Je savais que je lirai le livre de Dany Laferrière sur le tremblement de terre à Haïti, j’avais tellement apprécié « l’énigme du retour », je n’étais pas pressée car évidemment, je ne m’attendais pas à un livre d’actualité. Son livre est réussi, d’abord parce qu’il aide à comprendre ce que peut être une catastrophe de cette ampleur. Pour moi, les mots sont plus forts que les images, et je regarde de moins en moins les actualités à la télévision, je trouve que ça nivelle tout et qu’on perd tout sens critique.
Le livre de Dany Laferrière restera donc le témoignage de ce qui s’est passé le 12 janvier 2010 à 16 heures 53. Heure à partir de laquelle « notre mémoire tremble » nous dit-il avec cet art de dire les choses les plus graves sans pour autant larmoyer. On retrouve à travers sa déambulation pour savoir si les siens sont encore en vie, la société Haïtienne dans toute sa variété. Sa famille,ses amis toujours occupés à résoudre les problèmes du quotidien. Par exemple : savoir choisir un pneu pour qu’il dure au pire une journée au mieux une semaine !
On y retrouve la passion de l’auteur pour les artistes de son pays, son mépris pour ceux qui veulent réduire Haïti aux rites vaudou, beaucoup de remarques très intéressantes sur la façon de traverser une catastrophe comme ce photographe qui mitraille l’horreur sans trop se poser de questions.
Dany Laferrière sait faire aimer son pays et ses habitants, et lorsque j’ai senti l’humour poindre dans son texte, j’ai pensé que la vie reprenait ses droits :
« Un seul endroit a été épargné : le jardin dans lequel on s’est retrouvé maintes fois pour discuter de Tolstoï, de Joyce ou de Dieu (Frankétienne ne s’embarrasse pas du menu fretin). »
Citations
Dans les chambres d’hôtel souvent exiguës, l’ennemi c’est le téléviseur. On se met toujours en face de lui. Il a foncé droit sur nous. Beaucoup l’ont reçu sur la tête.
Toujours impeccable dans leurs uniformes, les employés de l’hôtel n’ont pas perdu leur sang-froid…..C’est peut-être le fait d’avoir une fonction à remplir qui leur permet de marcher droit.
Le séisme s’est donc attaqué au dur, au solide, à tout ce qui pouvait lui résister. Le béton est tombé. La fleur a survécu.
Je ne savais pas que soixante seconde pouvaient durer aussi longtemps. Et qu’une nuit pouvait n’avoir plus de fin.