Édition Babel Acte Sud

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Ce mois de janvier 2024,le thème du club de lecture, autour des photos, permet à la bibliothécaire de ressortir des romans peu lus et pourtant intéressants. Cette écrivaine Anne-Marie Garat, a été récompensée par des prix littéraires et a connu un succès certain mais pas tellement pour ce roman. Spécialiste de l’image, elle rend hommage aux artistes de la photographie et dans ce roman, elle cherche à faire comprendre le poids de la photo pour celui qui la prend comme pour celui qui la regarde. Évidemment, en 1990, quand elle écrit ce roman, on en est au début du numérique, la photo d’art aujourd’hui existe-t-elle encore ? De toute façon la photographe professionnelle qui est décrite vit en 1986, elle prend donc des photos avec des pellicules et les tire elle-même avec les procédés argentique. Tout le roman tourne autour d’une famille de la région de Blois, qui possède une belle propriété, et le personnage important c’est une certaine Constance, mère de Madeleine (qui fête ses 96 an en 1986), et de Romain qui mourra en 1914, victime de la guerre alors qu’il n’a pas combattu : il est tombé et ne s’est jamais relevé !.
Tout est vraiment bizarre dans cette famille, Constance avait 14 ans en 1885 quand un juge lui a parlé gentiment. Elle déclare qu’il va l’épouser. À partir de là tout va dérailler, elle n’épousera pas le juge mais elle fera tout pour que son fils le devienne (juge !). Elle aura deux filles dont elle ne s’occupe absolument pas, trouvera une technique pour avorter de tous les bébés que son mari lui fera à chaque retour de voyage sauf de ce petit garçon qu’elle aimera d’un amour fusionnel. Celui-ci a une passion prendre des photos de sa maison au même endroit tous les ans. Constance a deux sœurs et Madeleine la plus jeune élèvera son petit neveu Jorge qui est amoureux de Milena la photographe professionnelle. Elle même vient d’un pays communiste et ses parents ne veulent pas lui raconter leur fuite. Fuite qui l’a beaucoup marquée. Ses parents ont été des ouvriers exploités, sa mère en usine et elle mourra d’une infection causée par un outil de l’usine, son père n’a pratiquement pas de retraite car il n’a pas été déclaré correctement. Jorge est le fils de Thérèse, la petite fille de Constance, et elle a sauvé un enfant juif pendants la guerre. Toutes les histoires se mêlent car l’auteure ne respecte pas la chronologie et il y a de quoi se perdre. Je trouve que l’auteur a voulu parler de tous les faits de société qui sont importants pour elle, et l’ont révoltée mais c’est trop touffu : la condition des femmes du début du siècle, la guerre de 14/18, la femme bourgeoisie qui s’ennuie en province, les enfants juifs cachés, l’exploitation des ouvriers, la condition sociale des émigrés, et la création artistique à travers la photographie. (et j’en oublie)

Le livre tient surtout pour son style, Anne-Marie Garat aime faire ressentir l’angoisse et les situations tendues à l’extrême, elle a un style très recherché parfois trop, et, même dans ses phrases, on peut se perdre.

Extraits

Début.

 Constance a rencontré le juge un dimanche de juin dans le parc de Mme Seuvert. Elle a quinze ans à peine et remplit sans effort apparent, avec l’indolence charmante, un peu froide avec la complaisance appliquée des jeunes filles d’alors son rôle de figurante dans les visites de voisinage.

Un portrait (et un peu d’humour , c’est rare).

 Et puis maigre, très propre, toute lustrée de deuil soyeux, et le front encore jeune et perdu sous sa mantille de dentelle noire armée par coquetterie de la canne à pommeau de feu Seuvert ; la figure fraîche, rose de joue, l’œil comme un grand café et l’oreille très fine, affectant un air de complaisance détachée, d’indulgente ignorance pour les liens et les plans qui se trament chez elle.

La vieille dame de 96 ans.

 « Alors tu es venue juste pour me souhaiter mon anniversaire. Tu fais bien, c’est le dernier. Je dis ça tous les ans, remarque. Je finirai par avoir raison. »

J’ai du mal avec ce genre de phrases poétiques (sans doute) mais que je ne comprends pas !

 Elle a froid , elle a mal au ventre, là où sont entrées les photographies, comme d’une déchirure froide. Elle a mal des images qui se fixent lentement dans sa chambre noire.

Les ronces.

 Le roncier semble inerte, cependant il est mû d’une puissance de guerre souveraine qui arme les rameaux d’épines redoutables, les allonge et les déploie en tous sens, hors de toute logique, dans une ignorance insultante de son désir enfantin. Planté là, le roncier pousse. Il puise dans la terre noire sa force vitale, sa méchanceté native. Il dresse devant l’enfant le mur de sauvagerie incompréhensible, la vésanie* hostile, insensée des choses qui existent. Indépendantes, naturelles. Indestructibles, insensibles, qui le rejettent à sa solitude impuissante.
(vésanie* veut dire folie)

L’importance du titre.

 Rendue à ce seuil, elle se souvient d’une image de porte noire ouverte sur les cris, l’indicible souffrance. Celle dont ni le père ni la mère ne révèlent ce qu’on trouve au delà. Parce que chacun a sa chambre noire. Apprends à y entrer, jusqu’au plus profond de son obscurité. Dans une totale solitude à en admettre l’obscurité. À y survivre.


Édition La Martinière

 

Les hommes de notre famille ont toujours été des salauds, de magnifiques salauds. 

 

Un récit de retour vers les souvenirs d’enfance de la narratrice (sans doute très proche de l’auteure) . Son enfance est marquée par l’origine russe de son père. Au début, on pense à un récit léger et nostalgique mais hélas la violence alcoolisée de son père donne une dimension dramatique à ce récit.

Le charme de ce roman vient du style de l’écrivaine, il est léger et drôle sauf quand la violence s’installe. Les souvenirs de la Russie sont entretenus par une grand mère qui se souvient de sa fuite de son paradis du temps où sa famille de la noblesse vivait à Saint Pétersbourg. Le plus amusant, c’est la façon dont le père de cette grand mère a gardé les comportements des nobles russes : en arrivant en France il a dépensé sans compter pour faire la fête et cela, jusqu’au dernier centime de la fortune familiale.

Le fils de cette grand-mère est le père de la narratrice, sa vie a rencontré la violence et l’alcool, les trois enfants se sont enfuis de cet univers morbide. On le comprend facilement, il n’empêche que la narratrice veut revoir une dernière fois la maison des vacances où elle a été si heureuse.
Un roman bien écrit une langue moderne qui sert bien le propos de cette écrivaine. C’est un peu léger mais c’est voulu le ton ne devient dramatique qu’à certains moments, la violence de son père, la mort de sa grand mère tant aimée.

 

Extraits

Elle retrouve son père.

 Je suis à présent une vieille petite fille qu’il pourrait enfin prendre dans ses bras mais c’est trop tard, nous n’avons jamais su. La seul chose que nous somme capables de faire, c’est de nous asseoir l’un à côté de l’autre dans la voiture (ça va ? me dit-il après vingt ans d’absence …) et de rouler dans la garrigue fenêtres ouvertes pour allez une dernière fois ensemble dans la Maison blanche aux volets clos.

Son père.

 Ma sœur mon frère et moi savions bien que ma mère lui avait tout imposé, la maison, le chien, Noël, les saisons, et les choses à prévoir.
 Peut-être que nous aussi, elle nous avait imposés ? Parfois j’en avais la sensation.
– Mais je croyais que les enfants, il faut les désirer à deux ? demandai-je à ma sœur, le soir, quand nous discutions serrées l’une contre l’autre sous les couettes.
– Tu parles ! répondait-elle. Il y a des femmes qui mettre comme cela le grappin sur des hommes.
– Le grappin ? comme pour les bateaux de pirates ?
– Oui, un peu comme ça, si tu veux  ! disait-elle en riant. Une sorte d’arbordage , !

Son grand père et l’argent.

 Il était parti de Saint-Pétersbourg en laissant toute son histoire mais il a eu le temps d’emporter une petite statue de Pouchkine un buste, qu’il m’offrit ce jour-là.
– Tiens Ptit’sa. C’est pour toi. Comme cela tu n’oublieras jamais d’où nous venons. Et sache bien que l’argent n’a aucune importance, crois moi je peux te le dire ! L’argent est une chose fragile, qui va et vient et s’épuise. Sois riche de mille autres choses ma chérie, c’est ce que t’enseigneras cette statue. Ne te laisse jamais engourdir. Souviens-toi de notre histoire et des chemins que la vie peut parfois prendre …

L’alcool.

Quand les hommes se mettent à boire, ils le font avec ceux qui passent et qu’ils ne voient même pas. Ce ne sont que des fausses amitiés, des gorges ouvertes sur le vide. Quand les hommes se mettent à boire, ils commencent à plusieurs mais finissent toujours seuls.

Une mère battue.

Les hurlements d’une mère sont une des rares choses qui vous détruisent définitivement de l’intérieur. C’est irréparable. 

 


Édition Points

 

Le foot n’est pas une option. Le latin. Le grec, sont des options. Le foot c’est obligé. Si tu es un garçon. 

 

Il est des livres qui donnent immédiatement envie de lire tout ce qu’a écrit l’auteur. Pourquoi ? parce que j’ai lu avec un tel regret la dernière phrase du livre qui pourtant est une fin superbe à ce récit. Je sais que je peux relire encore une fois la trajectoire de ce personnage qui réalisera un de ses plus grands rêves : voir une fille à poil ! Mais j’aimerais aussi découvrir ce qu’il a écrit d’autre, pour voir si je retrouve le même plaisir.

Tout m’a plu dans ce récit , la naïveté de l’enfance, l’incompréhension du monde des adultes en particulier celui de ses parents, ses questions sur l’existence de Dieu, puis le mal-être de l’adolescence, son inadéquation au système scolaire.
Cet enfant, fils donc d’un professeur de lycée, sent que sa mère va mal, elle est souvent triste, et son père va passer du statut du Dieu qui sait tout à celui du père dépassé qui ne comprend pas ce fils qui lui même ne sait plus très bien ce qu’il veut. La naissance de son petit frère est compliqué pour lui, car il semble réussir là où lui ne fait que se poser des questions.
Une question qui revient à plusieurs reprises dans ce roman : Pourquoi Dieu a-t-il demandé à Abraham de tuer son fils ? Est ce que son père l’aurait, lui aussi, sacrifié si Dieu le lui demandait ?

Tout aussi important ou presque, comment devenir bon au foot, car à Saint-Étienne dans ces années là, le foot « ce n’était pas une option », c’est lui qui le dit. Il va y arriver, il va réussir aussi à ne plus croire en Dieu mais surtout il va réussir à approcher une fille, la plus belle du monde, même si elle ne porte pas de porte-jarretelles. Elle va surpasser les images de la Redoute et c’est tant mieux pour lui !

Évidemment, un tel roman ne tient que par le style : cet auteur est à la fois drôle et tendre et il sait raconter aussi bien l’insouciance de l’enfance que les tourments de l’adolescences. Je conseille à tous ceux (et à toutes celles) qui se sont ennuyés à 17 ans dans une ville de province, de lire les déambulations du personnage dans les rues de Saint -Étienne, je serai bien surprise qu’ils ne s’y reconnaissent pas.

 

 

Extraits

Début.

Quand j’étais enfant je trouvais tout normal. Ma mère m’enfermait régulièrement dans la cave dans le noir complet. Je trouvais ça normal.

Sympa.

Lina ma petite cousine me dépassait d’une tête. C’est une particularité des filles, je le découvrais : elles ont des cheveux longs, elles portent des jupes et des fois, elles sont plus grandes même quand elles sont plus jeunes. Les filles ne font rien comme tout le monde.

Les disques.

 Sur les disques de mes parents il y avait parfois un personnage qui avait l’air de revenir d’un enterrement, habillé en noir et qui ne rigolait pas. Sur les pochettes de Lina envoyer toujours des barbus colorés et des filles aux cheveux longs avec des foulards partout.

Les majuscules.

 Mon père m’aidait à faire mes devoirs. À ce moment là ça voulait dire faire des lignes d’écriture, pas toujours des trucs utiles, par exemple les lignes de k majuscules. Je ne connais aucun adulte capable d’exécuter correctement un k majuscule en cursive, et pour être honnête ça ne sert pas souvent.

Le désir de plaire à son père.

 Quand il m’expliquait je levai les yeux sur lui et je les ouvrais en grand, je voulais qu’il voie comme j’étais attentif. Je voulais qu’il reste là dans la chambre, avec moi, à m’expliquer. Je faisais tellement d’effort pour avoir l’air d’écouter ce que la plupart du temps je n’entendais rien de ce qu’il me disait.

Aller sur la lune.

 Quand Neil Armstrong met le pied sur la Lune en 69, je ne suis pas très impressionné. En fait des trouve ça assez normale je lis « Guy L’Éclair » depuis que je suis tout petit, j’ai toujours vécu au milieu des fusées, des Skorpies et des planètes lointaines. Je suis né dans un monde de science-fiction. La Nasa est très en retard sur moi.

Le mépris de son père pour les BD.

– Il faut lire des livres. Des vrais livres, pas ces âneries dessinées.
 Son mépris était aussi lisible que s’il avait arboré des peintures de guerre sur la figure. Qu’est-ce que je pouvais dire ? Cétait un excellent album en plus, « Les Pirates du désert ». Hubinon commençait à trouver son style, plus académique, mais aussi plus étrange, que ses modèles américains.
Des vrais livres. Évidemment, ce n’était pas compliqué, dans cette maison. Il y en avait partout. On pouvait se demander pourquoi je persistais à lire « Tif et Tondu » de préférence à Tolstoï.

Qu’est ce que tu vas devenir ?

 C’était une drôle de question. Je n’avais jamais pensé que j’étais censé devenir quelque chose. Le monde des adultes ne ressemblait pas à un avenir possible. Je ne pouvais pas devenir kiné, comme mon kiné ou pharmacien. Et surtout pas prof. Les adultes étaient une race à part. Leurs petites vies prosaïques et monotones, leur calvitie, leur embonpoint, leurs conversations creuses et répétitives, sur le temps pourri qu’on avait et que fait le gouvernement, ils ne faisaient pas envie.

Édition Points . Traduit de l’allemand par Nicole Bary

 

Ma quatrième participation au mois « les feuilles allemandes » 2023, organisé par Eva 

 

En lisant les avis sur Babelio, j’ai vu que Aifelle avait beaucoup apprécié ce roman, et je suis d’accord avec ce qu’elle en dit.

La filiation et le poids des crimes d’un père sont les thèmes de ce roman. Konstantin et Gunthard Boggosch, sont tous les deux les fils de Gerhard Müller et de Érika Boggosch. Si les deux enfants portent le nom de leur mère c’est que celle-ci découvre horrifiée, que pendant la guerre 39/45, non seulement son mari était un Nazi convaincu mais, de plus, a commis des crimes si monstrueux qu’il a été jugé et pendu en Pologne à la fin de guerre. Le destin des deux frères va totalement diverger, et cela permet à l’auteur d’analyser les différentes façons de se construire avec le poids du passé quand on est allemand. L’ainé, veut absolument croire au passé glorieux d’un père militaire et il refuse de le voir en criminel, quelques soient les preuves à charge. C’est d’autant plus facile pour lui, que ses preuves sont fournies par les Russes qui sont détestés par tous les Allemands. Il y a aussi un oncle à l’ouest qui a entrepris de réhabiliter son frère. Cet aspect est très intéressant car on comprend, alors, combien les Allemands de l’ouest ont été plus enclins à oublier le nazisme que ceux de l’est.
le personnage principal du livre, Konstantin, sera comme sa mère hanté, par le passé de son père. Et surtout ce passé se dressera sur sa route dès qu’il voudra réaliser quelque chose de sa vie. Parce que son père était un criminel de guerre, il ne pourra pas aller au Lycée. Commence alors pour lui, un parcours incroyable, fait de coïncidences trop exceptionnelles, pour moi. Il va fuir en France, car son premier projet est de s’engager dans la légion étrangère. Il rencontre à Marseille un groupe d’anciens résistants pour lesquels il va travailler comme traducteur car grâce à sa mère il parle français, russe, italien, anglais. Un jour, il reconnaîtra son propre père dans une photo prise dans le camp de travail forcé où son employeur et ami a failli mourir.
Trop honteux de cette filiation, il repart en Allemagne et, le jour où, le mur empêchera à jamais les gens de se réfugier à l’ouest, lui, il va à l’est pour retrouver sa mère.
Il sera refusé à l’école de cinéma, toujours à cause de son père. C’est certainement l’aspect le plus intéressant du livre : cette ombre qui empêche à jamais cet homme de faire des choix librement. La description du régime de l’est et des éternelles suspicions entre collègues dans le milieu enseignant est aussi tragique que, hélas, véridique.
En lisant ce livre, j’ai pensé à « Enfant de salaud » de Sorj Chalandon , il est évident que les Français ont laissé plus de liberté aux enfants d’anciens collaborateurs. En Allemagne de l’Est qui est passé du Nazisme au communisme, les traditions d’espionnage individuel et de dénonciations n’ont pas permis aux enfants de Nazi de pouvoir oublier le passé de leur père. Mais on peut aussi se scandaliser de la façon dont à l’ouest on a si vite tourné la page qu’il suffisait de devenir anticommuniste pour faire oublier son passé nazi et antisémite.

J’ai lu avec grand intérêt ce roman, mais j’ai eu du mal à croire aux aventures de Konstantin. Il y a trop de hasards dans ce récit, en revanche la partie où il raconte ses difficultés pour mener une vie « normale » d’enseignant en RDA m’a semblé très proche de la réalité.
Il y a un aspect que je comprends pas, il revient en RDA pour revoir sa mère mais il ne la verra que peu souvent. Il s’offusque que son frère la fasse vivre dans la cave de sa maison, enfin dans un sous-sol, mais il ne la prend pas chez lui.

Ce ne sont là que des détails par rapport à tout ce que j’ai appris sur l’ex-RDA.

 

Extraits.

Première phrase d’un roman allemand . Un petit coup de nature…

 Les jeunes bouleaux semblait chuchoter leurs feuilles étaient violemment agitées, bien que l’on ne sentît pas le moindre vent. Sous le pesant soleil estival de cette fin d’après-midi le blanc cassé des troncs frêles à l’apparence fragile brillait de mille feux.

Les souvenirs .

Avec nos souvenir nous essayons de corriger les échecs de notre vie c’est pour cette seule raison que nous nous souvenons. C’est grâce aux souvenirs que nous nous apaisons vers la fin de notre vie. Ce sont les souvenirs terribles qui finalement nous permettent de faire la paix avec nous-même. Regardez les volumes de mémoires qui paraissent chaque année. Ce sont tous des personnages merveilleux. Des caractères magnifiques, sincères courageux. Intrépides, désintéressés, la justice en personne. Des types dont on aurait aimé être les contemporains. Le problème est qu’ils étaient mes contemporains, et ils n’étaient pas sympathiques. Et ne croyez pas que je veux vous persuader maintenant que mes souvenirs n’en sont plus exacts, plus vrais, plus dignes de confiance. Non, chère mademoiselle, moi aussi je vous raconterai ce qui correspond à l’image que je me fait de moi-même, que je veux faire miroiter aux yeux des autres. Je tairais bien évidemment ce qui me gêne dans ma propre personne. Et pour cela je ne devrais pas faire des efforts particuliers. Ce qui est dérangeant, ce qui ne me plaît pas, je ne devrais même pas le passer sous silence, ce n’est pas la peine. Je l’ai oublié depuis longtemps et même radicalement.

Le poids d’un père .

 Je ne pouvais pas m’installer en France, pas non plus en Angleterre, ou en Italie, ou en Pologne, ou en Union Soviétique, je tomberais partout sur des hommes de la « Résistance », sur des partisans, sur ceux qui avaient combattu Hitler. Je ferais leur connaissance, ils deviendraient mes amis, et un jour ils devraient apprendre que vi gt ans auparavant ils avaient été confrontés à mon père, le « Vulcan » craint de tous. Dans chaque pays je le trouverai sur ma route partout je serais le fils du  » SS Vulcan ».

 


Édition « les Éditions de Minuit »

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Deuxième lecture réussie pour le club de cette année. Un livre qui se lit très vite mais qui ne s’oublie pas. L’auteur grâce à une écriture très sensible, raconte le destin d’un enfant appelé « M. » fils d’un soldat français et d’une femme allemande.

Ce n’est pas lui qui nous raconte cette histoire mais le petit fils du soldat français : Malcusi époux d’une femme de 86 ans, Imma. Il apprend le jour de l’enterrement de ce patriarche au caractère peu commode l’existence de cet enfant. Il va partir à la recherche de ses souvenirs et des souvenirs des siens. Imma ne veut pas entendre parler de cette histoire et exige de son petit-fils qu’il cesse cette recherche.
Peu à peu le voile qui cache ce secret de famille se déchire et la vérité à la fois simple et tragique va apparaître.

J’ai appris qu’il y a eu beaucoup d’enfants ayant un père français en Allemagne et tous auraient bien voulu retrouver leur père qui, pour la plus part, ont fui à toute jambe leurs responsabilités.

Parlons du style : d’abord ce que j’aime moins, je n’arrive pas à comprendre le pourquoi de l’absence de majuscule au début des paragraphes. Je ne comprends pas pourquoi non plus le personnage de l’enfant est appelé « M. », j’ai quelques hypothèses mais pas de réponse. De la même façon la femme dont il est en train de se séparer s’appelle aussi « A ».

Mais ce n’est rien par rapport à mon plaisir de lecture, on sent à quel point la révélation de l’existence de cet enfant a transformé la vie du narrateur. Le récit de l’oncle âgé qui a reçu « l’enfant dans le taxi » est bouleversant. Peu à peu, le portrait du grand-père Malcusi s’enrichit mais pas à son avantage ! Je trouve très fort de démarrer le récit avec un personnage positif et de finir avec un homme si peu sympathique ! D’ailleurs sa propre femme revit après son décès : cette veuve très joyeuse fait tout ce qu’elle n’avait pas pu faire du temps de son mariage : apprendre à nager et voyager dans des endroits les plus pittoresques.

Le narrateur, qui est écrivain, est sans doute plus sensible aux malheurs de « M » qu’il est lui-même en pleine séparation avec la mère de ses deux enfants. Les salons du livre auxquels il participe ne suffiront pas à lui remonter le moral.

Un beau roman bien servi par une écriture à laquelle j’ai été très sensible, malgré quelques partis-pris de style que je ne comprends pas.

 

 

Citations

Le début.

 Ce matin-là, elle aide son père à fendre le bois dans la cour. Il a neigé toute la nuit, le sol est blanc, maculé de boue aux endroits qu’ils piétinent. Depuis une heure elle lui présente l’une après l’autre les bûches, ramasse chaque fois le coin dans la neige pour le replacer à l’aplomb d’un nouveau rondin, le buste penché en avant le bras crédit dans l’attente du coup de masse.

Ne pas faire de vagues.

 À l’éternel impératifs de « ne pas faire de vagues » : quelque chose comme un ordre supérieur aux allures de glacis, chape de silence devenue invisible à force d’habitude, d’autant plus puissante que paisible, sans aspérité, sans prise, puisque tous les secrets sont faits de cette pâte innocente, habillée des meilleures intentions, parée de souci du prochain : si je ne t’ai rien dit c’était pour ton bien. Puisque depuis toujours dans l’ordre des familles le crime c’est de vous parler, jamais de se taire.

La vieillesse triomphante.

 Souriant comme chaque fois qu’elle constatait par contraste le délitement de tel ou tel cousin pourtant de vingt ans plus jeune qu’elle.
 Ah oui toi aussi tu l’as vu récemment.
 Baissant brusquement la voix pour chuchoter. 
Tu as vu ce coup il a pris.
Un de ces coups le pauvre, ça m’a fait de la peine. Rien à voir avec moi.
Cela dit avec un sérieux soudain qui manquait me faire éclater de rire. 

Portrait d’une femme efficace .

 La mère qui n’avait jamais voulu voir M., jamais voulu entendre parler de M., jamais voulu se demander si son refus de le rencontrer était légitime ou non, simplement c’était ainsi, cela lui coûtait trop de repenser à tout ça, elle ne voulait repenser à rien et pourquoi aurait-il fallu qu’elle se force. La mère dont l’inclination en tout, toujours, consistait à faire place nette. Des ronces. Des vieux objets. Des blessures. Des souvenirs 

L’enfant du taxi qui voulait voir son père et à été reçu par un oncle.

 Trois jour remplis de douceur et d’amour au terme desquels je l’ai d’un commun accord remis dans le train en sens inverse, si bien qu’il est reparti, avait continué Louis, la fameuse erreur de jeunesse de Malusci est reparti renvoyé à sa mère qui a pensé quoi du récit rapporté par le gamin, pensé quoi de le voir revenir si vite quand elle croyait peut-être lui avoir dit adieu pour des années. 
trois jours forts gravés dans la mémoire de Louis qu’il avait dû retenir son l’émotion, attendre que le tremblement de sa voix cesse avant de raconter la lettre que Jacqueline et lui avaient une semaine plus tard reçue, écrite dans un français maladroit qui la rendait encore plus belle, une lettre dans laquelle M. nous remerciait joyeusement, avait dit Louis une lettre dans laquelle il racontait avec humour qu’il mettait tout le temps ma chemise, dormait dans mon pyjama
grâce à vous je me suis senti comme un fils terminait le bref courrier qui ne disait pas un mot de l’humiliation infligéee par Malusci, ne formulait les pas une plainte, pas avoir un regret, ne montrait pas un seul signe d’amertume
 grâce à vous je me suis senti.comme un fils.

 

 

 


Édition points

Bravo Polina, que mon correcteur d’orthographe veut absolument corriger en Pauline ! ! Si votre livre a su séduire un si large public c’est qu’il raconte avec une verve originale, le passage entre la culture russe et la culture française. La lectrice que je suis a été amusée car ce récit est plein d’humour, attendrie aussi par cette petite fille qui affronte la « maternelletchick » en France sans comprendre un seul mot de français, sauf « Sava » . Mais comment comprendre qu’avec le mot « hibou » on demande des nouvelles à quelqu’un ? (« sava » en russe veut dire hibou !) . J’ai été si triste lorsque Pauline a dû affronter le décès de sa maman et j’ai partagé son envie qu’elle retrouve son prénom russe Polina, car elle nous fait bien comprendre combien cette double appartenance est importante pour elle. Polina Panassenko nous fait découvrir la vie des ses grands parents très attachés à leur pays, le plaisir d’aller dans la datcha pour préparer les conserves pour l’hiver. Mais elle n’idéalise absolument pas leur vie, ils ont peur de tant de choses et, hélas ! tout s’achète à coups de pots de vin même la sortie de la morgue, la messe et l’enterrement.
Le passage d’une langue à l’autre est vraiment passionnant, la réalité russe se dit mal en français. Par exemple tant que son grand père est « mort » elle ne ressent rien mais lorsqu’il est « ymep » alors elle comprend qu’elle ne verra plus celui qu’elle a tant aimé.

Un superbe premier roman que beaucoup d’entre vous ont déjà lu. Je ne peux pas m’empêcher de me demander comment cette écrivaine vit aujourd’hui la guerre qui détruit l’Ukraine.

 

Citations

Le Mac do et les frites.

 Depuis la veille ma grand-mère condamne l’expédition dans son ensemble par un mutisme ostentatoire. Au moment de notre départ assise sur le meuble à chaussures, elle fixe du regard la porte d’entrée. Une protestation silencieuse doit savoir se rendre visible
Au retour dans le deux pièces communautaire de l’avenue Lénine, le sachet de frites est froid et ma grand-mère n’est plus sur le meuble à chaussures. Ma mère envoie ma sœur annoncer que nous sommes rentrés. Ils l’ont entendu bien sûr depuis le bout du couloir mais l’annonce vaut aussi invitation.
 Lentement mon grand-père saisit un bâtonnet ramolli sur le sommet de la pile, le soulève du bout des doigts et l’observe à la lumière filtrant par le rideau de tulle. Sur la phalange de son annulaire droit, la boule de chair mauve qui couvre l’éclat d’obus contraste avec la frite. En deux poussées, il enfourne le morceau de kartofel dans sa bouche et lentement se met à mâcher, expirant l’air de ses narines par petits coups secs. Éclaireurs du goût. La mastication ralentit, la frite désolée vaincue par le dentier de fabrication nationale finit de fondre dans sa bouche. Un coup de langue sur les canines en acrylique et c’est la dégustation finale. Alors dit ma sœur. Alors c’est une patate froide, dit mon grand-père.

Le judaïsme de sa tante.

 Ma tante a le judaïsme clignotant. Chez elle « le peuple juif « oscille entre le « nous » et le « ils » . Elle est juive sans l’être. On dirait que c’est au cas où. Au cas où quoi, je ne sais pas mais si je pose une question sur le « nous », il faut y aller mollo sinon on a vite fait de rater l’embranchement et on se retrouve en plein « ils ».

Quel humour !

 Un matin l’annonce tombe. « Polina demain tu vas à la maternelletchik ». Quand ma mère ajoute « tchik » à la fin des mots c’est qu’elle cherche à le radoucir. Si c’est un mot inconnu ça ne présage rien de bon. Ma mère m’explique à quel point cette maternelletchik est nécessaire. Indispensable même. Sinon je n’apprendrai jamais le français. Qui a dit que je voulais l’apprendre ? Je ne suis même pas tout à fait sûr d’être au clair sur ce que c’est. Il semblerait que si jeudi Sava ?, l’autre va comprendre que je demande comment il se porte. Et si je dis Sava ! On comprendra que je vais bien. Je ne sais pas pourquoi à Moscou « sava » va dire « hibou ». Je ne sais pas pourquoi ici il faut dire « hibou » pour se donner des nouvelles.

Devenir bilingue.

 Russe à l’intérieur, français à l’extérieur. C’est pas compliqué. Quand sort on met son français. Quand on rentre à la maison, on l’enlève. On peut même commencer à se déshabiller dans l’ascenseur. Sauf s’il y a des voisins. Sil y a des voisins on attend. Bonjour. Bonjour. Quel étage ? Bon appétit. Il faut bien séparer sinon on risque de se retrouver cul-nu à l’extérieur. Comme la vieille du cinquième qu’on a retrouvé à l’abribus la robe de chambre entrouverte sans rien dessous. Tout le monde l’a vue. On a dit « elle ne savait plus si elle était dedans ou dehors ».

 

 

 

 

Un livre que ma sœur m’a prêté en me disant : « Ce roman raconte parfaitement, ce qui se passe quand une famille nombreuse a la chance d’avoir une grande maison de vacances. ». Dans ma ville, je connais bien ce genre de maisons et de familles qui s’y retrouvent l’été et que je croisent tous les étés sur ma plage. Le roman se passe dans les régions des abers, une Bretagne plus sauvage que la côte d’émeraude dinardaise. Mais les comportements sont les mêmes. Réunis ces familles forment des clans et se sentent intouchables. Ils ont leurs rituels, se savent observés sans que cela ne les dérange. Dans ce récit l’auteur raconte très bien le poids et le charme de la maison, on sent aussi que celle-ci devient un peu lourde financièrement pour chacun, elle ne restera peut-être pas dans la famille dans une autre génération. Il décrit aussi le bonheur des enfants, ce sont eux qui vivent le mieux ce genre de vacances. La plage et les jeux d’enfants dans le grand jardin ont marqué l’écrivain et il pense qu’il en sera de même pour les enfants de la nouvelle génération. Un enfant le touche particulièrement, un petit Jean qui lui fait penser à lui, enfant ? C’est grâce à lui qu’il comprendra que c’est à son tour maintenant de passer du côté des adultes et de transmettre aux enfants les savoirs importants : faire du vélo, la pêche aux crabes … pour les jeux, les enfants n’ont besoin de personne.
Le hasard de mes lectures, font que je rapproche l’histoire de deux maisons de famille, qui se ressemblent dans ce qu’elles disent des joies et des souvenirs d’enfance heureuse. Mais ce roman est plus léger, sauf bien sûr la tragédie qui touchera le petit Jean. J’en ai aimé la lecture, et l’évocation d’une Bretagne que je connais bien. La volonté de l’auteur de ne pas nous faire connaître davantage la vie du narrateur rend le récit un peu vide. On ne sait pas pourquoi il a détesté cette famille ni pourquoi il est revenu. Il veut que ce mois d’août soit celui de son retour vers une maison et des rituels familiaux dont un m’a semblé bien cruel : chaque enfant, l’été de ses six ans, doit jeter son doudou dans la mer … Quand on sait ce qui arrive au petit Jean quinze jours plus tard, on peut imaginer que sa mère aura trouvé cette violence bien inutile !

En réalité on ne connaît très bien personne de cette famille, on reste à la surface des gens, nous avons le décor et un film qui nous permet de voir ces gens de loin sans qu’ils ne nous deviennent familiers. Comme le dit l’auteur, cette famille sait appartenir à une forme d’aristocratie qui reste sur son quant à soi. Les personnages du peuple ont eux plus de consistance , comme l’ostréiculteur qui vend ses huîtres en Italie, mais ils n’appartiennent pas au clan .

Un roman qui décrit bien les vacances d’été pour les enfants, dans un cadre dont l’auteur sait nous décrire tout le charme. Mais un roman qui m’a aussi agacée par son côté « grande famille comme il faut » qui regarde un peu de haut le brave peuple dont je fais partie.

 

Citations

Ceux qui ont eu la chance d’avoir une grande maison de vacances se reconnaîtront dans ce passage.

Quand on croisait un nouveau parent ou des amis de passage, la discussion s’engageait toujours de la même façon : Quand es-tu arrivé ? Quand repars-tu  ? Les grandes vacances signifiaient la succession des arrivées et des départs des uns et des autres. On ne retenait jamais. Mais quand un visage disparaissait, on devinait qu’il était parti pour de bon. On ne le reverrai plus avant l’année prochaine. Et on acceptait de ne pas le revoir pendant si longtemps seulement parce qu’il était aussi la promesse du prochain été. Il y a comme ça des gens qu’on ne peut voir à aucune autre époque. Ils sont d’août. 

Ceux qui viennent d’une famille nombreuse se reconnaîtront .

 Je subissais un paradoxe familial, balançant entre la joie des retrouvailles et le soulagement du départ prochain. Nous formions un monde à part autosuffisant, suffisant, envié par d’autres sûrement. Mais le cercle familial excluait autant qu’il rapprochait.

Le déclin religieux .

Des messes, il y en avait dans chacune des trêves de la paroisse et tous les dimanches. Désormais, il n’y avait plus qu’un seul office dominical pour le canton., deux peut-être, en plus de la messe anticipée du samedi soir il fallait lire la feuille paroissiale pour se tenir au courant. Ce pays de prêtres en était devenu orphelin. Ce pays de fidèles les voyait disparaître ; ils s’étaient pourtant tassés en foule, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, sur les bancs en bois aujourd’hui clairsemés. 

Genre de comparaison pas terrible, si ?

 La maison était comme le corps d’une femme aimée dans la nuit totale ; sans en distinguer l’épiderme j ‘en savais tous les contours

Je suis d’accord avec cette remarque.

 J’avais de la sympathie pour lui mais je savais qu’il était de ceux qu’il vaut mieux ne pas trop connaître pour continuer à les aimer. 

Édition Pocket

L’auteur, pour écrire ce roman que j’ai beaucoup apprécié, s’appuie sur l’histoire véridique de Wilhem Furtwängler, pour évoquer le rapport des Nazis avec la musique classique. Il crée des personnages romanesques, nous suivons donc la formation de Christophe Meister excellent musicien et de sa mère Christa grande cantatrice qui déteste le nazisme et sera déportée car elle a un père juif. Tous deux personnages fictifs.

Comme tous les romans qui se passent lors de la montée du Nazisme, j’éprouve une angoisse pour tous les personnages juifs. Quand on sait ce qui va leur arriver, on a envie de leur dire : « fuyez mais fuyez vite ». C’est le cas pour la mère de Rodolphe, Christa qui hélas sera déportée alors qu’elle s’était réfugiée en France.

Mais j’oublie de vous dire le thème principal de ce roman, qui s’appuie sur des sources historiques très sérieuses, à savoir les rapports de Wilhlm Furtwängler avec le nazisme. Dès 1920, il est un chef d’orchestre reconnu et à la tête de l’orchestre de Berlin, il est une gloire internationale. Il n’a jamais été membre du parti Nazi et on le sait aujourd’hui à aidé de nombreux juifs à s’échapper de la persécution nazie. mais en revanche, il est resté en Allemagne jusqu’à la fin et a joué pour les dirigeants Nazis dont leur chef Hitler. Il était de façon évidente une caution pour le régime.

Pourquoi n’est-il pas parti de ce pays dont il détestait le régime ? Sans doute, c’est la thèse du livre, mettait-il la musique au dessus de la politique. Il voulait, aussi, montrer que l’Allemagne avait autre chose à montrer que ces horreurs nazies. Les paradoxes de la dénazification feront qu’il aura beaucoup de mal à se disculper alors que Karajan, nazi convaincu et membre du parti n’aura aucun ennui.

La partie romanesque, permet de raconter beaucoup de choses sur la direction d’orchestre et de rendre plus incarnée la montée du Nazisme. Je n’ai pas du tout aimé la révélation finale et cela ne rajoute rien au roman. J’espérais de toute mes forces que l’auteur n’oserait pas, mais si …

Un bon roman qui fait revivre une période si détestée sous un angle original

 

Citations

Mélange histoire et fiction.

 Le pays est envahi par des uniformes, des bruns des fauves, des oriflammes noir et rouge pendent aux fenêtres, avec cette croix ridicule au centre de chacun. Le nombre d’uniformes augmente chaque jour, depuis les élections. Pareil pour les drapeaux.
Furtwängler fend la foule qui s’est agglutinée autour d’un crieur de journaux. Des policiers patrouillent, raides et sévères dans leur uniformes verts. Les gros aigles de fer sur le front de leurs képis jettent des éclats dans le soleil rasant de la fin de journée. Des SA marchent à leurs côtés, un chien en laisse la gueule bavant dans une muselière.

Hitler.

Furtwängler ne l’avait pas pris au sérieux le mépris est toujours mauvais conseiller. L’homme au physique de garçon coiffeur tient à présent le destin de l’Allemagne dans ses mains qui paraissent fragiles. Il l’éventre, son pays le balafre en tout sens, fait sortir de terre le monde d’en dessous, celui des mauvais génies. Des grues et des bennes vont et viennent. Berlin est devenu un vaste chantier qui patauge dans la boue froide. L’ Allemagne n’est plus à genoux devant l’Europe. Elle accueillera les jeux Olympiques dans un an.

Un chef d’orchestre parle de son art.

J’ai bien connu Nikish, dit il notre père à tous. Il savait faire chanter un orchestre chose extrêmement rare. Il ne se préoccupait que de la sonorité, de la création et de l’accomplissement de cette sonorité. Pour moi, diriger un orchestre, c’est comment s’y prendre pour qu’il ne joue pas seulement de façon rythmique précise, mais qu’il chante avec toute la liberté indispensable à une réalisation vivante de la phrase mélodique. N’oubliez jamais que diriger signifie pouvoir créer librement.

L’espoir humain.

Rodolphe se met à espérer. C’est bête on ne croit jamais vraiment au pire. L’homme est ainsi fait, il n’envisage jamais vraiment le mot de la fin. À moins d’en avoir la certitude absolue.



Édition Dargaud

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Célèbre pour ‘le chat du Rabbin » (et pas du Rabbit), Joann Safr raconte dans ce récit autobiographique son enfance à Nice avec un père avocat. Sa mère est morte quand il avait 4 ans, le fils et le père ont tissé des liens très forts. Les engagements politiques de son père ne sont pas toujours faciles à comprendre, adepte de la non violence , il n’hésite pas à faire le coup de poing contre un homme qui devant lui se gare sur sa place privée de parking . Défenseur de la cause palestinienne, il coupe avec toutes les organisations françaises qui ne dénoncent pas le terrorisme (et il y en a beaucoup). Son fils s’ennuie ferme à la synagogue et cherche tous les moyens pour échapper aux offices qui lui semblent interminables. Son idée c’est de faire partie de ceux qui protègent la synagogue des attentats terroristes car du coup il reste dehors et surveille (efficacement ?) les abords de là synagogue. Donc, il s’initie aux sports de combat ce qui n’était pas dans sa nature première !

Cette BD est l’occasion de faire revivre une époque et une ville : Nice. C’est drôle et triste à la fois : comme la vie en quelque sorte. J’ai beaucoup aimée, je l’ai lue avec grand intérêt. Et je suis très contente de vous recommander une BD.

Citations

J’ai ri !

« Et bizarrement j’ai vu très peu de vrai docteur pendant mon séjour à l’hôpital. Des infirmières et des internes. »

 » Hospitalisation à l’hôpital c’est comme au foot, il vaut mieux jouer à domicile. »

Et un sourire de plus !

 « Il faut que je trouve un moyen pour ne plus aller à la synagogue. C’est insupportable. »
« Et encore, je n’aborde pas le sujet de l’office de kippour. Qui dure quoi ? Douze heures ? »
« On lit un bouquin trois fois comme Le Seigneur des Anneaux, en hébreu. Et parfois on répète mêmes passages. Ça me rend fou,. Littéralement. Il faut que je trouve un moyen de ne plus jamais vivre ça. »

Lapsus révélateur de Raymond Barre !

 « Il y eut quatre morts et quarante six blessés lors de l’attentat de la rue Copernic. Les victimes n’étaient pas toutes juives. »
Après le carnage, Raymond Barre, premier ministre de l’époque, aura les mots suivants.
 « Cet attentat odieux voulaient frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic. »
Pour se défendre de ce qu’il appellera un lapsus, Barre déclara plus tard :
« Cette opération indigne contre moi l’œuvre du lobby juif le plus lié à la gauche. »

Éclat de rire (Séance de self défense)

 « Je vous jure que je visais la tête »
 » C’est possible d’être assez con pour viser la tête et atterrir dans les couilles ? »
 » Je suis pas souple. »


Édition Zulma poche . Traduit de l’islandais par Régis Boyer.

À Brekkukot, les mots étaient trop précieux pour qu’on en fasse usage parce qu’ils signifiaient quelque chose. Nos propos étaient comme de l’argent immaculé avant l’inflation. L’expérience était trop profonde pour pouvoir être exprimée.

 

C’est chez Dominique que j’avais pioché cette idée de lecture . C’est un livre que je qualifierai livre « d’autrefois « . Je veux dire par là qu’autrefois on avait le temps de se plonger dans des lectures longues et lentes. Des livres d’ambiance où il ne se passe pas grand chose qui mélangent réalité et contes. J’ai adoré ce genre de livre … autrefois, justement ! Mais j’ai depuis longtemps succombé à l’air du temps et j’ai besoin de plus de rapidité dans le récit. En plus, ce n’est pas un livre qui se lit facilement car l’écrivain ne donne pas les clés de compréhension des rapports entre les différents personnages. Il suggère plus qu’il n’explique et le lecteur s’y perd facilement. Tout est raconté du point de vue d’Alfgrimur un enfant adopté par des gens remarquables, qui ne sont pas mari et femme mais qui ont ouvert leur demeure (Brekkukot) à tous ceux qui ont besoin d’être recueillis. Ces deux personnes seront pour l’enfant des grands-parents aimants et compréhensifs. Alfgrimur se voit bien devenir pêcheur de lompe comme son grand-père mais ses talents scolaires et sa rencontre avec la célébrité locale, un chanteur d’opéra vont en décider autrement.

Si j’ai eu du mal à situer et à comprendre tous les personnages, j’ai savouré certaines scènes racontées avec un humour certain. Savoir par exemple si se faire couper la barbe par un barbier relève de l’hygiène ou de l’exploitation de classe. Les hommes du village en discuteront toute une partie de la nuit sans arriver à se mette d’accord, mais cela ne les empêchera d’y mettre toute la force de leur passion ni de citer Marx et Engel .

Une plongée dans le passé dans un pays très étrange et la découverte d’un prix Nobel de littérature. Des moments de grande poésie et en même temps une difficulté à garder mon intérêt éveillé durant les 352 pages du livre.

 

Citations

 

La pendule.

 Il va sans dire que, s’il se passait quelque chose dans la pièce, on entendait jamais la pendule, comme si elle n’existait pas. Mais dès que le calme était revenu, que les invités étaient partis, qu’on avait fini de débarrasser la table et que la porte était fermée, elle recommençait sans se laisser troubler. Et si on écoutait attentivement, on distinguait parfois des accent chantants dans le mécanisme, ou quelque chose de très semblable à un écho.
 Comment se fait-il que je me sois mis en tête que dans cette horloge vivait une étrange créature a vu qui était l’Éternité ? Pour une raison ou pour une autre, il m’a paru tout simplement, un jour, que le mot qu’elle prononçait en tictaquanr, un mot de quatre syllabes accentués sur les syllabes paires, était é-Ter-ni- Té, é-Ter-ni-TÉ.

Façon de s’adresser au lecteur.

 Si je raconte ce qui lui arriva, c’est parce que cela est resté ancré dans mon esprit et que ma propre histoire ne serait pas complète si je ne le mentionnais pas ici. Mais avant de raconter son histoire, je voudrais surtout prévenir le lecteur que ce qu’il va entendre là n’a rien de spectaculaire ni d’épique

Personnage secondaire

 » Avant d’en finir avec la description des mérites de Runólfur Jónsson, il ne faut pas que j’oublie le haut fait qui, selon toute vraisemblance, immortalisera son nom dans l’Histoire : c’est que ce digne compagnon de nuit et frère adoptif fut l’un des premiers hommes à être écrasé par une automobile. Il avait alors presque de quatre-vingt ans. Cela se produisit parce que, lorsqu’il buvait, il avait coutume de marcher au milieu du chemin tout en agitant une bouteille, en chantant, en tenant des discours et en riant. Il était toujours escorté d’une collection hétéroclite de compagnons de beuverie, de flâneurs, de chiens errants, de chevaux et de cyclistes : ceux que je viens de mentionner en dernier lieu constituaient une nouveauté et étaient danois. Ils ne prêtait pas plus attention aux automobiles qu’à toute autre boîte de conserve roulant le long du chemin.
Et donc, si d’aventure le mauvais sort voulair que Runólfur Jónsson, ce descendant de juges suprêmes, disparaissent un beau jour de ce livre et que j’oublie de noter le moment de cette disparition, ce serait parce que ce frère adoptif a été écrasé par la première automobile qui arriva en Islande. »

Quel humour ! lecture du sermon.

 Mais il ne déviait jamais de la manière particulière de lire que les gens, en Islande, adoptaient pour la parole de Dieu, ces accents monotones et solennels dits d’une voix suraiguë qui se terminer à la quarte à la fin d’une phrase. Cette façon de lire ne ressemblait à rien de connu en ce monde, quoiqu’elle représentât certaines similitudes avec les marmottements de certains dérangés mentaux.

La publicité en vers.

 

 A cette époque la, la coutume était de faire des annonces en vers si l’on voulait vendre de la morue séchée ou si l’on avait besoin d’une femme pour les travaux du printemps. Ces poèmes, nous les apprenions par cœur. Aujourd’hui encore, il n’y a guère de poésie qui me restent gravée dans la mémoire comme les annonces vantant la qualité du haddock gelé et autres poissons séché, louant cette sorte de pâtisserie étrangère appelée « Fluff » et remède universel chinois venant du Danemark et découvert par un homme appelé Vladimir Pedersen.

Ambiance garantie.

À Brekkukot, les mots étaient trop précieux pour qu’on en fasse usage parce qu’ils signifiaient quelque chose. Nos propos étaient comme de l’argent immaculé avant l’inflation. L’expérience était trop profonde pour pouvoir être exprimée.

Flirt à l’islandaise !

D’habitude lorsque je rencontrais des jeunes filles, je prenais soin de regarder dans une autre direction. Je ne me sentais pas rassuré avec ces créatures et ne les comptais pas exactement parmi les êtres humain, pas plus que je ne le faisais pour les « autorités ».

Je me demande ce qu’est ce « tourniquet » ?

 Autrefois, j’avais craint de perdre la sécurité qui régnait jusqu’au tourniquet de Brekkukot ; maintenant, j’appréhendais les nouveaux chemins qui s’ouvriraient quand je cesserais de fouler les sentiers battus menant à l’école, le matin, décrivant un demi-cercle autour de l’Étang et revenant à la maison dans l’après-midi

Remarque tellement vraie !

Je ne sais pour quelle raison, les pleurs de femmes rondouillardes n’ont jamais été pris au sérieux en ce monde, et un martyr grassouillet a toujours été perçu comme étant contraire aux lois de la raison -et d’ailleurs il est impensable, en peinture. Dans tout concept culturel la seule eau salée valable est celle qu’une personne maigre a la mine défaite verse à flots dans le monde chrétien.