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J’ai beaucoup apprécié « le cas Einstein » le précédent roman de cet auteur. J’ai reçu celui-ci en cadeau et je l’ai lu avec grand plaisir. J’ai aimé sa construction, la vie de Léna Kotev, serait incompréhensible sans l’évocation de tous les morts de médecins juifs qui peuplent son histoire. L’alternance des chapitres assez courts, permet de supporter la lecture des violences antisémites. Le fait de retrouver Léna, dans sa vie de femme chef de service en cancérologie dans un grand hôpital parisien en 2015, me permettait de reprendre ma respiration. Car du souffle, il en faut pour supporter la description des pogroms de Ludichev en 1904, puis la folie des Nazis à Berlin en 1934, puis a Nice en 1943, et enfin à Moscou en 1953, la folie antisémite des communistes staliniens.

J’ai aimé également que le roman soit elliptique et fasse l’impasse sur les détails des connexions de tous les personnages. On a l’impression de n’avoir que les temps forts de cette histoire dont on peut imaginer les passages non écrits. Quand on referme ce roman après la page 296, comme l’histoire se déroule de 1904 à 2015, on a l’impression d’avoir lu des milliers de pages.

Si j’ai mis ce livre dans une bibliothèque, c’est que le père de Léna, Tobias, est un fou amoureux des livres, qui ont une grande importance tout le long du roman. Laurent Seksik, médecin, écrivain et historien, parle d’une façon très riche de l’être humain. Celui qui souffre dans son corps, comme celui qui souffre dans son âme. Ses personnages traversent différentes périodes de l’histoire, et on vit intensément chaque moment car il a su rendre réels les événements dont il parle. Les pogroms de Ludichev sont une pure horreur dont je n’avais pas vraiment pris conscience. La nuit de Cristal, la persécution Nazie en France, le procès des médecins juifs sous Staline tout cela est plus présent dans la littérature comme dans notre mémoire collective. Mais on doit au talent de Laurent Seksik de savoir nous en parler avec un nouvel éclairage et sans aucune lourdeur. Chaque personnage est habité par une foi indestructible d’abord dans la foi juive dans la vieille russie, puis dans le progrès scientifique à Berlin et enfin dans l’humanité en 2015. C’est vraiment un roman superbe : quelle leçon de vie !

Citations

Réflexion du médecin le soir chez lui, jolie phrase

Son cerveau était un dispensaire à l’heure où les douleurs languissent.

Description de la vérole

Pavel n’avait pas été alerté par la petite écorchure sur le pénis que présentait son patient. Le chancre avait rapidement disparu, la maladie s’était éclipsée. La vérole était revenue de longs mois plus tard, sous d’autres masques, plaques rosées sur la peau, gorge enrouée puis, lentement, le mal avait ravagé chaque partie du corps, de la plante des pieds au cuir chevelu, jusqu’à pourrir les chairs, briser les os, boucher les artères, broyer le visage, rendre taré, débile, estropié, tordu ; les tourments de la peste et du choléra réunis dans une lenteur programmée. À la fin, le mal avait mordu le cœur, liquéfié l’encéphale. La mort seule mettrait un terme au supplice.

Condition juive du temps des pogroms, débats à l’infini sur la théologie

Dans le doute, chacun faisait à sa manière. Trois ou quatre heures ? Cette seule question résumait aux yeux de Pavel toute la condition juive, une interrogation permanente, un questionnement de tous les instants, un interminable, dérisoire et splendide voyage dans un infini et vain champ de réflexion.

La vérité est dans les romans

Moi, je me moque de la stricte vérité. Si je veux le vrai, je lis le journal. Si je veux de l’intelligence, je lis la philosophie. Mais la vérité de l’homme – qui n’a rien à voir, j’en conviens, avec la vérité des faits- est dans l’émotion. Je la trouve dans les romans. 

La plainte d’un hypocondriaque

Tu ne prends pas ma souffrance au sérieux. Personne n’a jamais pris ma souffrance au sérieux de toute façon. C’est à désespérer de souffrir.

Le communisme

Camarade Kotev, n’attends rien non plus de notre humanité. La compassion est au pouvoir communiste ce que l’autoritarisme est à la démocratie.

Citation du journal L’humanité de 1953

Un groupe de médecins terroristes vient d’être découvert en Union soviétique : ils ont été démasqués commis des agents des services de renseignement américains, certains d’entre eux avaient été recrutés par l’intermédiaire du Joint, organisation sioniste internationale.
Les médecins français estiment qu’un très grand service a été rendu à la causé de la paix par la mise hors d’état de nuire de ce groupe de criminels…

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3L’avantage de prendre une année de plus ce n’est pas d’en avoir une de moins à vivre, évidemment, mais c’est de recevoir des livres qui ont plu à vos proches. Je ne connaissais pas cet auteur, je suis ravie de l’avoir découvert. Je l’ai lu dans le train Saint Malo-Paris, et le plus gros reproche que je puisse faire, c’est qu’il ne m’a permis d’aller que jusqu’à Vitré.

Problème pour vous présenter ce roman sans le « divulgacher » car tout est dans le suspens, j’imagine vos cris d’horreur si je vous raconte un tant soit peu cette histoire. Le début : un certain William, promet à son meilleur ami qui va mourir de retrouver sa fille Mathilde, celle-ci a été en hôpital psychiatrique et a eu un enfant qu’elle n’a plus le droit de voir. J’ai donc pensé à un roman sur la misère sociale et sur le dévouement d’un homme fidèle à ses promesses. J’ai eu tout faux et je suis partie dans l’imaginaire de cet écrivain grinçant et irrespectueux en espérant que l’histoire se termine bien.

Voilà, je n’ai rien dévoilé, je vais utiliser les procédés de Krol : lisez-le, puisque je n’ai pas pu l’abandonner, si vous avez deux heures à passer dans les transports, vous oublierez tout.

Citations

Un indice donné au début du roman

Le nom du syndicat m’est revenu à l’esprit. J’avais aperçu une affiche dans le bureau du personnel lors de mon renvoi, pour faute grave et escroquerie, des établissements Vernerey

Une mère qui a du mal avec le principe de réalité

 C’est complètement idiot de voler une paire de lunettes de soleil. Imagine ! Mathilde ! Tu veux te retrouver au poste de police ? En train d’expliquer ton intention de revoir ton fils contre la décision du juge ! ? Mais Mathilde ne voyait pas le rapport entre ces lunettes et son fils.

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Traduit de l’Italien par Béatrice Vierne.

Citation qui donne tout son sens à cet essai

Ah la vérité historique… C’est une île imaginaire, elle ouvre des trous noirs qu’on ne peut remplacer qu’au conditionnel. 

3Toujours Dominique tentatrice pour les voyages insolites, mais j’ai été beaucoup moins convaincue que par « Aux frontières de l’Europe« , certes je suis séduite par l’érudition de cet auteur et aussi son talent à nous faire revivre Hannibal que l’on ne connaît qu’à travers ses ennemis qu’il a bien failli anéantir : les Romains. Mais ma progression dans ce voyage fut laborieux, je n’ai pas retrouvé l’allant de ma précédente lecture. Certes, le sujet passionne les érudits et ce chef de guerre est bien difficile à cerner. Il y a tant de légendes qui courent sur son compte. Où est donc la vérité ?

Surtout que l’on sait bien que Rome n’a eu de cesse que d’effacer toutes les traces de celui qui a les a presque fait disparaître de l’histoire de l’humanité. Les lieux sont bien difficiles à mettre sur une carte, car même les lits des rivières ont évolué depuis les guerres puniques. Alors où se trouve, donc, Cannes qui a vu l’extermination de 60 000 soldats ? Bataille mémorable, encore étudiée dans les écoles militaires mais dont on ne retrouve aucune trace à l’endroit où l’on a cru pendant longtemps qu’elle s’était déroulée. Toute l’Italie est là dans ce récit, la romaine comme la catholique, la fasciste comme celle d’aujourd’hui, mais tant d’érudition et d’hésitations sur ce qui s’est vraiment passé ont fini par épuiser ma réserve de bonne volonté.

Citations

Réflexion sur notre époque

Vingt-deux siècles, ce n’est qu’un souffle dans l’histoire humaine. Je repense à ce que me racontaient mes grands-parents et je m’aperçois qu’en effet il existe encore un fil rouge qui me relie à l’Antiquité. Je ne sais pas si mes fils pourront en dire autant, dans cette société qui tue le temps avec l’hypervélocité télématique.

Remarque sur les chaînes d’hôtels

Lorsque j’arrive à l’hôtel, un blockhaus glacial, affligé de la décoration funéraire propre aux chaînes hôtelières américaine…

Dégâts du béton

En Espagne vous dira-t-on , le béton « a fait plus de dégâts que la guerre civile ». Le béton des pots-de-vin, bien évidemment. Un assaut de spéculations immobilières, qui au cours de ces dernières années a donné lieu à des faillites spectaculaires et à des fuites rocambolesques avec le butin, parmi les délices de Marbella.

Tourisme fluvial

Je me dis : cette Europe fluviale somnolente est vraiment un continent inconnu, avec ses marins d’eau douce qui sont bien les seuls à célébrer les joies de la lenteur dans une ultime zone franche assiégée par le vacarme de la terre ferme.

L’Italie aujourd’hui

Au sortir des Alpes commence la plaine des Italiens moyens qui déambulent avec leur portable vissé à l’oreille. Mon peuple est en apnée sous des nuages de mousson, avançant à la queue leu leu dans le labyrinthe d’un réseau routier dément. Entrepôts, herbes folles et insulte à la mémoire sont visibles de partout dans cet espace qui paraît avoir perdu chacune de ses lignes directrices

 Pour réfléchir

Les provinces se prennent par la force, mais se gouvernent par le droit. Elles sont faciles à conquérir, difficiles à conserver. (Hérodote)

La modernité

la mort du mythe est le phénomène le plus obscène des temps modernes. C’est la fin de l’enchantement, de l’imagination , du désir.

Exploit de Jules César

Jules César qui déplaça ses hommes de la Toscane à l’Andalousie en vingt-huit jours à peine.

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Le second titre de ce recueil, est : « Portraits cévenols », il s’agit bien d’une galerie de portraits, tous plus inoubliables les uns que les autres. Mais surtout, il s’agit de la langue de Gilbert Léautier entre poésie et l’oralité d’un conteur. Un conteur poète et fin observateur des gens qui l’entourent.Ces textes ont été écrits pour être lus à haute voix. C’est un plaisir ressenti à la moindre phrase. Merci à cet ami qui, sachant que je recherche des textes à lire pour des personnes très âgées, m’a conseillé ce recueil. J’espère savoir leur lire et aimer ces portraits. Le monde qui est mis en scène, est celui des campagnes désertées par les habitants qui ne pouvaient que difficilement vivre sur une terre aussi ingrate. Le climat rude de l’hiver, la solitude, la difficulté de vivre, ont forgé des personnalités sans tendresse souvent, mais avec un sens de le vie qui se ressent même dans la façon de détester son voisin.

J’ai tellement envie de vous faire apprécier ce recueil que je passais mon temps à vouloir noter des passages, les phrases sonnent juste et les personnalité s’éloignent du romantisme habituel du sage rural, face à la superficialité du citadin pour aller à l’essentiel de l’être humain. L’auteur connaît bien cette région, il s’est pris de passion pour un château au cœur des Cévennes : le Château d’Aujac, il a rencontré et vécu auprès de Cévenols dont il parle. On peut imaginer « l’attirance-répulsion » de ces ruraux pour cet homme de théâtre, citadin lyonnais qui a entrepris de remonter les ruines du château de leur village mais à la vue des photos, on comprend son choix, tout en regrettant qu’il ait cessé d’écrire.

Au carrefour de trois départements: Gard, Lozère, Ardèche. Surplombant la Vallée de la Cèze. Dominant les Hautes Cévennes. Le site castral du Cheylard d'Aujac. Copyright chateau-aujac.org

Citations

L’Émile

C’était son penchant pour le vin qui pestiférait ce parent pauvre !
On trouvait plus facilement l’Émile à l’ombre de la cave qu’à l’ombre du pommier.
Il avait le tonneau tendre et le verre agile

L’Éloi

C’était le fils qui avait le langage.
C’est le fils qui a su dire :
– Il faut être de son temps. 
C’est lui qui avait expliqué :
– Une bête, ça mange tous les jours, alors qu’un tracteur ne consomme que ce qu’il travaille. 
Ça, c’était un argument !
Cette science du petit rendait fier le père. 
Mais l’ennui des arguments de poids, c’est toujours la fragilité de leur réalité.

L’Yvonne

Tu veux que je te dise ?
Une femme comme ça, ça ne se laisse pas marier.
Ça te donne la permission de l’épouser. 
Tu veux que je te dise ?
L’Yvonne, elle ne se met devant rien mais elle est derrière tout.

Les gens d’ici

Assurément, ils ne sont pas causants, les gens d’ici. 
Bailler, pour eux, c’est déjà un long discours.
Au maximum de la joie, ils crachent par terre.
Au comble du chagrin, ils hochent la tête. 

Pas de romantisme sur le monde rural

À côté de chez moi, il y a un bloc de granit pelé qu’on appelle « Rocher des quatre sous ».
C’est parce qu’il a fallu quatre procès pour savoir à qui appartenait cette misère de pierre !
L’harmonie campagnarde est une mythologie des villes.

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Une deuxième Bande Dessinée, celle-ci c’est Jérôme qui a été le tentateur. Les mystères du classement de ma médiathèque ont mis cette BD chez les « Ado » je me demande bien pourquoi. Ce n’est pas un album très gai puisque le personnage principal va mourir, mais c’est bien raconté et de façon très pudique. On est bien avec cette famille qui a connu tant de plaisir à se retrouver auprès des grands parents à la campagne même si, quand toute la famille est réunie, dormir devient un problème angoissant surtout pour les insomniaques. Comme l’album s’étend sur un temps assez long, on vit aussi plusieurs moments dont certains nous font sourire. La recherche d’une maison, les déboires avec Internet et les façons d’y accéder (il y a longtemps maintenant, mais personne n’a oublié les heures passées avec les fournisseurs d’accès).

SONY DSCPaul est un être calme d’habitude mais les gens qui étaient censés nous aider pour Internet étaient particulièrement insupportables, c’est peut être mieux maintenant. Les traits de caractères de chacun sont très bien vus sans être chargés, la sœur qui est infirmière et qui ne peut pas s’empêcher de donner des détails techniques sur la maladie de son père est aussi celle qui fera le discours le plus émouvant à son enterrement. Le bonheur des réunions familiales, les jeux de société, les repas trop riches, mais aussi les difficultés dues à la dégradation physique tout cela est très bien raconté. J’ai été émue par les souvenirs de la jeunesse du grand père.

La vie n’était vraiment pas facile au Québec en 1935, les femmes ont trop d’enfants, elle triment comme des bêtes et sont peu considérées, si le mari se défonce dans l’alcool alors la tragédie n’est pas loin. Le style du dessin est un peu trop sage pour me séduire complètement. Mais tout cela est raconté dans la langue de nos voisins du Québec ce qui donne un charme incontestable au texte :

Citations

Le québécois

Ils font exprès pour t’étriver

L’eau doit être frette

La p’tite s’est enfargée dans la lampe

une couple de semaines

Tire la plogue, on la rebranchera demain

Pis Batèche ! vos moucs se lèvent donc ben de bonne heure

Repas en famille les desserts

J’ai pas eu le temps de faire grand-chose : j’ai un tiramisu double crème avec truffes, j’ai un gâteau au chocolat double crème avec truffes, j’ai un gâteau au chocolat, fudge et caramel, et j’ai mon gâteau au sucre à la crème, meringue et tablette crunchie…

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5Une BD qui met de bonne humeur, cela arrive souvent, et avec les romans de Daniel Pennac toujours, alors cela fait au moins deux raisons de lire cette BD, en plus de tous les avis favorables que j’avais entendus et lus. Si je mets plusieurs photos c’est que la couverture ne donne pas une idée de la façon dont est rendue l’histoire d’amour, c’est une dessin vivant, coloré et généreux. L’histoire est belle et tout le monde peut s’y retrouver : les amateurs de BD, les amateurs de littérature classique, les amoureux de Paris, les amoureux de la Provence, les amoureux tout court et tous ceux qui aimeraient que le monde fonctionne un tout petit peu avec des bons sentiments.

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Même Proust est présent décidément, Personne ne peut se passer de lui ! Et je remercie les deux auteurs d’avoir donné leur façon de voir Swann et Odette, malgré mes lectures fréquentes de Proust, je ne le savais pas vus encore dans cette position comme quoi je manque d’imagination !

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C’est raconté à la Pennac, c’est à dire qu’on a l’impression que tout son entourage l’aide à écrire ses histoires, il rassemble tous ceux qu’il côtoie pour arriver à écrire son texte, et tous ceux qui ont enrichi son enfance. On sourit, on est heureux ce n’est pas si souvent.

Citations

Pour vous mettre de bonne humeur

Après le déluge, Noé qui en avait marre de la flotte a inventé le pinard.

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Traduit de l’anglais (américain) par Isabelle MAILLET.

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J’avais noté ce titre car « Wisconsin » est un mot qui résonne en moi : j’ai pendant toute ma carrière enseigné le français aux étudiants de Beloit College, petite université de cet état lors de leur semestre en immersion en France. De plus, Clara Brize et bien d’autres m’avaient fait noter ce titre, que j’ai ensuite oublié.

C’est un roman à plusieurs voix, chaque protagoniste du roman a, un moment, la parole. L’axe principal, c’est la violence perverse d’un père de famille John Lucas. Mais pour nous amener à supporter l’horreur dévoilée à petite dose, Mary Relindes Ellis remonte dans le passé des personnages et peu à peu le lecteur a l’impression de comprendre et d’évoluer dans une société dont il connaît les règles et les soubassements.

Tout commence par un père allemand, violent et alcoolique qui n’a su transmettre que des messages de construction d’une personnalité masculine méprisant la femme et cherchant à tout prix à s’affirmer par la force. Son fils commence sa vie d’homme par un énorme mensonge qui brise à jamais son estime de lui-même, tous ceux qu’il pourra faire souffrir paieront très cher d’avoir croisé sa route. Les deux fils de John préfèrent fuir chez leur voisin, chez qui l’amour et le respect de la vie sont de vraies valeurs. La femme et la mère de ces enfants, Claire Lucas a eu pour son malheur une éducation catholique rigoureuse qui en gros lui disait « supporte ma fille, ton bonheur est dans l’au delà », elle ne saura pas protéger ses enfants qu’elle aimait d’un amour sincère. Jimmy l’ainé, partira faire la guerre au Vietnam et Bill restera dans cette famille, lieu de souffrance absolue. Heureusement pour lui, il y a la nature et sa passion pour les animaux blessés qu’il veut sauver et y parvient souvent. Sans « divulgacher » la fin, il est bon de savoir que la famille des voisins, celle d’Ellis et de Rosemary apporteront l’espoir dans l’humanité.

La force du livre vient de la façon d’écrire de cette auteure, chaque morceau de son récit est comme une petite nouvelle dans un univers qui va mal, elle ne donne pas toutes les clés immédiatement mais nous laisse ressentir l’atmosphère qui emprisonne ou qui, au contraire, fait du bien à ses personnages. Ceux qui savent apprécier la nature si importante dans cette région du Nord du Wisconsin, sont un jour ou l’autre sauvés du désespoir causé par la cruauté du mâle humain dominateur sans limite quand s’y mêle la perversion, y échapper demande une force que peu d’entre eux sauront trouver.

Citations

Une citation qui hantera Ellis toute sa vie

Le printemps est la saison des femmes et de la naissance. L’automne est la saison des hommes et de la chasse.

Le poids du silence dans les familles

Mieux vaut vivre avec ses blessures que mourir étouffé dans sa coquille.

L’image du bonheur dans la famille d’origine allemande qui a forgé le caractère du père violent et sadique

Quand tu seras propriétaire de ta terre, ce sera toi le patron. Le secret , c’est de la (ta femme ) faire travailler pour toi. Comme ça, t’auras plus de liberté. Après, tu pourras partir pêcher et chasser tout ton saoul ! Tu seras heureux. Tu connaîtras la Gemütlichkeit ! avait-il lancé en lui donnant une bonne bourrade dans le dos.

Milieu allemand avant la guerre 39 45

John savait que son père ne l’aurait jamais laissé entrer chez eux s’il n’avait pas été médecin, car il était juif.

La perversité

Il a guetté ma réaction en se fendant de ce sourire qui ponctuait toujours ses tentatives pour me faire du mal. Sur un enfant, un tel sourire – manifestant la joie d’avoir accompli un exploit au prix de gros efforts, comme par exemple placer des blocs ronds dans des trous ronds – aurait été touchant ; sur un adulte, il paraissait sinistre et menaçant.

La douleur

Moi, j’ai beaucoup pleuré, comme bien des femmes ici. Mais même au plus fort de la douleur, nous gardons toujours espoir. Nous les femmes, nous manifestons notre chagrin à la manière des loups et des coyotes, hurlant à l’adresse de nos partenaires et de toute la meute. Quand les hommes pleurent, ils expriment une telle vulnérabilité, une telle angoisse, qu’ils semblent presque à l’agonie.

La nature

Les feuillages déclinant toutes les nuances du feu, que les premières tempêtes d’octobre emporterait comme de la fumée. L’étonnante beauté des branches nues dressées vers le ciel, comme si il les avait déshabillé pour les mettre au lit.
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J’ai été déçue par les six films de la compétition…. et celui qui a eu le Hitchcock d’or du public, du scénario et du Jury  : « Couple in a Hole » de Tom Geens est seulement surprenant , je pense que s’il a eu tant de récompenses, c’est parce qu’il a sorti, les spectateurs et le jury, de la mouise britannique, de la drogue du sexe hétéro et homo.

Je ne vous parlerai donc pas de mes déceptions mais de deux films qui m’ont enchantée

« The lost Honour of Christopher Jefferies »

de Roger Mitchell avec Jason Watkins comme acteur principal

 

Ce film raconte le mal que peuvent faire les journaux à la réputation d’un homme totalement intègre mais un peu différent. Ce film est prenant, plein d’humanité et à l’humour tout britannique.

Je me souviendrais longtemps de la phrase d’un des amis de ce professeur : « la Grande Bretagne a toujours été fière de ses excentriques, vous devez vous défendre » ( je cite de mémoire) . Si ce film passe près de chez vous allez le voir mais uniquement en VO car une grande partie du plaisir vient de sa façon de parler anglais

Et « Gold »

de Niall Herry avec David Willmot comme acteur principal

Ce film raconte avec une grande tendresse pour les personnages, le retour d’un paumé dans la vie de sa fille de 13 ans. Leurs rapports sont très bien analysés et même si le beau père prof de sport est un peu caricatural, on est bien dans ce film. Cela se passe en Irlande ce qui veut dire qu’en plus la musique est agréable à entendre.

 

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J’avais beaucoup aimé « Eva dort », ensuite j’ai lu dans les blogs que je fréquente tout le bien que vous pensiez de ce deuxième roman : Dominique qui a su trouver et les mots et les photos qui convenaient pour m’attirer, Krol à sa façon sans rien dire du roman mais en expliquant son plaisir de lectrice, et bien d’autres encore (j’ai malheureusement effacé ma liste des livres à lire de l’an dernier, je ne peux donc pas citer tous les blogs).

J’ai lu ce roman d’une traite, touchée par la douleur de Luisa et de Paolo qui viennent voir dans une prison de haute sécurité sur une île, l’une son mari violent et assassin, et l’autre son fils révolutionnaire et criminel. Leur souffrance est décrite de façon si exacte et si précise, que l’on ressort bouleversé par cette lecture. Francesca Melandri, a concentré tout son talent à ne parler que du point de vue des trois personnages : Luisa, l’agricultrice qui a dû subir les violences de son mari et qui n’est pas étonnée que celui-ci ait tué un des gardiens. Paulo qui porte en lui toute la culpabilité d’avoir un fils qui a commis de telles atrocités au nom d’un idéal qu’il lui a lui-même enseigné, et enfin le gardien Nitti Pierfrancesco, qui a peur de perdre son humanité tant la violence est importante dans ce genre d’univers carcéral.

Il ne s’agit pas d’un document et Francesca Melandri ne veut donner aucun renseignement qui pourrait écarter son lecteur de son propos : ce que ressentent les proches de ceux qui ont commis de tels actes. Au début cela me gênait de ne pas mettre un nom sur l’île où sont enfermés ces gens si dangereux . Mais peu à peu, j’ai accepté le parti pris de l’auteure. On ne saura pas, non plus, ce que pensent les détenus et la visite si importante pour leur famille n’est pas racontée. Il s’agit seulement de ceux qui n’ont rien fait de mal et qui souffrent d’avoir un membre de leur famille qui les oblige à fréquenter ce genre de lieux. Leurs peines sont différentes, le gardien Nitti perd son âme et commet souvent des actes qui le dégoutent, Paolo se sent responsable et coupable, Luisa est en quelque sorte soulagée de ne plus être confrontée à la violence, sans pour autant rejeter ce mari qui était un homme travailleur.

J’ai beaucoup aimé la fin du roman qui ne tombe dans aucune mièvrerie, mais je me serai volontiers passé du dernier chapitre (trente ans après), le fou-rire de Luisa et Paolo me suffisait.

Citations

La douleur d’une mère

Quand Emilia vit entrer son fils par la porte au bout de la salle, elle se mit à pleurer. Sans arrêt, tout au long de la visite. Des larmes silencieuses, sans gémissements ni sanglots, rien qu’un incessant jaillissement d’eau de ses yeux. « Les cataractes du ciel » se surprit à penser Paolo : sa femme femme pleurait comme un déluge divin. On aurait dit qu’elle voulait de verser hors d’elle tout le liquide organique, se dessécher, se réduire à l’état de momie. 

La comédie de la souffrance

À la fin de la rencontre avec leurs parents, il n’y avait eu de ces drames, ces implorations, ces larmes, auxquels s’abandonnaient trop d’entre eux, beaucoup trop. C’étaient surtout les femmes des chefs de clan qui tenaient à montrer à leurs hommes combien cette séparation était insupportable. Le gardien Gamba soupçonnait justement les femmes qui piquaient des crises de nerfs à la fin de la visite d’être celles qui cocufiaient le plus leurs maris en prison. Naturellement, il avait toujours gardé pour lui cette conviction, il ne tenait pas à finir poignardé. 

La lutte armée clandestine

En revanche, il avait connu très peu d’enfants de détenus, à part quelques-uns en bas âge. Ceux qui s’étaient engagés dans cette voix – clandestinité d’abord, prison ensuite – l’avaient fait jeunes, même très jeunes parfois : bien peu avaient eu le temps de se reproduire avant. L’objet de toute leur tendresse et de leurs soins était la lutte armée qui, à la différence d’un enfant, pouvait grandir aussi dans des appartements loués sous un faux nom.

Le pouvoir des mots

Le premier était sûrement « révolution ». Qui n’est pas laid en soi, pensa Paolo, comme chose et encore moins comme mot… C’était simple, au fond. Quand la chose correspond au mot on fait de l’Histoire. Mais s’il n’y a que le mot, alors c’est de la folie. Ou bien tromperie, mystification.