Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque, Thème littérature francophone canadienne.

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Je dois dire que j’ai une grande tendresse pour cet auteur et tout de suite après que ce n’est pas son meilleur livre. Ce que j’aime chez lui, c’est qu’il a toujours une façon légère de dire les grandes tragédies qui ont traversé sa vie. Il aurait pu faire un livre sur les horreurs du régime d’Haïti qui ne lui ont laissé comme choix que la prison , la mort ou l’exil. Il n’insiste pas , il part dans ce qu’il a justement nommé « sa dérive douce » pour s’adapter à un Canada glacé et où les portes ne s’ouvrent pas si facilement.

Heureusement, il y a les femmes ! Et le corps des femmes. Il décrit avec une grande sensualité ce qui, sans doute, lui a permis de rester en vie au début de cet exil. Il a un sens du portrait bien agréable à lire, il fait vivre devant nos yeux le monde des Québécois pas très riches mais très vivants. Alors des chroniques légères vers un destin d’écrivain. Le livre s’arrête lors de l’achat de la machine à écrire. Comme lui, je pense qu’il a plus d’avenir là que comme ouvrier, pourtant il a essayé et il est tout surpris de se rendre compte que son départ de l’usine n’a étonné personne.

 Citations

Sens du portrait

Il me présente enfin, Jenny sa petite amie, pâle et maigrichonne.
L’impression de serrer une main d’enfant tout en captant au fond de ses yeux un esprit aussi vif u’un rasoir. Je connais ce genre de nana qui ne dit pas un mot en public mais dont l’opinion en privé est décisive.

Lui et les femmes

On était dans le lit Julie et moi à regarder un documentaire sur la fidélité chez les castors (je précise tout de suite que ce n’était pas mon choix). Le zoologiste, qui a passé toute sa vie à étudier la question, racontait que cette fidélité va à un point tel que si le mâle est stérile sa compagne choisira de ne pas procréer. J’ai tout de suite su que cette histoire allait réveiller quelque chose chez Julie.

– Prends ton temps, me dit Julie, je ne suis pas pressée, tu vas m’expliquer pourquoi tu aimes toutes les femmes ?

Je regarde sa main qui s’ouvre et se ferme.

– Je t’écoute, me fait-elle avec cet air buté qu’elle prend pour parler de son père.

 Je jette un coup d’œil par la fenêtre et me perds dans la contemplation d’une famille de nuages, en balade dans le ciel rose de fin de soirée. Julie s’est rhabillée en silence. Je l’entends partir. Je n’ai rien fait pour l’arrêter. Dans de pareils moments je reste toujours figé. Elle n’a pas claqué la porte. Une telle maîtrise de soi nécessite au moins cinq générations d’apprentissage.

On en parle

D’une berge à l’autre qui comme moi aime beaucoup cet auteur.

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Superbe livre, j’ai, bien sûr, pensé que j’aurais préféré que comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer soit choisi par la bibliothécaire pour nous faire découvrir Dany Laferrière.(Je me promets de le lire prochainement !)

Haïti semble toujours concentrer tous les malheurs de la planète. Cet écrivain n’explique rien, mais raconte si bien et dans une si belle langue qu’on est complètement envouté par son récit. La galerie de portrait des Haïtiennes et Haïtiens est inoubliable mon préféré est cet homme dont les sbires du régime de « Baby-doc » ont détruit la bibliothèque qui ne contenait que des livres de poésies :

 Et Alcool est le seul livre qui n’a pas été détruit ce jour-là puisqu’il l’avait, comme toujours avec lui – il ne s’est jamais dégrisé d’Apollinaire.

Durant tout le chapitre, l’auteur prend des accents d’Apollinaire pour nous parler de l’ancien ami de son père.

La démarche indolente
d’une vache
à sa promenade du soir.
La nuit devient
chagallienne.

Citations

la lecture

J’ai toujours pensé
que c’était le livre qui franchissait
les siècles pour parvenir jusqu’à nous.
Jusqu’à ce que je comprenne
en voyant cet homme
que c’est le lecteur qui fait le déplacement.
Je n’achetais un livre que
si l’envie de le lire était plus forte
que la faim qui me tenaillait.

 L’exil

Pour les trois quarts des gens de cette planète
il n’y a qu’une forme de voyage possible
c’est de se retrouver sans papiers
dans un pays dont on ignore
la langue et les mœurs.

L’humour

Ce type à côté de moi me dit qu’il a fait déjà deux solides tentatives de suicide, mais qu’il ne pourrait supporter une seule journée d’exil. Moi, c’est le contraire, je ne crois pas pouvoir survivre à un suicide.

Haïti

Si on meurt plus vite qu’ailleurs,
la vie est ici plus intense.
Chacun porte en soi la même somme d’énergie à dépenser
sauf que la flamme est plus vive quand son temps pour la brûler
est plus bref.

La pauvreté

Nous sommes dans la voiture de son ami Chico. On doit garder ses pieds sous ses jambes, car il n’y a pas de plancher. On voit l’asphalte défiler et les trous d’eau verte. On dirait une décapotable à l’envers.

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Je savais que je lirai le livre de Dany Laferrière sur le tremblement de terre à Haïti, j’avais tellement apprécié « l’énigme du retour », je n’étais pas pressée car évidemment, je ne m’attendais pas à un livre d’actualité. Son livre est réussi, d’abord parce qu’il aide à comprendre ce que peut être une catastrophe de cette ampleur. Pour moi, les mots sont plus forts que les images, et je regarde de moins en moins les actualités à la télévision, je trouve que ça nivelle tout et qu’on perd tout sens critique.

Le livre de Dany Laferrière restera donc le témoignage de ce qui s’est passé le 12 janvier 2010 à 16 heures 53. Heure à partir de laquelle « notre mémoire tremble » nous dit-il avec cet art de dire les choses les plus graves sans pour autant larmoyer. On retrouve à travers sa déambulation pour savoir si les siens sont encore en vie, la société Haïtienne dans toute sa variété. Sa famille,ses amis toujours occupés à résoudre les problèmes du quotidien. Par exemple : savoir choisir un pneu pour qu’il dure au pire une journée au mieux une semaine !

On y retrouve la passion de l’auteur pour les artistes de son pays, son mépris pour ceux qui veulent réduire Haïti aux rites vaudou, beaucoup de remarques très intéressantes sur la façon de traverser une catastrophe comme ce photographe qui mitraille l’horreur sans trop se poser de questions.
Dany Laferrière sait faire aimer son pays et ses habitants, et lorsque j’ai senti l’humour poindre dans son texte, j’ai pensé que la vie reprenait ses droits :

« Un seul endroit a été épargné : le jardin dans lequel on s’est retrouvé maintes fois pour discuter de Tolstoï, de Joyce ou de Dieu (Frankétienne ne s’embarrasse pas du menu fretin). »

Citations

Dans les chambres d’hôtel souvent exiguës, l’ennemi c’est le téléviseur. On se met toujours en face de lui. Il a foncé droit sur nous. Beaucoup l’ont reçu sur la tête.

 

Toujours impeccable dans leurs uniformes, les employés de l’hôtel n’ont pas perdu leur sang-froid…..C’est peut-être le fait d’avoir une fonction à remplir qui leur permet de marcher droit.

 

Le séisme s’est donc attaqué au dur, au solide, à tout ce qui pouvait lui résister. Le béton est tombé. La fleur a survécu.

 

Je ne savais pas que soixante seconde pouvaient durer aussi longtemps. Et qu’une nuit pouvait n’avoir plus de fin.

On en parle

Les coups de cœur de Géraldine

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Grande nouvelle ! La compétition pour Le prix littéraire du club des lectrices de Dinard 2010/ 2011, prix recherché par tant et tant et d’auteurs et d’auteures, est lancée ! La compétition s’annonce acharnée : le choix des 8 œuvres a déjà donné lieu à une belle montée d’adrénaline. J’étais très inquiète pour Dany Laferrière car nous étions que trois à l’avoir lu… et finalement il a passé le cap !

Je suis ravie de cette liste, et je me fais déjà une joie de tous les relire.

PS. Inutile de vouloir soudoyer les membres du jury, nous sommes toutes, incorruptibles …. Ah oui, j’ai oublié de le redire, ce club est uniquement féminin ! Comme le dit ma sœur,nouvellement arrivée dans la région, mais où sont les hommes ? Ni au cours d’histoire de l’art, ni à la marche, ni à l’anglais ; elle a trouvé : elle les voit tous ……. à la déchetterie !

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51dKh8AWCfL._SL160_AA115_.jpg Le testament caché

Barry Sébastien

 

 

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/31B8G9q5A-L._SL160_AA115_.jpg L’énigme du retour

Laferrière Dany

 

 

 

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41zl3QQRYzL._SL160_AA115_.jpg Ce que je sais de Vera Candida

Ovalde, Véronique

 

 

 

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41MJ33vGetL._SL160_AA115_.jpg Le naufrage de la vesle Mari, et autres racontars

Riel,Jorn

 

 

 

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41fTtGctIIL._SL160_AA115_.jpg Tom, petit tom, tout petit homme, Tom

Constantine, Barbara

 

 

 

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41eMDnvMZvL._SL160_AA115_.jpg Mon couronnement

Bizot, Véronique

 

 

 

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41oVdHN-9gL._SL160_AA115_.jpg Ru

Thuy, Kim

 

 

 

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41hOy7uNDRL._SL160_AA115_.jpg L’étoile du matin

Scchwartz-Bart, André