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Édition Seuil . Traduit de l’anglais par Karine Lalechère

Lu dans le cadre de Masse Critique

 

Voici une bonne pioche chez Babelio, sans être un total coup de coeur ce roman est très intéressant et j’espère vous donner envie de le lire. L’auteure est britannique de parents chypriotes. Elle s’intéresse à deux scandales qui se passent à Chypre, l’un concerne le braconnage des petits oiseaux migrateurs, l’autre beaucoup plus révoltant concerne des employées de maison étrangères qui sont exploitées par des agences plus où moins mafieuses. Ces femmes devront toute leur vie rembourser l’agence qui les a fait venir, elles espèrent s’enrichir pour, le plus souvent, faire vivre leur famille alors que les seules personnes qui vont gagner beaucoup d’argent ce sont les propriétaires des agences. Les Chypriotes qui les utilisent n’imaginent pas les difficultés que traversent ces femmes. Pour la bonne société chypriotes ce sont des femmes interchangeables qui leur rendent tous les services possibles sans pour autant chercher à les connaître.

Ce roman s’appuie sur un fait divers qui a secoué Chypre : des femmes employées ont brutalement disparu. La police ne cherche absolument pas à savoir ce qui s’est passé, le hasard permettra de découvrir qu’il s’agit d’un crime odieux de femmes sans défense.

Le roman suit le destin d’une de ces femmes : Nisha , une jeune maman Skri Lanquaise, elle va aider Petra à élever Aliki l’enfant qu’elle a eu alors que son mari est mort avant la naissance de ce bébé. Un jour Nisha disparaît le roman va raconter l’enquête de Petra qui va ouvrir les yeux sur la vie de Nisha , elle a mauvaise conscience et se rend compte à quel point ces femmes sont malmenées dans son pays. Elle découvre aussi que Nisha lui a caché son amour pour Yiannis son jeune voisin, car elle avait peur d’être renvoyée si Petra avait connu cette relation amoureuse. Yiannis est est un Chypriotes que la crise de 2008 a totalement ruiné et il doit sa survie au braconnage des oiseaux migrateurs ce sont de tous petits oiseaux que les restaurateurs s’arrachent. Il gagne beaucoup d’argent mais il sait aussi que s’il veut s’arrêter, il risque sa vie car au dessus de lui les commanditaires de cette pratique de braconnage, il y a des gens très puissants et qui sont prêts à tout pour cacher cette pratique mais aussi pour qu’elle continue.

Un sujet très intéressant mais j’ai un petit bémol pour le style que j’ai trouvé assez plat. Malgré cette dernière remarque je pense que ce livre trouvera un public assez large.

 

Citations

Voici une bonne façon d’apprendre la table de 9.

Si tu me demandes combien font 7 fois 9, je sais que la réponse commence par 6. Et que le second chiffre, c’est toujours celui d’avant, moins 1. Par exemple, 8 fois 9 font 72, 7 et 2. 
(PS regardez bien la table de 9
1 fois 9 =9
2 fois 9 = 18
3 fois 9 = 27
4 fois 9 = 36
5 fois 9 = 45
6 fois 9 = 54
7 fois 9= 63
8 fois 9 = 72
9 fois 9 = 81
10 fois 9 = 90
certes quand on l’écrit ça marche mais pour dire spontanément « 7 fois 9 = 63 cela demande une gymnastique de la mémoire qui me semble compliquée, moi quand j’étais enfant pour la table de 9 je me disais  : 7 fois 9 = 70 – 7 = 63 .)

Le crack de 2008.

 Avant la crise de 2008, la Laiki banque était en plein essor. elle s’apprêtait à devenir le véhicule d’investissement européen pour le fonds d’état de Dubaï et elle a joué un rôle pivot dans l’industrie des services financiers de Chypre. Elle accueillait à bras ouverts les nouveaux entrepreneurs russes qui arrivaient avec des valises remplies de billets et créaient sur l’île des sociétés administrées par des avocats et des comptables locaux. Les transferts d’argent entre la Russie et Chypre avaient atteint des montants astronomiques. La banque avait même géré les affaires de Slobodan Milosevic. Dans les années 1990, son gouvernement avait transféré des milliards de dollars en espèces par notre intermédiaire, en dépit des sanctions des Nations Unies.

 Son expansion agressive en Grèce fut fatale à la Laiki. Le bilan était sous-capitalisée au moment de la crise financière mondiale et ce fut la dégringolade. La banque fut démantelée. Je perdis mon emploi, mes économies et ma femme -dans cet ordre.

Un policier caricatural ?

 Je ne peux pas m’amuser à chercher ces étrangères. J’ai du travail. Si elle ne revient pas, c’est sans doute qu’elle est passée au nord. C’est ce qu’elles font. Elles vont du côté turc dans l’espoir de trouver un meilleur emploi. Ces femmes sont des animaux, elles obéissent à leur instinct. Ou à l’argent. Vous devriez rentrer chez vous et débarrasser sa chambre. Si elle n’est pas de retour à la fin de la semaine, appelez l’agence pour demander qu’on vous envoie une autre bonne.

L’horreur de la guerre à Chypre.

 Une seule fois, j’ai entendu mon père parler avec savoir d’avant -une voix sincère et bienveillante-, et ce fut pour dire qu’il avait tué un ami au combat. Il ne nous avoua jamais son nom.
 Ces années d’après guerre m’ont appris une leçon que je n’ai pas oubliée : on pouvait se refermer en soi-même, et, comme mon père, ne jamais retrouver la sortie.

Exemple de ce que vivent les femmes étrangères domestiques à Chypre.

Mutya Santos, une autre Philippine, venait de Manille. Elle s’entendait bien avec sa première employeuse et dînait avec elle chaque soir. À la mort de la vieille dame, on l’avait placée chez un homme qui essayait constamment de la tripoter, entrait dans la salle de bain quand elle était sous la douche et se glissait dans sa chambre pendant son sommeil. Elle s’était plainte à l’agence qui avait refusé d’intervenir. Lorsque son patron l’avez appris, il l’avait congédiée. Elle aussi s’était retrouvée sans rien, avec une énorme dette à rembourser. 

 

Éditions Picquier Traduit de l’anglais par Santiago Artozqui

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Ce roman a obtenu un coup de coeur à notre réunion du mois de décembre, je me suis empressée de l’emprunter et si j’avais réussi à le lire avant notre réunion je l’aurais défendu malgré mes quelques réserves.

Il a tout pour plaire ce roman : sous-tendu par le drame personnel de trois femmes iraniennes réfugiées en Irlande dans le comté de Mayo, le roman dévoilera peu à peu les horreurs qu’elles ont vécues sous la répression aveugle du shah d’Iran et la montée de l’intolérance islamiste. Dans ce petit village de Ballinacroagh, elles ouvrent un restaurant aux saveurs de leurs pays, et sont à la fois bien accueillies par une partie de la population et en butte à ceux qui voient d’un mauvais œil ces femmes venues d’ailleurs. Le style de Marsha Mehran est emprunt de poésie à l’image des contes perses et contribue au charme un peu envoutant de ce récit. Et puis, ce roman est un hymne à la cuisine iranienne, on savoure ces plats (que je me garderai bien d’essayer de reproduire malgré les recettes qui sont généreusement expliquées) tant elles demandent des épices que je ne saurai trouver sur mon marché de Dinard et tant elles me semblent complexes à réaliser. Ce qui est très bien raconté ici, c’est le poids de la cuisine dans l’exil : refaire les plats aux saveurs de son pays, c’est un peu vaincre la nostalgie de la douceur de la vie familiale qui a été détruite par des violences telles que la seule solution ne pouvait être que la fuite.

La description des habitants du village irlandais manque de nuances, il faut l’accepter pour rentrer dans le récit. Le succès du restaurant tient de l’envoutement pour des parfums d’épices venues d’ailleurs. L’amour de la plus jeune des sœurs pour le fils du personnage odieux qui veut racheter leur boutique relève du conte de fée . Cela ne m’a pas empêchée de passer plusieurs soirée en compagnie de ces personnages dans ce petit village arrosé d’une pluie continue ou presque. J’ai aimé le courage de ses trois femmes et de leur volonté de vivre quel que soient les drames qu’elles ont traversés. Évidemment, on pense à tous ceux qui ont essayé de fuir des pays où des répressions sans pitié écrasent toute tentative de vie libre.

La mort tragique de cette jeune auteure d’origine iranienne est un poids supplémentaire à la tristesse qui se dégage de cette lecture qui se veut pourtant résolument optimiste. Le roman se situe en effet à une période où les réfugiés iraniens trouvaient leur place dans un monde qui était plus ouvert aux drames des pays soumis à des violences inimaginables. Ce monde là, appartient au passé car nos civilisations occidentales sont surprises par l’ampleur des drames des pays à nos frontières et se sentent démunies face à l’accueil de pauvres gens chassés de chez eux et prêts à risquer leur vie pour un peu de confort dans un monde plus apaisé. Ce n’est pas le sujet de ce roman mais on y pense en se laissant bercer par le charme des saveurs des plats venus d’orient dans ce village où la viande bouillie arrosée de bière semble être le summum de la gastronomie.

Citations

La voisine malfaisante et médisante

Dervla Quigley avait été frappée d’incontinence, un problèmes de vessie très gênant qui l’avait cloué chez sa sœur -laquelle était dotée d’une patience à toute épreuve- et laissée l’essai totalement dépendante de celle-ci. Incapable de maîtriser son propre corps, Dervla avait bientôt été obsédée par l’idée de manipuler celui de tous les autres. Les ragots n’étaient pas seulement ses amis et son réconfort, mais aussi la source d’un grand pouvoir.

Vision originale de l’acupuncture

Elle était même allée consulter un acupuncteur chinois qui, au plus fort des seventies et de l’amour libre, s’étaient établis dans Henry Street à Dublin. La force de l’âme de ce chinois l’avait impressionnée -Li Fung Tao pratiquait son tai-chi matinal en toute sérénité pendant que les vendeurs ambulants de fruits et de légumes appâtaient les chalands en beuglant tout autour de lui-, mais ses aiguilles n’avaient eu pour effet que de lui donner l’impression d’être un morceau d’anchois plongé dans une marinade d' »alici » à base d’origan et de poudre de piment. 

Les épices

 Dans le livre de recettes qu’elle avait stocké dans sa tête, Marjan avait veillé à réserver une place de choix aux épices qu’elle mettait dans la soupe. Le cumin ajoutait au mélange le parfum d’un après-midi passé à faire l’amour, mais c’en était une autre qui produisait l’effet tantrique le plus spectaculaire sur l’innocent consommateurs de ce velouté : le « siah daneh » – l’amour en action- ou les graines de nigelle. Cette modeste petite gousse, quand on l’écrase dans un mortier avec un pilon, ou lorsqu’on la glisse dans des plats comme cette soupe de lentilles, dégage une énergie poivrée qui hibernent dans la rate des hommes. Libérée, elle brûle à jamais dans un désir sans limite et non partager pour un amant. la nigelle est une épice à la chaleur si puissante qu’elle ne doit pas être consommée par une femme enceinte, de peur qu’il ne déclenche un accouchement précoce.

 

 

Édition Charleston. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laura Bourgeois

Encore un livre sur mon Kindle qui a bien rempli sa fonction de me faire oublier tous ces fils multicolores auxquels j’ai été reliée une petite semaine l’été dernier. Je ne peux que vous recommander cette lecture, cette auteure vous permettra de revivre le martyre du peuple coréen colonisé par le Japon.
Le roman commence en Corée dans une famille qui héberge et nourrit des pêcheurs. Ce n’est pas la richesse mais grâce au travail harassant du couple, ils y arrivent. Plusieurs malheurs vont s’abattre sur cette famille, d’abord la mort du mari puis la grossesse non désirée de leur fille unique qui s’est laissé abuser par un riche Coréen habitant au Japon. Heureusement elle trouvera un homme qui veut bien l’épouser et toute la famille partira vivre au Japon qui est alors la puissance coloniale dominant la Corée.
La deuxième partie du roman raconte le sort des Coréens au Japon. Pendant la guerre, ils sont considérés comme des « sous-hommes » et après, ils sont l’objet de toutes les discriminations habituelles dans un pays qui est en proie au racisme et au mépris pour tout ce qui n’est pas japonais. La famille va s’en sortir grâce au travail incroyable des femmes et on l’apprendra plus tard grâce aussi, à la protection du riche Coréen qui est le père biologique du premier enfant du personnage principal. C’est aussi un mafieux très puissant qui lui ne craint pas d’affronter les Japonais.
Le roman est passionnant. Suivre le destin de cette famille est un voyage qui m’a tenue en haleine jusqu’au bout. J’ai beaucoup aimé me plonger ainsi dans la culture coréenne en particulier la cuisine qui semble délicieuse. L’image du Japon ne sort pas grandi, pendant et avant la deuxième guerre mondiale c’était une puissance coloniale barbare pour les populations sous son joug et ensuite ce pays est apparu comme victime de la bombe atomique et n’a pas fait le même travail de mémoire que l’Allemagne. Et donc, a gardé des aspects contestables de sa civilisation, en particulier le mépris voire le racisme envers les Coréens.

Citations

Le destin de femmes

Évidemment ! Sunja-ya, le destin d’une femme est de travailler et de souffrir. Souffrir, et souffrir encore. Mieux vaut t’y attendre dès maintenant, tu sais. Tu grandis, alors il faut bien te prévenir. Ta vie va dépendre de l’homme que tu vas épouser. Avec un bon mari, tu auras une vie correcte, mais avec un homme mauvais, c’est la malédiction assurée. Dans tous les cas, il y aura de la douleur. Prépare-toi à souffrir et continue de travailler dur. Personne ne prendra soin d’une pauvre femme : on ne peut compter que sur soi-même.

 

Le deuil

Shin adressa un sourire faible au jeune pasteur. Cinq ans plus tôt, le choléra avait emporté quatre de ses enfants ainsi que sa femme et, depuis, il avait compris qu’il ne pouvait plus parler du deuil – tout ce qu’une personne pouvait lui dire à ce sujet lui semblait désormais ridiculement sentimental et insensé. Avant de les perdre, il
n’avait jamais fait l’expérience de la douleur de cette manière, pas vraiment. Ce qu’il avait appris de Dieu et de la théologie lui avait paru plus concret après sa tragédie personnelle. Sa foi n’en avait pas été ébranlée, mais son tempérament avait changé pour toujours. Comme si une pièce chauffée s’était refroidie d’un coup.

La vertu de la femme

Pour autant, nous devons préserver ta vertu – elle est plus précieuse que ton argent. Ton corps est un temple sacré où repose le Saint-Esprit. Les inquiétudes de ton frère sont légitimes. La foi mise de côté, et pour parler avec pragmatisme : si tu devais te marier, ta pureté et ta réputation seraient essentielles. Le monde juge sévèrement une fille pour son inconvenance – même lorsqu’il s’agit d’un accident. C’est terrible, mais c’est ainsi

L’après guerre au Japon

Tous ces gens – les Japonais et les Coréens – sont dans la merde parce qu’ils pensent en termes de groupe. Mais je vais te dire la vérité : un leader bienveillant, ça n’existe pas. Je te protège parce que tu travailles pour moi.
Quant à tous ces partis de Coréens, il faut que tu te souviennes qu’au bout du compte, les dirigeants ne sont que des hommes, ce qui ne les rend pas plus intelligents que des porcs. Et les porcs, on les bouffe. Tu as vécu dans une ferme qui vendait des patates douces à des prix indécents aux Japonais affamés par la guerre. Tamagushi a violé les régulations gouvernementales, et je l’ai aidé, parce qu’il voulait faire de l’argent, et moi aussi. Il se voit probablement comme un Japonais respectable, honorable même, plein d’une fierté nationaliste – comme tous, pas vrai ? La vérité, c’est qu’il fait un très mauvais Japonais, mais un homme d’affaires avisé. Je ne suis pas un bon Coréen, et je ne suis pas japonais.

Le patriotisme

Le patriotisme n’est qu’un principe, comme le capitalisme, ou le communisme. Mais les principes font oublier aux hommes leurs propres intérêts. Et les types au pouvoir exploiteront toujours les hommes qui croient trop en leurs principes. Tu ne peux pas réparer la Corée. Des centaines d’hommes comme toi et des centaines d’hommes
comme moi ne suffiraient pas à la remettre sur pied. Les Japs sont partis, et maintenant la Russie, la Chine et les États-Unis se disputent notre petit pays de merde. Tu crois que tu peux rivaliser avec eux ? Oublie la Corée.
Concentre-toi sur ce que tu peux avoir. Tu veux l’épouse ? Parfait. Tu n’as qu’à te débarrasser du mari, ou attendre qu’il crève. Ça, c’est quelque chose que tu peux maîtriser.

 

Le savoir

Absorbe tout le savoir que tu pourras. Remplis ton cerveau de connaissances – c’est la seule forme de pouvoir que personne ne pourra jamais te reprendre. 

 

 

Édition 10/18 domaine étranger . Traduit de l’anglais par Delphine et Jean-Louis Chevalier

 

Le 23 janvier 2020 je disais à Aifelle que ce livre me tentait beaucoup. Elle me mettait en garde contre l’aspect très noir du roman, elle avait bien raison mais je ne regrette absolument pas cette lecture même si parfois je l’ai trouvée éprouvante.

Ce n’est pas un roman qui se lit facilement parce qu’il décrit une tension que rien ne semble pouvoir apaiser. Mais il permet de découvrir le sort qui était réservé aux émigrés européens qui, après la guerre, ont voulu rejoindre l’Australie pour fuir les horreurs qu’ils venaient de vivre. Comme à toutes les époques d’après conflits, les populations recherchent un ailleurs plus souriant, mais les pays se referment sur eux mêmes et n’accueillent que difficilement de nouveaux arrivants même dans un pays comme l’Australie qui pourtant, est, en principe, une terre d’immigration.

Le roman se construit sur deux époques, l’enfance de Sonja dans les années 1950, et en 1990 son retour alors qu’elle est enceinte vers son père Bojan Buloh, un ouvrier dur à la tâche et qui noie son mal de vivre dans l’alcool. Avant ces dates, il y a aussi le passé dans les montagnes Slovènes où Bojan et sa femme Maria ont connu l’horreur absolue de la guerre contre les nazis menée par des partisans. Ces horreurs ont modelé des êtres qui renferment alors en eux des bulles de fragilités dont ils n’ont eux-mêmes pas idée et qui peuvent éclater à tout moment. Les chasser loin, au delà de leurs souvenirs, ne leur permettra pas de se débarrasser de leur présence dans leur personnalité.

Marie, disparaît dès le premier chapitre. Disparaît c’est vraiment le mot employé et elle laisse derrière elle, une petite fille de 5 ans qui ne comprend pas et un mari complètement effondré qui ne trouvera que dans l’alcool des oublis qui ne durent que le temps de l’ivresse. La vie des émigrés étaient dures, en effet, avant de devenir australien, ils devaient accepter de travailler pendant deux ans là où on avait besoin d’eux. Pour Bojan, ce sera à construire des barrages hydrauliques en Tasmanie. Si la description du climat est réaliste, cela ne donne guère envie d’y faire du tourisme, il y fait froid, le paysage est noyé sous la brume ou la pluie battante. L’enfant est d’abord retiré à son père et fréquentera deux familles d’accueil absolument horribles, puis elle viendra vivre avec lui. Bojan aime son enfant mais est dépassé par son drame personnel, et lorsqu’il a bu frappe sa fille sans raison. Malgré cela Sonja a bien du mal à le quitter, et c’est vers lui qu’elle revient adulte et enceinte.

Ce roman est donc très sombre et parfois trop pour moi, et il est soutenu par une évocation d’une nature sans pitié qui colore le roman d’une tension supplémentaire. Pendant tout le roman on espère comprendre le pourquoi de tant de malheurs, on sent que la vérité va être insupportable et elle l’est effectivement. Je ne m’attendais pas à cette explication que je me garde bien de vous dévoiler. La fin du roman est un petit moment d’espoir autour d’un bébé qui représente un avenir possible. En tout cas, c’est que j’espère, on croise les doigts pour ce bonheur fragile.

 

Citations

 

Réaction de Soja face à la colère de son père complètement ivre

Il n’était pas grand, Sonja Buloh n’était pas grande non plus et ne possédait pas sa faculté de prendre des proportions gigantesques. Elle, c’était précisément l’inverse. Pour échapper à ce courroux, elle avait appris l’art de la petitesse, l’art de rendre son être si menu qu’il devenait invisible sauf à un examen attentif.

La langue et l’immigration

Il s’arrêta, rassembla ses pensées dans sa tête et essaya de les réarranger en un semblant d’anglais correct. « J’aurais dû écrire à toi, euh, des lettres, mais euh, mon anglais, il va au travail, il va au pub, mais il va pas si bien sur le papier. »
« Il y a des choses qui comptent plus que les mots » dit-elle puis elle s’arrêta. Sa remarque avait toutefois frappé son père . Il devint presque volubile, mais sans colère, pour la réfuter. 
« Peut-être tu dis ça parce que tu as plein de mots, dit-il tu as trouvé une langue. Moi j’ai perdu la mienne. J’ai jamais eu assez de mots pour dire aux gens c’que je pense, c’que je ressens. Jamais assez de mots pour un bon boulot. »

Illusions australiennes .

Pour Sonja la ville de Tullah n’était pas nichée dans la haute vallée entourée de tous côtés par les montagnes sauvages, mais avait plutôt un air de catastrophe industrielle disposée en petit tas réguliers qu’on avait laissés s’enfoncer dans le sol marécageux. Tout être, toute chose était provisoire. Sauf la forêt tropicale et le bois bouton qui repousserait une fois terminé cette brève interruption. Ce n’était pas un lieu où les gens naissaient ou souhaitaient mourir, mais un lieu qu’ils aspiraient simplement à quitter. 
La promesse faite aux travailleurs émigrés, l’offre d’une vie meilleure en Australie dans l’Europe dévastée par la guerre, l’insaisissable arc-en-ciel de la prospérité et e de temps plus paisibles, tout cela s’était amenuisé, éloigné, ce n’était plus une chose réelle mais un kaléidoscope, un rêve à moitié fixé dans la mémoire qu’il valait mieux essayer d’oublier.

Les désespérés

À la fin la seule chose qui comptait, c’était qu’il semblait ne pas y avoir d’issue, vraiment rien d’autre que la mort ou l’alcool. Au bout d’un certain temps tout le reste s’évanouissait, et certains étaient assez contents qu’il en soit ainsi et d’autres non, mais dans un cas comme dans l’autre la plupart finissait par décider que mieux valait ne pas songer sans cesse au joug du destin qui pesait si durement sur eux. Au bout d’un certain temps ils perdaient à peu près tout, famille, argent, espoir. Ils conservaient toutefois une certaine camaraderie de chiens perdus qui valait ce qu’elle valait, généralement pas grand-chose, certaines fois énormément.

Le discours que le père n’a pas pu dire à sa fille

Elle partie, il trouva finalement les mots pour exprimer ce qu’il voulait lui dire depuis longtemps. « Toi et moi, dit-il d’une voix basse au débit hésitant, on a vécu, on a vécu pire que des chiens. Je regrette. Je pense pas qu’tu reviendras. Crois-moi, j’ai jamais voulu tout ça, la boisson, les coups, ces gourbis d’émigrés, des fois des choses t’arrivent dans la vie et malgré tout, malgré c’que t’espères, tu peux pas les changer. »
Sa confession terminée, son éloquence l’abandonna aussi rapidement qu’elle était venue. 
Avant d’aller prendre dans le frigo sa première bouteille de la journée, oublieux de l’heure matinale, il dit seulement une chose à la brise qui s’engouffrait du monde extérieur.
 » On est venus en Australie, dis Bojan Buloh, pour être libres ».

 

 

 

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Carla Lavaste. Édition Pocket

 

Roman reçu en cadeau, et que j’ai lu d’une traite car l’histoire est saisissante et bien racontée. J’aime bien découvrir à travers un roman un fait historique dont je n’avais jamais entendu parler. Aux USA « Terre d’accueil et de liberté » pour des populations européennes chassées par la misère de leur pays, une pratique peu reluisante a vu le jour entre les deux guerres. Une oeuvre chrétienne chargeait à New-York un train avec des orphelins pour leur éviter l’orphelinat. Il arrivaient dans le Midwest et dans les gares les attendaient des couples en mal d’enfants. Une affiche avec cette annonce était collée sur les murs

On recherche
FAMILLES D’ACCUEIL POUR ORPHELINS
Une société de Bienfaisance de la côte Est
Pour enfants sans foyer
Arrivera à la gare de Milwaukee Riad.
Le vendredi 18 octobre
LA DISTRIBUTION AURA LIEU À 10H
ces enfants de tous âges et des deux sexes
sont seuls au monde

Les familles d’accueil faisaient leur choix et signaient une convention : ils devaient les nourrir et les loger contre de menus services et les envoyer à l’école. Les bébés étaient le plus souvent adoptés et les plus grands, surtout les garçons étaient choisis par des fermiers pour l’appoint qu’ils pouvaient apporter au travail de la ferme. Aucun contrôle n’était exercé et donc l’école était une option au bon vouloir des gens qui accueillaient ces enfants.
Le roman a choisi pour raconter cette histoire une petite fille irlandaise qui changera plusieurs fois de prénom, Niamh son prénom irlandais, Dorothy dans l’horrible première famille et Viviane chez les gens qui l’ont aimée et qui ont voulu lui donner le prénom de leur fille morte de la diphtérie . Le seul objet qui la relie à son origine est un médaillon en étain avec le symbole irlandais de l’amour ;  » le cladagh »

Il lui avait été offert par une grand-mère dont elle se souvient avec tendresse. Mais quand elle sera orpheline personne ne cherchera à la récupérer ni sa famille irlandais avec qui elle n’a plus aucun contact ni sa famille(éloignée) américaine qui devait sans doute se battre avec sa propre misère. Elle partira donc dans un de ces trains et connaîtra deux horribles familles avant de rencontrer ceux qui deviendront ses parents adoptifs . Cette histoire nous est racontée au gré des rangements dans un grenier par une autre enfant placée en famille d’accueil, Molly qui a écopé de cinquante heures de travaux d’intérêt général. Ces deux femmes l’une dans l’année de ses 18 ans l’autre dans ses 93 ans finiront par s’entendre. Elles ont en commun de savoir ce que c’est que de vivre dans une famille d’accueil.

J’ai quelques réserves sur la fin trop en happy-end à mon goût , en particulier pour la jeune Molly mais cela n’enlève rien à l’intérêt du roman.

 

Citations

Une jeune placée en famille d’accueil

S’il y a bien une chose qu’elle déteste à propos des familles d’accueil, c’est d’être à la merci de gens qu’elle connaît à peine et de dépendre de leur moindre lubie. Ne rien attendre de qui que ce soit, voilà ce qu’elle a appris. Ses anniversaire sont souvent oubliés et c’est tout juste si elle est invitée à participer aux différentes fêtes qui jalonnent l’année. Elle doit se contenter de ce qu’elle reçoit, et c’est rarement ce qu’elle a demandé.

Le train d orphelins

« Les enfants, vous voici à bord de ce que l’on appelle un train d’orphelins et vous avez la chance d’en faire partie. Vous laissez derrière vous un lieu diabolique où règne l’ignorance, la pauvreté et le vice. À la place, vous allez découvrir la noblesse de la vie à la campagne. »

 

J’ai découvert ce roman sur un blog que je lis régulièrement « La souris jaune« . J’aime bien ce blog car j’y trouve des livres qui ne sont pas dans l’actualité littéraire. La Souris Jaune, fouine dans tous les lieux où l’on trouve des livres pas chers ou dans les médiathèques pour assouvir ses envies de lecture. Ce roman avait tout pour me plaire, car il parle d’un sujet très peu traité : que sont devenus les traces de la présence juive en Egypte ? Le début m’a enchantée et je me suis installée pour faire un voyage original dans un pays où je n’irai sans doute jamais. Mais lorsque l’héroïne, Camélia arrive en Egypte, très vite, j’ai déchanté. Elle arrive dans ce pays avec l’argent de sa mère et des ses tantes pour faire construire une sépulture digne des attentes des sœurs de la morte, Carlotta . Carlotta est restée en Egypte et n’a pas suivi ses sœurs en France. Cela aussi m’intéressait, celle qu’on surnommait « la juive au nombril arabe » a mené une vie hors du commun. Mais il en est si peu question ou d’une façon si embrouillée que je me suis vite lassée. Vers la page 200 d’un roman qui en compte 350, j’ai parcouru en diagonal un récit qui ‘arrivait pas à retenir mon attention. Je n’ai rien compris aux aventures amoureuses de Camélia qui a des relation sexuelles avec l’homme qui la reçoit et qui l’oblige à l’appeler « papa ». Ses rencontres avec les pensionnaires de l’ancienne demeure qui étaient la maison de retraite de sa tante sont totalement étranges. On sent que l’auteur veut nous faire vivre à la fois la décrépitude de ce monde ancien et celui de la vieillesse , j’ai parfois pensé à la famille « Mangeclous » d’Albert Cohen, mais le récit n’arrivait pas à se construire. Comme « la souris jaune » j’ai bien aimé les incessants coups de fil de Lounna la mère juive plus vraie que nature de Camélia. Et puis je dois souligner la scène de départ dans l’aéroport qui est vraiment très drôle. Au moment où j’écris ce billet, alors que je ne peux pas dire que j’ai lu jusqu’au bout ce roman, j’espère que plusieurs d’entre vous l’avez lu et que vous saurez m’expliquer ce que vous avez aimé dans la partie égyptienne

 

 

Citations

Quand j’ai cru à la première page que je lirai ce roman jusqu’au bout

Morte Carlotta ? Morte la sœur aînée née de la même mère ? Maman s’échauffait . Le mystère de la mort la laissait sans voix hurlait-elle, et je sus qu’elle criait en montrant toutes ses dents au téléphone. Les morts vont vite ! Le monde s’en va. ! Quoi ! apprendre la funeste nouvelles aujourd’hui samedi ? Le seul jour consacré à la partie de bridge hebdomadaire ? Voilà bien la chance de maman ! Tant pis, Dieu était grand, ce qu’il donnait d’une main il le reprenait de l’autre, bientôt il prendrait tout des deux mains…. Maman sentait approcher sa dernière heure.

Toujours sa mère

Sa liaison avec le producteur Rachid « Un musulman qui n’est même pas chrétien » fulminait Maman.

 La scène de l’aéroport sa fille de 26 ans doit écouter les conseils de ses tantes, comme tous les voyageurs car elles parlent très fort.

Je vous la confie, dit maman à l’hôtesse de l’air en charge des bagages. C’est ma fille unique et je l’aime. Surveillez la bien, elle a l’air grande du dehors mais dans sa tête elle est très petite. Il marche bien votre avion ?
Les voyageurs, écartés de force du guichet, parurent fort intéressés par les conseils des dames en noir.
– Il n’y a pas, criait tante Marcelle, tu te débrouilles et tu pousses, mais tu prends place dans la queue, pour la vie sauve si l’avion s’écrabouille en mer, Dieu préserve !
– Tu mettras immédiatement le gilet gonflant, renchérissait tante Fortunée.
-Tu n’iras pas à la toilette suspendue, disait tante Melba à cause de l’aspiration, sait-on jamais. Il n’y a pas de cannibales, au moins ? Elle jeta alentours des regard courroucé. Ah chères, j’ai lu l’article abominable, les uns mangeant les autres et tous commençant par les plus jeunes !
– Aucune boisson alcoolisée, vociférait Maman on te connaît, un verre, deux verres, trois et tu t’endors, quatre tu manques l’arrêt du Caire.
– Camélia chérie, n’oublie pas de sucer le bonbon de l’envol, conseillait tante Fortunée sinon tu retourneras tes vomissements sur les voisins.
-Tu mangeras tout, approuvait maman. Ça fait passer le temps c’est compris dans le prix, mon Dieu comme tout augmente.
– Si tu n’aimes pas la confiture disait tante Melba, garde-moi le petit pot. Ça fait dînette, on voyage par le palais, et le goût est très français.
-Boucle-la Melba, se fâchait tante Marcelle, sommes-nous des mendiants ? Tu ne vois pas que les oreilles françaises nous écoutent

Vraie question

Ils ont vendu le patrimoine des ancêtres. Un rouleau sacré par-ci, une relique du Temple de Jérusalem par là, une synagogue, quelques belles maisons du quartier juif. Les Américains raffolent des marques du passé. Ils ont acheté. Qu’est-ce qu’ils n’ont pas acheté. Lequel est le plus coupable ? Celui qui achète ou celui qui vend ?

Le cimetière juif du Caire

Plus loin, deux jeunes femmes étendaient du linge entre les piliers de la nef consacrée en 1912 à un certain Isaac Pinto, le délivré, selon l’épitaphe, d’une longue vie de douleur et de solitude. À deux pas de là, un vieillard arrosait d’urine la dalle de Léda Gattegno (1903 1933) trop tôt arrachée à son juge d’époux, lequel avait mis une vingtaine d’années à la rejoindre sous le caveau où fleurissait la menthe sauvage et le persil. Des fèves cuisaient à gros bouillons dans la vasque funéraire de Simon Francis Bey, fumet exquis qui partait chatouiller les narines d’un autre pair d’Égypte, le baron Mustapha Lévy, un grand philanthrope , dit Sultana, il a beaucoup construit pour les pauvres, décédé en l’an 1948 et dont le mausolée, un petit palais baroque, s’envahissait de volailles.

 

Édition Poche Folio

 

Après avoir lu de cette auteure, grâce au club de lecture, « Le Ciel par dessus les Toits » j’ai eu très envie de découvrir un peu plus cette écrivaine mauricienne. Si l’île Maurice est synonyme pour beaucoup d’entre nous de vacances sur des plages de sable blanc, de mer bleu azur, sous un soleil toujours présent, cette île a représenté pour des populations noires un lieu d’esclavage et lorsque celui-ci a pris fin, une terre d’immigration pour des Indiens fuyant une misère absolue dans leur pays.

Loin de ces impressions paradisiaques, ce roman se situe en 1890 : l’île Maurice est alors sous domination britannique, depuis une trentaine d’années, mais les plantations restent la propriété de riches planteurs français qui recherchent à tout prix une main d’œuvre bon marché pour remplacer leurs anciens esclaves. Les noirs habitent aussi cette île mais refusent de se faire maltraiter par les propriétaires blancs, peu d’entente sont possibles avec les Indiens qui acceptent des conditions de travail dont eux mêmes ne veulent plus. En peu de chapitres, les problèmes sont très bien posés. On comprend d’autant mieux tous les problèmes qui assaillent dès leur arrivée ces malheureux Indiens sur l’île Maurice que chaque personnage nous est présenté avant leur départ dans leur lieu de vie d’origine. On comprend alors, pourquoi ils partent, mais aussi comment ils vont être forcément déçus car trop de fables irréalistes, comme ces pièces d’or que l’on trouve en soulevant des rochers, leur obscurcissent le cerveau !

Ce roman nous permet de comprendre la situation des Indiens en 1890, certains sont accablés par les dettes que leurs parents ont contractées, un des personnage est seulement joueur de poker et perd tout l’argent de ses parents aux cartes, une jeune femme de sang royal doit brûler sur le bûcher de son mari mort à la chasse, un autre croit rejoindre son frère… Tous se retrouvent sur un bateau : l’Atlas qui après des mois de navigation d’autant plus éprouvante que les Indiens craignent beaucoup la mer, ils débarquent apeurés sur l’île « Meuriche » et trouvent une condition qui se rapproche plus de l’esclavage que celle de travailleurs pauvres et précaires.

J’ai beaucoup aimé ce livre, certainement parce que je ne savais pas grand chose de cette immigration mais aussi parce que cette auteure sait très bien raconter, j’ai quitté à regret ses personnages et j’aurais aimé les suivre un peu plus longtemps. Il y a un aspect qui m’a beaucoup intéressée : à quel point l’enfermement dans les traditions de l’Inde asservit la population et empêche les plus pauvres de s’émanciper, mais à quel point également, ces carcans représentent un lieu rassurant face à un inconnu encore plus menaçant que la servitude que l’on connaît bien. Le roman l’annonce mais ne le décrit pas, visiblement les Indiens sauront grâce à leur courage et à leur force de travail devenir une partie très importante de la population active de l’île et à finalement s’enrichir même sans trouver les fameuses pièces d’or qui ont fait briller les yeux de leurs ancêtres.

 

Citations

Les dettes des paysans pauvres

Quand il emprunta cinquante roupies au zamindar, les deux hommes étaient convenus d’un kamia C’était un contrat où l’on troquait sa sueur, son labeur et parfois la chair et le labeur de ses enfants contre de l’argent. Tant que les cinquante roupies et les intérêts sur le prêt n’étaient pas remboursés, Devraj Lal s’engageait à travailler les terres du zamindar pour la moitié d’un salaire. Il s’engageait aussi à ce que son fils reprenne le kamia s’il décédait avant d’avoir remboursé les cinquante roupies. Ce qui arriva moins d’un an après et son fils, Chotty se trouva en devoir d’honorer une dette qu’il n’avait pas contractée.
Cela faisait dix années que Chotty travaillait pour le zamindar. Les intérêts sur le prêt avaient grandi comme le blé : vite. Et Chotty, semblait–il, ne travaillait pas aussi vite que le blé. Il avait amassé quelques roupies mais plusieurs fois son fils était tombé malade ou le zamindar décrétait qu’il n’avait pas bien fait son travail ou encore ce qui arrivait de plus en plus souvent ces derniers temps, la bibi se plaignait.

Être veuve

Il n’y avait rien de pire que de survivre à son mari. Donner naissance à une fille en premières couches ou toucher un paria étaient des manquements terribles mais être veuve était innommable. Ici, depuis des siècles, dans les familles de sang royal, les femmes montaient sur le bûcher avec leur mari. C’était une tradition comme une autre. De toute façon, que ferait une femme sans son mari ? Qui voudrait d’une veuve quand les jeunes filles vierges ne manquaient pas ? Surtout, qui prendrait le risque d’accueillir une femme qui porte tellement le mauvais œil qu’elle finit veuve ?

Les rapports des noirs anciens esclaves et les indiens nouvellement arrivés

« Je t’ai eu, Malbar. Vous croyez supérieur, hein, tous, tous autant que vous êtes ? Vous venez ici, vous léchez le cul des blancs, vous faites vos village, vous amassez de l’argent, vous achetez des terrains et ensuite, vous vous prenez pour des blancs. Vous nous crachez dessus. Nous sommes des êtres inférieurs pour vous. Vous aussi, vous fouettez vos employés … Tu vas voir, Malbar. Tu vas voir ce que c’est que pourrir en prison. Tu travailleras sous le soleil et comme nous, tu soulèveras les pierres et tu pourriras loin des tiens. »

 

Édition Intervalles ; Traduit du grec par Françoise Bienfait. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Un très beau roman qui traite si bien de toutes les questions qui hantent les hommes et pas seulement ceux de notre époque. Gazmend Kapplani pose de façon lumineuse la question de l’identité grâce à un dialogue entre deux frères. L’un, Karl, a quitté l’Albanie, et est confronté à l’exil et son frère, Frédérick, qui est resté auprès de son père, un pur communiste qui a défendu « le grand dirigeant » Henver Hodja.. Les deux prénoms sont déjà porteurs de l’engagement du père  : Karl, le prénom de Marx et Frédérick, celui d’Engels . Comme il y a beaucoup d’humour dans ce récit, on verra que, si Karl en albanais est trop proche du mot signifiant « bite », en revanche en exil avoir un prénom qui ne soit pas musulman lui a été favorable pour l’obtention de papiers (vrais ou faux). On apprendra petit à petit pourquoi Karl est si viscéralement hostile à son père, à l’Albanie à son village et si loin de son jeune frère. Au fur et à mesure qu’il décrit son exil et ses difficultés, on entend la voix de Frédérick qui pense que rien ne vaut la peine de s’exiler, que l’on est toujours de son village, de son pays, de sa langue et de ses morts. Il faut dire que Gazmend Kapllani sait bien de quoi il parle, lui qui a vécu vingt-quatre ans en Grèce sans jamais avoir obtenu la nationalité. Karl, comme l’auteur, vit et enseigne en ce moment aux USA car il a fui la violence raciste des néo-nazis grecs qui le menacent de mort . Il a révélé dans ce roman (et dans la vie réelle), les meurtres horribles contre les minorités albanaises » les Tchames. Toutes ces questions autour de l’identité de l’exilé nous interpellent aujourd’hui, mais si ce livre est un coup de cœur, c’est aussi que la trame romanesque est bien menée, on suit avec étonnement Karl qui n’arrive pas à être triste de la mort de son père, et qui semble distant avec son frère que l’auteur rend attachant. Et puis, au fil des chapitres, le passé revient et avec lui les attitudes des uns et des autres aux pires moments de la dictature communiste. Alors certes, l’exil est compliqué, et la cruauté des hommes ne connaît pas de frontières, mais quand on est exilé dans sa propre famille, je crois que rien ne peut retenir celui qui, comme cet écrivain, est capable d’apprendre, de parler et d’écrire une petite dizaine de langues.

PS. Je ne suis pas complètement certaine d’avoir compris le titre. Mais est-ce le même en grec ?

Citations

Les mœurs de village

 Il était allé déposer un bouquet de fleurs et une bougie sur la tombe de sa mère. Elle était morte un an avant le départ de Karl. La version officielle avancée par la famille était qu’elle avait succombé à une attaque. Mais tout le monde savait qu’elle s’était suicidée. Un geste aussi grave ne pouvait rester secret dans une ville où les commérages allaient si bon train qu’ils n’épargnaient pas même les trous de culotte des voisins .

Les rituels

La participation au mariage avait lieu sur invitation, alors que pour les décès, les maisons restaient ouvertes à tous, riches et pauvres, puissants et mendiants. Dans cette petite ville où les gens naissaient inégaux, vivaient et mouraient inégaux, la mort était en quelque sorte une patrie qui les accueillait tous sans discrimination.

La langue de l’exil

Karl fut surpris que son père ne disent rien quand il lui annonça qu’il émigrait de nouveau. Ce n’est qu’en quittant la table à la fin du repas qu’il brisa Le silence en lui demandant tout à coup : « Tu n’en as pas assez de passer ta vie à parler la langue des autres ? »
Karl se sentit comme quelqu’un à qui l’on enlève les vêtements par un tour de passe-passe et qu’on laisse complètement nu.

L’exil

Ma patrie est celle où sont enterrés mes morts. Chaque fois qu’on s’éloigne d’eux, on perd un peu plus de son énergie, de sa vie, de son identité.

Déboulonner la statue

Lorsque la statue du dictateur bougea un peu, tout ceux qui étaient autour se mirent à la couvrir d’insultes avec leur voix enrouée. : « Abattez ce fils de putain ! », « Niquez sa mère ! » (Parce que même lorsqu’il s’agit des dictateurs, ce sont toujours les mères qui prennent, on n’a jamais entendu quelqu’un injurier le père d’un dictateur.)

La tragédie de Smyrne

La famille de Clio avait disparu dans l’enfer des flammes qui avait recouvert la ville de Smyrne. Seules sa mère et elle, qui était âgée de neuf ans à l’époque, s’en étaient sorties vivantes. Elles arrivèrent au port du Pirée après avoir traversé la mer Égée sur une barque de pêche pourrie, surchargée de réfugiés qui avaient tout perdu. Ils laissaient derrière eux les tombes de leurs ancêtres et les corps de leurs parents carbonisés dans l’incendie, piétinés à mort par la foule qu’on pourchassait, ou tout simplement disparus. Ils espéraient revenir dans quelques jours, voire dans quelques semaines, pour les rechercher ou au moins enterrer leurs morts. Ils n’étaient jamais revenus. Devant eux se présentait une terre inconnue, rempli remplie d’autochtones qui ne cachaient pas leur méfiance et leur hostilité.

La carte de séjour

Il obtint sa première carte de séjour grâce à un cousin de Clio qui travaillait au commissariat central de police d’Athènes. Une carte minuscule, toute fine, du même bleu que le drapeau grec qui flottait au-dessus de la douane quand Karl attendait sur la-terre-de-nulle-part. « Heureusement que tu as un prénom chrétien », lui dit le cousin de Clio. Le faussaire albanais lui avait dit exactement la même chose . Si on ne portait pas de prénom grec, on devait en changer pour obtenir la carte de séjour et en choisir un plus « convenable », qui n’attirerai pas l’hostilité des autorités ni les soupçons des autochtones. Des milliers d’Albanais changeaient aussi rapidement de prénom qu’on se débarrasse d’un vêtement sale après le travail, espérant ainsi obtenir ce talisman que représentait pour eux la carte de séjour.

Le mal de l’état nation

D’après Christos, le nationalisme qui avait atteint ses contrés était une asthénie psychique bien particulière, inoculée par l’Occident qui était réputé pour sa froideur et son avarice, cette maladie incurable de l’Europe avait surtout frappé les petites nations, celles qui, d’après lui étaient nées au forceps du ventre de l’Histoire et se retrouvent est totalement dépourvues de défenses immunitaires. « Nous, dans les Balkans, nous sommes les enfants orphelins de trois empires, l’Empire romain, l’Empire byzantin et l’Empire ottoman », disait-il, planté devant la carte des Balkans qui incluait Constantinople et recouvrait presque tout le mur de son long couloir. Il avait également épinglé au-dessus une large bande de papier sur laquelle il avait écrit en gros caractères : « Chercher des gens ethniquement pures dans les Balkans revient à chercher des femmes vierges dans un bordel. »

Les tabous nationaux

Chaque pays a ses « tabous nationaux ». On les appelle ainsi parce qu’ils sont profondément enfouis dans l’oubli collectif, grâce à une convention tacite établie par la majorité des membres d’une communauté, de sorte que personne ne cherche à savoir la vérité. On peut aussi qualifier « d’ignorance institutionnalisée » ou de « statu quo » ce genre de convention. Pour prendre une comparaison un petit peu triviale, on pourrait dire que cette ignorance institutionnalisé est du même ordre que l’ignorance des usagers sur le fonctionnement des égouts, tout le monde sait qu’ils existent mais personne n’en parle, sauf quand une grande panne se produit et que leur contenu écœurant se déverse dans les rues.

 

Édition Gallimard NRF (du monde entier)

Traduit de l’italien par Danièle Valin

 

Quand j’ai chroniqué « le poids du Papillon » Dominique m’avait conseillé de lire ce roman. Comme elle, j’ai parfois des lectures moins enthousiastes de cet auteur par exemple « le jour avant le bonheur » et même « le tort du soldat » m’avaient moins convaincue que ces deux derniers romans. Encore un coup de cœur pour celui-ci. Un des sujets du roman c’est le travail du « passeur » artisan (il refuserait le titre d’artiste) qui doit « exposer la nature » du christ c’est à dire son sexe. Oui, j’ai appris grâce à ce roman que les crucifiés étaient nus sur leur croix. Il existe de rares statues du christ nu.

 

Un sculpteur décide au début du XX° siècle de faire une sculpture du crucifié nu, mais l’église a imposé que l’on cache le sexe sous un pagne de pierre. Notre personnage principal est donc chargé d’enlever le rajout et sculpter le sexe du christ.

Le personnage, – voilà l’autre thème du roman- est un habitant des montagnes mais il doit trouver refuge dans une petite ville de bord de mer car il est devenu bien malgré lui trop célèbre dans son village. Habitant des régions frontalières, il est devenu « passeur », pour « des gens » qui veulent continuer leur périple en Europe. Ces immigrés sont, comme il nous le dit, les nouveaux nomades de notre époque. Il s’acquitte avec succès de cette tâche, en acceptant le prix fixé par deux passeurs du village mais lui rend aux immigrés leur argent dès la frontière passée. Cela se sait et tous les médias s’intéressent à lui. Ses anciens amis se sentent trahis et ne veulent plus de lui dans le village. Il part donc et trouvera ce travail dans une église du bord de mer. C’est pour lui, et pour nous, l’occasion de se confronter au travail du sculpteur sur marbre et de réfléchir au sens des trois grandes religions monothéistes. Tout le livre très court -cet auteur écrit souvent de moins de deux cent pages- est plein d’une sagesse, d’humour et de réflexions qui font sourire parfois, nous troublent souvent. J’ai aimé ce roman , j’espère me souvenir de quelques une des citations que j’ai notées -celle sur Charlot a fait éclater de rire mes amis-. À mon tour de vous en recommander chaudement la lecture.

 

Citations

J’adore ….

Je grave des noms pour les amoureux endurcis qui les préfèrent sur des branches et des cailloux plutôt que sur des tatouages. Ils durent plus longtemps sans pâlir. 

Les frontières dans les montagnes

Ils sont cocasses ces États qui mettent des frontières sur les montagnes, ils les prennent pour des barrières. Ils se trompent, les montagnes sont un réseau dense de communication entre les versants, offrant des variantes de passage selon les saisons et les conditions physiques des voyageurs.

Le personnage principal doit sculpter le sexe du Christ qui a été enlevé et caché par un linge en granit

Il m’apprend que je suis le dernier d’une longue liste d’artistes, confirmés ou non, qui ont été consultés. L’un d’eux a dit que l’enlèvement traumatique de la couverture suffirait déjà à représenter la nudité et son histoire censurée. Ceux qui ont accepté d’essayer ont proposé des solutions bizarre. À la place de la partie détachées, quelqu’un a imaginé un oiseau, plus précisément un coucou, parce qu’il met ses œufs dans le nid des autres. Un deuxième à penser à une fleur. Un jeune artiste a eu l’idée d’un robinet.

Le vin

Le curé continue à m’écouter tout en prenant une bouteille de vin et deux verres. Il remplit le mien à ras bord. C’est l’usage chez les ouvriers. Si on offre du vin, on remplit le verre. Ce sont les riches qui en verse peu. Eux, ils ne boivent pas ils sirotent. Si on en offre à un ouvrier, on en verse jusqu’à ce que le verre déborde.

Vous la portez à droite ou à gauche ?

Il est curieux de connaître celui qui a finalement été chargé de restaurer la gêne. Son père qui était tailleur, l’appelait ainsi quand il prenait les mesures pour un pantalon. Il demandait au client de quel côté, droit ou gauche, il portait la gêne. 

Traverser la place de la gare à Naples

J’observe ce que font les passants pour atteindre la rive opposée du trottoir. Le courant d’automobiles est continu.
Ils font comme ça, ils descendent du bord tandis que le flux s’écoule indifférent à eux. Ils l Ils avancent dans le gué , frôlés et contournés par les voitures comme des rochers qui affleurent. Ils avancent rapidement jusqu’à la berge d’en face. Il ne faut pas croire que la mer Rouge s’ouvre en deux pour eux, mais c’est une mer rouge locale, élastique, qui coule en évitant le peuple en marche. Elle l’incorpore et le repose indemne de l’autre côté. Je regarde sans bouger. Je prends des notes visuelles étonné sur la dynamique du lieu, sans me décider à tenter l’expérience. Il est impératif de ne pas hésiter une fois dans le courant. La mer Rouge s’adapte à l’intrus si son pas est décidé, mais devient coléreuse et impétueuse s’il hésite ou change d’avis.

Charlot

Charlie Chaplin a participé au concours des imitateurs de Charlot et il est arrivé troisième. 

Le prix et la langue des passeurs

Les voyageurs paient comptant, forcé de faire confiance. On utilise un anglais de dix mots, le jargon des déplacements.

Destins d hommes

J’écoute les histoires de destins bizarres, des façons nouvelles de mourir : dans une soute asphyxié par les gaz du moteur, gelé dans le compartiment du train d’atterrissage d’un avion, étouffé dans un camion garé l’été en plein soleil.

Cruauté des hommes

Nous parlons de tout le mal que l’espèce humaine a inventé pour elle-même. Aucun animal ne se rapproche de notre pire. Aucune autre créature vivante n’a imaginé le supplice de l’emballement. L’habileté du bourreau consistait à prolonger l’agonie.

Nous cessons de manger pendant un moment, nous nous regardons, nous baissons les yeux. Il y a peu de temps encore, nous aurions assisté à ces exécution dans la rue sans détourner le regard. Décidé par les autorités : cela suffit à leur donner force de loi.

Édition Albin Michel

Traduit de l’italien par François Brun

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Je suis désolée pour ma bibliothécaire préférée, je n ai pas réussi à aimer ce roman, je l’ai en grande partie parcouru en sautant les passages qui m’arrachaient des larmes. Non pas qu’il ne soit pas bien mais il est trop dur . Tous ces êtres humains par milliers que des passeurs entassent dans des embarcations en sachant fort bien que la plupart périront mer c’est absolument insupportable. Mais pourquoi pourquoi des gens se laissent-ils conduire à cette mort plus que probable ? Ce n’est pas le sujet du livre. Le sujet c’est cette île dont le nom à te donner à nos oreilles, pendant de longues années :  » Lampedusa » .
Comment vivent tous les habitants de cette île ? C’est vrai que c’est un point de vue que l’on n’a peu entendu et c’est pour cette raison qu’il a été choisi pour être lu à notre club. Qu’est ce qu’il se passe quand des cadavres viennent s’échouer sur vos plages ? et bien quelles que soient vos opinions politiques, vous ferez tout pour sauver un maximum de personnes.
L’auteur a choisi de passer trois ans à Lampedusa , il y rencontre le maximum d’habitants de cette île, tous habités par des récits qui sont aussi horribles que ce que vous pouvez imaginer et plus encore. L’auteur parle aussi de son père médecin et de son oncle atteint d’un cancer dont il ne guérira pas. Les histoires de naufrages sont tellement atroces que je lisais avec soulagement la descente vers la mort de son oncle bien aimé. Comme son père le dit un moment, je me suis demandé à quoi sert ce genre de témoignages, puisque visiblement rien ne peut arrêter ceux qui fuient leur pays, et des tortionnaires Libyens avides d’argent faciles seront toujours là pour les pousser sur des bateaux de fortune après les avoir torturés, rançonnés et violés pour les femmes. Je ne mets aucun coquillages à ce livre à vous de juger si vous voulez le lire .

Citations

Le métier de médecin

En tant que médecin , je récolte une foule d’indices pour les assembler et leur trouver un sens  : des symptômes , des signes, des résultats d’analyses. Au fond, ce métier, c’est ça : faire la somme des symptômes, des signes, des analyses pratiquées et chercher l’explication. On pose une hypothèse diagnostique, puis on examine ce qui la corrobore. Pour ça, je dois pouvoir m’orienter, savoir quoi chercher et quoi regarder. La médecine d’aujourd’hui est aveugle, ces examens tous azimuts sont bien la preuve que le médecin ne sait plus regarder.

Utilité des photos

La photographie te met face à une réalité : la petite fille nue qui crie et qui pleure, le milicien qui meurt, l’enfant syrien noyé -une des photos les plus terribles, on a eu raison de la prendre et de la publier. Et cette réalité est une douleur, immense, lancinante. Pourtant, malgré cette souffrance qui nous est donnée à voir, nous ne comprenons pas plus. Qu’est-ce qui a changé, au bout du compte ?

L’horreur

Le corps est un journal intime où se lisent les événements des derniers jours de la vie. La raideur de certains muscles dit l’extrême privation d’eau. La faible présence de chair dans la cage thoracique témoigne de l’absence de nourriture pendant de longues périodes. Les lésions sont les signes visibles d’une grande violence subie, dans les prisons libyenne comme sur le bateau. Pendant la traversée, certains sont tués à coups de bâton devant les autres pour que ceux-ci comprennent que protester, où demander de l’eau est puni par la mort immédiate. Généralement, les corps sont jetés à la mer. Il arrive aussi que ceux qui ose se plaindre des conditions du voyage soient lancés vivants dans les vagues.