Les Éditions minuit 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Voilà un auteur qui écrit à la perfection, dans un style remarquable, une histoire triste à donner le bourdon à quelqu’un qui aurait un moral à toute épreuve ( ce qui n’est pas mon cas en ce moment !). Mais lisez aussi le point de vue de Krol qui a beaucoup aimé cet auteur et qui met bien en valeur les qualités de son écriture.

Je suis certaine que c’est un pur hasard mais ce roman m’a fait penser au scandale qui atteint Nicolas Hulot. J’explique : une jeune fille essaie de se reconstruire dans la ville bretonne du bord de mer où son père un ancien boxeur est devenu chauffeur du maire. Tout se tient dans cette histoire. La trop belle Laura a, quand elle avait à 16 ans, posé nue pour un magazine. Elle veut oublier tout cela. Son père a été un grand champion de boxe mais l’argent trop facile l’a entraîné dans une quasi déchéance. Il a retrouvé l’emploi de chauffeur personnel du maire à qui, hélas, il demandera une faveur pour sa fille : que celui-ci lui trouve un logement.
Laura sera logée au casino dirigé par Franck toujours habillé de blanc, personnage qui a ses petits arrangements avec le maire et dont la sœur, Hélène a participé à la descente aux enfers de son père.
Détail absolument horrible : le chauffeur du maire, donc le père de Laura conduira le maire à ses rendez-vous au casino pour satisfaire ses besoins sexuels sans qu’il sache que c’est sa fille qui est dans le studio au-dessus du casino.
Le roman est parfaitement construit, on entend la plainte de Laura auprès des gendarmes et ceux-ci se montrent assez compréhensifs mais quand les photos seront découvertes et que le maire sera nommé ministre, le procureur préfère classer cette histoire sans suite. Cela n’empêchera pas un drame d’avoir lieu mais comme je vous en ai déjà sans doute trop dit je m’arrête là.
Ce roman fait beaucoup réfléchir sur la façon dont l’emprise se construit pour une jeune fille face à un homme politique. Et aussi comment lui même peut se persuader facilement qu’elle est consentante.
Le nœud dramatique de ce roman est très bien imaginé, trop sans doute pour moi car je l’ai trouvé profondément triste. Mais que cela ne vous empêche pas de le lire, ce n’est absolument pas glauque c’est seulement humainement triste et comme je l’ai dit au début parfaitement écrit.

Citations

Portrait d’un élu

 Et d’avoir été réélu quelques mois plutôt, d’avoir pour ainsi dire écrasé ses adversaires à l’entame de son second mandat, sûrement ça n’avait pas contribué au développement d’une humilité qu’il avait jamais eu à l’excès – à tout le moins n’en n’avait jamais fait une valeur cardinale, plus propre à voir dans sa réussite l’incarnation même de sa ténacité, celle-là sous laquelle sourdaient des mots comme « courage » ou « mérite » ou « travail » qu’il introduisait à l’envi dans mille discours prononcés partout ces six dernières années, sur les chantiers inaugurés ou les plateaux de télévision, sans qu’on puisse mesurer ce qui dedans relevait de la foi militante ou bien de l’autoportrait, mais à travers lesquels, en revanche, on le sentait lorgner depuis longtemps bien plus loin que ses seuls auditeurs, espérant que l’écho s’en fasse entendre jusqu’à Paris, ou déjà les rumeurs bruissaient qu’il pourrait être ministre.

Le style de Tanguy Viel

 À Max donc il arriva donc d’en être, de ce monde inversé ou certaines femmes butinantes se glissent volontiers dans la corolle des hommes et les délestent alors de toutes leurs étamine, à ceci près que les étamines ici on a forme de billets de cent euros que par dizaines ils sortent de leur poche et distribuent sans compter – elles, guêpes plutôt qu’abeilles, qui ne pollinisent rien du tout, plutôt disséminent les graines au gré des verres, Hélène plus acharnée que toutes, ayant fait admettre cette loi tacite et inaliénable que c’était son prix et sa liberté à elle, la plus onéreuse et la plus libre des hôtesses. 

Édition « romanBelfond » . Lu dans le cadre de masse critique de Babelio

Mais pourquoi diable me suis-je laissée tenter par ce titre ? En lisant la présentation, j’ai cru que j’allais découvrir un aspect que je connaissais mal de la carrière de Clark Gable à savoir, son engagement dans l’aviation pendant la seconde guerre mondiale. J’ai été élevée par une mère qui adorait cet acteur et j’ai partagé son enthousiasme pour le célèbre film « Autant en emporte le Vent » , et à mon tour j’ai fait aimer ce film à mes filles. Je me suis pâmée d’amour pour Rhett Butller mais je dois dire plus dans le roman que dans le film. (Tant pis pour Clark !)
Bien sûr ce roman parle de Cark Gable, mais le principal sujet de ce récit c’est le projet qu’aurait eu Hitler de s’emparer de ce célèbre acteur pour renforcer le prestige du troisième Reich et de son Führer. Le début de l’engagement de l’acteur dans l’aviation américaine doit être assez proche de la réalité, mais son aventure en France et en Allemagne est de la pure fiction. Ce n’est là que pour permettre à l’auteur quelques chapitres sur la résistance française et tout le roman est construit ainsi, un mélange de la réalité historique avec une fiction digne d’un film de guerre Hollywoodien, c’est sans doute ce que voulait l’auteur, peut-être que d’autres que moi accepteront son parti pris.
L’auteur part dans une succession d’aventures avec, comme arrière fond, les horreurs de la guerre menée par les nazis. Le mélange de la réalité historique et de la fiction m’a mise très mal à l’aise. Les aventures d’Eva Braun avec un bel officier SS m’ont semblé être une entreprise de racolage pour pimenter un peu plus les récits habituels sur ce qu’il se passait dans l’entourage d’Hitler, les différentes scènes sexuelles n’ont pas d’autre intérêt selon moi.
À partir de ce moment, je me suis détachée du projet de l’écrivain et tout me semblait faux, je lui en voulais d’avoir pris ce cadre historique chargé des horreurs les plus insoutenables de l’histoire de l’humanité, pour donner vie à son imagination. Tout ce qu’il raconte : la bataille de Stalingrad, l’extermination des populations juives dans les pays baltes, la consommation de drogue par Hitler tout cela est vrai et est connu mais se servir de ce décor pour une histoire d’amour entre Eva Braun et son bel officier, pour imaginer la capture puis l’évasion de Clark Gable c’est pour moi à la limite de l’indécence.
Bref un flop total et je retrouve ma question du début : Pourquoi me suis-je laissée tenter ?

 

 

Citations

La pervitine

 Développée dès l’automne 1937 par la firme pharmaceutique Temmler, la Pervitine a d’abord été accessible à toute la population allemande sans restriction. On la trouve alors au coin de la rue, dans son officine habituelle. Par la suite, elle est massivement distribuée aux soldats de la Wehrmacht qui, en attaquant la Pologne puis la France avec une sauvagerie inouïe, ont prouvé son efficacité. Le concept de « guerre éclair » est né. Les troupes de choc parcourent des dizaines de kilomètres par jour, galvanisées par cette substance qui leur confère un sentiment d’invincibilité. Elles attaquent avec rage, comme possédées, terrorisent l’ennemi qui ne peut que battre en retraite devant tant de détermination et de violence .
 

Un peu ce que j’attendais de ce roman.

 Il se rappelle soudain une scène qui l’a marqué trois ans auparavant. Lors de la première mondiale d' »Autant en emporte le vent », au Fox théâtre d’Atlanta, l’actrice afro-américaine Hattie McDaniel, qui incarnait une domestique, n’a pas été autorisée à assister à la projection. Pour la soutenir, Gable a menacé de rester chez lui. Elle l’a supplié de revenir sur sa décision pour ne pas gâcher la soirée. L’acteur à obtempérer. Deux mois plus tard, le 29 février 1940, Hattie McDaniel remportait l’oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour sa prestation dans ce film qui deviendra le plus grand succès de tous les temps. Là encore, elle avait dû emprunter une entrée réservée aux gens de couleur pour participer à la cérémonie. Dans la salle, elle avait même dû s’asseoir au dernier rang , à bonne distance de l’équipe du film.

Édition Philippe Picquier . Traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu.  Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.       Du charme, de l’ennuie, et une petite dose de bizarrerie , tout cela soupoudré de l’étrangeté des mœurs japonais et vous avez l’essentiel de ce roman. Je vous en dis plus ? Cela se passe dans une brocante tenue par Monsieur Nakano qui emploie deux étudiants Hitomi et Takeo. Ces deux personnages finiront par se rendre compte qu’ils s’aiment mais cela sera bien compliqué. Il y a aussi la sœur de Monsieur Nakano qui est artiste, toutes les maitresses de son frère et les clients les plus remarquables. Le roman se divise en chapitres qui portent le nom d’un objet le plus souvent en vente dans la boutique (le bol), ou en rapport avec le récit (le presse-papier) . Ce n’est pas un magasin d’antiquité mais bien une brocante et les objets n’ont pas de grande valeur. La patron monsieur Nakano, est souvent mesquin et j’ai eu bien du mal à m’intéresser à ses réactions. Aucun des personnages n’est vraiment très attachant, le charme du roman vient sans doute( « sans doute » car j’y ai été peu sensible) de tous les petits gestes de la vie ordinaire ; tant dans les objets que dans les relations entre les individus. J’étais très contente d’entrer dans l’univers de cette auteure, mais au deux tiers du livre, je m’y suis beaucoup ennuyée.

Citations

L’amour

 Takeo est arrivé en apportant de nouveau avec lui une odeur de savonnettes. L’espace d’une seconde, j’ai pensé que j’aurais dû prendre une douche, mais l’instant d’après, je me suis félicitée d’avoir renoncé, car il aurait pu avoir l’impression que je l’attendais de pied ferme. C’est bien pour ça que c’est difficile, l’amour. Ou plutôt, ce qui est difficile en amour c’est de savoir d’abord discerner si on veut être amoureux ou non.

Le tabac

 « En ce moment, mes poumons, c’est pas ça ! » C’est le tic de langage du patron depuis quelque temps. « Toi, Takeo, et vous aussi, ma petite Hitomi, je vous assure que c’est dans votre intérêt de ne pas fumer, dans la mesure du possible. Moi d’ailleurs, si je voulais, je pourrais m’arrêter n’importe quand. Seulement voilà, je préfére respecter la raison pour laquelle je ne m’arrête pas. Hé oui, c’est comme ça que les choses se passent quand on arrive à l’âge que j’ai. »

La tonalité du roman

 Il y avait dans le monde une foule de gens que je ne détestais pas, parmi eux, quelques-uns faisaient partie de la catégorie de ceux que je n’étais pas loin d’aimer ; il y avait aussi le contraire ceux que je détestais presque. Mais alors, qu’elle était la proportion des gens que j’aimais vraiment ?

Le téléphone portable et les amours d’Hitomi

 Le portable, objet haïssable. Qui a bien pu inventer cette chose incommode entre toute ? Quelque soit la perfection du message reçu, le téléphone portable est pour l’amour -aussi bien l’amour réussi que l’amour raté- la pire des calamités. Pour commencer, depuis quand est-ce que je suis amoureuse de Takeo pour de bon ? Et pourquoi je m’obstine à lui téléphoner ?

    Éditions Gallimard Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard    Après « Chevrotine » et « Korsakov » voici un livre d’amour filial qui se brise sur un suicide. C’est peu dire qu’Eric Fottorino à aimé son père, celui qui lui a donné son nom en l’adoptant à 9 ans alors qu’il était le fils d’une mère célibataire. Le mariage de Michel Fottorino avec la mère d’Éric a été le plus beau cadeau que l’on pouvait faire à cet enfant qui à son tour a adopté cet homme en trichant parfois sur ses propres origines : il lui arrivait de faire croire qu’il était né à Tunis plutôt qu’à Nice, et que sa graphie était influencée par l’écriture arabe qu’il n’a jamais apprise (évidemment !). Dans cette autobiographie, l’auteur nous fait revivre ce père et tout ce qu’il a su donner à son fils. C’est un livre très touchant et écrit de façon très simple. Nous partageons toutes les interrogations et la tristesse de l’écrivain : pourquoi son père s’est-il suicidé ? Et est-ce que Éric, aurait pu empêcher ce geste terrible ?

Michel, celui qu’Éric a appelé « papa » même quand il a réussi à reprendre contact avec son père biologique n’a peut-être pas réussi à faire de son fils un champion cycliste mais il lui a donné assez de force et d’amour pour écrire un très beau livre qui respecte l’homme qu’il a été.

Citations

 

Comme je comprends !

 Cette phrase qui m’a ravagé, qui a ouvert la vanne des sanglots, disait : « Chapeau Éric, il a fait du chemin le gamin du Grand-Parc », allusion à la cité où j’habitais avec ma mère à la fin des années 1960 à Bordeaux, avant qu’ils se rencontrent et se marient, avant qu’il m’adopte, qu’il nous donne son nom à elle et à moi, ce nom que je porte comme un talisman, qui sentait la Tunisie du sud, les pâtisseries orientales, l’accent de là-bas, la chaleur et le bleu du ciel, Les dunes de Tozeur et le miel, quelque chose d’infiniment généreux qui passait dans sa voix ou dans ses seuls gestes quand il estimait que les mots étaient de trop et qu’il préférait se taire, promenant seulement sur moi un regard d’une tendresse sans fond ou recherchant la complicité d’un clin d’œil.

Quel amour !

Envie de l’appeler, d’entendre sa voix une dernière fois, pour la route, la longue route sans lui. Je ferme les yeux et il apparaît. Ce n’est pas un fantôme mais tout le contraire. Il a passé son chandail couleur corail, nous montons le Tourmalet, j’ai treize ans. Il est d’autant mieux devenu mon père que, de toutes mes forces et de toutes mes peurs, j’ai voulu devenir son fils. 

Et cette question que nous nous posons tous face à un suicide :

 Nous sommes rentrés à Paris, je n’avais pas parlé à mon père. il avait parfaitement donné le change, bravo l’artiste. Nous nous sommes embrassés. C’était la dernière fois. Je ne le savais pas. Lui si.
 Aurais-je pu l’empêcher ? Tous mes proches, la famille, mes amis, me disent « non ». Au fond de moi, je crois que « oui », et c’est horrible de vivre avec cette pensée. Je me dis que si je m’étais montré plus spontanément généreux, plus insistant pour l’aider, malgré sa répugnance à l’être, il aurait peut-être différé son geste, et là dessus le versement d’une retraite venu le dissuader d’en finir ainsi. À quoi bon se le dire ? Je me le dis pourtant. Ce que j’éprouve n’a pas de nom, de nom connu. Quelque chose de moi s’est détaché et flotte dans l’air, invisible et pourtant consistant. Je me sens triste sans tristesse, seul sans solitude, heureux sans joie.

  Éditions Rivages Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard    Au club de lecture, il y a deux listes, celle des nouveautés et celle du thème. Le thème du mois de février, c’est le Japon. Ce roman va nous dévoiler un aspect terrible de ce pays dans les années 70 : l’auteur décrit avec une précision et une absence de pathos les horreurs commises par « l’armée rouge » japonaise, la lecture est parfois à peu près insoutenable, et quand je levais les yeux de ce roman pour vérifier les faits, je découvrais avec horreur que l’auteur n’avait rien inventé. Il s’agit d’un roman car pour construire ce récit Michaël Prazan, a créé le personnage principal, un Japonais qui aurait participé à toute les exactions des terroristes et aurait réussi à survivre sous un nom d’emprunt. Il crée aussi un personnage allemand pour permettre aux deux de se faires des confidences et ainsi nous faire découvrir de l’intérieur l’engagement et la vie des terroristes. Ce qui s’applique aux fanatiques japonais peut être vrai pour tous les terroristes capables de tuer des innocents pour leur cause. Ce roman permet de comprendre le cheminement particulier de la jeunesse japonaise . Le personnage principal découvre que son père a participé aux massacres de Nankin que le Japon a toujours préféré oublier. Lui, il participera aux révoltes étudiantes des années 70 pour lutter contre la présence américaine et l’aide que le Japon apporte dans la guerre du Vietnam. À travers les romans, on voit (encore une fois) que ce pays n’a jamais fait le travail de mémoire sur son passé impérialiste et fasciste. Les Japonais se sont considérés comme victimes de la force nucléaire américaine. La jeunesse dans les années 68, trouvait insupportable que le gouvernement Nippon apparaisse comme le vassal des américains. Il y a eu un aspect ultra violent dans les rangs de la jeunesse comme dans la répression policière. Un des épisodes les plus insoutenables se passe dans les montagnes japonaises où la folie meurtrière s’empare des dirigeants de l’armée rouge qui épurent en les torturant jusqu’à la mort ses propres membres. Ces meurtres marqueront la mémoire du Japon. Les rares survivants chercheront une autre cause pour s’enrôler, et ils rejoindront les rangs des terroristes palestiniens. Le roman se termine par les « exploits » de Carlos en France. Malgré le poids de l’horreur et du cafard que pourront vous donner la lecture de ce livre, je salue par mes cinq coquillages, le sérieux du travail de cet auteur. Il écrit comme un journaliste de façon simple et directe. J’ai eu des difficultés au début avec les noms japonais, mais on s’habitue parce qu’ils sont régulièrement répétés au cours de cette histoire. Ces noms tournent en boucle dans la mémoire du personnage principal et je suppose dans celle de l’écrivain. Lorsqu’on a passé cette difficulté des noms, on est pris par ce récit sans pouvoir le lâcher. Ce fut le cas pour moi.  

Citations

Quand le fanatisme tue toute humanité

 Yoshino est un grand type dégingandé et taiseux qui porte une barbe courte et peu fournie, ainsi que de grosses lunettes. Pauvre Yoshino. Il est venu ici avec Kaneko Michiyo sa femme enceinte de huit mois. Personne ne l’a ménagée pendant les entraînements militaires. On s’est demandé si elle n’allait pas perdre le bébé. Yoshino ne lui jette jamais un regard. Yoshino est un vrai soldat. Un soldat docile. Un soldat exemplaire. De ceux qui exécutent les ordres. Tous les ordres. Sans discuter. Sans rien penser. Yoshino ne pense plus depuis longtemps. Yoshino est un robot. Le plus robot de tous. C’était un jeune homme gai et sympathique, autre fois. Il aimait la musique. Il jouait de la guitare. Il aimait sa femme. Yoshino de plus rien. 
Yoshino est un meurtrier.

Les nuits et les cauchemars des assassins.

 Il tournait en rond. Il ne voulait pas se coucher. Il savait qu’il ne parviendrait pas à dormir. La perspective de se voir trahi par un rêve qui me replongeait dans les eaux boueuses de son passé le remplissait de terreur. Certains souvenirs sont comme des bombes à fragmentation. On en vient jamais à bout.

Discours, anticolonialistes

 Les thèses de Fanon s’appliquent autant aux Palestiniens qu’aux Caribéens, qu’aux Africains, qu’aux Algériens. C’est pourquoi le colonisateur ne doit jamais être considéré comme une victime. On nous reproche la mort de civils innocents… C’est le principal argument utilisé par les impérialistes pour nous discréditer… En réalité, il n’y a ni civil, ni victimes chez les sionistes ! Tous sont coupables ou complices de l’oppression subie par les Palestiniens. Pour illustrer cela, prenons le cas le plus problématique, celui des enfants. Comme dans toutes les guerres, il arrive que des enfants meurent au cours de nos opérations. Les impérialistes nous accusent de barbarie, de commettre des meurtres… Or, personne n’est innocent dans le système colonial, pas même les enfants. La progéniture des juifs grandira, elle fera le service militaire qui est une obligation chez eux. Ça veut dire que ces mêmes enfants porteront un jour des armes qu’ils pointeront sur nous !

Et voilà !

 Le « fedayin » fait deux têtes de plus que lui. Sa virilité sauvage le tétanise. 
le « fedayin » le regarde et il sourit. 
Il ajoute qu’il aime bien les Japonais. il dit qu’ils ont fait le bon choix pendant la guerre. Il admire Hitler depuis toujours. Un homme extraordinaire. Un meneur d’hommes. Le fedayin regrette qu’Hitler n’ait pas pu finir d’exterminer tous les Juifs. 
Il le regarde et il sourit.

C’est tellement vrai !

On peut considérer cela comme des erreurs de jeunesse, il y a prescription.
– Pour nos victimes, il n’y a pas de prescription. Je suis persuadé que leur famille pense encore chaque jour au mal qu’on leur a fait.

Éditions Anne Carrière  Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard    Quel livre ! et quel exploit littéraire : raconter le vide et intéresser le lecteur. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : du vide de nos civilisations fondées sur l’argent qui n’existe pas ! Comment résumer le vide et vous donner envie de vous y plonger alors que j’ai failli abandonner cette lecture. J’aurais vraiment eu tort, heureusement que je m’impose la règle des cinquante pages (je n’abandonne jamais un roman avant d’avoir lu la cinquantième page). Tugdual Laugier est recruté dans un prestigieux cabinet de conseil , Michard et associés, payé sept mille euros par mois pour occuper un bureau et ne rien faire. Trois années passent et il remplit ce vide sidéral à se nourrir, déféquer, et mépriser sa jeune fiancée qui est loin de gagner autant que lui en travaillant huit heures par jour. Il lui rappelle sans cesse que c’est grâce à ses sept mille euros par mois qu’elle peut vivre dans ce grand appartement et qu’ils peuvent sortir le soir : la scène au restaurant de « La Tour d’Argent » est un moment très réussi, drôle aussi, mais de cet humour grinçant parfois féroce qui est la marque de fabrique de l’auteur. Enfin, « on » lui demande un rapport, et il fabrique donc un texte de mille quatre cent pages sur la relance de l’économie chinoise. Utilisant pour cela une seule idée qui lui a été soufflée par sa fiancée qu’il méprise tant, imaginer que les Chinois veuillent investir dans la boulangerie française, le reste de son rapport est une compilation de Wikipédia, et des descriptions de ses expériences gastronomiques dans les différents restaurants chinois de la capitale. Mais la police française, toujours bien informée subodore un trafic de drogue, puis finalement comprend qu’il s’agit surtout de détournements d’argent . Tout va maintenant reposer sur le rapport de Tugdual Laugier, s’il est vide, on aura à faire à des emplois fictifs et des rémunérations qui ne correspondent à aucun travail. Si ce rapport de mille quatre cent pages (je le rappelle) est un vrai rapport financier alors cette affaire qui aura mis trois ans avant d’être jugée sera vide, elle aussi, malgré les énormes dossiers empilés sur le bureau du juge. Il faut savoir aussi que tous ceux qui ont essayé de lire le rapport chinois s’y ennuient tellement qu’ils sont pris de vertiges et de dégoût à tel point que personne n’ose se prononcer sur sa validité. Le regard de cet auteur sur notre monde actuel et terrible, je n’ai finalement pas mis cinq coquillages, que son talent mériterait largement car c’est une vision tellement triste. C’est un livre original, écrit par un écrivain de grand talent , mais qui donne le bourdon !   (Les passages que j’ai recopiés sont assez longs, c’est le style de Pierre Darkanian qui veut cela.)  

Citations

 

C’est la première fois que je lis dans un roman la description de cette activité !

 Longtemps après les dernières éclaboussures, il refermait son journal, se relevait avec la mine fataliste qu’il affichait au réveil et, avant de s’essuyer le derrière, jetait un œil attentif à sa production du jour. Était-elle ferme comme l’entrecôte qu’il avait dévoré au déjeuner ou mollassonne comme son tiramisus ? Était-ce une pièce unique et massive ou un chapelet de petites crottes ? Son œuvre, qu’elle fût imposante ou figurative, le rendait si fier qu’il rechignait à tirer la chasse. N’était-ce pas une part de lui-même après tout, qui flottait là, au pied du trône ? N’était-ce pas la seule matière qu’un homme pût véritablement engendrer ? Quel dommage en tout cas qu’il fut l’unique expert à profiter de la vue d’un si bel étron. Enfin, dans un bruit de cataracte, survenait l’anéantissement de sa production ultime que Tugdual veillait à faire disparaître dans la tuyauterie de l’immeuble, usant du balai s’il en était besoin, afin qu’ils n’en demeurât aucune trace pour la postérité.

Les discussions entre cadres importants .

Le cycle des approbations mutuelles se poursuivit, Dong approuvant Relot d’avoir approuvé Laugier qui avait approuvé Relot d’avoir approuvé Dong. Pris dans ce manège d’auto-approbations et de considérations d’ordre général sur les vertus et les dangers de l’audace, Tugdual hésita à recentrer le débat sur le fond de son rapport. S’agissait-il d’une conversation qui n’en était qu’à ses balbutiements et qui n’attendait que la grande idée de Laugier pour qu’elle prît sa véritable tonalité, ou bien était-ce au contraire une habile mises en garde de la part de Relot pour l’empêcher d »en trop pour dire, sans attirer l’attention de Dong ?

Tugdual et son rapport à l’argent et à sa compagne.

 Au moment de payer l’addition, Tugdual insista pour que Mathilde ne vit pas la note bien qu’elle n’eût pas demandé à le faire. Comme maintenant il arrêtait pas de répéter qu’à ce prix-là, il espérait qu’elle avait bien mangé, elle finit par se sentir mal à l’aise et se dit qu’à l’avenir elle ferait en sorte d’éviter les grands restaurants si c’était pour n’entendre parler que de prix et de rapports chinois. Mais Tugdual tenait à lui faire deviner le montant du déjeuner, non pas pour fanfaronner, mais pour qu’elle prît conscience de la valeur des choses. 

Je retiendrai cette image

Bête comme une valise sans poignée 

Le bilan de son couple

Tugdual refusa d’y croire. Mathilde plus là ? Pourquoi donc ? Partie faire une course ? Dîner chez sa mère ? Un pot de départ qui s’éternisait ? Il inspecta de nouveau une par une les preuves de la vile dérobades : point de chaussures, point de manteau, point d’affaires, point de Mathilde. Mathilde partie ? Partie pour quoi ? Pour un autre ? C’était inconcevable. Mathilde était une fille bien, éduquée, droite, pas de celles qui se laisse compter fleurette. Elle n’était ni volage ni légère. Alors pourquoi ? À cause de lui, Tugdual ? Et comment donc ? il gagnait sept mille euros par mois, travaillait d’arrache pied pour la contenter, lui offrait tout ce qu’elle désirait, les draps en satin, le dressing de leur chambre, des vêtements de grande marque. Il l’invitait régulièrement au restaurant, et récemment à la tour d’argent, lui avait offert un repas à quatre cent quatre-vingt quatre euros -la preuve était dans l’entrée, pour qui en doutait- , l’avait emmenée l’été précédent faire le tour des châteaux de la Loire, lui avait fait découvrir des relais et châteaux notés trois étoiles dans le Guide Michelin, la baladait dans le quartier chinois, la gâtait autant qu’un mari pouvait gâter sa femme… Il était dans la vie un compagnon stable, équilibré, qui faisait en sorte que Mathilde n’eût à s’occuper de rien. 
 Mathilde était partie.

Les fraudeurs intouchables.

 – Michard ? il n’y a pas de quoi s’inquiéter. le montage et structuré depuis longtemps, et pour l’instant il n’y a rien à faire. 
– Sauf à croiser les doigts pour que l’on ne remontent pas jusqu’à Jean-Paul..
De nouveaux, Valade retira ses lunettes et en essuya les verres avec la pochette de sa veste. – -Comment le pourrait-on ? Tout pénaliste que tu es, tu sais bien qu’il n’apparaît nulle part, à part sur le réseau crypté de mon cabinet et sur celui de Mossack à Panama. Le compte suisse du cabinet correspond à un profil numéroté dont le titulaire n’est pas Jean-Paul mais la CHC, société suisse elle-même détenue par une autre société, panaméenne cette fois …

L’argent

Zhou L’avait initié à sa conception de l’économie : l’argent était qu’une croyance, qui n’avait ni plus ni moins d’existence que Dieu, la démocratie où les droits de l’homme. Si personne n’y croyait, l’argent n’existerait plus. Mais puisque l’essence même de l’argent était une croyance, il n’y avait rien de malhonnête à faire croire qu’on en avait. À force d’y croire, les gens finissaient par vous en accorder, espérant en recevoir davantage en retour, et vous donnaient ainsi raison. Une banque prêtait bien de l’argent qu’elle n’avait pas sur la seule certitude qu’on lui en rendrait d’avantage. Zhou en parlait sur le même ton qu’un guérillero prêchant le marxisme léninisme au coin d’un feu de camp. Ensuite était arrivé les concepts plus pragmatiques, la pyramide de Ponzi, la surfacturation, les rapports fictifs, les sociétés écrans, les prête-noms…

L’expert auprès des tribunaux devient fou et me fait sourire

(Il a décidé de ne pas se nourrir avant d’avoir fini la lecture du rapport chinois) :

 Mais souder un réfrigérateur n’est pas chose aisée, surtout pour qui n’est pas bricoleur, et l’expert passa la matinée du samedi à la recherche d’un transducteur électromagnétique et d’une sonotrode, à lire des modes d’emploi et à souder autant qu’il le put la porte de son réfrigérateur Smeg de couleur bleue à volumes de 244 de litres et congélateur de 26 litres, qu’il avait payé mille trois cent quatre-vingt-dix-neuf euros chez Darty en dix mensualités et offert à sa femme, ce qui avait à l’époque provoqué une dispute parce que Simone de Beauvoir ne s’était quand même pas battue pendant des années pour qu’au XXI° siècle un mari offrît un réfrigérateur à sa femme.

 

     

Édition Le livre de Poche   Merci Géraldine, tu tiens bien tes promesses ! Effectivement tu m’as prêté ce roman qui t’avait tant plu. Je comprends ta recherche après avoir visité l’Afrique du Sud pour retrouver ce pays si problématique à travers la littérature. J’ai beaucoup lu sur ce pays et comme souvent, je trouve que les écrivains originaires du pays me font mieux ressentir les réalités de leur société. Celui qui m’a fait vibrer pendant mon adolescence André Brink celle que j’ai découvert grâce aux blogs mais qui ne m’avait pas trop plu Karel Schoeman et le dernier qui a été pour moi un vrai coup de coeur La Voisine de Yewande Omotoso. Dans ce roman, l’auteur crée une histoire d’amour et un roman d’action pour faire comprendre la réalité de l’Apartheid. Une jeune enseignante littéraire de l’université de Nanterre a accepté un poste à l’université du Cap. Grâce à une amitié avec une jeune fille très engagée auprès des noirs dont les droits sont bafoués, elle découvre l’aspect le plus cruel de la société Sud-africaine, et un jeune médecin beau comme un Dieu avec qui elle va vivre une passion amoureuse. Le beau Victor cache un engagement politique qui les entraînera dans un projet d’évasion de Nelson Mandela de son horrible prison sur l’île de Robben Island. L’apartheid est très bien raconté et la société apparaît dans toute sa complexité . En particulier la difficulté des Noirs à faire confiance aux Blancs. Comme on les comprend ! Car l’imagination des racistes pour faire souffrir des hommes qu’ils considèrent comme des sous hommes ne connaît pas de limite. Le père de Victor avait réussi à enfermer dans une cage une famille de Buchmen et la famille venait se distraire comme si ses gens étaient des animaux. La scène est à peine supportable. Et tout cela dans un pays dont la beauté est parfois à couper le souffle et qui est bien décrite. Mes réserves viennent de l’aspect romanesque : je n’avais pas besoin de cette histoire d’amour trop parfaite pour partir dans la réalité de ce pays, la réalité de la tentative d’évasion de Mandela a eu une vague réalité et cela permet de voir les services secrets en action. Mais que ce soit le beau Victor qui en soit l’instigateur c’est un peu trop pour moi.  

Citations

Justice de l’apartheid

 En Afrique du sud, quant un Noir viole une blanche, le juge le condamne à mort. La semaine dernière, un blanc, qui avait violé une petite indienne de neuf ans, a écopé de neuf mois de prison. Récemment, aussi, à jury a condamné à six coups de canne quatre jeunes fermiers blancs coupables de viol en bande sur une femme noire. Depuis 1911 ne figurent que deux blancs sur la salle liste des 132 homme exécutés pour viol. Et tous deux ont commis leur crime sur des petites filles blanches.

Mandela en prison

 La nuit, dans le bloc plongeait dans le silence, il quittait sa couchette, se frottait les épaules et les pieds au mur de sa minuscule cellule, puis se plantait devant les barreaux de sa lucarne. Au delà du soupirail, et de la cour, une batterie de projecteurs illuminait des hommes, le fusil à la main, patrouillant, prêts à réagir d’un coup de feu à la moindre évasion. Un Mirador installé sur pilotis parachevait encore le dispositif de parade.

Le statut de la nounou ou maid

 Elle est devenue la maid de la famille à ma naissance. Elle m’a bercé et élevé avec amour. Je l’adore et je la plains, c’est très confus, je ne pourrais pas me passer d’elle et en même temps je vois qu’elle vieillit et qu’elle aura consacré sa vie à servir des blancs. Tu comprendras qu’en Afrique du sud il n’y a pas de sujet plus casse-gueule que celui de la maid. Chacun témoigne d’une affection sincère, mais en fermant bien les yeux sur la malhonnêteté de cette relation forcément inégalitaire.

 

  Édition Buchet Chastel Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard    Je ne connaissais pas cette écrivaine et ce roman me le fait regretter car elle a un talent certain pour raconter des histoires et rendre vivante et proche de nous la civilisation guadeloupéenne de son enfance. Dans ce roman elle raconte le voyage initiatique pour un jeune Pascal qui est le fils de … Corazon Tejera, autrement dit, Dieu lui-même, pour ses adeptes. Alors Pascal serait le fils de Dieu ? c’est dur à porter ! déjà que sa naissance a été un miracle pour ses parents adoptifs qui l’ont recueilli dans un appentis qui ressemble fort à une crèche sous d’autres cieux. Voilà le roman est lancé, en s’inspirant des évangiles, Maryse Condé va nous raconter son pays et aussi le monde contemporain dans ce qui ne va pas trop mal et surtout ce qui va très mal. Le message du Christ est toujours aussi dérangeant « aimons-nous les uns les autres » et toute vie sur terre a la même valeur. Pascal, un peu à l’image de Candide ira de société en société sans jamais trouver le bonheur. On le croit quand il est chez les Mondongues qui ont supprimé la propriété privée, l’alcool … Hélas ! cette société ira vers la tyrannie et Pascal devra prendre la fuite. Finalement, la solution ne sera pas « cultivons notre jardin » mais « trouvons l’amour ». J’ai parfois beaucoup aimé ce roman surtout quand je sens vivre la société guadeloupéenne, surtout à travers le talent de conteuse de cette auteure. Cela m’a amusée de reconnaître mes souvenirs du catéchisme de mon enfance. Mais je m’y suis aussi souvent ennuyée . J’ai vraiment décidé de lire d’autres livres de cette auteure car son talent aux multiples facettes ne se résume certainement pas à ce roman très original.      

Citations

Pourquoi prendre la beauté en photo est elle mortifère ?

 Comme elle jouit d’un « été éternel », les touristes s’y pressent, braquant leurs appareils mortifères sur tout ce qui est beau. Certains l’appellent avec tendresse « Mon pays », mais ce n’est pas un pays, c’est une terre ultramarine, un département d’outre mer quoi !

Autre temps autre mœurs

 Ce n’était un mystère pour personne que ses filles étaient les enfants du révérend père Robin qui avait dirigé la paroisse pendant de longues années avant de transporter ses vieux jours dans une maison de retraite du clergé situé près de Saint-Malo . En ces temps là, les gens de médisaient pas du comportement des prêtres.

Voilà la construction du roman :

 Brusquement Esperitu se tourna vers lui :  » J’ai quelque chose de peu agréable à vous apprendre. Vous ne verrez pas votre père, malheureusement, hier il a dû partir précipitamment pour l’Inde. -Pour l’Inde » répéta Pascal abasourdi, se demandant : mon père, pourquoi me fuis-tu ? mon père, pourquoi m’as tu abandonné ?

Mélange des évangiles et du monde moderne

 Certains jours, il se consacrait à la rédaction d’un ouvrage qu’il avait intitulé « Deux mots, quatre paroles ». Ce serait son œuvre maîtresse, il entendait prouver que cette mondialisation dont on nous rebat les oreilles était, en fin de compte, qu’une forme moderne de l’esclavage. Les nations riches de l’Occident obligeaient des pays pauvres du sud, dont la main d’œuvre était abondante et sous-payée, à confectionner à moindre frais les produits dont elles avaient besoin.

Humour :

 Cependant, on doit à la vérité de dire que les détracteurs des Mondongues avec des motifs de reproches plus sérieux. Au cours de leur histoire, ceux-ci n’avaient pas su produire un Robert Badinter et ils pratiquaient impunément la peine de mort. Ceux qu’ils appelaient les grands criminels étaient traduits devant un peloton d’exécution qui leur perforait la poitrine. Autrefois, ces exécutions étaient l’occasion de grandes fêtes et de réjouissances de nature à divertir la population. Mais les choses avait évolué aujourd’hui les Mondongues avaient adopté la pratique américaine de la chaise électrique, plus discrète, on en conviendra.

     

Édition Acte Sud. Traduit de l’allemand par Marie Claude Auger Depuis deux ans, je participe au mois de lecture allemandes organisé par « Et si on bouquinait un peu« . J’y ai fait de belles découvertes, cette année un peu moins mais j’avais retenu ce titre : les abeilles d’hiver, chroniqué par Patrice. Le voici donc sur mon blog, et moi aussi j’ai bien aimé cette lecture. Le billet de Patrice passe sous silence les pages qui m’ont ennuyée sans que je puisse en distinguer l’intérêt. Egidius Arimond est un ancien professeur de latin écarté de l’enseignement parce qu’il était épileptique, et que, sous le régime nazi, on écarte -voire on élimine- tous les handicapés. Il ne doit sa survie qu’aux exploits de son frère qui est un pilote émérite de l’armée de l’air allemande. Sa qualité de latiniste l’entraine à traduire de très anciens documents d’un certain Ambrosius Arimond (un de ces ancêtres ?) et j’ai trouvé ces textes sans grand intérêt, je trouve que ça alourdit inutilement le roman. En revanche, comme Patrice, j’ai été intéressée par tout ce qu’il raconte sur les abeilles. J’étais bien au milieu de ces reines et de ces ouvrières, tellement mieux que dans son village gangréné par la présence nazie. Egidius, doit gagner de l’argent pour se procurer ses médicaments contre son épilepsie, c’est une des raisons pour laquelle il accepte de faire traverser à des juifs, la frontière belge. Ses abeilles et ses ruches l’aideront à cacher les personnes à qui il doit faire passer la frontière : elles seront dissimulées dans les ruches et recouvertes d’abeilles. L’argent n’est pas sa seule motivation, il sait qu’il doit sa survie à la gloire de son frère, son handicap lui donne le recul nécessaire pour juger le régime. Le médicament qui lui permet de ne pas avoir de crises épileptiques graves est de plus en plus cher, Edigius se confronte au mépris du pharmacien un nazi convaincu qui ne souhaite que sa mort. Au village les hommes manquent, car ils sont au combat, et Egidius entretient avec leurs femmes qui lui plaisent des bons moments d’un érotisme très sensuel très bien raconté, mais ces relations le mettent en danger. Un roman assez lent -je retrouve souvent cette lenteur dans les romans allemands – mais je m’y suis sentie bien car le personnage principal est attachant, il m’a fait aimer les abeilles !  

Citations

Un joli souvenir

Mon frère avait toujours rêvé de s’élever loin au dessus de la terre d’une manière ou d’une autre ; autant que je me souvienne, il voulait devenir pilote d’étoiles.

On sait cela, mais c’est terrible de le lire :

 La loi nazie sur la prévention des maladies héréditaires de la progéniture comprend la débilité congénitale, la maladie maniaco-dépressive, l’épilepsie héréditaire, la danse de Saint-Guy héréditaire, la cécité héréditaire, la surdité héréditaire, les déformations physiques graves l’alcoolisme profond. Les décisions concernant la stérilisation forcée et l’euthanasie sont prises par le tribunal cantonal. J’ai été stérilisé dans l’hôpital voisin. Le fait que je n’aie pas été transféré dans une institution comme les autres pour y être exécuté est probablement dû à la position de mon frère. Avec son tableau de chasse, Alfons est un héros du national socialisme ; il est même passé une fois aux informations avec son escadron.

L’amour

Elle me dit des choses que je ne veux pas savoir, me parle d’amour. Je la blesse notamment quand je lui dis que l’amour, ça n’existe pas, qu’il n’y a que la séduction et le désir, et que notre désir n’a rien à voir avec la vertu.

Descriptions des cadres du parti Nazi

Je retourne au lit et je rêve de faisans dorés. Ils ont des visages pâles, une couronne de peau imberbe autour de leurs yeux couleur jaune d’œuf. Ils portent des huppes à longues plumes irisées qui tombent jusque dans leurs cous rasés, des pantalons et vestes d’uniforme, de larges lanières de cuir qui ont du mal à contenir leurs ventres. Ils se parent d’insignes et de médailles du parti et émettent des sons gutturaux stridents. Le dessous de leur plumage vire au brun. Les grandes plumes de leurs ailes aux reflets métalliques sont effilées aux extrémités. Ils s’imaginent qu’ils pourraient voler et dominer le monde pendant mille ans. Leurs pattes maigres sont écailleuses et couleur de corne, leurs longues serres recourbées sont dans des bottes de cuir bien astiquées.

De l’utilité des mâles

 Dans certaines colonies, j’ai déjà retiré des cadres le premiers couvain operculé de mâles. Trop de mâles ne sont pas bons pour la ruche, ils ne sont utiles que pour la reproduction, à part ça, ils ne sont bons qu’à se servir dans le miel et à salir la ruche avec leurs excréments. ce qui veut dire que les ouvrières, en plus de s’occuper des larves, doivent nettoyer leur saletés dans la ruche.

       

  Édition Gallimard Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard  Si vous observez bien la photo, vous verrez que ces petits livres sont signés des noms de poètes dont il sera beaucoup question dans ce roman. Baudelaire, Verlaine et Rimbaud et les nombreux Haïkus qui rythment ce roman à l’écriture si particulière. Je n’ai pas adhéré à cette lecture, mais je reconnais que c’est un extraordinaire travail d’écriture. Si François-Henri Désérable ne vous embarque avec son style particulier, son histoire d’amour perd tout son charme. C’est difficile d’expliquer pourquoi on ne part pas dans un roman. Il faut d’abord que je dise que les continuelles références à la culture littéraire m’agacent prodigieusement. Je sais que j’en ai raté beaucoup car cela ne m’amuse pas et j’ai trouvé que son roman fonctionnait comme un jeu pour des lecteurs « cultivés »  : à qui en trouverait le plus. Ensuite l’histoire m’a semblé très artificielle, ces personnages avaient beau s’aimer, je ne trouvais ni leur âme ni leur sensibilité dans cette histoire passionnelle. Bref un roman qui n’est pas pour moi mais qui a obtenu le prix de l’Académie Française. Le poème dont est extrait le titre :

Es-tu brune ou blonde ? Sont-ils noirs ou bleus, Tes yeux ? Je n’en sais rien mais j’aime leur clarté profonde, Mais j’adore le désordre de tes cheveux.

Es-tu douce ou dure ? Est-il sensible ou moqueur, Ton coeur ? Je n’en sais rien mais je rends grâce à la nature D’avoir fait de ton coeur mon maître et mon vainqueur.

Fidèle, infidèle ? Qu’est-ce que ça fait, Au fait Puisque toujours dispose à couronner mon zèle Ta beauté sert de gage à mon plus cher souhait.

 

Paul Verlaine

   

Citations

Jeu des références littéraires

Elle n’était pas du tout son genre ; il n’avait jamais été le sien. Ils n’avaient rien pour se plaire ; ils se plurent pourtant, s’aimèrent, souffriront de s’être aimés, se désaimèrent, souffriront de s’être désaimés, se retrouvèrent et se quittèrent pour de bon .

Je connais des gens avec la même pathologie

 Elle disait souffrir depuis plusieurs années d’une pathologie qu’elle craignait irréversible, elle omettait de prendre en compte « le temps de trajet ». Elle ne partait de chez elle qu’à l’heure où elle était attendue, comme si, d’un claquement de doigts, elle pouvait se retrouver sur le lieu de rendez-vous où elle arrivait en général en retard d’un quart d’heure, parfois plus, jamais moins -elle ratait des trains, elle offusquait des gens, c’est comme ça, mon vieux, il faut t’y faire, disait Tina.

Petite remarque assez juste

 Albertine viens d’avoir dix huit ans : elle a décroché le bac, une mention assez bien avec un 18 en français, c’est l’été, elle n’est pas sûr de savoir ce qu’elle veut faire à la rentrée, elle hésite entre une fac de lettres et ne rien foutre, certains prétendent que c’est un peu la même chose.