Édition NRF Gallimard

« les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges. » Nietzsche 

Après les  » Les Funambules« et « Ada » voici « Scherbius (Et Moi) » dont Keisha a déjà parlé ainsi que Noukette et Dasola et sans doute bien d’autres car Antoine Bello a un large public. Je fais partie des lectrices qui adorent qu’on lui raconte des histoires. Antoine Bello ce n’est pas une histoire qu’il nous raconte mais dix, cent, mille… à travers un dialogue entre un psychiatre berné et séduit Maxime Le Verrier par un patient (ou son double ?) Alexandre Scherbius . Comme souvent chez cet auteur c’est à la fois drôle et un peu inquiétant. Cet escroc génial aux multiples personnalités est-il si loin de la réalité ? Il y a aussi chez Antoine Bello un fil conducteur, vous vous souvenez dans Ada , il ciblait les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle et l’enrichissement sans lien avec la production des firmes de la Silicon Valley. Ici, ce qui est ciblé, ce sont les différentes façon d’aborder la maladie mentale en particulier par les psychiatres américains qui semblent plus soucieux de leur succès personnel que des soins apportés à leurs malades. Les succès en librairie se multiplient et les séries télévisées aussi sur des révélations de maladies mentales dont le moins que l’on puisse dire est qu’il leur faudrait plus de discrétion et de prudence de la part des soignants quant à leur réalité. Ainsi, Antoine Bello nous parle de Sybil ou de Billy Milligan, malades qui ont lancé « la mode » du trouble : « personnalité multiple » et qui sont à l’origine de best-sellers incroyables, enrichissant de façon astronomique les écrivains, psychiatres ou non, qui se sont emparés de leurs histoires. Il s’agit bien de cela ici, puisque Maxime Le Verrier devient riche et célèbre grâce à son livre sur Scherbius atteint du syndrome de « personnalité multiple ». Puis les années passant, Maxime Le Verrier évolue dans sa connaissance de ce symptôme pour peu à peu ne faire plus qu’un avec son patient. Au fil des pages Antoine Bello nous aura raconté des dizaines d’escroqueries, d’usurpation d’identités et pas une seconde on ne s’ennuie. Le seul léger reproche que je fasse à cette lecture, c’est d’être un peu submergée par les références aussi bien dans le noms des personnages que pour les histoires elles-mêmes. Tous nos écrivains sont convoqués dans ce roman, on s’attend toujours à ce que la clé de l’histoire que raconte Scherbius soit donnée un peu plus tard. Cela empêche une certaine spontanéité dans la lecture. Mais ne retenez pas cette critique si vous voulez être embarqué dans une histoire qui comme les poupées russes en contient toujours une autre et toujours plus passionnantes, si vous voulez sourire et quitter un peu le quotidien partez dans cette lecture, cela m’étonnerait fort que vous la lâchiez en cours de route .

Citations

Discipline des moines (Sherbius a été moine pendant deux ans)

Il faut du courage pour quitter son lit au milieu de la nuit dans la froidure de l’hiver, prier une heure, se recoucher et remettre ça avant le chant du coq. Il en faut bien davantage pour recommencer le lendemain, et le jour d’après, en sachant que ce rythme date du VIe siècle et sera encore en vigueur longtemps après notre mort.

Services rendus à l’armée par un imposteur

 Durant les six mois qui suivent, il va visiter les cent dix sept lycées de Lorraine, en peaufinant constamment son modus operandi. Il programme ses passages du jour au lendemain pour limiter les risques, ne laisse ni carte ni numéro de téléphone, entretient volontairement la confusion sur son titre, l’institution dont il dépend où sa caserne de rattachement. Sûr de sa capacité de mobilisation, il demande une grande salle, si possible « un amphithéâtre ». Les professeurs d’éducation civique qui viennent parfois l’écouter le félicite chaudement après ses prestations. Bien qu’ayant conscience d’enfreindre la loi, il dit agir par patriotisme. « J’ai adressé à l’armée française assez de recrues pour constituer un régiment. Quant à savoir si l’armée s’est montrée à la hauteur de mes promesses, c’est une autre histoire. »

Professeur de Philo

À un jeune trop sûr de son fait, il rappelle l’aphorisme de Nietzsche  » « les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges. »

Règlement de compte

Après avoir longtemps vanté les mérites de l’hypnose, Freud s’en détourna en 1895 au motif qu’en ne confrontant pas le patient à ses blocages, elle ne « lui impose qu’un effort insignifiant ». Reconnaissons à M. Freud une certaine cohérence puisque les grands prêtes de la religion qu’il fonda réussissent simultanément à martyriser et appauvrir leurs fidèles, sans jamais les soulager de leurs maux. Janet trompait peut-être ses patients, Freud, lui, se trompait tout court.

Clin d’œil au lecteur

Que Sherbius présente plusieurs symptômes décrits ci-dessus n’aura pas échappé à mes lecteurs avertis

(note bas de page :

En existe-t-il une autre sorte ?)

La maladie mentale

Hacking avance une autre explication, qui ne surprendra pas mes lecteurs. Comme je le disais dès 1983, nommer une maladie est la plus sûre façon de la faire apparaître. Autour de 1975, dans l’hémisphère occidental, il est devenu possible -au sens de tolérer, acceptable – d’abriter des personnalités multiples, c’était un nouveau trouble mental, aussi respectable que l’autisme ou l’agoraphobie. Psychiatres et patients l’ont progressivement intégré dans le spectre des diagnostics. À l’heure où l’anorexie commençait à montrer des signes d’essoufflement, mes confrères Américains ont calculé, avec leur opportunisme coutumier, qu’une cure d’unification de personnalité bien menée (c’est-à-dire pas trop vite) pouvait rapporter des milliers de dollars. Le TPM est devenu le produit de l’année, puis de la décennie.
Cela tendrait à prouver que, si certaines maladies se transmettre par le sang ou la salive, d’autres se propagent par la parole.

Merci Jérôme , Merci Noukette . Ce Noël sans mes enfants et petits enfants était un peu tristounet. Ils ont tous eu peur de me passer ce sale virus, alors j’ai convoqué mes amis des blogs qui lisent des BD et j’ai mis celle-ci sous mon sapin. Quelle bonne idée, j’ai passé une très bonne soirée et je n’ai pas vu le temps passé. Pour Jérôme « le chanteur perdu » est dans le top du top et pour Noukette dans son « Panthéon » . Je comprends bien leur choix, car il y a tout dans cette BD, de l’humour, de la tendresse, beaucoup de vérités sur l’être humain et une enquête fort intéressante. Notre « médiathécaire », fait un burn-out, pourtant sa profession n’est pas tellement à risques. Donc, pour échapper à sa dépression , il part à Morlaix ; idée étrange car c’est l’hiver, il pleut, et, en plus, le viaduc qui passe au dessus de la ville est un des hauts lieux pour les suicides des Bretons … Il veut retrouver sa jeunesse ou plus exactement le souvenir d’un chanteur dont il a beaucoup aimé les chansons : Rémi Bê. Et là, on se rend compte que la fiction et la réalité se mêlent. Il existe bien ce chanteur, il s’appelle Jean-Claude Rémy et il a bel et bien disparu de la scène médiatique, pourtant à ses début il avait été salué par les meilleurs chanteurs de son époque, en particulier par Pierre Perret qui l’aidera à publier son unique disque.

Cette quête met en scène des personnalités dont l’humanité a construit notre époque et lorsque, enfin, Jean retrouvera Rémi Bê, il ne recevra aucune réponse au pourquoi du destin de Jean-Claude Rémy, mais ce qui est certain c’est qu’il aura donné du sens à sa vie. La postface permet de connaître un peu mieux le personnage réel. Il faut lire cette BD en écoutant les chansons cela permet de ralentir la lecture et de la savourer un peu plus longtemps.

Citation

Le début

En arrivant à Morlaix le TGV emprunte le viaduc

C’est parait-il le rendez-vous des candidates au suicide

Un bref instant, je les imaginais se jetant dans le vide ; sans doute par grappes

Après tout, à quoi occuper son temps à Morlaix en décembre

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Grasset

Je sais que cette écrivaine ravit Dominique et qu’elle a bien aimé ce roman ; pour ma part, j’ai beaucoup de réserves. Je le dis en avant propos, j’ai du mal avec les romans ayant pour objet le retour à la nature sauvage et sans doute encore plus aujourd’hui où il est de bon ton de ne parler que de ça. Je suis gênée, aussi, par le style et le propos du livre. Claudie Hunziger aime l’accumulation des phrases courtes, sans verbe, parfois réduite à un seul mot. Moi, moins. J’aime bien les phrases où je sens la pensée se construire avec des hésitations et des retours sur soi. Pour cela il faut douter, et l’auteure ne doute pas, elle sait qu’elle est du bon côté celui des animaux et tous les autres sont des assassins de la pire espèce. (On est bien loin du roman, d’Olag Tokarczuk qui pourtant défend la même cause). Elle construit son roman comme une œuvre de la nature, il faut du temps pour construire une harde de Cerfs il en faut aussi pour écrire son roman. La narratrice se fond dans sa forêt au service d’une cause. Celle de défendre ces superbes animaux :

 

Dans les Vosges, le cerf n’a plus de prédateur naturel, les forestiers estiment qu’ils sont en surnombre et abîment les arbres. L’ONF prend donc la décision d’en appeler aux chasseurs pour diviser par quatre la population de cervidés. C’est là que se situe ce roman : est-ce que cette décision ne fait pas trop la part belle aux seuls exploitants forestiers ? Est-ce que l’on tient compte du bien être animal et de la beauté de la nature ? Vous devinez les réponses de l’auteure qui voit même une collusion de l’ONF avec la boucherie qui vend la viande de cerf.

Il y a de très beaux passages dans ce roman auxquels, j’en suis certaine, toutes celles et tous ceux qui aiment les évocations de la nature seront sensibles. Et depuis que j’ai écrit ce billet j’ai lu le billet de Keisha beaucoup plus séduite que moi.

 

Citations

Genre de passage qui m’agace

Il était temps de passer à mon premier affût. Chacun une aventure. 
Les phrases aussi, chacune une aventure.

De combien de morts est responsable l’homme qui fait tant pleurer son ami ?

C‘était l’été de la première sécheresse, et celle-ci s’était conclue par la mort de Mao. À son annonce, je le vois encore s’écrouler sous un arbre du verger, gisant face contre terre, et je crois bien qu’il pleurait, soudain orphelin, tandis que les petites mirabelles des Hautes-Huttes précocement mûres, le bombardaient d’une pluie d’or.

Mélange évolution de la nature et création d’un livre

La repousse peut atteindre un centimètre par nuit. 
La tige d’une ronce peut, elle, bondir de cinq centimètres la même nuit.
Une ruche, pesée le matin, repesée le soir, peut avoir pris un kilo de miel. 
Tôt le matin, quand on surprend les aubépiniers sortant en fleur de la nuit, gonflés d’humidité, on ne sait pas tout de suite si on voit des cumulo-nimbus d’orage ou des amas de vaches aux mufles blancs. 
En une semaine, les cerfs ont allongé de dix centimètres. Mon livre, de quelques pages.

Je ne savais pas ça

(Remarquez les phrases réduites aux mots que je n’aime pas beaucoup.)

C’est à la mi-juillet exactement que les cerfs se mettent à « frayer », c’est-à-dire à fracturer l’enveloppe de velours qui enrobe leurs bois solidifiés. Quand elle sèche , on dirait qu’elle les brûle comme une tunique de Nessus, et que fou de douleur ils cognent leur bois contre les arbres, allant au même arbre chaque année. Et cette peau velue , brisée, ensuite, il la mange. Oui, il mange les lambeaux de ce velours sanguinolent qu’ils se sont fendus et qui pend devant leurs yeux. Impossible d’en trouver des débris, ils les font disparaître. J’ai beaucoup cherché sur les troncs blessés, dégoulinant de résine.. Pas un petit bout resté collé. Pas un indice traînant sous un buisson. On dirait que c’est hautement réservé. Animal. Interdit. Pour initié. Un moment de métamorphose sanglante. Nocturne et bref.
(PS je ne comprends pas ce « qu’ils se sont fendus » est ce qu’il faut lire « qu’ils ont fendu » )

Je ne sais pas, si un jour, je comprendrai pourquoi les Américains ont besoin d’écrire des énormes pavés et pourquoi les Européens se contentent de livres très courts sur des sujets tout aussi graves et importants. Stéphanie Hochet s’empare de la vie d’un Kamikaze japonais. Un de ceux qui ont choisi le suicide comme mode de combat. Elle raconte très bien l’endoctrinement de cette jeunesse japonaise qui pensait servir la plus noble des causes : celle qui permettrait aux valeurs du Grand Japon de dominer toute l’Asie au nom de l’Empereur représentant de Dieu sur terre. Nous revivons l’enfance et la formation militaire d’Isao Kaneda, beaucoup de choses sont dites en peu de pages : son éducation par une grand-mère issue d’une famille de Samouraïs et qui place l’honneur du Japon au-dessus de toutes les autres valeurs. Puis l’exaltation militaire et l’embrigadement dans le corps des Kamikazes . C’est très bien raconté mais je pense, comme souvent, quand un auteur non autochtone s’empare d’un phénomène qui nous est tellement étranger, que rien ne vaut un témoignage même romancé écrit par un écrivain du pays concerné. Dans la troisième partie , le kamikaze atterrit bien malgré lui dans une petit île coupée du monde. Cela nous vaut une réflexion sur ce que veut dire la civilisation, la version idyllique de la vie sur cette île paradisiaque est brusquement interrompue par un procédé très barbare de mise à mort pour des voleurs de nourriture.

Un roman agréable à lire et qui décrit bien l’état dans lequel devait être les Japonais qui acceptaient le sacrifice suprême pour défendre les valeurs de leur pays. Je trouve que, par rapport à notre époque où des gens sont prêts à tuer et se faire tuer pour défendre leur conception de la religion qu’ils veulent imposer au monde entier, réfléchir sur ce sujet est intéressant.

 

Citations

Début du roman

Je noue le « hachimaki » au couleur de notre Japon éternel autour de mon casque. J’ai effectué ce geste avec lenteur et solennité, sans pensées sans émotions. Le froid dans mes veines, le temps s’est arrêté, je suis une fleur de cerisier poussée par le vent.
Ai-je le choix ? Ai-je eu le choix il y a un mois, quand nous avons été réunis par les officiers au petit matin sur la base aéronautique ? Le soleil se levait, rond et rouge, l’image du drapeau impérial. Ils ont annoncé que notre escadrille se portait volontaire pour devenir des « Kikusui », des « chrysanthèmes flottants ». C’est le nom poétique donné au sacrifice d’un avion et de son pilote sur un navire ennemi. Pour être plus exact, ils nous ont demandé sans nous demander : « Ceux d’entre vous qui ne veulent pas donner leur vie pour notre grand empire nippon n’y seront pas forcés, qu’ils lèvent la main, ceux qui ne se sentent pas capables d’accepter cet honneur. Qu’ils lèvent la main maintenant ! »
Nous étions prêts. Personne n’aurait osé refuser la mission, aucun soldat japonais n’arrivera jamais à cette ignominie. Être volontaire est le devoir du combattant. Il n’est pas en son pouvoir d’agir autrement. Et nous n’avions qu’une envie, être à la hauteur. Celui qui aurait levé la main aurait été vu comme un traître. En réalité, mes camarades et moi étions tétanisée. À vingt et un ans, j’ai l’honneur d’accepter de mourir pour l’empire du Grand Japon. Je dissimule le vertige qui me saisit.

La philosophie de sa grand mère qui l’a élevé

Grand-mère cite le « bushido » comme la source de l’esprit de l’armée. Se comporter avec courage, droiture, bienveillance et politesse était le credo du samouraï. Ce combattant devait aussi mépriser la mort et choisir de se tuer dans certaines circonstances. Envisageant sa fin avec détachement, le guerrier devais choisir soigneusement le moment où ils allaient procéder au « seppuku », agir comme s’il n’était déjà plus de ce monde. Elle citait un « bushi » célèbre : « La rectitude est le pouvoir de prendre une résolution selon une certaine ligne de conduite conforme à la raison, sans hésitation – mourir quand il est bon de mourir, frapper quand il est bon de frapper. »

Phrase scandée en chœur par toute la classe

Monsieur le professeur, nous comprenons le rôle primordial de l’empire du Grand Japon dans la libération des pays d’Asie de l’Est. Notre mission consistera à rendre aux peuples asiatiques l’humanité que l’Occident a flétrie, nous les libérerons du poids de l’exploitation coloniale. Un jour, grâce à l’armée japonaise, les peuples vivront en paix, dans la concorde et le respect de leurs traditions.

 

 

Après « le ciel par dessus les toits » , et « Les rochers de poudre d’or » , voici ma troisième lecture d’Anna Appanah . Un véritable plaisir au début qui se termine par une déception. Ce roman raconte comment une femme écrivain a élevé seule sa fille Anna. Elle est le fruit d’un amour très fort, si fort que cette jeune femme n’a pas voulu entraver la liberté de son amant en lui annonçant qu’elle était enceinte. Sa fille ne sait rien de cet homme et imagine une rencontre rapide entre sa mère et un géniteur un peu au hasard. Elle a besoin de stabilité et fait un mariage très conventionnel. Pendant ces quelques jours de préparatifs, on sent toutes les tensions entre la mère et la fille. C’est très finement analysé , l’on comprend aussi que cette maman mauricienne mère d’une enfant au visage britannique a été parfois regardée avec curiosité, mais surtout il lui a fallu faire face et être là pour cette petite fille qu’elle aime tant. Elle vit souvent dans ses propres histoires : celles qu’elle a su si bien inventer pour ses lecteurs. Anna sa fille n’a qu’une crainte, que sa mère ne respecte pas les codes de bienséance pour son mariage. Et évidemment, Sonia, sa mère va transgresser : elle éprouvera une attirance irrésistible pour le père de son gendre (qui est divorcé, ce n’est pas totalement glauque !) et sa fille les surprendra dans le même lit ! Et c’est le reproche que j’ai fait à ce roman je n’ai pas réussi à croire qu’une mère aimante soit capable de faire ça sans penser à sa fille, pas ce jour là !

Je vous l’avez dit, cette fin a gâché ma lecture, dommage car jusque là j’étais vraiment bien dans cette fiction avec encore une fois sous la plume de cette écrivaine une grand finesse dans l’analyse des rapports humains.

 

Citations

Rapports mère fille

Anna m’appelle maman. J’aurais aimé qu’elle me donne un petit nom, quelque chose qu’elle aurait inventé pour moi, qui ne serait qu’à moi et si, par hasard, un jour, elle m’appelle alors que j’ai le dos tourné dans une grosse foule, si ce jour-là elle m’appelle à tue-tête de ce nom qu’elle m’aurait donné, je me retournerai, forcément, je saurai. Mais dans une foule, si quelqu’un crie maman, des centaines de femmes se retournent. Anna m’appelle maman, solennellement, gravement. Elle y met de la force, elle articule, elle fait des angles droits à ce mot-là, des falaises abruptes et des rochers affûtés en dessous, elle y met de la distance parfois, de la réprobation souvent. Elle me somme aussi, ai-je quelquefois l’impression, puisque je me raidis à ce mot-là. Une ou deux fois, au lieu de maman j’ai entendu madame et ça m’a rempli le cœur de larmes.

Chagrin d’une mère

Anna, ma fille, s’est éloignée de moi très jeune. Où est-ce moi qui ai fait le premier pas de côté à force d’être penchée sur des livres, de nourrir des familles entières dans la tête, de les aimer, de les faire grandir, de les tuer, de les triturer et à ma guise, peut-être dans ces moments-là, j’étais une mère distante, absente, faite de cendres et de fumée ?

(….)Je me suis dit que peut-être, elle ne m’aimait pas. C’est possible, cela arrive beaucoup plus souvent qu’on le pense, les enfants ne sont pas obligés d’aimer leurs parents.

Le bouquet du futur gendre

Les lys étaient droits comme des I, équilibre magique, plus rien de la fragilité de la douceur des fleurs, un boa en plumes blanches recouvrait le cou du vase- instrument et dans l’eau flottaient des paillettes blanches. Des jours plus tard, quand les lys se sont fanés et que j’ai essayé de les libérer de cette composition indescriptible , j’ai été saisie d’horreur en découvrant qu’ils étaient traversés par un fil de fer les maintenant jusqu’au pourrissement ultime, droit comme des militaires.

Que de remarques exactes dans ce court extrait

J’ai appris que l’expérience des autres n’a jamais servi à rien. D’ailleurs, on se demande bien si on apprend de sa propre expérience. 
On entend les gens dire des banalités, avoir de l’espoir ridicule, on sait qu’ils vont se casser la gueule sur la routine, que la vie à deux ce n’est pas cela, que les preuves d’amour c’est dans le quotidien, pas dans un nom qu’on porte, que l’amour c’est continuer à pardonner.

Chacun ses doudoux ! quand je trouve que le monde va mal et qu’un fond de tristesse m’envahit, je cours chez Sauveur Saint-Yves et pour moins de quarante cinq euros et un peu plus d’une heure de consultation, ce thérapeute me redonne confiance dans l’humain. Je sais que cette série d’adresse aux adolescents ce que je ne suis plus depuis si longtemps et que j’ai déjà fait deux billets à propos de cette série (sur le « un » et le « deux« ) . Mais la période est franchement pas folichonne et donc je régresse avec une joie non dissimulée. D’autant plus facilement que Noukette et Jérôme se sont ligués pour avoir trouvé chez cette auteure leur dose de réconfort. Ils parlaient de la saison 6 mais peu importe, on y trouve toujours de quoi sourire et s’attacher aux personnages. J’aurais peut être dû acheter la six , car j’ai été un tout petit peu déçue. Le premier et le deuxième tome m’avaient complètement séduite, là, je suis un peu restée en dehors des récits et même des personnages que je connais trop bien maintenant. Ce n’est qu’une légère critique pour un ado cela sera parfait mais pour la grand mère d’un ado, il lui en faut sans doute un peu plus pour soulever le morosité ambiante.

Citations

Un bon sourire au début

Donc, mademoiselle Louane, qui vivait alors à Austin, Texas, avait consulté un thérapeute réputé qui déterminait en quelques séances quel était votre animal de soutien émotionnel, celui qui vous aiderait à traverser les inévitables épreuves de la vie. Dans le cas de Louane c’était le hamster, ce qui était sans doute préférable à l’hippopotame.

La vie

On choisit sans savoir, Gabin. Qu’est-ce que je savais de la psychologie avant de commencer mes études ? Trois fois rien. Qu’est-ce que je savais de ce que serait ma vie de psychologue ? Absolument rien. Et la femme que j’ai épousée ? Je ne la connaissais pas. Et le mariage, c’est quoi avant que tu sois marié ? Tu ne sais pas. En fait, tu embarques sur un bateau et après tu t’arranges avec la vague et le vent. Quand tu arrives au port, tu t’aperçois que c’est le voyage qui t’a fait ce que tu es, c’est pas si mal.

Encore un bon sourire

– Je vais m’engager dans la marine. 
Rien ne permettait de savoir si Gabin était sérieux ou s’ils déconnait.
– Tu es déjà allé sur un bateau ? Questionna à son tour Lazare. 
– J’ai fait un stage de planche à voile quand j’avais 11 ans. 
– Ça n’a rien à voir, gloussa Alice.
– Le mono m’avait dit que j’avais le pied marin, répliqua Gabin. On ne m’a jamais fait d’autres compliments depuis. Il conclut très fermement : 
– Je pense que c’est une vocation.

 

Édition la Table Ronde

Après « les Forêts de Ravel » , « Deux Remords de Claude Monet« , ‘Le Bon Coeur » voici donc la suite du procès de Jeanne d’Arc : la victoire de Charles VII sur les Anglais et la révision du procès de Jeanne d’Arc. Encore une fois, cet auteur a su m’intéresser à une période que je connais mal. L’angle qu’il a choisi est passionnant, le roi va de victoire en victoire et reconquiert son royaume. Il met fin à la guerre de cent ans. C’est un roi négociateur et au lieu de pourchasser tous ceux qui l’ont trahi en s’alliant aux Bourbons ou aux Anglais, il les accueille dans le royaume de France. les populations vont donc se rallier plus facilement au roi de France. Mais il reste une tâche sur son « CV », il a été couronné à Reims grâce à Jeanne d’Arc. Comment lui le roi si pieux, pouvait-il devoir son couronnement une femme jugée par l’église pour hérésie ? C’est pour cette raison qu’il poussera à la révision de son procès pour démontrer que celui-ci n’avait été instruit que pour plaire aux Anglais. Soit, mais les potentats de l’église sont encore en place, ils sont même encore plus importants et le roi ne veut pas d’épuration … Peu importe, ils se tairont et Jeanne d’Arc pourra être lavée de tout soupçon d’hérésie. Intéressant comme l’est aussi le travail du peintre du peintre Jean Fouquet à qui l’on doit ce portrait du roi et de sa maîtresse :

Voyez vous dans ce portrait « un petit homme dans un grand roi » ?

 

 

Un livre fort intéressant, même si, à mon goût, on est trop dans les histoires des puissants et pas assez avec la population qui souffrent tant pendant ces conflits armés. On peut espérer qu’après cette guerre qui n’en finissait pas la France connaîtra une période de prospérité. Avant d’autres guerres, des croisades et des guerres de religion….

 

Citations

L’importance d’être pucelle

Trois jours avant, mercredi 9 mai, deux bourreaux avaient présenté à l’accusé les instruments de torture, la roue, les chaînes, les pinces, dans une salle basse du donjon du château. En la terrorisant, on voulait lui faire avouer ce qu’elle taisait obstinément, les révélations reçues à Domrémy. Elle avait tenu bon, ce qui avait beaucoup impressionné les assistants. Plus tard, après réflexion et hors sa présence, avait été débattue et mise aux voies l’opportunité de la soumettre effectivement à la torture. C’était assez rare, surtout pour une femme, pucelle par surcroît.

Il y avait donc une flèche sur la cathédrale de Paris en 1429

Jeanne avait eu la cuisse transpercé d’un trait d’arbalète dans l’assaut raté du 8 septembre 1429. L’arbalétrier était un soldat de Jean Villiers de l’Isle-Adam, capitaine bourguignon réputé pour sa propension aux tueries, viols et rapines. Il trottait maintenant à ses côtés. Après un service funèbre à la mémoire de son père dans l’église Saint-Martin des Champs, Charles VII avait solennellement répété le serment des rois de France au retour du sacre, sous la flèche de la cathédrale Notre-Dame bondée.

Les armées royales rentrent dans Rouen

Sur tous s’étendait la généreuse amnistie royale. On le croyait. Son armée était précédée d’une réputation favorable. Depuis qu’elle avait été réorganisée en force permanente, régulièrement rémunérée, sa tenue faisait contraste avec les mauvaises habitudes des Anglais. Les mangeurs de viande bouillie continuaient d’être rétribués par le pillage. Disciplinés au combat, ils se comportaient en soudards le reste du temps. Par précaution, Dunois avait quand même laissé le gros de l’armée hors les murs. Les éléments qui défilaient avait été choisi pour leur mérite, une grande partie était les Écossais, les préféré du roi. Il y avait aussi des mercenaires italiens. Des hommes d’armes fermaient la marche derrière la bannière royale où, sur fond de satin cramoisi, on voyait Saint-Michel, le soleil et les étoiles. Tous, gens et bêtes, marchaient vers la cathédrale.

Agnes Sorel

Il avait quitté sa maîtresse enceinte ; elle devait être maintenant dans le septième mois de sa grossesse. C’était folie d’avoir entrepris ce long voyage dans cet état et en plein hiver, si humide et quinteux en Normandie. Il était malgré tout heureux de la revoir. Il avait regretté quelle ne fût pas à ses côtés dans Rouen. Elle était sa maîtresse depuis sept ans, pourtant son charme continuait d’agir. Elle lui manquait. La liaison avait commencé à Toulouse, en février 1443, après qu’il avait remarqué cette blonde de dix neuf ans à l’extraordinaire beauté parmi les suivantes d’Isabelle de Lorraine, épouse de René II, duc d’Anjou. Elle avait maintenant trois enfants de lui, ce serait le quatrième . Dès qu’elle fut rassurée de ses sentiments, elle l’encouragea à poursuivre la reconquête. En riant, elle menaçait de se refuser à lui s’il réservait sa vaillance à leur couche.

Le tableau d Agnès Sorel

Le génie de l’artiste n’était pas surestimé. La ressemblance était parfaite. Sa blondeur, l’éblouissante pureté de sa peau blanche, le brillant de ses yeux bleus, ses lèvres délicatement renflées au dessin parfait, jusqu’à la palpitation de l’air autour d’elle étaient admirables. Il n’avait jamais vu une aussi belle peinture. Il aurait presque regretté de ne pouvoir l’exposer à l’admiration générale. Mais si d’aventure il en avait eu l’intention, ce qu’il voyait l’aurait interdit. Jean Fouquet avait représenté Agnès le corsage délacé, le sein gauche entièrement dégagé.

Les façons de résoudre les conflits épargnent souvent les puissants

L’absence de coopération du haut clergé de Rouen ne le surprit aucunement. Pour contraindre ses responsables à livrer leur témoignage il eût fallu une intervention directe et personnelle du roi lui-même auprès d’eux. Ces premières informations, bien qu’inabouties, révélaient suffisamment la forte implication de l’Université de Paris dans la condamnation de la Pucelle. Elle indiquait aussi que beaucoup de ses responsables étaient toujours en activité et occupaient les fonctions élevées dans la hiérarchie de l’église. La mort de Cauchon masquait une réalité de l’accélération subite des temps dissimulait ; beaucoup d’hommes clés du procès étaient encore vivants et décidés à défendre leur position actuelle en même temps que leurs actions passées.

Le mont saint Michel

Son frère, Louis, avec une centaine d’hommes d’armes, quelques archers et les molosses qui montaient la garde aux créneaux, avait vaillamment défendu le Mont-Saint-Michel contre les Anglais pendant dix huit années. Jamais, grâce à ce capitaine normand intraitable et à quelques autres, la prière du sublime rocher ne s’était élevée vers Dieu dans une autre langue que le latin ou le français

Petitesse de Charles VII

Charles VII n’était pas venu à Rouen pour assister à la proclamation de l’arrêt annulant la condamnation de Jeanne, fille de Jacques d’Arc et d’Isabelle Rommée , par l’archevêque de Reims, dans le palais archiépiscopal, le matin du 7 juillet 1456. Quel geste pour l’histoire s’il avait écouté ce qu’on lui conseillait. Jusqu’au bout, il fut un petit homme dans un grand roi.

Édition Robert Laffont

Si, comme moi, vous avez gardé, grâce à vos cours sur l’antiquité grecque, une image assez positive de cette période de l’histoire, avec, peut-être une petite préférence pour Spartes qui semblait plus guerrière et plus héroïque qu’Athènes, lisez vite ce roman , cela vous redonnera des idées un peu moins romantiques de la réalité spartiate . Bien sûr, vous vous souvenez de cet enfant spartiate qui avait préféré se faire dévorer les entrailles par un petit renardeau plutôt que d’avouer qu’il le cachait sous sa tunique. Mais si c’est votre seul souvenir, je vous promets quelques découvertes bien au-delà de cette anecdote. Si les Spartiates étaient invincibles, ils le doivent à des pratiques très particulières. Dès la naissance, à la moindre « tare », on éliminait les bébés, mais cela ne suffisait pas, vers deux ans on présentait l’enfant à un conseil de sages qui jetait dans un précipice tout enfant un peu bossu, ou ayant des jambes tordues ou qui semblait ne pas bien voir, ne pas entendre correctement, ou déficient intellectuellement … À contrario, tous les ans on pratiquait la nuit de la Cryptie, c’est à dire que durant une nuit entière les citoyens de Spartes avaient le droit de tuer tous les Hilotes (c’est à dire leurs esclaves) qu’ils voulaient . Si j’ai dit « à contrario » c’est que cette fois les Spartiates choisissaient de préférence les hilotes les plus courageux et les plus intelligents de façon à tenir en respect une population beaucoup, beaucoup plus nombreuse qu’eux. Jean-François Kervéan sait nous faire revivre ces meurtres avec force détails, j’ai rapidement été submergée par une impression de dégoût . Comment cette antiquité grecque qui était pour moi un bon souvenir a pu générer autant d’horreurs ? La partie consacrée à la formation du jeune Spartiate (Agogée) est de loin ce qui m’a le plus intéressée, car pour ceux qui ont survécu à la naissance puis à la présentation, il reste une épreuve , celle de « L’Errance ». Avant de devenir adulte un jeune doit rester une année entière à survivre dans la nature sans l’aide de quiconque. Il doit chasser et se nourrir de ce que la nature peut lui offrir à moins qu’il soit lui-même la proie de prédateurs plus forts que lui. Ensuite, il sera citoyen de Spartes et fera partie de l’armée invincible. L’organisation de la vie de la cité est aussi originale et plus sympathique. Tous les Spartiates sont égaux et ont tous les mêmes droits. Bien sûr, il y a les esclaves pris dans les populations vaincues et asservies mais sinon l’égalité est parfaite. Il y a deux corps de dirigeants les « gérontes » des hommes âgés qui resteront jusqu’à leur mort dans une fonction de conseil et cinq « éphores » élu pour un an au sein de l’assemblée. Tous les Spartiates peuvent appartenir à l’assemblée et y prendre la parole. Le roi n’a pas plus d’importance qu’un autre citoyen. Le roman se situe lors des guerres Médiques contre le roi de Perse, Xerxès 1°. La description de l’opposition entre les deux civilisations et de la guerre m’a moins passionnée. Et puis, il est grand temps que je parle du style de cet auteur. Je ne comprends pas toujours le pourquoi de ses formules. Je sens bien qu’il a voulu désacraliser une certaine représentations de l’antiquité grecque mais parfois, je ne le suis pas dans ses descriptions de héros presque toujours ivres ou drogués qui pètent et « s’enculent  » à qui mieux mieux . Cette réserve ne m’a empêchée d’apprécier toutes les réflexions qui sous-tendent ce projet de livre :

  • Pourquoi finalement c’est la royauté qui a perduré pendant deux millénaires et pas la démocratie,
  • Pourquoi toutes les tyrannies ont-elles adulé Spartes ?
  • Est ce que ce système pouvait durer ?
  • Pourquoi les sentiments ne sont pas compatibles dans un tel système.

Mes réserves viennent du style de l’auteur mais je suis ravie d’avoir lu ce roman car j’ai vraiment beaucoup appris sur cette période et surtout corrigé beaucoup d’idées fausses .

 

Citations

 

Les Spartiates

Cet hiver-là fut dur, mais les Spartiates ne craignent pas le froid, la fin, le deuil -ce peuple n’a peur de rien. Chez eux, lorsque le vent cingle depuis les crêtes du Mont Parnon, personne ne couvre ses épaules d’une fourrure, tu te pèles et au bout d’un moment, en vertu du stoïcisme, tu ne te pèles plus.

 

Le petit déjeuner spartiate

Son ventre criait famine, elle avala deux yaourts, un boudin avec une galette à la sarriette.

 

La Sélection

Les enfants avancent au centre, accrochés à la tunique de leur mère, les père ne sont jamais présents. De part et d’autre se postent gérontes, éphores et commandants, chacun scrutant le groupe selon ses critères : les militaires jugent des morphologies, les dignitaires des comportements tous à la recherche de la mauvaise graine qui poussera de travers. Le branle du boiteux, la bosse du bossu, le débile ou la naine, toutes les cécités, les anomalies ayant pu échapper à l’examen de la première heure. Retenus depuis des jours à l’intérieur, les enfants exultent en plein air, leurs ébats et la lumière à plomb de midi révèlent mieux les tares de quelques déficients. Arrivés face au ravin, les autorités rendent leur verdict et les soldats balancent les indésirables du haut du précipice, scène qui grave à jamais dans le regard des autres la grandeur d’une société ou la gloire coule du sacrifice comme la rosée des aurores.

Encore une coutume sympathique : la Cryptie

Tous les ilotes, les esclaves sans exception sont aussi la cryptie- du verbe « cacher, se cacher ».
 la lumière du soir rase la campagne, tu es Spartiate. Quand l’aiguille du cadran solaire indique la dix-huitième heure ou que la trompe retentit du Temple, tu peux tuer tous les ilotes que tu vois de tes yeux, n’importe, en particulier ou au hasard, de tous âges, en déambulant ou en allant fouiller leur cabane, les fossés, les sous-bois, comme tu veux. La Cryptie n’est pas la guerre. Le nom de « Jour de guerre contre les ilotes » inventé plus tard par Plutarque n’est pas bon. À partir de la dix-huitième heure jusqu’à la dernière avant l’aube, beaucoup d’ilotes ne bougent pas de la place où ils sont, de l’arène de leur condition où vont surgir les fauves. D’autres emmènent leurs femmes leurs enfants se terrer le plus loin possible. Après avoir lâché ton outils, tu te sauves mais il n’y a pas d’abri. Les Spartiates ne hurlent pas, ne t’insultent pas en principe, les Spartiates donne la mort. Partout. En bande sanglante ou seul à seul.

Humour

Quand le Sénat l’envoie batailler au nord, il en profite pour aller soutenir son ami Isagoras, tyran d’Athènes, contre son peuple en rébellion. C’est un fou de guerre, un ivrogne – personne ne souligne jamais le rôle capital de l’alcoolisme dans l’Histoire de l’Humanité.

L’idéal de Sparte

L’espèce humaine est argileuse, malléable. Tout est mou chez l’homme, à part le squelette. Telle était la pensée de Sparte. À l’état de lui donner de la consistance, de forger, ciseler sa nature. Les plaisirs, les ou l’étude n’affirment pas un individu, seuls les gnons, l’endurance, l’adversité, toutes ces épreuves qui le menacent de n’être plus rien, le font entrer dans l’action d’où jaillit son destin.

Le style qui a fini par me lasser

La jeune princesse de Sparte se consola entre les bras solides de son époux, encore marqué par les stigmates de l’assassinat, on ne s’étonnera pas après ça que la reine Gorgô soit devenue parmi les premières féministes de l’humanité. Nul ne douta du récit de la mort héroïque de son père ni ne soupçonna le régicide perpétré par deux bourrins aussi bourrés que Cléomène. Plus étonnant encore, à la fin de cette journée où Sparte entra dans le simulacre officiel et renoua avec les Mythes, le conseiller Hypocoo fut élu au Directoire des éphores : le conseiller diplomatique passait ministre chargé des Affaires extérieures, acclamé de tous les Égaux sur l’agora, bien chauffés par les trente Gérontes. Quant aux jeunes frères du défunt automutilé, prince sans réputation, il fut désigné monarque à l’unanimité du Sénat lacédémonien sous le nom de Léonidas Ier. Seul Aphranax Cartas tirait la gueule. L’Histoire se détournait de lui. A dix pas, en revanche, sa mère participait à la liesse. L’éphore fraîchement élu était son ami, et le nouveau roi son amant. Son fils n’était pas prêt d’intégrer la garde royale des 300.
Le Destin de Léonidas vient de s’ébranler en même temps que l’Ère classique. Vers où ? Un gouffre, un triomphe, une marque de chocolat ? C’est ce qu’on appelle tout simplement : la suite.

La mort et la vieillesse

Quel retour des choses signifie la maladie sinon que souffrir et naturel et qu’on finit non seulement vaincu mais privé des joies de son existence ?

Le deuil et le veuvage

Ne pas être aller se recueillir depuis longtemps sur la tombe d’Artys lui manquait, le deuil génère une addiction au chagrin, bulle de souvenirs moelleux où le temps ne circule plus.

Réflexion

Pendant les cinq cents ans que durera la civilisation grecque, la terre, les ressources, les hivers ne furent pas plus facile ni cléments que durant les siècles suivants. Pourtant leurs annales évoquent rarement une famine. Chez les Grecs, si imparfaits, on pouvait manquer, avoir le ventre vide mais pas au point d’en mourir au porte de ceux qui mangent. Au temps modernes, famine et malnutrition furent la première cause de mortalité dans les royaumes d’Occident. Les victimes se chiffraient encore par millions dans l’Europe fertile du XVIIe siècle. L’espérance et la qualité de vie d’un forgeron sous Périclès était supérieure à celle d’un artisan du Val de Loire sous François 1er, deux mille ans plus tard. Pourquoi ? On ne sait pas.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Seuil

Un essai ? un roman ? ce qui est sûr c’est que cette lecture a été un peu difficile dans le cadre du club de lecture parce qu’il faut l’avaler en quelques jours et que cette oeuvre ne s’y prête guère elle conviendrait mieux à la flânerie littéraire qui permettrait au lecteur de réaliser le vœu de Bernard Chambaz :

Aux morts pour qu’ils vivent. Aux vivants pour qu’ils aiment

Cette citation extraite de l’oeuvre de Joseph Delteil « les poilus », est le fil conducteur de ce roman, les vivants, dans le texte, ils sont deux, les parents de Martin né en 1976 et on peut aussi y rajouter nous, lecteurs et lectrices. Les morts ils sont très nombreux en dehors des deux principaux Jack London mort en 1916 et Martin mort à 16 ans en 1992, il y a aussi la famille quelque peu compliquée de Jack London et tous les écrivains que Bernard Chambaz convoque dans ce voyage qui retrace un itinéraire possible pour mieux connaître l’auteur, entre autre, de Martin Eden . Le livre se divise en chapitres qui sont autant de lieux évoquant la vie du grand écrivain qui, parfois, dialogue avec Martin, et que l’auteur visite avec son épouse. Je pense que si on ne connaît pas l’œuvre de cet auteur extraordinaire qui s’est battu contre tant d’injustices et qui a produit un nombre d’écrits incroyables, on ne peut pas apprécier ce livre. Beaucoup de gens se sont emparés de sa vie car elle se prête aux scandales et aux révélations sulfureuses même sa propre famille y est allée de différentes versions, comme souvent dans ce cas le plus intéressant et sans doute le plus proche de lui est dans ses livres. Je me souviens bien de ma lecture de Martin Eden, c’est un livre que j’ai lu et relu je crois qu’une grande part de lui est dans ce roman. Cela m’a donné envie de relire les livres qui ont enchanté mon enfance comme « l’appel de la forêt » et « Croc blanc » je ne sais pas si les jeunes d’aujourd’hui pourraient être sensibles à ces histoires, eux qui peuvent regarder de si nombreux documentaires animaliers de si grande qualité. Jack London est un écrivain de qualité et un homme privé médiocre, comme le prouve les lettres à ses filles dont l’auteur dit qu’il aurait aimé en faire un grand feu de joie tellement il y apparaît comme mesquin. J’ai retrouvé dans ce livre l’engagement de l’auteur face à la misère du monde capitaliste et la fluctuation de sa pensée politique. C’est souvent le cas lorsqu’un homme connaît la misère populaire, il sait souvent très bien décrire d’où il vient mais quand lui-même atteint un niveau de vie très confortable grâce à ses écrits sa mauvaise conscience le taraude et peut le conduire à des positions paradoxales.

Je ne suis pas enthousiaste pour ce livre, parce que je me suis souvent perdue dans les différents point de vue des chapitres : étions nous avec l’auteur et son amoureuse ? avec leur fils, avec Jack London ? et surtout je n’ai pas compris le dialogue entre Martin et Jack . Est-ce-que cela a enrichi pour l’auteur la connaissance de son fils ? et j’avoue que les constantes allusions aux signes astrologiques me laissent perplexe.

Toutes ces réserves viennent aussi, sans doute, du fait que j’ai lu trop rapidement ce livre pour le rendre au club et avoir l’avis des autres lectrices. et pourtant dans ce livre j’ai lu cette phrase qui me touche beaucoup :

Nous sommes aussi, un peu, les livres que nous avons lus.

 

Citations

 

Une mère au caractère sans tendresse.

Toute sa vie, il restera animé par des sentiments contradictoires, partagé entre l’affection naturelle qu’il porte à sa mère et l’irritation instinctive que ses réactions provoquent (…… )
On garde au fond du cœur des épisodes cuisants auxquels nous donnons, quelquefois, trop de relief. Le plus lancinant quand il y repense n’est pas que sa mère ne lui ait dispensé aucune tendresse, c’est son comportement lors de l’épidémie de diphtérie ou une fièvre carabinée faillit les emporter, sa demi-sœur et lui. Ce jour-là, Flora demanda au médecin si elle pouvait les enterrer dans le même cercueil.

L’enfance de Jack London

Il n’y a pas que les livres dans la vie. Dès ses huit ans, Jack doit gagner sa vie ou plutôt contribuer au budget familial, débitant des pains de glace l’été, balayant les pistes d’un bowling le weekend, livreur de journaux, à pied d’ œuvre pour l’édition du matin et pour l’édition du soir, la nuit noire l’hiver, avant et après la journée d’école où il s’est davantage ennuyé qu’il n’a appris.

Ce qui rend difficile le livre : mélange des époques et des lieux

Icefields Parkway -ou la promenade des Glaciers- longe depuis Jasper la rivière Athabasca. En langue crie, on entend tantôt l’herbe éparse tantôt les roseaux que les champs de glace prodiguent à la saison estivale.

Défense de l’assassin du président Garfield

À son procès, l’assassin ne plaida pas la folie mais la volonté de Dieu dont il était l’instrument, convaincu qu’il serait à ce titre innocenté, assurant sa défense avec des arguments spécieux :  » Ce sont les médecins qui l’ont tué. J’ai seulement tiré . »

Londres en 1900…

Avant même d’arriver au cœur des ténèbres, sa première impression de la capitale mondiale et d’une « abjecte pauvreté » bientôt « sans limite ». Jack est saisie par la vision des vieux et des enfants fouillant les ordures dans la boue. …. 
 Dormir est un méchant casse-tête, que ce soit dans une pièce insalubre où s’entassent plusieurs familles, chez des marchands de sommeil qui louent très cher des lits occupés par roulement, dans des logements exigus, sordides des taudis, des galetas, des tanières, parfois sans fenêtre, presque toujours sans lumière.

Une histoire qui lui servira dans ses nouvelles

Un vieux marin lui rapporte son histoire et le hasard une fois encore fait que c’est une histoire pour Jack. Le vieux avait donc frappé un lieutenant qu’il avait insulté, le lieutenant était tombé à la mer, il avait sauté dans l’eau par réflexe, mais j’aurais mieux fait de nous noyer tous les deux, crois-moi, un canot les avais repêchés, on l’avait traduit devant un tribunal, on lui avait enlevé la Victoria Cross gagnée sur les champs de bataille au bord de la mer Noire pour les beaux yeux de la reine, et il conclut d’une voix ferme, laissant Jack sans voix. : « Ne te laisse pas vieillir, mon petit ! Meurs quand tu es encore jeune ! »

Jack en époux

Alors que Bess est enceinte, qu’elle se coltine les tâches ménagères et tape à la machine ses manuscrits, il continue de faire du vélo, boxer, nager, sortir au club avec ses copains, animer des réunions publiques où il retrouve Anna.

 

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition de l’Olivier

J’ai été très touchée par ce roman car tout est en nuances ce qui n’enlève aucune profondeur au propos. Une écrivaine qui est proche de la personnalité de Fanny Chiarello , d’ailleurs c’est sans doute elle-même ou du moins une des ses facettes, aperçoit une jeune joggeuse dans un quartier populaire du bassin minier. Elle en fait une photo car elle est très attirée par elle. Puis, elle lui écrit ce roman où elle imagine sa vie. Une vie qu’elle connaît bien car elle est elle même issue du même milieu. Ainsi dans ce dialogue avec Sarah, elle révèle aux lecteurs et lectrices que nous sommes, à quel point c’est douloureux de se sentir différente dans ses orientations sexuelles, alors que tout dans la société vous pousse à être normal, c’est à dire attirée par des garçons. Est-ce plus difficile dans ce milieu que dans la bourgeoisie, je n’en sais trop rien ? Je sais depuis Edouard Louis, que cette différence peut conduire à des réactions très violentes. Je pense que dans des familles catholiques conservatrices ou musulmanes, peu importe l’origine sociale, cela doit être très douloureux pour la jeune adolescente. Dans ce livre, la famille de Sarah n’est pas caricaturée, même si la mère est intrusive et pense qu’elle a le pouvoir de remettre sa fille dans « le droit chemin » , elle le fait certainement par amour et par par peur des malheurs que peut engendrer l’aveu de l’homosexualité. Tout en étant une mère qui essaie de bien faire elle est d’une rare violence pour la jeune adolescente qui se cherche et ne voudrait rencontrer que douceur et compréhension. J’ai trouvé la construction romanesque intéressante et les sentiments de la jeune fille très bien décrits. En revanche, j’ai trouvé un peu convenues et sans originalité les remarques sur la langue française et différents passages obligés sur les différences entre l’homosexualité et l’hétérosexualité. À la fin du livre, quand je l’ai refermé et laissé mûrir dans mes pensées, je me suis dit que c’était déjà compliqué d’être adolescente, encore plus, sans doute quand on vient d’un milieu dont on n’épouse pas les codes mais quand, en plus, on se sent juger pour ses émois sexuels alors cela doit devenir proche de la cruauté ce qui peut pousser suicide ou au moins au repliement sur soi. Je me suis demandée si Sarah n’allait pas devenir anorexique, tant les moments à table où elle sent le regard de chacun la scruter, la juger et enfin la condamner sont pénibles pour elle.

PS . Je suis très contente d’avoir lu et apprécié un roman de cette auteure qui m’avait tellement ennuyée dans le précédent « Une faiblesse de Carlotta Delmont »

 

 

Citations

 

Détail bien vu

Son jean taille haute est si moulant que , quand elle glisse son téléphone dans la poche arrière , on pourrait taper un message à travers la toile .

Une homosexualité discrète

Quand tu entends Lou faire bruyamment étalage de ses attirance, tu es mal à l’aise pour elle. Ni plus ni moins que tu ne le serais si elle se jetait sur des garçons. Tu ne comprends pas les gens qui se donnent en spectacle, toi qui place l’intimité en tête des luxes possibles et y aspire de toutes tes forces.

Être végétarienne

 Tu as plaidé pour le droit d’être végétarienne mais ta mère a répondu qu’il était de sa responsabilité de t’assurer une croissance normale. Tu as alors tenté de démontrer qu’une croissance normale ne passait pas nécessairement par la consommation de viande ; pour étayer tes propos tu as imprimé quelques articles qui l’expliquaient mais ta mère a estimé avoir plus de bon sens que les scientifiques.

Je comprends

La plupart des gens trouvent les érudits passionnant, mais moi, ils me dépriment. Quand je suis amenée à en écouter (ce qui signifie que je suis tombée dans un guet-apens), je délaisse très vite le contenu de leur discours pour me concentrer sur sa forme, sa longueur, son rythme, son lexique, je l’observe comme une pathologie un peu triste.