprouvera pour sa fille Mélody un amour si fort qu’elle pensait que rien ne pourrait briser leur entente fusionnelle. Anna se réalisera comme photographe auprès d’un homme attentif avec qui elle aura deux enfants. Elle cachera à tous son avortement et pense mener sa vie sans que cela prenne trop de place.

Pour Cerise la vie est faite de toutes les difficultés d’une mère célibataire pour qui la survie est toujours remise en cause par le moindre problème, et elle va les accumuler, les problèmes ( un peu trop à mon goût). Cela nous vaut l’habituel plongée dans le monde des exclus de la prospérité américaine.
Avec Anna nous partageons la vie d’une femme qui se demande si sa vocation d’artiste vaut la peine de bousculer sa famille en particulier ses deux petites filles.

A travers des rebondissements tragiques pour Cerise, plan galère pour Anna, ses deux femmes se retrouveront et permettront à l’une comme à l’autre un nouveau départ dans leur vie.

J’ai retrouvé les longueurs habituelles pour ce genre de roman américain, plus de six cent pages ! Je peux parfois avoir plaisir à rester longtemps avec des personnages et des lieux mais dans ce roman je me suis trouvée avec des personnalités figées dans des attitudes et des situations qui me semblaient plus proches de la démonstration ou du cliché que de personnes réelles. La révolte de Mélody à l’adolescence tellement traitée dans tous les romans, séries et films américains est un grand classique. Ainsi que la misère de ceux qui en sont réduits à vivre dans un mobile-home comme Cerise avant d’être réduite à dormir dans la rue après le tragique incendie dans lequel son bébé trouvera la mort.
De l’autre côté la difficulté à être une bonne mère quand on veut se réaliser à travers son travail artistique et permettre à son mari de trouver un job à la hauteur de ses ambitions intellectuelles est un sujet intéressant mais déjà traité dans bien des romans.Voilà ma réserve principale, je n’ai pas réussi à croire aux deux personnages de femmes. Je ne voudrais pas que mon opinion l’emporte sur votre envie de lire ce roman qui reçoit des éloges en grande partie mérités .

 

Citations

L’œil de la photographe

Bien avant d’avoir tenu un appareil photo entre les mains, elle s’était aperçue que, juste en regardant un objet ordinaire, elle pouvait le transformer en quelque chose de rare et d’étrange. Cette sensation que les autres enfants obtenaient en tournant sur eux-mêmes ou en se laissant rouler dans la pente des collines, elle l’éprouvait en scrutant de toutes ses forces le robinet en laiton du mur latéral, ou le moineau qui sautillait sur la terre polie en dessous des balançoires, au point bientôt de ne plus voir que le lustre de l’usure sur le bec du robinet ou l’étincelle dans l’œil du moineau.

Remarque de la mère des dessins de Cerise à propos de son père.

Je ne sais pas du tout d’où tu tiens ça, pas de moi, en tout cas, ça c’est sûr, ni de ton père, disaient-elles avant d’enchaîner, pleine d’amertume : Ton père n’était même pas fichu de se dessiner un avenir.

Dieu

 Parfois, elle essayait de prier, comme Sylvia et Jon le lui avaient conseillé. Mais des réponses qui lui venaient quand elle tentait d’adresser ses réflexions à Dieu pour qu’il lui serve de guide ne ressemblaient jamais à ce qui aurait plu à Sylvia et à Jon, si bien que Cerise se disait qu’elle s’y prenait mal, que ses prières passaient sans doute à côté de Dieu sans l’atteindre, comme quand elle composait un faux numéro et se retrouvait avec un inconnu au bout du fil.

Tellement vrai

 Personne n’a le choix, ajouta doucement sa grand-mère. on se dit toujours, « je ne pourrais pas le supporter », mais quand ça arrive, on voit que c’est la seule option possible : supporter.

Des femmes dans le malheur

 Parfois les femmes pleuraient, et les larmes qui coulaient sur leurs joues fatiguées jusqu’à leur de menton tremblant paraissaient minuscules comparées à leur ocean de souffrances. Cerise trouvait une sorte de réconfort dans leur histoire et dans ces larmes -pas par ce qu’elle aimait voir toujours plus de souffrances, mais parce que la souffrance était la vrai conditions des humains. C’était logique que les gens souffrent, logique que rien n’aille bien très longtemps. En regardant les autres femmes se rassembler autour de celles qui pleuraient, pour lui tapoter le dos et essuyer ses larmes, Cerise se sentait presque de la famille, presque de la famille des femmes qui la réconfortait.