Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle Ertel.
Livre critiqué dans le cadre du programme Masse Critique de Babelio.com

 


Je m’étais bien promis de ne plus répondre aux tentantes sollicitations de Babelio, non pas que ce site propose de mauvais titres mais je suis obligée de lire en trois semaines, et au moment de Noël mon emploi du temps est si chargé que j’ai failli ne pas tenir les délais. Il faut dire qu’un livre de 813 pages à l’écriture assez serrée ne se dévore pas en une soirée, d’autant qu’il ne s’agit pas d’un roman qui se lit facilement.

Nous entrons, en effet, très en profondeur dans les méandres de la psychologie de quatre amis new-yorkais, Jude, le plus mystérieux et celui autour duquel tourne le roman, J.B , l’artiste très doué, Malcom un architecte et Willem un acteur qui rencontre le succès. Bien malgré lui, Jude fait le malheur de tous ceux qu’ils croisent et il est incapable d’expliquer pourquoi il souffre et fait autant souffrir les autres malgré sa volonté de ne leur vouloir que du bien. Il faudra 700 pages à l’auteur pour dire toute la souffrance de cet homme dont le lecteur entrevoit la teneur peu à peu. C’est peu dire que le style de cette auteure joue avec la lenteur, elle s’y complaît et cela donne encore un énorme pavé à l’américaine. J’avais en tête la réflexion de Jean d’Ormesson disant qu’aucun auteur français contemporain (ou presque) n’était traduit en anglais et n’était connu aux États-Unis alors que presque tous les auteurs américains sont traduits en français. Je me demande même si le lectorat français n’est pas visé par les éditeurs outre-atlantique. Je me demande aussi quel lecteur ou lectrice française accepterait de lire 900 pages sur la réussite de quatre Parisiens, dont l’un se scarifierait pour oublier son enfance.

Bref trop lourd pour moi ce roman m’a surtout encombrée et pourtant il est certain que cette auteure a tout fait pour faire revivre le tragique d’une destinée d’un homme bafoué et martyrisé dans son enfance et qui ne peut pas avoir « une vie comme les autres » malgré tous ses efforts et tout l’amour qu’il suscite quand il réussit à devenir adulte.

Citations

L’argent et les artistes sans problème d’argent

Et non seulement Ezra n’aurait jamais besoin de travailler, mais ses enfants et ses petits-enfants non plus : ils pourraient créer des œuvres médiocres, invendables, parfaitement dénuées de talent, génération après génération, et ils auraient toujours les moyens, quand cela leur chanterait, d’acheter des tubes de peinture à l’huile de la meilleure qualité ou des lofts dangereusement spacieux dans le sud de Manhattan qu’ils pourraient saccager de leurs désastreuses décisions architecturales ; et, quand ils se fatigueraient de leur vie d’artiste -et JB était convaincu qu’Ezra en aurait assez à un moment-, il leur suffirait de passer un coup de fil à leur administrateur fiduciaire pour recevoir un énorme versement, d’un montant tel qu’aucun des quatre( à part, peut-être, Malcom) ne pouvait même imaginer entrevoir en toute une vie.

Les petites jeux des universitaires

Le prof de lettres classiques pour lequel il travaillait avait décidé de ne communiquer avec lui en latin ou grec ancien, y compris pour lui transmettre des instructions du type : « j’ai besoin de trombones supplémentaires », ou « N’oubliez pas de leur demander de mettre un peu plus de lait de soja dans mon cappuccino demain matin ».

Pour les juristes

Le domaine le plus authentique, le plus intellectuellement stimulant, le plus riche domaine du droit, est de loin, et le droit des contrats. Les contrats ne se réduisent pas à des feuilles de papier vous promettant un travail, une maison, ou bien un héritage, au sens le plus pur, le plus véritable, le plus large, les contrats régissent tous les domaines du droit. Quand nous choisissons de vivre en société, nous choisissons de vivre selon les règles d’un contrat, et de se soumettre aux règles qu’il nous dicte – la Constitution elle-même est un contrat, certes malléable, et la question de savoir à quel point il est malléable constitue précisément le lieu où droit et politique se croisent-, et ce sont les règles de ce contrat (qu’elles soient explicites ou non), que nous suivons quand nous nous engageons à ne pas tuer, à payer nos impôts et à ne pas voler. Mais dans ce cas précis, nous sommes à la fois les concepteurs de ce contrat et lié par lui :.en tant que citoyen américain, nous partons du principe que, dès la naissance, nous avons une obligation de respecter et suivre les termes, et nous le faisons quotidiennement.

Le droit

Mais la justice n’est pas le seul, ni même le plus important, aspect du droit : le droit n’est pas toujours juste. Les contrats ne sont pas justes, pas toujours. Mais parfois elles sont nécessaires, ces injustice, parce qu’elles sont nécessaires au bon fonctionnement de la société. Dans ce cours, vous apprendrez la différence entre ce qui est juste et ce qui est équitable et, ce qui est tout aussi important, la différence entre ce qui est juste et ce qui est nécessaire.

18 Thoughts on “Une vie comme les autres -Hanya YANGIHARA

  1. Et bien voilà, un titre que je ne note pas. C’est une bonne nouvelle !

  2. Une déception si j’ai bien compris. Vu le nombre de pages, je n’essaierai pas.

    • Une partie de la déception vient de ce que je devais lire très vite et je n’accrochais pas. Il faut beaucoup de temps pour lire un tel ouvrage.

  3. Maintenant il semble que babelio ne prévient plus? En tout cas ça fait un bout que je ne participe pas (et que je n’y vais plus trop!)

    • J’aime bien y aller quand je cherche à confronter mon avis et que je ne trouve pas mon bonheur sur les blogs que je connais. Et puis c’est une sécurité pour moi. J’ai été attaquée par des « pirates » et j’ai failli perdre tout mon blog, cela m’a fait plaisir de savoir que tous mes livres et tous mes billets étaient sur Babelio. Enfin dernière raison au début c’est grâce à eux que j’ai commencé à être connue et que j’ai repéré des blogs qui sont restés des blogs que j’aime bien.

  4. J’ai vu beaucoup de publicité pour ce titre. Bon, je n’en ferai pas une priorité alors.

  5. J’avais repéré ce roman, il a de très bonnes critiques sur Goodreads (tu connais sans doute cette sorte de babelio américain) mais le nombre de pages me freinait pas mal. Ton billet me fera éviter de me précipiter dessus…

    • Je redis que c’est un roman pour lequel il faut prendre son temps et j’en avais peu. Mais je crois que les romanciers français sont aujourd’hui beaucoup plus incisifs et
      rapides. Merci pour le renseignement sur le site américain, je vais aller regarder.

  6. Je l’ai lu en anglais, et j’avais été emportée dans cette lecture. Mais… je n’avais pas à le lire en 3 semaines! J’en garde, contrairement à toi, un très bon souvenir!

    • Quelle chance tu as de lire dans deux langues. Alors parlons un peu du roman sur les commentaires je m’autorise à divulgacher. Donc que ceux et celles qui n’aiment pas cela arrête de lire ma réponse. Le roman est construit autour de toutes les tensions que l’enfance de Jude a fait de cet homme. Il a été martyrisé jusqu’à ce qu’il arrive à se prendre en main lui même. Ce qu’il a subi est à peine imaginable, coups , abus sexuel, prostitution dès l’âge de huit ans et enfin tentative de meurtre . Ayant abouti dans un hôpital il y trouve un médecin et ami, Andy qui le soigne et le sauve. C’est une horreur absolue et je comprends que l’auteur ne le dévoile pas brutalement . Mais, sinon il y a quoi? la vie de quatre hommes sans aucun problème financier et qui réussissent à New-York. Je me répète , je vois mal qui s’intéresserait à un tel récit d’un auteur français . Les auteurs américains sont à l’image de leur pays un peu dans la démesure. Mais je redis aussi, que si je n’avais pas dû avaler les pages à un rhytme aussi soutenu , j’aurais sans doute moins sentie toutes ses longueurs. (100 pages avant que le récit ne prenne forme par exemple)

  7. Comme Keisha je ne fréquente plus guère Babelio qui a pris une telle ampleur que cela ne m’intéresse plus beaucoup mis à part quelques lecteurs auxquels je suis fidèle
    les envois c’est un peu la bouteille à l’encre, on a le jackpot ou pas !
    Bon un pavé que je n’ajouterai pas à ma liste

    • Je ne te redis pas ce que j’ai dit à Keisha. Je n’aime pas critiquer les lieux qui m’ont aidée sur la blogosphère mais je trouve que Babelio se met trop au service de la littérature américaine . Ils sont dans l’air du temps. Je pense exactement que la communaction américaine est plus efficace que la communication française.

  8. Bonjour Luocine, je sens que tu as aussi souffrir à lire ce roman, quel courage que je n’aurai pas. Bonne journée à toi.

  9. J’avoue que je n’ai pas spécialement envie de me précipiter dessus…
    (Et ce ne sont pourtant pas les pavés qui me font peur…)

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