Édition Grasset, 594 pages, janvier 2022.

Traduit de l’islandais par Eric Boury

 

Ma sœur aime beaucoup les atmosphères des pays du grand nord, et en me prêtant ce livre, elle m’a confié qu’elle avait aimé passer du temps avec tous les habitants des Fjords de l’Ouest en Islande. J’ai partagé ce plaisir même s’il faut vraiment prendre son temps pour aimer et comprendre tous les aspects du roman et se retrouver dans toutes les histoires de chaque personnage. C’est un gros pavé et on peut se perdre dans la construction romanesque, d’ailleurs le narrateur dit lui même qu’il ne sait pas trop où il va. Le Narrateur est un homme qui a perdu la mémoire et qui est le scribe de tous les témoignages des gens qui vont se réunir pour une fête où tout le monde est convié.

Pour une fois je suis allée voir sur Babelio les avis des lecteurs, et je n’ai pas été surprise de voir que certains (peu nombreux) avaient détesté ce roman, en particulier tous ceux qui s’attendaient à ce que le personnage retrouve la mémoire. J’ai lu, aussi une critique injuste, à mon avis, un lecteur a vu dans ce livre des leçons de vie un peu à la manière de Paolo Coelho, qui a tant plu aux lecteurs il y a une dizaine d’années (ou plus !) , je ne suis pas du tout d’accord : il n’y a aucun message dans ce roman. Et certains avis sont très enthousiaste, un peu comme moi.

On peut se perdre dans le nombre de personnages qui sont évoqués et toutes les histoires d’amour qui sont racontées. Et puis, ce narrateur qui se confie à un pasteur chauffeur de car, qui est-il vraiment ? Comme l’auteur rassemble les vivants et les morts, je me suis souvent demandé où il se situait . L’auteur qui s’appelle Jon comme l’enfant d’un amour adultérin entre le pasteur et une femme mariée Gudridur qui a dû partir au Canada pour résister à cet amour qui aurait détruit son couple, est-il lui aussi le résultat de toutes ses histoires. En tout cas ce qui est certain, c’est qu’il est le passeur entre nous et la civilisation islandaise. Il nous confie aussi ses doutes sur ses efforts de mémoire et en discutant avec « le pasteur » ou le « diable », il en arrive même à changer le sens de son récit et à faire revivre un personnage qu’il avait tué quelques pages auparavant. À la fin du roman de presque 600 pages, j’ai souri quand le Narrateur dit qu’il ne nous a pas encore tout raconté – l’auteur pouvait donc rajouter quelques centaines de pages !-, car il est vrai que nous ne savons pas ce qu’il devient de la mère d’Eirikur, ni si celui-ci fera de la prison pour avoir tiré sur des camions. C’est étrange cette façon que l’auteur a de réfléchir sur la création même de son roman.
La vie dans ce pays est très rude, la subsistance des hommes est due à l’élevage des moutons et pour certains à la pêche. Pendant six mois, le pays est dans l’obscurité, le froid et la pluie ou la neige, pendant l’été les jours sont longs mais il faut sans cesse travailler auprès des brebis et des agneaux. L’alcool permet souvent de supporter cette vie sans lumière , mais on connaît aussi les ravages de l’alcool. La communauté du Fjord ne s’arrête pas aux vivants, chacun porte en lui la lignée des morts qui a rendu sa vie possible

Ce roman est aussi un roman d’amour, des amours très forts et décrits avec un réalisme qui m’a étonnée. De ces amours vont naître des enfants adultérins dont le destin sera compliqué, évidemment. Et puis deux personnages importants Halldor et son fils Eirikur sont des musiciens l’auteur parsème son récit de grands classiques de la chanson surtout américaine et anglaise mais pas que . C’est étonnant aussi de voir des événements hors de leur frontière prendre de l’importance dans cette région reculée : la condamnation de Zola, par exemple. En revanche aucune allusion aux guerres du XX° siècle. Le récit n’est jamais linéaire, on commence avec un personnage, on le laisse puis on revient vers lui, il faut vraiment accepter de se promener au gré de la mémoire défaillante du narrateur . Certaines histoires sont étonnantes, comme celle de Gudrigur qui a écrit un article remarquable sur … le vers de terre ! La première histoire d’amour entre Haraldur et Aldis la jeune fille de la ville (Reykjavik), est superbe et en même temps un peu comme à l’image de toutes les histoires d’amour de ce roman, le coup de foudre du premier regard me laisse toujours un peu septique, mais je ne suis pas Islandaise ! Il y a aussi un récit d’amour homosexuel mais si tragique, le monde rural, quel que soit le pays, bien du mal à accepter ces amours là.

On sent dans tout le roman que tous les personnages ont soif d’apprendre et de lire. Aujourd’hui tous les Islandais doivent pouvoir satisfaire ce besoin.

J’ai aimé me perdre dans tous les méandres de ces histoires, même si je me suis souvent égarée : je ne savais plus avec qui j’étais, et puis je retrouvais les personnages que je connaissais un peu. Un livre à lire si vous avez du temps et de la patience. S’il n’a pas 5 coquillages, c’est que certains aspects ne m’ont pas convaincue : les histoires d’amour au premier regard, et surtout les allées et retour avec des personnages, on peut s’y perdre vraiment.

 

Extraits

Début.

Titre du chapitre : IL SE TROUVE TOUJOURS UNE CONSOLATION
C’est sans doute un rêve :
Je suis assis au premier dans une église de campagne, il fait froid : une profonde quiétude règne à l’extérieur, à peine troublée par les bêlements des moutons et les cris lointains des sternes, les vitre du bâtiment encadrent le bleu du ciel, la mer, une bande d’herbe verte et une montagne presque nue.

Le récit est ponctué de chansons :

Je roule lentement heureux d’entendre The Train Song de Nick Cave qui a pris le relais de Damien Rice sur l’autoradio. Nickel Cave est né en Australie en 1957, il entame donc la seconde partie de sa vie, parce que toute chose vieillir et que, pour finir, tous ceux qui sont aujourd’hui de ce monde sont condamnés à disparaître. Y compris les enfant. La mort est l’impeccable immobile, pourtant elle ne s’arrête jamais lit-on quelque part. Elle balaie des humains, les arbres, les empires, les présidents, les montagnes et les aveux les plus incandescents. Elle ne s’arrête jamais sauf peut-être l’espace de quelques chansons et de quelques poèmes :
Tell me how long’s thé train bien gone ? (…) And was she there ?
 Difficile de faire plus simple comme texte quelques apostrophes répétées à l’infini.
Dites-moi depuis combien de temps le train est-il parti ? Et ce qu’elle était là -est-ce qu’elle était à bord ?

Une autre chanson :

Son tee-shirt est noir est à l’effigie d’Édith Piaf, chanteuse de la douleur, née au pied d’un réverbère au début du siècle dernier, qui vomissait du sang sur scène, pas plus grande qu’une bouteille de vin rouge, mais dotée d’une voix plus vaste que la mort laquelle venait d’ajouter à l’instant le morceau  » Non je ne regrette rien » à sa compilation. La chanteuse regardait droit devant elle, l’air habité comme si elle venait d’entonner :  » Avec mes souvenirs, j’ai allumé le feu, mes chagrins, mes plaisirs, balayé mes amours, ni le bien, ni le mal, car ma vie, aujourd’hui ça commence -avec toi !
 Non ! je ne regrette rien, je ne regrette rien …

Le personnage principal, narrateur.

 J’ai l’impression d’avoir oublié tout ce qui se rapporte à ma personne, j’ignore quelle profession j’exerce, je ne sais rien de mes aptitudes, je ne sais pas s’il y a quelqu’un qui m’aime, je ne sais pas si j’ai des enfants – comment oublier tout ça ? Mes souvenirs ont disparu sans laisser de traces, il ne reste que cette douloureuse nostalgie. J’ai l’impression… qu’on avait effacé mon identité et que quelqu’un a comblé le vide ainsi laissé avec le monde, son histoire, ses agacements, sa nostalgie, son désir d’équilibre … une question se pose dans quel but ?

J’aime ce genre de description sans savoir expliquer pourquoi, les chiens d’Eirikur.

 Les chiens d’Eirikur apprécient plus que tout d’être assis dans la jeep aux côtés de celui qu’ils aiment et qui a leur confiance, c’est une expérience fascinante de se tenir immobile tandis que le paysage qui jamais ne bouge et qui est la chose la plus statique de toutes, défile sous vos yeux à grande vitesse. C’est là un prodige dont ils ne se lassent pas.

L’amour et le couple.

Mais cela n’expliquait pas pourquoi l’amour qu’il portait à son épouse avec commencé à faiblir en lui.. à faiblir si lentement que, pendant longtemps, il ne s’en était pas rendu compte, qu’il n’en avait rien soupçonné. Et quand enfin, il en avait pris conscience, il avait d’abord cru que c’était de la simple lassitude, peut-être parce que la vie à Copenhague lui manquait tout comme les opportunités qu’offrait la grande ville, peut-être que la monotonie de la campagne lui pesait ou peut-être qu’il vieillissait et se désolait de n’avoir pas encore réussi à accomplir ses rêves de jeunesse.

Dureté de la vie.

 Il suffit que le printemps soit tardif et capricieux, que gèle l’herbe neuve et fragile, pour qu’ils soient forcés de nourrir le troupeau de foin y compris pendant l’agnelage et que leur subsistance ne tienne qu’à un fil. Et là, on compte jusqu’au moindre brin de fourrage. Et leur nombre dépend entièrement impitoyablement, du travail acharné qu’on a fourni l’été précédent, sans jamais se perdre dans ses rêveries, quitte à se priver de sommeil et à tout délaisser en dehors de sa tâche elle-même. Il n’y a alors pas de place pour la lecture. Pas de place pour réfléchir à ce qui se trouve loin d’ici. Parce que si le printemps est tardif et capricieux, on a besoin de foin bien plus que de pensées profondes.

L’ailleurs.

Elle savait que Björg serait tellement contente et impatiente qu’elle risquait d’en perdre le sommeil. Mais elle savait aussi que si sa fille acceptait, elle la perdrait. Parce que celui qui quitte une ferme pauvre et isolée a deux pas de la lande pour faire des études, n’y revient jamais sauf en tant qu’invité.

Le message du miroir.

 Elle se revoit devant ce miroir avec son père, elle presque nue, et Eirikur tout habillé, souriant le nez fin, les cheveux bruns et épais, le regard bouillonnant et chaleureux, qui l’encourageait à s’admirer, à explorer son corps, parce que le corps humain était une merveille, à la fois simple et complexe, et parce qu’il nous a été donné pour nous rappeler que nous ne sommes pas des dieux. Nous rappeler que nous supportons mal le passage du temps et que nous avons donc le devoir d’en faire bon usage.

La mort d’être cher.

 Tu sais jeune homme reprend Elias en balayant le fjord du regard, on ne voit aucune trace de vie sur Terre depuis la Lune, quant à la plupart d’entre nous, nous sommes des phénomènes tellement éphémères par rapport à l’histoire géologique que dans une centaine d’années, plus personne ne se souviendra de nous et que toutes nos traces auront disparu. Malgré ça, l’existences est parfois difficile, extrêmement difficile. Tu sais à quel point il me manque ?


Édition Albin Michel, 292 pages, janvier 2024

Traduit du suédois par Anne Karila

 

J’ai encore perdu la trace de l’arrivée de ce roman dans ma pile, j’espère que c’est une personne qui suit mon blog pour que je puisse mettre un lien. C’est un roman au rythme aussi lent que peut l’être un auteur suédois. Le roman est construit en suivant plusieurs personnages sur trois générations, la dernière,une jeune femme, Yana a été élevée par une mère fantasque Harriet et un père, Oskar, qui n’explique rien de ce qu’il s’est passé avec sa mère dans ce curieux village de Malma au bout d’une ligne de chemin de fer. Harriet est la fille d’un père encore plus étrange, Bo, et d’une mère qui l’a abandonnée en partant du domicile familiale avec sa soeur Amelia.

On est souvent dans ce train à des moments très différents et au début le mystère est épais, on sent que l’on découvrira l’énorme cassure qui a brisé une famille sur trois générations. Est-ce que la pauvre Yana réussira à tout comprendre et à être un peu plus libre dans sa vie ?

Si je révèle le poids du secret du départ, cela pourrait sembler ne pas mériter l’autre catastrophe qui va obscurcir à jamais la vie de Yana. Les personnages sont profondément tristes, les hommes sont des taiseux bien incapables d’aimer les femmes qui essaient de vivre à tout prix. Je dis bien à tout prix, même celui du malheur de leurs enfants. Il faut dire qu’au départ les parents qui divorcent prennent une étrange décision de ne plus se revoir en prenant chacun une des filles. Harriet sera élevée par Bo, et Amelia par sa mère. Harriet ne se remettra jamais de n’avoir été choisie par aucun de ses parents, son père s’est résigné à garder Harriet alors qu’il avait choisi, lui aussi Amelia . Un jour, son père emmène sa fille retrouver sa soeur mais celle-ci dit quelque chose à Harriet, elles se battent, elles sont en maillot de bain et Harriet mord de toutes ses forces le téton de sa soeur jusqu’à l’arracher.

Harriet est à jamais déséquilibrée et son mari Oskar est bien incapable de calmer ses angoisses. Yana est leur enfant et grâce à ses recherches, le lecteur mettra peu à peu toutes les pièces de puzzles de cette tragédie à leur place.

L’intérêt du roman ne tient pas seulement à dénouer les différents fils du suspens, mais dans la peinture des personnalités des personnages. Le père d’Harriet , qui se cache avec sa fille dans les toilettes du train pour ne pas payer son billet, qui se révolte contre la police quand il est arrêté sur la route, n’est vraiment pas un personnage sympathique et contribue beaucoup à déséquilibrer la personnalité de sa fille.

La pauvre Harriet, se marie avec un Oskar encore un Suédois incapable de comprendre les traumatismes de sa femme.

J’ai beaucoup hésité pour mettre un jugement sur ce roman, la construction méritait selon moi 5 coquillages , l’intérêt des personnages 3, donc j’ai fait une moyenne.
Sachez que si vous lisez ce roman vous partez pour un roman profondément triste. On retrouve cette atmosphères si lourde qui m’avait tant troublée dans « les survivants« , de ce même auteur.

 

Extraits

Début.

 Debout dans l’ombre de son père, sur le quai, elle le voit plisser les paupières dans le soleil bas du matin. Elle guette les signes d’agacement dans son regard et dans ses gestes. Aujourd’hui, elle est particulièrement attentive, car c’est pour elle qu’ils font ce voyage, elle se sent donc redevable envers lui. C’est à cause d’elle que papa est là, sur ce quai, à cause d’elle la chaleur, à cause d’elle l’heure matinale, le retard du train, elle est responsable de tout ce qu’il doit endurer dorénavant, et lui se tait, indéchiffrable

Caractère de son père (humour ?).

 

 Papa lui n’est pas pressé. Il ne l’est jamais. Il y a quelque chose dans ses gestes, on dirait qu’il fait tout deux fois moins vite. Il n’improvise rien, n’agit jamais sur une impulsion, Harriet a le sentiment que chez lui tout est parfaitement réfléchi. Parfois, elle s’imagine que le matin il prévoit avec précision tous ses gestes de la journée, du petit déjeuner jusqu’au soir, et qu’il les accomplit ensuite exactement selon son plan. Peut-être est-ce pour cela qu’il est toujours impassible, parce que rien ne peut le surprendre, il n’est jamais pris de court.

Genre de phrase que je ne comprends pas bien :

 

 Une seule et unique fois dans la vie, on se rencontrera soi-même, et cet instant, celui-là seulement, sera le plus heureux ou le plus amer de notre vie

Une enfant trop grosse et malheureuse.

 

 La première fois qu’elle a pris l’avion, c’était pour aller sur l’île de Gotland avec le lycée. L’avion était petit, seulement quarante places, ils y étaient tous entrés en courbant la tête, avaient gagné leurs sièges. Une hôtesse de l’air s’était approchée d’elle juste avant le départ, aurait-elle l’obligeance de bien vouloir changer de place et d’aller s’asseoir un peu plus loin vers l’arrière ? C’était une question de répartition du poids pour l’équilibre de l’appareil. Elle s’était vite levée, gênée. Après cela, elle n’avait plus voulu prendre l’avion.


Édition Acte sud, 200 pages, Janvier 2024

Traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Je lis ce livre le premier mai 2024, jour de la mort de Paul Auster, il résonne de façon très particulière car il s’agit justement, d’un roman sur la mort et la difficulté de rester dans le monde des vivants d’un auteur appelé Baumgartner marié à une Anna Blum . L’avoir lu ce jour là, en a changé complètement la perception. Tous les passages sur la mort et le deuil résonnaient comme des phrases prémonitoires et me rendaient triste car je comprenais que ce serait là le dernier roman que je lirai de cet auteur qui a accompagné ma vie de lectrice (avant Luocine).

Baumgartner est un auteur vieillissant qui perd pied dans la lutte pour rester dans le monde des vivants. Le récit commence par ce que les américains appellent un « bad-day » : alors que l’auteur est en train d’écrire, il s’arrête parce qu’il sait qu’il doit appeler sa sœur, il se rend dans la cuisine, il voit qu’il a oublié une casserole sur le gaz, il se brûle en la prenant à pleine main, on sonne à la porte, un homme vient pour vérifier le compteur comme ce contrôleur est nouveau, il descend avec lui dans la cave en oubliant que sa main est brûlée, il tombe en voulant se retenir à la rampe et se se fait très mal…

Si je vous raconte ce début, c’est qu’une grand partie des journées de l’écrivain sont ainsi composées de faits qui s’enchâssent les uns dans les autres et qui montrent que l’homme vieillissant oublie souvent son projet initial. Ce qu’il n’oublie pas, en revanche, c’est son amour pour Anna, sa femme qu’il a aimée avec passion. Une femme libre et poétesse dont la mort violente l’a terrassé. Elle a été écrasée par une vague trop violente alors qu’il venait de lui conseiller de ne pas retourner se baigner. Dix ans plus tard, une femme beaucoup plus jeune lui redonnera le goût de l’amour, mais leurs différences d’âge et de vie les feront se séparer. Et à la fin du livre, on verra une jeune doctorante s’intéresser enfin à l’oeuvre d’Anna.
Vous l’avez compris, nous errons dans les pensées de ce vieil homme, le frère en littérature de l’écrivain (avec un certain humour car Paul Auster n’a pas écrit de romans sur… la roue !), et je sais que, beaucoup d’entre ses lecteurs, ont trouvé ce roman moins intéressant que ses autres livres. Je ne peux pas en juger, car j’étais trop émue en le lisant. Si je peux me permettre un avis contraire à ces spécialistes de l’oeuvre de ce grand écrivain, je trouve que c’est injuste de comparer cet ultime roman à ceux qu’il a écrit alors qu’il était en pleine possession de tous ses moyens. Pour moi ce roman est un petit chef d’oeuvre qui décrit si bien la vieillesse. La perte des êtres chers, la difficulté du quotidien, le détachement des biens de ce monde, la modernité qui nous dépasse et nous exclut du monde des actifs, l’esprit qui part en campagne et qui revient sans cesse sur les moments du passé heureux ou malheureux. Il est possible que cela intéresse moins la jeunesse qui justement est dans l’autre partie de sa vie, mais toutes celles et tous ceux qui, comme moi, ont lu cet auteur tout au long de leur vie ne peuvent qu’être émus par ce roman. Car on se retrouve tellement dans ce livre, pour moi, il s’agit d’une réflexion à portée universelle sur le vieillissement, que l’on soit puissant, riche, pauvre, intellectuel ou pas, on se trouve tous confronter aux mêmes voyages dans nos pensées. (Bien sûr l’argent aide au confort de vie, mais ce n’est pas le sujet du roman.)

Un coup de coeur pour ce livre, mais aussi une grande tristesse de savoir que je ne lirai plus de nouveaux romans de Paul Auster,( je sais que je peux relire les anciens, je le ferai sans doute) .

Extraits

Début.

Baumgartner est assis à son bureau dans la pièce du premier étage qu’il désigne parfois comme son bureau, son « cogitorium » ou son trou. Stylo en main, il est engagé à mi-chemin dans une phrase du troisième chapitre de sa monographie sur les pseudonymes de Kierkegaard quand il lui apparaît que le livre qui a besoin de citer se trouve en bas au salon, où il l’a laissé avant de monter se coucher la veille.

Le deuil de sa femme .

Baumgartner continue à sentir, aimer, désirer, à vouloir vivre mais son intériorité la plus intime est morte. Il le sait depuis dix ans, et durant ces dix ans il a fait tout ce qu’il était en son pouvoir pour ne pas le savoir. 

Texte prémonitoire .

 Il pense aux mères et père vivant le deuil de leurs enfants défunts, aux enfants vivant celui de leurs parents, aux épouses vivant le deuil de leurs maris, aux époux celui de leurs femmes, et à la ressemblance entre leur souffrance et les effets consécutifs à une amputation, car la jambe ou le bras manquant était jadis attaché à un corps vivant, la personne disparue à une autre personne vivante, et si vous êtes le survivant, vous allez découvrir que la partie de vous amputée, la partie fantôme, peut toujours être source d’une douleur profonde et sacrilège.

Les affres de l’écrivain.

 Un an et un mois plus tard Baumgartner est assis au même bureau dans la même pièce, à se demander s’il doit garder la phrase qu’il vient d’écrire ou la raturer pour recommencer. Il la rature, mais avant de recommencer il se soulève de son fauteuil, marche jusqu’à la fenêtre ouverte et regarde de jardin en bas, à l’arrière de la maison.

L’amour .

 Un petit sourire à l’automne, une deuxième rencontre fortuite au printemps, et maintenant un grand sourire : c’était là tout ce qui s’était passé jusqu’alors, et pourtant on eût dit que nous nous connaissions déjà depuis un moment, et peut-être était-ce le cas, car il était évident que chacun de nous avait continué à penser à l’autre de temps en temps au fil des nombreux mois entre alors et maintenant, et à présent que le sort nous avait de nouveau réunis, je sentis que nous étions également déterminés à ne pas tout foirer de nouveau en laissant ce moment disparaître.

Caractère d’Anna.

 Peu importait qu’elle ait tort ou raison, puisqu’elle avait toujours raison même quand elle avait tort, et Baumgartner avait vite appris que la capitulation était la seule défense raisonnable, car une fois qu’il s’était rendu, la dispute prenait fin et était oubliée en quelques secondes. 

C’est fou de lire cela le jour où on annonce la mort de Paul Auster.

 Qui sait si ce n’est pas la dernière belle journée qu’il verra jamais, ou sa dernière journée tout court d’ailleurs ? Non qu’il s’attendent à tomber mort avant le réveil des oiseaux demain matin, mais les faits sont les faits, et les chiffres ne mentent pas. Il a soixante et onze ans, un anniversaire de plus profil dans six semaines exactement, et une fois qu’on est entré dans cette zone de diminution de rendement tout peut arriver.


Édition Robert Laffont, 204 pages, février 2024

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Cela fait longtemps que je n’ai pas lu un roman aussi facile à lire et aussi décevant. Les deux à la fois, aucune aspérité dans le récit qui se déroule sur fond du deuil de la meilleure amie de la narratrice et des mariages que celle-ci doit organiser. J’ai souri quand même aux organisations des mariages et c’est ce qui rend ce roman digne des pires « roman à l’eau de rose », un peu supportable. Et puis, bien sûr, il faut satisfaire à l’air du temps, donc nous avons une femme transgenre rejetée par sa famille qui n’a pas accepté la transformation en femme de ce garçon malheureux dans sa peau masculine, nous avons un mariage homosexuel, un renouvellement des vœux de mariage d’un couple qui a caché sa séparation à leurs enfant, je pense que décrire un mariage de gens qui s’aiment ne ferait pas assez romanesque.

La narratrice a aimé avec passion sa meilleure amie qui, mariée, a eu une petite fille dont elle est la marraine, le père part en Sicile pour être proche de sa famille, la narratrice raconte son amitié à travers des mails destinés à l’enfant quand elle sera plus grande et cela permet de raconter le passé.

Tout est lisse dans ce roman , une succession de clichés, mais je le reconnais assez bien racontés. Les traditions siciliennes, la cuisine italienne, la jalouisie d’une grande soeur, les couples qui vont mal … Si vous êtes épuisé par le monde contemporain et ses violences, gardez une heure ou deux pour vous plongez dans le monde tout en sourire de Serena Guliano. je vous donne les mots de la fin mais ne les lisez pas si vous avez envie de lire ce roman car vous risquez de fuir  :

Fin à moins que …

et page suivante

les adresses mails de Valentina et Bianca existent.

Alors, si vous souhaitez leur écrire pour échanger avec elles, et pour que l’histoire continue, vous savez où les trouver

Extraits

Début.

 Cela fait un mois que ma vie a basculé. Un mois que je vis avec une douleur constante sur la poitrine, et un trou béant dans le cœur.

Le plaisir de son métier .

 C’est exactement pour cette effervescence des heures qui précèdent la cérémonie que je fais ce métier et que je vibre. C’est ce moment précis où les mois de travail, de réflexion, de prise de tête, de négociations, d’angoisse et de petites victoires prennent tout leur sens. Ce moment où mes projets deviennent enfin réels et se concrétisent. J’ai l’impression que, chaque fois, je réalise mon rêve de petite fille.

 

 

 


Éditions Les Avrils, 210 pages, janvier 2024

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Un très bon moment de lecture pour ce récit qui décrit un milieu que je connais mal, celui de la chanson. Il y a deux temporalités dans le récit, celui du groupe d’étudiants qui était bien parti pour connaître le succès, composé du narrateur, Félix, chanteur et guitariste, le deuxième guitariste et chanteur Louis, une musicienne à la basse Alex, et un batteur Rémi. Et le Félix d’aujourd’hui père d’Élie un bébé qu’il a eu avec Anna une femme infirmière, et qu’il aime beaucoup.

Le groupe de musique n’existe plus, on apprendra au fil des chapitres pourquoi, mais on comprend très vite que Louis, le plus déjanté d’eux quatre en est la cause. Aujourd’hui Félix essaie de vivre de sa musique mais seul, il a beaucoup de mal à s’imposer. Son « agent » Marc lui promet la réussite mais qui ne vient pas. Félix essaie de gagner de l’argent, de bien s’occuper de son fils, et de ne pas décevoir Anna. Heureusement, il est apprécié par des personnages sympathiques comme Kacem, celui qui tient un bar en dessous de chez lui et qui est toujours prêt à l’aider. Il y a aussi Anna, qui l’aime mais qui voudrait qu’il essaie de mieux gagner sa vie car c’est elle qui doit assumer financièrement, et c’est trop lourd pour elle, et puis il y a Alex, la musicienne, qui viendra le voir à un moment important pour lui. Comme Anna, on est bien obligé de constater que dans sa vie actuelle ce n’est pas à travers les concerts ratés dans des salles où personne ne l’écoute qu’il est vraiment heureux.

Le charme du récit c’est la simplicité avec laquelle il est écrit, on suit très bien toutes les difficultés de Félix et avec lui je regrette que le genre de chanson qu’il compose n’ait pas plus de succès. Encore que, la chanson qui a tant de succès en ce moment « la symphonie des éclairs » de Zao de Sagazan me donne de l’espoir pour les chansons françaises.

Je l’ai déjà dit, je n’aime pas que dans les romans on présente la drogue comme un produit banal, il y a beaucoup de drogues dans les concerts et cela détruira un des membres du groupe, je le sais bien et cela m’attriste à cause de la violence que ce trafic impose à des quartiers et à des pays.
Mais ce n’est pas du tout l’essentiel du roman qui est plein de sentiments positifs, dans un monde parfois brutal qui utilise les artistes sans les respecter.

 

Extraits

Début.

Il n’y a pas d’applaudissements. Les conversations reprennent, je bois une gorgée de bière avant de me réaccorder. J’égraine doucement les cordes. De haut en bas, des graves jusqu’au aiguës. Les notes s’élèvent et flottent au dessus de la salle. À mes pieds, la diode de l’accordeur clignote. Je tourne à peine les mécaniques. Un quart de ton, pas plus. Des réglages fins pour parfaire l’équilibre 

 

La gentillesse du voisin.

 Elle range son vélo dans la cour derrière le scooter de Kacem. Elle ne l’entretient pas et répète qu’il est increvable, qu’à l’époque on faisait des objets robustes. J’acquiesce sans commentaire, mais je sais bien que Kacem y est pour quelque chose. Chaque fois qu’il passe devant, il ne peut s’empêcher de s’agenouiller près de la bicyclette. Il gonfle les pneus, surveille les freins ou règle le guidon. Je l’ai même surpris en train de graisser le dérailleur. 

Le producteur et le titre du roman.

– Il ne faut pas m’en vouloir, il poursuit d’un air désolé. Je te promets, c’est bien ce que tu fais. Il y a une âme, on sent que tu mets tout ce que tu as. Le problème c’est qu’il n’y a plus de public pour ça. J’ai déjà essayé, ça ne marche pas. On peut trouver que c’est triste, mais c’est la vérité. C’est une question de tempo. 
– De tempo ?
Il secoue la tête 
– de timing, quoi. De moment, de mode, d’époque, appelle ça comme tu veux. Ce que je veux dire, c’est que ta musique, ce n’est pas ce que les gens veulent l’entendre aujourd’hui. Demain peut-être. Qui sait ? Tout est possible après tout. Mais là non, vraiment je ne peux rien pour toi.

Édition Acte Sud, 254 pages, août 2023.

Petite question : suis-je la seule à ne pas aimer lire les livres de cette maison d’édition qui ne peuvent jamais s’ouvrir complètement sauf à casser le dos du livre ?

 

Ceci dit, j’aime très souvent les romans que cette maison édite. Ce n’est pas ma première rencontre avec cet auteur, mais c’est la première fois que j’écris un billet à propos de lui sur Luocine.
Un roman difficile à lire car il faut suivre deux histoires qui n’ont comme point commun que la folie guerrière des hommes. On commence à suivre la survie d’un déserteur dégoûté par les violences de la guerre, celles qu’il a commises, celles qu’il a vues commettre. L’auteur utilise un style très particulier pour exprimer cette violence, il va à ligne à chaque virgule, j’avoue que j’ai du mal à comprendre pourquoi. Mais la langue est belle même si elle exprime ce qu’il y a de pire chez l’humain. Le soldat va être confronté à une femme qui a subi aussi le pire de la guerre . Je ne vais pas plus loin dans ce récit qui est terriblement anxiogène comme l’est sans aucun doute la violence de la guerre.
En parallèle, on suit une réunion le 10 et 11 septembre 2001, qui réunit des grands chercheurs en mathématiques pour célébrer Paul Heudebert, un personnage fictif qui aurait écrit des recherches essentielles au camp de Buchenwald. Communiste convaincu, il a choisi de rester en RDA. Il est très amoureux d’une femme qui, elle, est restée en RFA, leur fille Ingrid ira sans difficultés apparentes de l’Allemagne de l’ouest avec sa mère à celle de l’est. Cette partie est écrite de façon classique et nous permet de revisiter la guerre, le nazisme et de la division entre l’Ouest et l’Est, l’effondrement du communisme, puis l’attentat du 11 septembre qui fera tourner court la fameuse réunion. Les explications pour comprendre tous les enjeux du couple Heudebert ne seront dévoiler qu’à la fin du roman et c’est évidemment tragique.
J’ai un peu de mal à voir l’intérêt du mélange des deux histoires. Bien sûr, on comprend ce qu’a voulu faire l’auteur, montrer que la guerre est toujours là et toujours avec les mêmes horreurs. Mais pour moi il s’agit de deux histoires qui n’arrivent pas à se rejoindre.

Un beau roman, pas toujours facile à lire, mais on y revit tellement de problèmes de notre époque, c’est aussi un bel hymne aux mathématiques mais sans lien évident avec l’autre sujet

 

 

Extraits

Début.

II a posé son arme et se débarrasse avec peine de ses galoches dont l’odeur (excréments, sueur moisie) ajoute à sa fatigue. Les doigts sur les lacets effilochés sont des brandirons secs, légèrement brûlés par endroits ; les ongles ont la couleur des bottes, il faudra les gratter à la pointe du couteau pour en retirer la crasse, boue, sang séché, mais plus tard, il n’en a pas la force ; deux orteils, chair et terre, sortent de la chaussette, ce sont de gros verts maculés qui rampent hors d’un tronc sombre, noueux à la cheville.

Dieu pour le soldat.

 Il continue à marcher,
 Seigneur c’est bientôt le jour de la Passion,
 tu as honte quand tu penses à Son Nom -le fusil contre toi tu traverses Sa nature,
toute chose chante Ses louanges et fleurit Sa gloire,
il traverse les buissons, écoute les ailes qui claquent les branches qui remuent.

Style et mise en page …

 l’enfance parvient à te faire oublier la guerre et la faim,
 l’enfance rôde, c’est un monstre comme un autre,
 tu t’allonges sur la chaleur de la grande pierre plate du seuil.
Il réussit à fermer les yeux sans qu’apparaissent des visages torturés aux bouches sanglantes et aux cernés,
 ton corps, après l’eau, après le soleil, perd l’odeur électrique, de graisse et de sang, que la guerre a donné,
 haut dans le ciel les oiseaux et les avions tournent.

Le camp de Gur.

Que je fasse des mathématiques fascine mes camarades d’internement (on n’est pas détenu, ici, on est « interné » : nuance que mon niveau de français ne me permet pas réellement de saisir). Pour passer le temps, je lance des problèmes simples comme le ferai un prof de math – les quatre-vingts camarades de baraquements (Espagnols, Allemands, Juifs de toute ‘Europe) s’amusent à essayer de les résoudre. Ici on garde le papier (rare) pour les lettres : les maths, c’est sur les murs, avec des morceaux de pierre ou de charbon !

Un moment d’humour.

 Cet ajout se révéla aussi néfaste qu’hilarant : au lieu de se cumuler, ces deux forces semblaient soit se conjuguer inutilement, soit s’annuler. Les oublis étaient oubliés deux fois, les bévues doublement répétées. On aurait dit un dessin tracé par deux stylos à bille attachés entre eux par un élastique, des parallèles ne se rejoignant jamais, malgré tous leurs efforts, contraintes par Euclide soi-même.

Emmy Noether.

 Que vous a-t-elle enseigné (Emmy Noether) ? Paul prend alors son air pénétré, qui cache souvent chez lui une réponse ironique, qui en l’occurrence ne l’est même pas : « elle m’a appris que les mathématiques étaient l’autre nom de l’espoir ».

Les mathématiques.

 Les mathématiques sont un voile posé sur le monde, qui épousent les formes du monde, pour l’envelopper entièrement ; c’est un langage et c’est une matière, des mots sur une main, des lèvres sur une épaule ; la mathématique s’arrache d’un geste vif : on peut y voir alors la réalité de l’univers, on peut la caresser comme le plâtre des moulages, avec ses aspérités, ses monticules, ses lignes, qu’elles soient de fuite ou de vie.

 


 

Édition livre de poche novembre 2023

 

Je ne note plus les blogs où je trouve mes tentations de lectures, j’espère que celui ou celle qui m’a tentée mettra un commentaire pour que je puisse mettre un lien vers son blog. Et voilà déjà Athalie , puis Keisha, et Ingannmic, et Je lis je blogue

L’autrice dit avoir été inspiré par « la vie mode d’emploi » de Georges Perec. C’est son idée de départ, mais cette écrivaine a son propre style et une façon toute personnelle de nous faire vivre avec les habitants d’une des tours des Olympiades dans le 13° arrondissement appelé fort injustement le Chinatown parisien. Injustement, parce que ce sont surtout des Vietnamiens, Laotiens ou Cambodgiens qui y ont été logés et qu’ils ont en commun d’avoir fui les communisme soutenu par la Chine. Peu importe pour les Français tous ces gens sont des « chintoks » !

Dan Bui est une romancière et une journaliste, et cela se sent dans son roman . Elle s’appuie sur des faits très documentés pour créer la vie des personnages dans cette tour. Elle connaît aussi de l’intérieur la vie des exilés vietnamiens. Cela donne un récit très riche et multiforme, un eu trop touffu pour moi, j’aurais eu un véritable coup de cœur, si je ne m’étais pas perdue dans les méandres de toutes les histoires et surtout l’utilisation de toutes les façons modernes de communiquer.

Mais c’est une excellente peinture de notre société actuelle et du choc qu’a représenté pour les Vietnamiens l’adaptation en France où ils ne se sont jamais vraiment sentis les bienvenus , la gauche ne les aimait pas car ils avaient fui ceux qui avaient vaincu l’impérialisme américain , la droite leur faisait la charité en leur faisant comprendre toute leur supériorité. Le quartier est très bien décrit ces tours qui ont défiguré Paris, au sous-sol les SDF qui squattent les garages, dans les étages les vietnamiens avec des parents qui vivent souvent très mal leur déclassement et qui n’ont jamais réussi à apprendre correctement le français, en particulier la famille Tuong qui sera le fil conducteur de ce récit. Il y a sans doute beaucoup de l’autrice dans leur fille Anne-Maï qui a failli représenter la réussite scolaire, gloire possible pour son père adorateur de Victor Hugo.

La description du bizutage en classe préparatoire est une pure scène d’horreur , il faut vraiment espérer que ce genre de pratique ait vraiment disparu. L’humiliation des filles obligées de se mettre à moitié nues devant des garçons hilares est écœurante et tout le monde savait que ça existait sans réagir.

Un personnage que l’on retrouve aussi, déjà dans cette scène puis tout au long du roman, c’est un pauvre type qui se prend pour le chien de l’écrivain Houellebecq et qui est totalement taré. J’avoue qu’il a fait parti des personnages que j’aurais bien supprimé . En revanche j’aime beaucoup le sénégalais Virgile et pas seulement parce qu’il est amoureux de Proust mais parce qu’il va réussir à s’en sortir en inventant des histoires crédibles pour l’OFPRA , et qu’à la fin, il ne saura plus très bien qui il est lui-même. J’ai aimé aussi Illina cette jeune Roumaine qui est la baby-sitter préférée d’une petite française mais qui ne le fait que pour permettre à sa propre fille Théodora de vivre mieux qu’elle même. J’ai beaucoup aimé les notes en bas de page, qui donnent un aspect plus véridique au récit (mais j’ai quand même vérifié sur Wikipédia si c’était vrai !)

 

Tous ces personnages ont des liens dans la narration et on s’y retrouve peu à peu. Je n’ai pas trop aimé la fin qui se situe en 2045 , mais je lui reconnais un certain panache !

 

Extraits

Le début.

De la rue de Tolbiac, on distinguait les deux escalators en panne qui menaient à la dalle, deux rubans de métal se frayant dans le béton, avant de se perdre dans l’obscurité. D’en bas, on ne voyait rien de la dalle. Les tours avaient l’air de flotter dans le vide, brouillant perspectives et point de fuite, un labyrinthe sans porte ni sortie.

Le minéral et les espaces verts.

 Le minéral l’emporta. L’architecte en chef l’avait martelé les espaces verts étaient ineptes, Paris c’était le béton. Les Olympiades s’épandaient en de longues surfaces vides et planes où s’engouffrait le vent. Sur le sol les par résonnaient la nuit, tac, tac, tac, comme dans les couloirs vides des tours.
 Pour pallier l’absence d’arbres, il y eut bien quelques jardinières. Mais les pousses mourraient, écrasées sous les mégots, les crachats, lurine. On abandonna les jardinières. Il y eut aussi d’éphémères bassins pour les enfants mais les habitants y baignaient leurs chiens, scandalisant ceux qui n’en avaient pas. Pour éviter les conflits, les bassins furent vidés. Et il ne resta plus rien. Ni sable, ni terre. Juste des bassins en béton. 

La langue française .

 Les français semblaient tellement obsédés par l’idée de sujet qu’il dictait sa loi à toute la phrase. Tel un roi Soleil, le sujet attirait tout à lui, qu’il fût masculin ou féminin, singulier ou pluriel. 
Plus déroutant encore, la « concordance » des temps. Les français avaient eu l’absurde et délicieuse idée de changer les temps lorsqu’on colle des phrases ensemble. Il n’y avait pas de « que » de « qui » en vietnamien tandis que le français avait besoin de complexifier, rajouter des vis, des boulons, des conjonctions. Comme la tour Eiffel, la langue française lui semblait une construction splendide et bizarre. Un jeu de Meccano qui échappait à la pesanteur, un miracle aérien s’élançant vers les airs.

Vieillir.

 En France, vieillir c’était déchoir, contrairement au Vietnam où les aînés avaient le privilège d’être choyés et entourés de leurs progéniture, toutes les générations vivant sous le même toit. En France, les vieux allaient mourir dans ce qui ressemblait à des prisons ,-lino au sol, ascenseur avec code, cantines où l’on servait du pain tout mou avec de la confiture et du fromage sous plastique. Pendant l’épidémie, les Tuong horrifiés avaient vue à la télévision les maisons de retraite mises sous cloche et les vieux interdits de visite pour éviter les contaminations.

Les cheveux.

Pour les femmes de couleur, la quête de la beauté était d’autant plus absurde qu’elle n’avait qu’une obsession : ressembler à des Blanches et avoir leurs cheveux. Les Noires se napalmaient la tête pour arborer des chevelures lisses, les Maghrébines tiraient sur leur boucle pour arborer des brushings impeccables, les Asiatiques s’infligeaient des permanentes et se débridaient les yeux. Toute s’enferraient dans cette détestation d’elle-même qui les conduisait en plus de vouloir ressembler à des femmes blanches, à ne vouloir plaire qu’à des hommes blancs, quitte à n’être pour eux que de objets exotiques de consommation. 

La couleur de peau.

 L’échelle de valeur de sa mère était corrélée à la couleur de peau. Le teint clair se conjuguait à la puissance. En Asie c’était évident : la minorité dominante des Han, chinoise, ou les Japonais, c’est à dire les plus clairs, avaient longtemps dominé. Quant aux Occidentaux, les tãy, Alice Truong les haïssait, mais elle les admirait aussi. Elle avait toujours respecté la force et la puissance, fussent-elles injustes. Les Blancs décidaient de l’avenir de la planète. La décolonisation ? Quelle blague. Les Blancs avaient gardé l’argent et le pouvoir. Leur supériorité innée était-elle que lorsqu’ils s’installait dans un pays étranger, ils n’étaient pas des « immigrés » mais des « expatriés », fêtés et flattés . Un jour dans un instant d’accablement Alice avait fait cet étrange aveu :
– Peut-être que nous avons fait quelque chose de mal dans une vie précédente pour avoir tant de malheurs et n’être pas aussi blanc qu’eux.

 


Édition Gallimard novembre 2023

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Décidemment dans la sélection des nouveautés du club de lecture , il y a beaucoup de livres qui parlent de la Shoah en France. Est-ce un hasard, ou le fait que les souvenirs se réveillent libérés du poids des interdits du venant de ceux qui avaient vécu ou participé à ces terrible évènements ? Violaine Huisman est près de son père quand il décède, elle veut trouver qui était Denis Huisman, que les gens de ma génération connaissent bien pour avoir travailler sur les manuel de philo « Huisman-Vergez » .

Sa quête de mémoire est douloureuse car ce père fantasque a été un mari volage et n’a pas su aider les deux filles qu’il a eues avec un femme bipolaire. Elle se sent la fille de la « folle », elle aime son père mais a peu d’illusions sur ses qualités morales. (Sa mère est l’objet d’un roman que je n’ai pas lu). Le portrait de ce père haut en couleur est bien mené et très agréable à lire, très vite l’autrice se heurte à la difficulté de démêler ce qui est réel de la mythologie familiale dans laquelle les personnages tiennent des positions qui font de beaux récits mais qui ne respectent pas toujours la vérité historique. Une grande partie de sa recherche concerne Georges Huisman, l’ancêtre si glorieux de la famille et auquel la société d’après guerre n’a pas rendu les honneurs ni la place qui aurait dû lui revenir. On revit sa fuite lors de l’invasion nazie et sa peur d’être déporté comme juif. L’autrice nous fait revivre l’épisode du « Massilia » bateau dans lequel se sont embarqués des députés et des membres du gouvernement : Mendes-France, Jean Say entre autre, respectant en cela les ordres de Pétain. Mais tous ceux qui sont juifs seront arrêtés et jugés pour haute trahison. Tout cela est intéressant et a certainement marqué le jeune garçon (le père de la narratrice) qui a dû se cacher et craindre pour sa vie. Mais dans la mémoire familiale et il y a aussi Choute une jolie femme très riche dont George Huisman aurait été très amoureux. Violaine Huisman s’empare de cette histoire et on ne sait absolument pas ce qui relève du roman ou de la réalité.

J’ai aimé lire cette biographie (même adoré la première partie) et la façon que l’auteur a de démêler tous les fils du passé qui arrivent vers elle comme une pelote souvent agressive qui brouillent tellement bien les cartes de la réalité et de la narration familiale. Mais j’ai trouvé en ce qui concerne son grand-père que le mélange historique et fiction littéraire était gênante.

Extraits

Début.

 Te voir avachi. devant la télé en plein après-midi me sidère est me brise le cœur. Je coupe le son. Merci, silence. Le reflet des images diapre les murs comme les vitraux d’une chapelle. Par la fenêtre, à gauche un rayon de soleil dessine autour de ta chevelure un halo d’or. En arrière-plan, des étagères de livres reliés en cuir châtain forme un paysage vallonné, des collines où se dressent en lettres scintillantes tes auteurs-phares.

J’aime cette façon de raconter.

 Tu as la voix qui porte et le ton professoral ; où que tu sois tu donnes un coup magistral, y compris en tête à tête avec ton agonie. Tu peux de but en blanc déclamer un poème de Hugo ou une tirade de Corneille, en philosophie tu es incollable intarissable tu sembles avoir tout lu tout retenu(…)

Un grand talent d’écriture.

 Cette rosette rouge sur le revers de ton veston intrigué énormément les enfants, toutes générations confondues. À quoi ça sert ? Te demandait-on à tour de rôle. À rien mon pauvre amour ! Strictement à rien, sinon à flatter la vanité des vieux croulants comme moi. Ou plutôt si, ça sert à une chose à partir du grade de grand officier, un vulgaire gendarme ne peut pas vous convoquer au poste, c’est le commissaire de police en personne qui doit se rendre à votre domicile pour vous arrêter. Je ne voyais pas en quoi ce privilège t’aurait été utile.

Le rituel de la nouvelle cuisine.

 Le rituel protocolaire des établissements étoilés t’emmerdait au plus haut point, mais tu en raffolais. Tu trouvais la nouvelle cuisine chichiteuse et ces portions mesquines. Quand un serveur entamait le récitatif des produits préparés dans ton assiette, tu accueillais sa sérénade en bâfrant avec une telle voracité que tu avais régulièrement fini avant qu’il ait conclu son cérémonial en nous souhaitant une bonne dégustation.

Son héritage à Paris.

 Paris était le foyer ancestral où j’étais la fille de : la fille de ma mère-la-folle, la fille de mon père, la petite fille d’un grand-père illustre, fût-il injustement oublié. Je m’étais construite ailleurs car à Paris, j’avais l’impression à chaque carrefour de trébucher sur un pavé.

Son père et les femmes.

 Dans ces récits une femme était avant tout incarnée, et son potentiel de séduction primait sur toute autre qualité. Une femme était soit vieille et moche, soit jeune et fraîche. Décidément, mon père n’était pas un féministe tout à fait hors pair !

Vision de Haussman par Georges Huisman.

 Là on l’entend marmonner son courroux sous son inlassable moustache en pénétrant dans ces monuments du second Empire : ces « vandales » qui ont défiguré Paris ! Haussmann -le pire ce qu’on a appelé les « embellissements » de Paris n’est qu’un système générale d’armement contre l’émeute. l’Attila de la ligne droite !

 

 

 

 


Édition Seuil. Octobre 2023. Traduit de l’espagnol par Isabelle Gugno
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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Je ne connaissais pas cet auteur, pourtant un écrivain majeur espagnol mais ce n’est pas ce roman qui me conduira à lire d’autres livres de lui. Et encore une fois, méfiez-vous des jugements que l’on trouve sur la quatrième de couverture :

Un thriller psychologique impressionnant 

La Vanguardia

on est loin d’un thriller ! Même si une angoisse se diffuse dès les premières lignes du roman.

Un homme raconte par le détail son installation à Lisbonne, dans un appartement dans lequel il attend son épouse, Cécilia. Dès les début, on sent que son souci de créer une appartement exactement à l’identique de celui qu’ils habitaient à New-York est bizarre et puis, ce personnage d’Alexis l’ouvrier parfait semble étonnant aussi. On sent bien qu’on ira vers une révélation finale qui contredira tout ce bel agencement autour d’une femme trop parfaite.

Donc nous sommes avec ce « je » nous ne découvrirons qu’à la fin son prénom, Bruno, qui a vécu l’effondrement des tours jumelles le septembre 2001, c’est sans doute le déclencheur du roman en tout cas cela occupe une grande place dans ses réflexions. Cecilia qu’il attend travaille dans un laboratoire et étudie le cerveau des rats qu’elle a d’abord traumatisés, elle étudie, en effet, les traces de la peur dans le cerveau. La belle image de Cécilia perd un peu de son lustre quand le narrateur raconte les singes enfermés dans des cages dans son laboratoire. Une seule échappée vers l’extérieur de l’immeuble dans un palais racheté par un homme très riche et un peu fou mais sinon nous sommes tout le temps avec Bruno et sa chienne et on attend … Godot ? non Cécilia qui ne viendra pas, elle non plus. Cela nous donne des réflexions sur le temps qui ne m’ont que très peu intéressée.

On sent que le cerveau de cet homme est malade qu’il est en quelque sorte comme les rats du laboratoire de Cécilia mais cela ne fait ni un thriller ni un roman, en tout cas pour moi, je suis certainement complètement passée à côté de cet écrivain pourtant si connu et à qui je reconnais un très beau style bien servi par une traduction de qualité.

 

Extraits

 

Début.

Je me suis installée dans cette ville pour y attendre la fin du monde. Les conditions sont inégalables. L’appartement se trouve dans une rue silencieuse. Du balcon on voit le fleuve au loin.

Les New yorkais après le 11 septembre .

 Les avions ont très longtemps donné des cauchemars à Cécilia. Elle en fait encore certaines nuits des années plus tard. Cécilia dit que ces cauchemars récurrents sont une aubaine pour une personne qui se consacre à l’étude des mécanismes de la mémoire, où la peur reste inscrite après la disparition de la menace ou du traumatisme qui sont qui en sont à l’origine. La peur ne dort jamais, ajoute-t-elle. Nous descendons d’organismes primitifs et d’animaux auxquels ce que nous appelons la peur a permis de survivre. Cécilia se réveillait en criant parce qu’elle avait rêvé d’un avion qui se dirigeait vers notre appartement et occupait tout l’espace de la fenêtre.

La relativité des catastrophes.

 La vie a dû se poursuivre avec la même et étrange normalité que dans notre quartier de Manhattan, le matin et l’après-midi du 11 septembre. Pendant que les Allemands incendiaient et détruisaient le ghetto de Varsovie après avoir exterminé les derniers résistants, les tramways circulaient et les gens lisaient les journaux dans les cafés d’autres secteurs de la ville.

Les règlements dans les immeubles new yorkais .

 Accoudés au muret de la terrasse, nous savourions la brise marine qui soufflait sur les cheveux de Cécilia et dégageait son visage. Une théorie me traversa l’esprit. Je l’exposai à Cécilia à mesure que je l’inventais, enhardi par le verre de vin interdit que nous buvions au mépris des règles implacables concernant la consommation d’alcool à cet endroit et inscrites par le syndic de l’immeuble sur une pancarte très visible. 

La chienne est très important dans ce récit .

J’imagine la chienne seule entre nos murs, distraite par quelque chose ou endormie dans la solitude et le silence : elle dresse les oreilles bouge lentement la queue, soudain lucide et sur ses gardes. Elle se lève, tord sa truffe vers la fenêtre entrouverte du balcon. Sa léthargie a disparu, l’annonce d’un fait imminent a perturbé sa quiétude.

 

 

 


Édition Calmann Lévy 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un roman bien ficelé et qui ferait un très bon film où une pièce de théâtre, il s’agit d’un huis-clos, autour d’une repas, et c’est tellement français ! Étienne un avocat d’affaire a imposé à sa jeune femme Claudia, kinésithérapeute, de recevoir Johar une brillante femme à la direction d’une entreprise qui doit fusionner avec une autre groupe et son mari, Rémi, enseignant en économie dans une classe préparatoire.

Chacun va commencer ce dîner avec des souffrances et des enjeux très personnels. Claudia, avec qui nous serons souvent, est une jeune femme réservée, très timide, d’autant qu’elle ne se sent jamais mise en valeur par son mari. Étienne est le personnage le moins sympathique du roman, il est le fils d’un grand avocat parisien, il est très beau et à l’aise dans toute les situations mondaines contrairement à sa jeune femme. Hélas, pour lui, ses affaires vont moins bien et il compte sur Johar pour obtenir une amélioration de sa situation. Johar est le personnage central du roman, elle a eu un parcours atypique, jeune femme tunisienne, elle cochait toutes les cases de l’échec social, mais elle est très douée et a fait un parcours de réussite exceptionnelle. Pourtant peu de gens misaient sur elle au départ, elle se souvient bien du mépris d’Étienne à ses début , le même Étienne qui la courtise aujourd’hui. Et puis il y a Rémi son mari, le copain d’Étienne, qui a beaucoup aimé Johar, mais leur couple est sur la fin et lui a rencontré une jeune Manon, professeur comme lui qui lui fait beaucoup de bien.

Peu à peu les enjeux de chacun vont devenir tellement divergents que la fin du repas verra l’éclatement de la vérité, la fin des couples et le retour pour au moins trois des personnages vers de vraies valeurs.

Tout tient par la construction du roman et la découverte peu à peu de ce qui se jouait en sous main, dont évidemment je ne peux rien vous dire !

 

Extraits

 

Début.

 Claudia s’adosse au mur de la cuisine. La chaleur emmagasinée par le plâtre tout au long de la journée se propage dans ses hanches, ses omoplates, ses épaules. Sa tête tombe en avant, infiniment lourde. À la vue des striures rouges qui lui barrent la gorge, Claudia s’enfonce un peu plus profondément dans le mur, indifférente aux traces que ses mains encore grasse d’avoir huilé le poulet, impriment sur la peinture blanche.

Les remarques qui rendent Étienne si antipathique.

« C’était foutu dès ma naissance pour la gloire professionnelle, de toute façon, se dit rageusement Étienne  : je ne suis pas une femme et je ne suis pas arabe. »

L’argent.

 « Cela ne lui ressemble pas de parler aussi directement d’argent » pense Rémi, « c’est trop vulgaire ». Habituellement dans le monde d’Étienne, on ne nomme pas l’argent, même s’il est présent partout, même s’il se cache sous le tombé parfait d’une chemise, la silhouette féline d’une voiture l’élégance velouté d’un vin.

Les cadeaux.

 Il s’était initié à l’art de choisir des cadeaux qui disent qui vous êtes plutôt que de chercher à faire plaisir à leurs destinataire, offrant des truffes fraîches à des amis de retour de week-end dans le Périgord, promettant à d’autres de les ravitailler bientôt en poivre noir tout juste rapporté du Cambodge

Johar.

Son fait d’armes de directrice des opérations n’est pas seulement d’avoir révolutionné l’entreprise, c’est d’avoir révolutionné le pays en remportant et en exécutant de main de maître plusieurs contrats de digitalisation chez les fleurons de la l’industrie française, ainsi que, le Graal absolu, plusieurs ministères de la nation.