Édition Belfond. Traduit de l’anglais(États-Unis) par Catherine Gibert .

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Je pensais avoir fait un billet sur « Il faut qu’on parle de Kevin », mais visiblement non alors que j’ai lu . En revanche j’ai chroniqué et peu apprécié « Double-Faute« de la même auteure. Je suis déçue par cette lecture qui pourtant commençait bien : un couple de sexagénaires se trouve à la retraite devoir résoudre la question qui traverse tant de couples : Que faire de tout ce temps libre que l’on doit maintenant passer ensemble, sans le travail ni les enfants ?

La femme était une grande sportive elle a complètement détruit les cartilages de ses genoux à force de courir tous les jours, l’homme au contraire n’a pratiqué aucun sport mais vient de se faire virer de son boulot à la ville car il s’est opposé à une jeune femme noire qui est une spécialiste du « Woke » à défaut se s’y connaître en urbanisme. Le roman commence par son annonce surprenante et qui m’a fait croire que j’allais aimer ce roman : il annonce à sa femme qu’il va courir un marathon. Sa femme vit très mal cette nouvelle passion de son mari. D’ailleurs cette femme vit tout très mal, il faut dire qu’il n’y a rien de très réjouissant dans sa vie. Sa fille est confite en religion et en veut terriblement à sa mère, son fils est délinquant et sans doute dealer, et elle souffre le martyre tout en continuant à s’imposer le maximum d’efforts physiques que son corps peut supporter.
Tout cela pourrait faire un bon roman, mais moi je m’y suis terriblement ennuyée. Comme pour beaucoup d’auteurs nord-américains c’est beaucoup trop long, mais ce n’est pas la seule raison. Cette écrivaine ne sait résoudre les problèmes de ses personnages qu’à travers des dialogues qui s’étirent en longueur. Cela a provoqué chez moi une envie d’en finir au plus vite avec cette lecture. Il faut dire aussi que je n’étais bien, ni avec la femme, ni avec son mari et son coach Bambi absolument insupportable, ni avec la fille confite en religion qui va faire le malheur de tous ses nombreux enfants. Je n’ai toujours pas compris -mais je l’avoue ma lecture a été très rapide à partir de la moitié du roman- pourquoi après tant d’événements qui déchirent ce couple, ils restent ensemble finalement.
Ce n’est donc pas une lecture que je peux conseiller, mais si ce roman vous a plu, je lirai volontiers vos billets.

 

Citations

C’est bien vu

 – Ce qui m’agace à propos de ces expressions subitement ubiquitaires… 
Tommy n’allait pas demander la signification de « ubiquitaire »
– … c’est-à-dire celles que soudain tout le monde emploie, ajouta Serenata, c’est seulement que ces gens qui balancent une expression à la mode a tout bout de champ sont persuadés d’être hyper branchés et plein d’imagination. Or on ne peut pas être branchés et plein d’imagination. On peut être ringard et sans imagination ou bien branché et conformiste.

Bizarreries du couple

 En fait, toute honte bue, Serenata était en train de se servir de leur fille difficile pour réveiller un sentiment de camaraderie entre-eux. Ils s’étaient sentis tous les deux maltraités, avaient tous les d’eux été sidérés par le sombre grief que leur fille entretenait contre eux et tous les deux désespérés de son adhésion à l’Église du Sentier Lumineux, dont les fondateurs ignoraient certainement qu’il s’agissait du nom d’une organisation terroriste péruvienne. Unis dans la consternation, ils n’en demeuraient pas moins unis, et elle ne se sentait même pas coupable d’étaler effrontément l’histoire inconséquente de Valeria pour faire émerger une solidarité. les chagrins devaient avoir leur utilité.

Édition Acte Sud. Traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes
Prix Femina 2021 pour les auteurs étrangers

C’est étrange comme le bonheur et le malheur se ressemblent, l’un comme l’autre nécessitent qu’on oublie la réalité telle qu’elle est.

Ahmet Altan est sorti de prison, c’est sans aucun doute la nouvelle qui m’a fait le plus plaisir en avril 2021. J’avais tant aimé « Je ne reverrai plus le jour » que je suivais toutes les péripéties judiciaires de ce grand écrivain. Comme je le disais dans le précédent billet quelques soient les humiliations que la prison turque lui a imposées, elle n’a jamais réussi à ôter en lui sa qualité d’écrivain. J’attendais avec impatience de lire ce roman et j’imagine très bien comment passer autant de temps à creuser ses souvenirs des deux femmes qu’il a aimées alors qu’il était jeune étudiant lui ont permis de survivre à son incarcération.

Madame Hayat est une femme plus âgée que lui et moins cultivée que lui. Ces deux différences feront qu’il aura toujours un peu honte de cette relation alors qu’elle lui apporte tant de choses entre autre une initiation à la sexualité riche et complète. Cet amour m’a fait penser à un roman qui m’avait beaucoup marquée « Éloge des femmes mûres » de Stephen Vizinczey. Fazil (le personnage principal) entretient en même temps une relation avec l’étudiante Sila. Il est amoureux de ces deux femmes, Sila et lui ont en commun d’avoir été des enfants de la classe favorisée d’un pays que l’auteur se garde bien de nommer. Ils ont tous les deux été plongés dans la misère, Fazil parce que son père n’a pas su diversifier ses cultures maraichères et Sila parce que le régime a subitement confisqué tous les biens du sien. Celui-ci restera même en prison quelques jours, le temps de signer une déclaration dans laquelle il s’engagera à ne pas faire de procès aux autorités qui l’ont ruiné. Comme dans le roman de Stephen Vizinczey, la montée du sentiment amoureux est accompagnée par la réalité politique de leur pays. Pour Fazil et ses amis il s’agit de la peur et parfois la panique face à l’intolérance religieuse et la répression policière qui s’abat sur tout ce qui est différent. Ce roman est aussi un hymne à la littérature, monde dans lequel Fazil (et certainement Ahmet Altan) se réfugie le trouvant souvent plus réel que la vie qu’il doit mener. Deux professeurs de littérature lui feront comprendre la force de l’engagement littéraire. Ces deux enseignants connaîtront à leur tour les horreurs de l’arrestation arbitraire et la prison.

Si cette progression de ce pays vers une répression à la fois des mœurs et des positions politique est bien présente dans « Madame Hayat », ce n’est pas l’essentiel du roman. Ahmet Altan a voulu revivre ses premiers amours et son épanouissements sexuel, j’imagine assez facilement le plaisir qu’il avait à se remémorer ce genre de scènes entre les quatre murs de sa prison à Istanbul. Un très beau roman, tout en sensibilité et respect de la femme, celui d’un homme libre aujourd’hui mais dont le talent a toujours dépassé les murs dans lesquels un régime répressif l’a enfermé pendant six longues années.

 

 

 

Citations

 

La liberté et la littérature

 Il me semblait que le vrai courage, ici, c’était d’oser critiquer le livre de Flaubert, tant le monde et les personnage qu’il avait créés, leurs idées, leurs sentiments, leur intuition, étaient pour moi un sujet d’éblouissement permanent indépassable au point que j’aurais aimé vivre dans ce monde là dans un roman de Flaubert. J’y étais comme chez moi. Mon grand rêve eût été de passer ma vie dans la littérature, à en débattre, à l’enseigner, au milieu d’autres passionnés, ce dont je me rendais toujours un peu plus compte à la fin de chaque cours de madame Nermin. La littérature était plus réelle et plus passionnante que la vie. elle n’était pas plus sûre, sans doute même plus dangereuses, et si certaines biographies d’auteurs m’avaient appris que l’écriture est une maladie qui entame parfois sérieusement l’existence, la littérature continuait de paraître plus honnête que celle-là.

L’amour et Proust

 Je n’avais d’yeux que pour son corps voluptueux, sa chair, ses plis, qui m’appelaient partout, au coin de ses yeux, à la pointe des lèvres, sur sa nuque, sous ses bras, sous ses seins. Elle avait certainement perdu sa beauté de jeunesse, mais tous ces petits défauts de l’âge ne la rendaient que plus attirante. J’étais persuadé de la désirer telle qu’elle était, ni plus jeune ni plus belle. Je me souvenais de la phrase de Proust : « Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination. »

Le plaisir

Avec elle je découvrais le suprême bonheur d’être un homme, un mâle, j’apprenais à nager dans le cratère d’un volcan qui embaumait le lys. C’était un infini safari du plaisir. Elle m’enveloppait de sa chaleur et de sa volupté pour m’emporter au loin, vers des lieux inconnus, chacun de ses gestes tendres était comme une révélation sensuelle. Elle m’enseignait que les voies du plaisir sont innombrables.

Dieu

 Ça fait longtemps que Dieu regrette sa création, il essaie d’oublier, je suis sûre qu’il a déjà arraché cette page de son cahier et l’a jetée à la poubelle.

La conversation après l’enterrement d’une petite fille

 Pendant que nous attendions les boissons, je demandai à madame Hayat si elle croyait en dieu. Je l’avais vu prier tout à l’heure. 
– Parfois. Mais pas aujourd’hui… Et puis, Dieu aussi a des absences. 
Les boissons arrivèrent. Elle resta un moment le verre à la main, parlant comme pour elle-même :
– Est-ce qu’il laisse la boutique aux employés et s’en va faire un tour, je ne sais pas.

Édition Le cherche Midi

Lu dans le cadre de Masse Critique Babelio

 

Ce livre raconte un enterrement où rien ne se passe comme prévu et nous offre une galerie de personnages attachants. Pourtant, il s’agissait d’une cérémonie qui aurait dû être très simple parce qu’elle se passe parmi des gens ordinaires, ceux que l’on ne remarque pas : Serge, le défunt, conducteur de bus pour les résidents de l’EHPAD, Arlette sa compagne, femme de ménage, son ami en fauteuil roulant, sa mère qui a enfin, à 84 ans, trouvé le bonheur avec une compagne et sa sœur qui au début du récit semble odieuse et uniquement préoccupée par la réussite financière et qui est maman d’une ado Garance plus généreuse que ses parents.

Et puis il y a les deux assistants funéraires dont la vie est assez compliquée, l’un car il ne se remet pas d’une grave dépression, l’autre car il attend désespérément une réponse à un texto envoyé à une jeune actrice qui lui chavire le coeur.

Tout commence dans la tristesse sous la pluie avec à peine douze personnes dans l’église pour se terminer en apothéosé le lendemain avec une centaine de personne au cimetière. C’est sans doute mes réserves sur ce roman, tout se termine tellement bien que je n’ai guère pu y croire. Je ne divulgâche rien pourtant j’en aurais bien envie ….

 

 

Citations

À quoi pense une mère d’ado pendant l’enterrement de son frère

 Ses parents s’apprêtent à lui payer une école de dessin en plein cœur de Paris à neuf mille balles de frais de scolarité mais c’est Arlette qui est « trop cool » avec son clafoutis. franchement, y a des baffes qui se perdent.

Le copain du défunt

Je falsifiais . Des fiches de paie, des diplômes, des reçus. C’est mon côté artiste. j’avais fait les beaux-arts à bordeaux. Sauf qu’au lieu de copier Vélasquez ou Rembrandt, je faisais des faux bulletins de salaire. Des bouteilles de vin, aussi. J’en ai fait un paquet. Des fausses étiquettes de grands crus, des faux cachets de cire. Les types mettaient de la piquette dedans, personne faisait la différence, les caisses partaient à des prix que vous n’imaginez pas.

L’humour et une chanson triste

 « La tendresse » est probablement la chanson la plus triste du répertoire français. L’écouter dans un corbillard garé devant un cimetière, un lundi après-midi, sous un ciel menaçant, relève de l’exploit. Ça pourrait faire l’objet d’une épreuve olympique.

Édition Sabine.Wespieser. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Un livre choc, qui se lit très facilement et qui oblige à se poser des questions : comment aurions nous réagi à une telle annonce ?

Thierry et Élisabeth habitent une maison isolée tout près d’une belle et grande forêt. En face de chez eux un couple, Guy et Chantal, est venu habiter une maison en ruine qu’ils ont retapée. Depuis quatre ans des liens très forts se sont tissés entre eux. Coup de tonnerre : Guy est arrêté pour les viols et les meurtre de six jeunes filles. L’écrivaine va suivre le travail que doit faire Thierry pour échapper à l’emprise mentale de celui qu’il considérait comme étant son seul ami. Et peu à peu se dessine le portrait d’un homme taiseux qui ne sait pas tisser des liens avec les autres et cela dès son enfance. Pour une fois, il faisait confiance et était bien avec un homme, ils buvaient parfois des bières ensemble, ils s’aidaient pour des petits bricolages, ils étaient tout simplement amis. Et voilà qu’il doit revivre tous les instants qu’ils ont partagés en se rendant compte à quel meurtre correspondait tel ou tel service rendu. L’horreur le rend fou de douleur. Son boulot le lâche et sa femme s’écarte de lui car elle veut absolument déménager de cette maison qu’elle n’a jamais aimé (trop isolée). Lui s’obstine à vouloir rester là où il a fait son trou dans cette maison où il se sentait protégé.

La fin est très belle aussi, il trouvera à qui demander pardon pour son enfance brisée, et le fait qu’il ne sache jamais dire son amour aux gens qui comptent tant pour lui : sa femme et son fils. Le livre se termine par l’espoir qu’il saura peut-être mieux s’ouvrir aux autres en tout cas, il a enfin compris sa femme qui exige de déménager de cet endroit de malheur.

Je trouve que le style très rapide va bien avec ce récit qui ferait un très bon film. J’ai apprécié aussi que Tiffany Tavernier ne cherche pas à comprendre l’assassin comme tant de journalistes s’y essayent lors des terribles révélations de meurtres en série, mais se penche sur la personnalité de celui qui était son ami et qui n’a rien vu. Cela nous interroge sur ce que nous savons de gens que nous croyons connaître.

Citations

Leur vie avec le tueur

Reine et Virginie, c’était avant leur arrivée, mais toutes les autres, à commencer par Zoé ? À cette époque, Marc était déjà parti étudier à Grenoble et Guy venait d’acquérir la maison. Sans doute n’avions-nous pas encore fait connaissance. La petite Margarira, en revanche, c’était l’année des vingt ans de Marc. Pour fêter « ça  » et nous consoler de l’absence du « petit », Guy et Chantal s’étaient pointés avec un somptueux pauillac. Un an après, au moment de la disparition de Selima, Marc venait de nous parler de son désir de vivre au Vietnam. À la maison, nous étions comme deux chiots abandonnés et Guy et Chantal, nous invitaient souvent pour nous changer les idées….

Le début d’une très belle scène finale

 Tout ce malheur sur son visage. Marcher vers elle. Franchir le mur qui me sépare de son sourire. Traverser la forêt. Écarter les épines, les ronces. Ramasser les bruyères. Marcher encore. Atteindre cette larme qui coule le long de ses joues. Cette larme que j’essuie le plus délicatement possible et que j’embrasse avec douceur. Tout ce mal qu’on lui a infligé, nous tous, les hommes, les filles aussi, qui détournaient la tête à son passage.

Édition Plon Feux Croisés . Traduit de l’anglaispar Anouk Neuhoff avec la collaboration de Suzy Borello

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Voici ma première lecture dans le cadre du club de lecture qui a donc repris du service pour ma plus grande joie.

Le thème du mois était : « Les voisins » , ce roman de John Lanchester paru en France en 2013 , raconte la vie des habitants de Pepys Road. Cette rue bordée de maisons particulières a connu le sort de beaucoup de quartiers de Londres, d’abord construites pour la classe moyenne, les maisons sont peu à peu rachetées par de très riches londoniens qui passent leur temps à faire des transformations plus couteuses les unes que les autres, il leur faut être à la pointe de la mode et montrer que rien n’est assez beau pour eux. Nous sommes en 2007 et la City fait couler l’argent à flots continus. Ce roman tout en se focalisant sur un quartier de Londres donne une photo assez précise de l’ensemble de la ville. Plus que les gens qui seront les acteurs de ce roman, c’est la mainmise de la puissance financière qui est analysée aussi bien du côté des vainqueurs que des exclus.

Du côté des vainqueurs (en tout cas au début) on trouve Roger et Arabella Yount , leur seule motivation c’est l’argent, en gagner beaucoup et le dépenser au plus vite . Le roman s’ouvre sur l’inquiétude de Roger aura-t-il droit à sa prime d’un million de livres dont il aurait cruellement besoin pour écluser toutes ses sorties d’argent ? Nous suivrons pendant un an cette famille et leurs deux garçons qui auront, eux, bien besoin de baby-sitter pour qu’un adulte s’occupe enfin un peu d’eux. Je dois avouer que c’est un aspect qui me surprend beaucoup dans la littérature anglaise (je ne sais pas si c’est en partie réel) mais les enfants ont toujours l’air d’épuiser leurs parents qui n’attendent qu’une chose les mettre au plus vite en pension.

Du côté de ceux qui doivent travailler dur pour profiter un peu de cet argent, un ouvrier polonais et nous découvrirons grâce à lui le monde des travailleurs pour qui l’argent ne coule pas à flots. Il aura des amours compliqués et devra résoudre un problème de conscience à propos, encore une fois, de l’argent : il trouve dans la maison qu’il rénove une valise remplie de billets, que va-t-il en faire ?

Pétunia Howe est la personne la plus touchante de ce récit , elle est âgée et a vécu une grande partie de sa vie avec son mari Albert qui était un horrible radin grincheux. Surtout ne croyez pas la quatrième de couverture, elle n’est pas obligée de vendre sa maison pour se soigner. Elle est est atteinte d’une tumeur au cerveau, sa fille Mary viendra l’accompagner pendant sa fin de vie et nous permettra de connaître son fils Smitty qui est un performeur en art contemporain. Cette famille se situe dans la classe moyenne et elle est plus sympathique. Le fils permet quelques passages assez classiques sur l’absurdité des prix en art mais il reste un homme capable de sentiment pour sa famille, Ce roman donne une assez bonne vision de la société britannique avec ceux qui ne peuvent pas y pénétrer comme Quentina qui a fui le Zimbabwe et qui n’a aucun papier. Elle arrive à travailler sous une fausse identité et est employée par la société de surveillance du stationnement à Londres. Étant donné la complication des règles de stationnement, il semble particulièrement difficile de ne pas avoir de contravention.

La famille pakistanaise est riche en personnalités diverses , l’intégrisme musulman frappe à leur porte , en travaillant comme des fous ils arrivent à un niveau de vie correct.
Il reste un pan de la société : les joueurs de foot grâce à Freddy Kamo nous découvrons que là aussi l’argent peut ruisseler mais il est quand même soumis à la santé physique du jeune joueur, une mauvaise fracture et voilà le rêve qui s’écroule.

Le lien entre tous ces personnages, c’est qu’ils sont tous voisins ou travaillent pour des gens de Pepys Road.

Chaque personnage représente un prototype de Londoniens et l’auteur décrit ainsi une ville qui va mal car elle est trop centrée sur l’argent et la consommation. Il arrive à tenir l’intérêt du lecteur car les trajectoires des personnages font craindre une chute ce qui arrivera pour certains d’entre eux. Et puis, il y a ces cartes que tous les habitants de la rue reçoivent avec cette inscription « Nous voulons ce que vous avez ». Qui se cache derrière ces messages anonymes ? Nous avons donc droit à une enquête policière et à un inspecteur très britannique sorti des écoles qui font de lui un homme un peu trop chic pour sa fonction.

J’ai aimé cette lecture car elle donne une bonne idée de ce qui va mal dans la société britannique, même si les personnages sont parfois caricaturaux et les situations un peu convenues, il faut aussi dire que ce livre a vingt ans et que beaucoup de ce qu’il dénonce nous semble des lieux communs aujourd’hui.

 

Citations

 

Construction de la rue

La rue en question s’appelait Pepys Road. Elle n’avait rien d’extraordinaire pour une rue de ce quartier. La plupart de ses maisons dataient de la même époque. Elles avaient été construites par un entrepreneur à la fin du XIXe siècle, pendant le boom immobilier consécutif à l’abolition de l’impôt sur les briques.

 

La famille pakistanaise

Soit Usman traversait bel et bien une phase religieuse, soit -de l’avis d’Ahmed- il jouait la comédie. Dans un cas comme dans l’autre, il faisait tout un foin de sa répugnance à vendre de l’alcool et des magazines avec des femmes nues en couverture. Les musulmans ne devaient pas…, et patati, et patata. Comme si l’ensemble de la famille n’avait pas conscience de cela… Mais la famille avait également conscience des impératifs économiques en jeu.

 

 

Madame Kamal mère

Elle engueulerait tellement Usman qu’il y avait de fortes chances qu’il n’en sorte pas vivant. Le monde se rendrait compte que le Pakistan n’avait pas réellement besoin de la force nucléaire puisque le pays disposait déjà de Madame Kamal mère.

 

L’ouvrier polonais

La pose des étagères était assurée par son Polonais. Bogdan le maçon qu’elle avait tout d’abord employé sur la recommandation d’une amie, et avait désormais adopté. Il travaillait deux fois plus dur qu’un ouvrier anglais, était deux fois plus fiable et coûtait deux fois moins cher.

 

Se loger à Londres

Zbigniev, Piotr et quatre amis habitaient un trois pièces à Croydon. Ils le sous-louaient à un Italien, qui lui-même le sous-louait à un Anglais qui le louait à la ville, et le loyer était de 200 livres par semaine. Ils devaient faire attention pour le bruit, car si les autres résidents les dénonçaient ils seraient flanqués dehors. En réalité ces jeunes gaillards bien élevés étaient des locataires appréciés dans l’immeuble, dont les autres occupants étaient âgés et blancs. Comme l’un d’eux l’avait un jour glissé à Znigniev dans le hall, ils s’estimaient heureux. : « Au moins vous n’êtes pas des Pakis ».

 

Manie de riches

Roger avait une manie donc il voulait se débarrasser mais qu’il avait bien conscience de ne pas avoir encore corrigée : il avait tendance à acheter plein de matériel hors de prix dès qu’il envisageait de se mettre à un hobby. C’est ce qui s’était passé avec la photographie, quand il avait acheté un appareil immensément sophistiqué et inutilisable, assorti d’une batterie complète d’objectif, puis pris une dizaine de photos avant de se lasser de sa complexité. Il s’était mis à la gym et avais acheté un vélo, un tapis de jogging et une machine multifonctions, puis une carte pour un « country club » londonien donc il ne se servait quasiment jamais temps il était laborieux d’y aller. Il s’était mis à l’oenologie, il y avait installé un un frigo-cave à vin dans le sous-sol réaménagé qu’il avait rempli de bouteilles coûteuses achetées sur recommandation, mais l’ennui c’était qu’on était pas censé boire ces fichues bouteilles avant des années. Il avait acheté en multipropriété un bateau à Cowes, donc ils s’étaient servis une fois….

 

Les riches à Dubaï

Ils devaient descendre dans des hôtels hors de prix pour faire ce que faisaient les gens dans ces cas-là et dans ces endroits-là : lézarder au bord de la piscine en sirotant des boissons hors de prix, manger de la nourriture hors de prix, discuter des futurs vacances hors de prix qu’ils pouvaient prendre et du délice que c’était d’avoir autant d’argent .

 

 

L’argent à Londres

À Londres l’argent était partout, dans les voitures, les vêtements, les boutiques, les conversations, jusque dans l’air lui-même. Les gens en avaient, le dépensaient, y pensaient et en parlaient en permanence. Tout cet argent avait un côté insolent, épouvantable, vulgaire, mais également excitant, stimulant, insolent, nouveau, bref, différent de Kecskemét en Hongrie, qui lui avait semblé, comme toujours les lieux où on grandit, intemporel et immuable. Pourtant, ces torrents d’argent qui inondaient Londres, elle n’en profitait pas. Des choses arrivaient, mais pas à elle. La ville était une immense vitrine de magasin, et elle était dehors sur le trottoir à admirer l’intérieur.

 

 

 

 

 

Édition

Édition de minuit

 

Quel talent cet écrivain et quel pensum de lire un tel roman avec si peu de moyens de supporter la violence. Vers les trois quart du roman je me suis rendu compte que j’en voulais à l’écrivain de décrire avec autant de minutie des faits qui me dégoûtent au plus haut point. Je pense que dans le genre glauque et violent, je préfère les récits rapides qui me permettent de ne pas passer quinze jours avec la peur d’ouvrir encore le roman et savoir que l’on s’enfoncera encore un peu plus dans l’ignominie.

Je ne peux pas avoir un avis objectif sur ce livre, je suis certaine que Laurent Mauvignier écrit de façon remarquable mais pourquoi a-t-il pris ce plaisir à détruire tous les personnages dont il avait patiemment construit la vie pendant la moitié du roman. Il prendra encore autant de temps pour les détruire à petit feu pendant l’autre moitié. Le roman se centre sur une nuit qui au lieu d’être l’anniversaire d’une jeune femme, Marion , maman d’Ida, épouse d’un paysan Patrice et voisine de Christine artiste peintre, sera une nuit de massacre organisé par ceux qui avaient tellement abîmé sa vie d’adolescente : trois frères violents et prêts à tout pour détruire le début d’un bonheur si fragile.

Six cent trente quatre pages pour essayer de comprendre pourquoi quand la vie a mal commencé il est vraiment impossible d’avoir droit au bonheur et pourtant ça a failli réussir. Mais la fatalité , le destin, la malchance, la poisse ce sont vraiment des tentacules d’une pieuvre dont on ne peut se débarrasser qu’en visant la tête, encore faut-il pouvoir l’atteindre !

Un roman qui tient pour son écriture si particulière qui m’a enchantée pendant les trois cents premières pages, et qui n’a pas suffit à me faire supporter la description du drame final.

Citations

Village déserté

Voilà aucun ne resterait, il n’y avait de toute façon rien à foutre à la Bassée, c’est vrai, mais entre d’avoir rien à y foutre et n’en avoir rien à foutre il y avait une nuance que personne ne semblait voir, car personne ne voulait la voir. 

Les lettres anonymes

(Et longueur des phrases j’ai coupé au 2/3 .)

Les lettres anonymes, ils ont beau ironiser, oui, ou jouer la connivence en se disant que c’est malheureusement peut-être une spécialité française, il faudrait voir, toutes les histoires pendant la seconde guerre mondiale, une spécialité campagnarde au même titre que les rillettes et le foie gras dans certaines régions, une détestable tradition, assez pitoyable et heureusement souvent sans conséquence, mais qu’on ne peut pour autant pas prendre à la légère, explique le gendarme comme il l’avait expliqué la dernière fois, avec fatalisme et un peu de lassitude ou de consternation, car, répétait-il, derrière les lettres anonymes il y a presque toujours des aigris et des jaloux, des envieux, qui n’ont rien d’autre à faire que de ressasser leur bile et croit s’en décharger en insultant un ennemi plus ou moins fictif, en l’invectivant, en le menaçant, en crachant sur lui une haine recuite par l’intermédiaire d’une feuille de papier ;

Façon de distiller le suspens procédé un peu répétitif .

Pour l’instant, elle ignore les bruits, n’en n’est pas encore à les surprendre un peu partout autour d’elle, comme elle va le faire dans quelques minutes.
Pour l’instant, elle ne prête aucune attention à ces froissements, ces souffles ou ces pas qu’elle commencera à percevoir seulement quand elle aura fini d’installer sur sa table de cuisine les ingrédients et les ustensiles dont elle va avoir besoin.
Pour l’instant, donc, elle ne fait pas attention aux bruits de l’extérieur, ni au fait que son chien n’est toujours pas revenu auprès d’elle. 

Usine fermée.

Car oui, il arrive qu’on soit soulagé de la fermeture d’une usine, comme celle-ci où on a fabriqué pendant plus de quarante ans des plaques ondulées en fibro-ciment pour les bâtiments agricoles et des raccords de tuyauterie, mais surtout des cancers et, pour ceux qui n’en sont pas morts, des dépressions liées à la peur de l’amiante, de vivre avec cette saloperie en soi.

 

Édition Albin Michel

 

 

Le destin de femmes, en particulier les quatre femmes de la famille Malivieri, Agnès la mère, Sabine l’aînée, Hélène la seconde et Mariette la cadette est décrit avec précision par Véronique Olmi, ce récit est inscrit dans le temps : de 1970 à 1981.

C’est un gros roman de cinq cents pages, l’auteure souhaite donner la même importance à chacune de ces femmes. C’est donc l’émergence de la condition féminine qui va être le principal moteur de cette histoire.

Nous sommes au début, dans la famille Maliviéri, un couple uni dans la foi catholique et qui est presque dans la misère, car le père, Bruno doit payer pour la faillite financière de l’affaire de son père. À cause de ce manque d’argent, la famille doit accepter un chèque mensuel de la famille Tavel, le beau-frère d’Agnès, sa sœur a fait un très beau mariage avec un très riche industriel. La seule contre partie à ce chèque mensuel, c’est de laisser Hélène venir passer toutes ses vacances dans la famille Tavel. C’est humiliant et compliqué à vivre pour la petite fille, car elle aime les deux familles et ne se sent chez elle nulle part. Ses deux pères sont des figures bienveillantes qui vont l’aider à se construire une personnalité toujours un peu ambivalente.

Commençons donc par la mère Agnès, dernière née d’une famille nombreuse, elle n’a pas été soutenue dans son désir d’études et s’est précipitée dans son mariage avec le gentil Bruno, pensant trouver là le moyen de se réaliser. Le début de leur union sera marqué par la perte d’un enfant à la naissance, mais la foi chrétienne et la vie de famille avec trois filles suffiront au bonheur d’Agnès. Et puis les filles partiront vivre leur vie et le silence qui s’installe dans leur petit appartement devient pesant. Elle décide alors de devenir factrice et c’est encore un moment de bonheur dans le monde du travail qui s’installe pour elle . Hélas ! une dernière grossesse désirée par le couple se soldera par un drame (je ne peux pas sans trop en dire sans divulgâcher la fin).

Ensuite vient Sabine, l’aînée des filles qui a une volonté de fer et une énergie peu commune. Elle n’a qu’une envie vivre à Paris et quitter l’atmosphère étriquée de la province. Elle se lancera dans une carrière d’actrice et nous permet de découvrir la galère des débuts dans le monde du spectacle et toutes les luttes qui ont marqué cette époque. Elle a des amours compliqués et un engagement politique à gauche qui lui permettra de fêter avec un grand bonheur la victoire de Mitterrand sur Giscard .

Vient ensuite Hélène, la seule qui soit à l’abri des soucis financiers grâce à l’affection de son oncle David Tavel. Elle épousera la cause animale et se lance dans la lutte pour la survie de toutes les espèces. Ses amours ne sont pas très simples et cela nous permet de découvrir le monde de Neuilly vu du côté des jeunes très favorisés.
Il reste donc Mariette qui a vécu longtemps seule avec ses parents et qui en veut à ses sœurs de ne pas se soucier plus des difficultés de Bruno et Agnes , elle se découvrira une passion pour la musique et un amour pour Joël qui l’aide à comprendre ses parents.
J’ai oublié une autre femme : Laurence une femme aisée et libre qui vit dans une belle bastide et qui sera un point d’appuie important pour Agnès et Mariette.

Bien sûr il y a des hommes mais ils ne sont là que pour accompagner le cheminement de ces femmes. Même Bruno, le gentil Bruno, qui jamais ne s’impose auprès de sa femme ni de ses filles.

C’est un roman qui se lit très facilement et où on retrouve des aspects de la société que l’on a connus. Je trouve très bien raconté, l’arrivée de la sexualité dans la vie des jeunes filles. La peur et l’attirance à la fois. Comme je viens d’un milieu laïc, je suis étrangère à l’engagement religieux des parents, mais laïcs ou catholiques se retrouvent dans la condamnation d’une sexualité féminine libérée. J’ai été un peu lassée par la répétition des modèles féminins. Si elles sont différentes, ces quatre femmes, elles donnent toutes l’impression de sortir d’un cocon et d’ouvrir peu à peu leurs ailes pour affronter le monde. Je n’ai pas réussi à croire complètement aux personnages, et je regrette qu’aucun homme ne prenne une vraie consistante. J’imagine cependant assez bien l’adaptation de ce roman en une mini série télévisée .

 

 

Citations

Bien observé

Autour du cou une étiquette à son nom Hélène Malivieri , mais elle n’avait plus, comme lorsqu’elle était plus jeune, à tenir la main d’hotesse de l’air qui ressemblaient toutes à Françoise Dorléac et s’avançaient au-devant de son père avec un air affranchi et une sensualité piquante.

Le manque d’argent

Le manque d’argent rendait les liens fragiles, comme si tout pouvait disparaître d’un jour à l’autre, et les parents à force de se priver et de faire attention ressemblaient à deux enfants au bord de la route sans jamais arriver à traverser.

Le mariage

Les liens du mariage sont sacrés, avait-il expliqué à ses filles, ils ne peuvent jamais être rompus, le mariage est indissoluble, comme le métal dans l’eau, c’est in-dis-so-lu-ble, ça ne cesse jamais d’exister même après un divorce puisqu’un mariage ne peut pas être annulé, donc le divorce c’est tout simplement impossible. Cela les avait soulagées d’apprendre que jamais leurs parents ne divorceraient, que ce malheur-là ne pourrait pas avoir lieu, mais il y avait avant cet indissolubilité une énergie puissante qui donnait au mariage la force d’une condamnation.

Les castings

Un directeur de casting lui dit qu’il avait quelque chose pour elle, elle pouvait faire un stage et devenir cascadeuse, on manquait de cascadeuse. Un autre lui demanda de rire. Elle rit. De pleurer. Elle pleura. Il frappa dans ses mains, Ris ! Pleure ! Rit ! Pleure !Et quand elle eut fini, il lui dit qu’elle était très ordinaire.

Portrait d’un mari et (père) effacé

Il ne comprenait pas qu’Agnès soit partie en cachette, comme si elle avait été captive, mais peut-être avait-elle besoin de cela aussi, ce sentiment d’évasion, il ne savait pas, il savait peu de chose, à la vérité, il avait la sensation d’être un peu à la traîne et de ne rien voir venir, il demeurait cet homme décalé et qu’on aimait pourtant, il ne savait pas vraiment pourquoi. La mort de la petite fille, Agnès refusait d’en parler et cette mort l’obsédait comme une faute inexcusable, la douleur était physique. Il n’osait dire que l’enfant lui manquait et qu’il lavait aimée, lui aussi, même s’il ne l’avait pas portée. La grossesse, cet état qu’il ne vivrait jamais, était sa défaillance, il était spectateur d’un mystère puissant et menaçant. Il avait l’impression d’avoir toujours vécu avec Agnès et il pensait rarement à sa vie d’avant, son enfance au fil du temps était devenu une zone un peu floue, appartenant à un petit garçon aux cheveux rasés et au sourire rêveur, ainsi que les photos le représentait au milieu de garçons en short et de filles aux nattes brunes, ses frères et soeurs. C’était loin, des années sans tendresse dont il aurait préféré se passer. Agnès n’était pas la deuxième partie de sa vie, elle était toute sa vie, une vie prise à présent entre deux enfants perdus, l’effroyable chagrin sans souvenir.

Création de la ligue de protection des oiseaux

C’était juste avant la Grande Guerre. En 1912. Des safaris était organisée sur les côtes bretonnes par les chemins de fer de l’Ouest, et chaque dimanche des chasseurs débarquaient pour tirer sur les macareux moines venus nicher en France. Le soir ils repartaient et laissaient derrière des oiseaux plombés, des poussins affamés et des oeufs explosés. Un homme, le lieutenant Hémery, a décidé de stopper ce massacre. Il a créé la Ligue pour la Protection des Oiseaux, et la chasse dans les sept îles au large de Perros-Guirec est devenu illégale.

Le symbole de Luocine : le fou de bassan

Depuis 1930, l »île parce qu’elle est protégée attire les fous de Bassan. Ces milliers de points blancs, ce sont eux, en colonie, sur l’île de Rouzic, que l’on surnomme l’île aux oiseaux. Ils l’ont choisie pour sa sécurité mais aussi pour les bonnes conditions de vent du vent, de déplacement et de nourriture tout autour.

 

Édition Le Livre de Poche

 

Une auteure et un livre que vous êtes nombreuses (sans oublier Jérôme ) à aimer. Je l’ai lu rapidement l’été dernier sans faire de billet. Il m’avait rendu si triste ce roman, justement pour son aspect circulaire. Dans ce cercle où tout se reproduit à l’identique, je me sens malheureuse et je crois que la vie peut être plus belle que cela. Marion Brunet à mis en exergue de son roman cette citation de Maupassant que j’aime tant :

« La vie voyez vous , ça n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit ».
Mais ici, il n’y a rien de bon que du sordide.
Le roman commence par une scène qui sera reprise à la fin, la famille va ensemble a une fête foraine mais le soir Céline, la fille aînée de Manuel, un maçon d’origine espagnole et de Séverine, fille d’un paysan de la région annonce sa grossesse à ses parents. Elle n’a que 16 ans et refuse de dire qui est le père de cet enfant. C’est vraiment dommage car, pour son père, cela ne peut être que Saïd l’Arabe avec qui il revend des objets que celui-ci vole dans les villas qu’il restaure, l’Arabe va le payer très cher. Je sais vous n’aimez pas qu’on divulgâche le suspens des romans, surtout qu’ici on annonce un roman policier. Tout est tellement prévisible dans cet enfer de gens qui ont tout raté dans leur vie et qui ne trouvent de l’énergie que dans la bière ou les cigarettes . Pour moi ce n’est pas le côté policier qui fait l’intérêt du roman mais dans la description d’un milieu social qui n’a aucun sens des valeurs. J’ai du mal à imaginer que de telles personnes existent mais pour le temps du roman, il faut l’accepter. Personne ne sort indemne de cette peinture sociale pas plus le grand père paysan qui emploie des clandestins et les dénonce à la gendarmerie pour ne pas les payer, que les parents de Céline et de Johanna qui ne cherchent pas à comprendre leurs filles adolescentes, même Saïd trempe dans des affaires de recels, l’institutrice gentillette est ridicule et la police complètement nulle. L’absence de leur enquête montre bien qu’il ne s’agit pas d’un roman policier. La seule qui donne un peu d’espoir c’est Johanna qui aime le théâtre et les livres.
C’est un roman sur l’adolescence dans un milieu frustre et aigri dont les seuls dérivatifs sont l’alcool et les cigarettes. Il se lit facilement car il est bien enlevé et rempli de remarques très justes sur un monde qui va mal, mais pour moi tout est trop prévisible.

Citations

 

 

Le début du roman

Chez eux , se souvient Johanna, ou une main au cul c’était un truc sympa, une façon d’apprécier la chose, de dire « t’as de l’avenir » – à mi-chemin entre une caresse et une tape sur la croupe d’une jument. Les filles avaient des atouts, comme au tarot, et on aurait pu croire que si elles jouaient les bonnes cartes au moment adéquat, il y avait moyen de gagner la partie.

Conséquences de l’alcool au volant.

David et son cousin Jérémy s’étaient plantés un soir, au carrefour entre l’entrée d’autoroute vers Marseille et la bretelle pour Cavaillon. La bagnole avait heurté le parapet, finit sa course sur une berges du Rhône. Les pompiers avaient mis des heures pour les sortir de là. David après six mois de coma, s’était réveillé légume (….)
Les premières années, Jérémy allait le voir régulièrement. Il avait eu plus de chance, des fractures, mais il s’en était remis(….) Ses vannes tombaient toujours mal au pied du cousin, pied tordu vers l’intérieur et chaussé de baskets neuves qui le resteraient Il avait cessé de venir, à cause de sa tante, qui ne supportait plus de le voir. Ce regard lourd de reproches et de détresse ça le rendait fou – c’était lui qui conduisait, ivre mort.

Genre de dialogues qui me rendent triste.

– Comment va Séverine ?
– Bien. 
-Elle fait un métier difficile. Tous ces mômes c’est bien ce qu’elle fait.
– Elle est cantinières, papa. Elle leur sert à bouffer, c’est tout. 
-Nourrir des gosses, pour toi c’est rien ?
– Papa…

Édition Folio

 

J’ai certainement suivi l’avis d’un blog pour acheter ce roman, qui n’est vraiment pas pour moi. C’est un très joli texte, écrit de façon poétique. Mais je ne suis absolument pas rentrée dans cette histoire ni dans l’écriture. Ce livre raconte à la fois une histoire d’amour très puissante pour un homme des bois dans une région qui ressemble à la Sibérie. Mais c’est aussi l’histoire des violences dues à la guerre et à l’intolérance des hommes pour des gens différents. C’est aussi l’évocation d’une contrée si rude que l’on peut mourir de ne pas se protéger du froid ou de la force des éléments. Je crois qu’en « livre lu » par une belle voix ce livre aurait pu me toucher mais je ne devais pas, ce jour là, être d’humeur à me laisser portée par les esprits , les guérisseurs, les animaux sauvages qui peuvent avoir des relations avec les hommes. Non, ce jour là, je n’étais pas réceptive à ce roman qui a pourtant de belles qualités.

 

Citations

Pour vous donner une idée du style de l’auteure :

Chez les Illiakov, on se contentait de ce qu’en avait toujours dit la grand-mère, « Ajoute une herbe sèche dans le désert et ce n’est plus le désert ». La mère avait repris ses gestes et ses paroles. Elle les avait à son tour transmis à Olga. La décoction avait un goût de terre. L’haleine d’humus rappelait que sous l’écorce de glace, la glèbe sommeillait, prête à réapparaître. Matin après matin, ce goût nous accompagnait un peu plus loin dans la fonte des neiges. Combien de fois l’hiver l’emportait-il sur le courage ? Combien de fois nous ôtait-il la force de nous lever ? Les ancêtres avaient trouvé des ruses. Déjoué la tentation de l’abandon. « Ajoute une herbe sèche dans le désert et ce n’est plus le désert. »

Les esprits

Immobile auprès d’Igor, je souris dans le vague. Je sais que ma bouche est traversée par une trace grise. On ne revient jamais indemne du Grand-Passage. Il faut bien payer un tribut aux esprits. Je n’en connais pas la nature. Je sens seulement, après chaque rituel, que mon corps pèse si lourd qu’il pourrait s’enfoncer dans la terre. Mes mains pendent au bout de mes bras, plus lourdes que des outres pleines. On dirait que du plomb a coulé dans ma tête. Je souris car j’ai accompli mon devoir mais il me semble aussi que dans ma chaire devenue viande on m’a ôté un peu de vie. Alors Igor pose sa main sur ma tête, ainsi que Baba le faisait, et la régularité de son pouls, l’enserre de ses doigts m’allège de cette pesanteur. Je sors de ma torpeur comme on recouvre progressivement la vue après avoir regardé trop longtemps le soleil en face.

 

J’aime beaucoup cette auteure, au point d’acheter deux fois son livre et de le lire deux fois aussi. Au fur et à mesure que je le lisais, je retrouvais les personnages et l’histoire que j’avais déjà lue, et comme je fais partie de la minorité, si injustement décriée, des lectrices qui adorent qu’on leur raconte la fin des intrigues, c’était le bonheur total. C’est vraiment une lecture distrayante et que vous aimerez si vous avez gardé le plaisir que vous l’on raconte des histoires. Le procédé narratif n’est pas banal , car pour expliquer pourquoi cette mère Tatiana a dû empêcher sa fille Nine d’aller à la fête du lycée, elle doit d’abord l’emmener dans une cabane perdue près d’un lac, où malheureusement aucune connexion n’est possible , mais surtout raconter son enfance et révéler peu à peu les secrets de sa famille. Ceux-ci sont si lourds et si complexes qu’il ne faut surtout pas les révéler trop brutalement, et il faudra bien tout le temps d’un roman, pour que Nine sente combien sa mère l’a aimée plus que tout et qu’avant sa mère, Rose-Aimée sa grand mère avait fait preuve d’un courage incroyable pour que ses trois enfants puissent vivre à l’abri d’un père on ne peut plus destructeur. L’auteure termine son roman quand les différents personnages vont se retrouver et j’avoue que j’aurais bien aimé savoir comment leurs retrouvailles allaient se passer . Mais son histoire est terminée quand tant d’autres la commenceraient.

C’est un roman qui est classé « ado », et oui, je pense que cela peut plaire à des jeunes lecteurs car l’intrigue est bien ficelée, mais surtout l’adolescence est parfaitement décrite. Dans ses excès, ses fragilités et son incroyable sens de l’humour. Et c’est ce qui rend ce roman lisible pour les adultes qui aiment cet âge. Quand elle était jeune Tatiana qui s’appelait alors Consolata a supporté les errances de sa mère qui changeait assez souvent de compagnon. L’auteure décrit très bien les difficultés de l’enfant lorsque sa mère change de partenaire, elle aimait l’ancien et détestait le nouveau qui pourtant a bien des qualité qu’elle découvrira petit à petit. Elle se crée des pères biologiques au gré de ses passions, un célèbre footballeur ou un chanteur de rock Elle ne sait rien des difficultés réelles de sa mère mais une chose certaine elle n’a pas manqué d’amour dans sa vie. À son tour elle aimera de toutes ses forces sa fille, Nine, même si elle ne lui offre pas le dernier IPhone le même que celui de toutes ses amies . D’ailleurs le rapport à l’argent de Tatania-Consolata semble bien compliqué, et on découvrira pourquoi. Rassurez-vous je respecte les anti-divulgâcheuse et je n’en dirai pas plus !

Je crois que j’ai préféré « et je danse aussi » du même auteur mais il est bien dans la même veine que « le temps des miracles » et pour le côté combat des femmes : « Pépites »

 

Citations

Tellement bien vu !

C’est une vieille voiture de marque allemande, le genre de tank démodé qui polluent l’atmosphère depuis la fin du 20e siècle et qui fait honte à la fille assise à l’arrière.
 La fille, c’est Nine, 16 ans la semaine prochaine, cinq cents kilomètres de silence au compteur.

Une autre époque

D’une certaine façon, le monde était plus lent et plus vide qu’aujourd’hui. Chaque chose que nous faisions prenait du temps, réclamait des efforts, mais personne ne s’en plaignait puisque c’était normal. Les photos, par exemple. Il fallait apporter la pellicule chez un photographe pour qu’elle soit développées dans un labo. Parfois, il s’écoulait plusieurs mois entre la prise de vue et le tirage, si bien qu’en découvrant le résultat, on ne se souvenait même plus qui était sur le cliché ! Rien n’était instantané, à part le chocolat en granulés et le café en poudre ! Si tu étais fan de musique, pour écouter ton morceau préféré, tu devais attendre qu’il passe à la radio. Ou bien, tu devais aller acheter le disque vinyle dans un magasin spécialisé. Et si par malheur tu n’avais pas de magasins de disques près de chez toi, tu devais le commander sur le catalogue, ce qui supposait d’attendre encore plus longtemps…