Éditions Julliard, 121 pages, août 2025.
Ce court roman, a plus l’allure d’un conte que d’un témoignage réaliste sur la condition d’une famille palestinienne. L’auteur dans un style très épuré, exprime la souffrance de tout un peuple qui a été victime de la création de l’état d’Israël. La famille doit quitter son village d’origine en 1947 pour arriver dans un premier camp Aqabat Jabr, puis revient à Gaza où elle peut passer quelques années presque heureuses. Mais évidemment on connaît la suite.
Nabib, le vieil homme, la mémoire de ce peuple est un libraire et trouve une vérité dans les livres qui savent exprimer les valeurs humaines. Il raconte sa vie à un photographe français et partage avec lui les valeurs qui sont les siennes. L’auteur se place au delà des clivages qui peuvent tuer, le père de Nabib est chrétien, sa mère musulmane et le livre préféré de Nabib est « Si c’est un homme » de Primo Levy. Je ne suis pas entièrement convaincue par ce roman car je ne le trouve pas ancrer dans le réel, mais en même temps, je comprends la volonté de l’auteur de dépasser le conflit actuel pour mettre le destin des Palestiniens dans la trop longue histoire des souffrances que les hommes s’imposent à eux mêmes.
Ce livre est un cri de douleur, au nom de l’humanité : comment peut-on rester indifférent à ce qui se passe aujourd’hui à Gaza ? Rachid Benzine essaie de mettre des mots sur le sort des Palestiniens. Et pour cela il mérite bien 5 coquillages malgré ma réserve.
Extraits
Début.
Journée ordinaire. Hier deux frappes ont tué quatre gamins dans le seul crime avait été de jouer au foot sur la plage. Tu te réveilles dans la chambre où tu t’es installé la veille. L’hôtel concentre une partie de la presse internationale. Tu aurais préféré loger chez l’habitant. Mais ton agence t’a convaincu de privilégier la sécurité. Peu de quartiers sont vraiment épargnés. Des familles entières disparaissent parce qu’elles habitent sans le savoir ou en toute conscience, à proximité d’un bureau clandestin. Les frappes chirurgicales relèvent souvent de l’erreur médicale.
Un passage qui dit beaucoup de ce roman .
Après la prise de contrôle de Jabaliya les forces israéliennes ont établi une administration militaire dans toute la bande de Gaza. De là à s’imaginer qu’elle allait durer trente-huit ans… Je crois que nous serions tous devenus fous. On sous-estime toujours combien une occupation peut se substituer à un monde. Il nous fallait survivre en serrer dans un étau omniprésent. L’angoisse était partout. Elle imprégnait l’ère que nous respirions elles pesaient sur nos cœurs elles s’insinuaient même dans nos rêves. Chaos, humiliation, destruction. Toute leur vie bien des Palestiniens n’auront connu que ce traitement. Et toute leur vie également bien des Israéliens ne se seront représenté les Palestiniens que comme des terroristes. Ces images inversées expliquent l’impossible réconciliation. Alors comment a-t-on fait pour tenir ainsi tant d’années ? On s’habitue à tout, peut-être.