Traduit de l’anglais par Mathilde Bach. Lu grâce au club de lecture de la médiathèque de Dinard, il a obtenu « un coup de cœur », ce sont des valeurs sûres ces coups de cœur de notre club !
Superbe roman qui tient en haleine le lecteur jusqu’au point final. Plusieurs histoires se croisent et interfèrent les unes dans les autres. On y retrouve cette sensation qu’un « froissement d’aile de papillon » dans un coin de la planète aura des répercussions dans le monde entier. Dans la périphérie de Las Vegas, la famille de Daniel vit au rythme des missions militaires d’un genre particulier. Il dirige des drones sur des terroristes qui menacent la planète. Une guerre propre ? Seulement est-ce qu’une guerre peut l’être ? Ce jour là , Daniel et Maria ne tueront pas seulement un terroriste sur la frontière afghane et pakistanaise, en appuyant sur un bouton, ils tueront aussi le grand amour d’un écrivain : Michael. Celui-ci, terrassé par cette mort qu’il ne comprend pas, essaie de se reconstruire auprès de Samantha (à qui le livre est dédié) Josh et leurs deux filles dans un agréable quartier de Londres. Mais là encore, la bavure des militaires américains aura des conséquences tragiques.
Le roman raconte la lente reconstruction d’un homme écrivain après un deuil tragique. Le fait qu’il soit écrivain est important, il a toujours écrit ses livres grâce à un un don particulier : il sait entrer dans la vie des gens et ceux-ci lui font confiance au point de ne rien lui cacher de leur sentiments les plus intimes. Grâce à ce don, il devient l’ami indispensable de ses voisins, celui qui est invité à toutes les fêtes et qui peut donc un jour pousser la porte de leur maison en leur absence afin de récupérer le tournevis dont il a un besoin urgent. Le roman peut commencer, nous progressons dans la maison des voisins de Michael, saisi peu à peu par un sentiment d’angoisse terrible.
Je m’arrête là, car le roman est construit sur un suspens que je n’ai pas le droit de divulgâcher sans me mettre à dos tous les amateurs du genre qui seront ravis, car c’est vraiment bien imaginé. J’ai personnellement été plus sensible aux réflexions sur l’écriture. Ce personnage d’écrivain reporter m’a beaucoup intéressée. Faire son métier en utilisant la vie d’autrui comporte toujours une part de voyeurisme qui est aussi un des thèmes de ce roman. Mais évidemment l’autre centre d’intérêt qui questionne aussi beaucoup notre époque ce sont les conséquences de la guerre de notre temps qui utilise des drones pour éviter de faire mourir au sol les soldats de la force dominante.
Citations
Une bonne description
Ces hommes qui travaillaient dans des bureaux, et que les costumes ne semblaient jamais quitter, même nus.
L’anglais international
Il n’arrivait pas à reconnaître son accent. Ses phrases commençaient en Europe puis elles migraient, comme des hirondelles, survolaient l’Afrique à mi-chemin du point final.
Les vertus de la mer
La côte n’avait jamais été son décor naturel. Et cependant il se réveilla avec la certitude que seul l’océan pouvait l’apaiser. La mer semblait assez immense pour réprimer les angoisses qui le déchiraient . Assez pure pour lui dessiller les yeux.
Les peurs américaines et la guerre des drones
Las Vegas fournissait à l’Amérique des versions du monde, afin que l’Amérique n’ait pas besoin de s’y aventurer. D’autres pays, d’autres lieux étaient ainsi simultanément rapprochés et tenus à distance. Exactement comme ils l’étaient sur ces écrans qu’il observait à Creech. N’était-ce pas ce qu’ils faisaient également là-bas, lui et Maria, avec leur tasse à café qui refroidissait sur l’étagère à côté ? Introduire dans l’Amérique une version de la guerre. Une version à la loupe mais à distance, un équivalent sécurisé, où ils n’étaient pas obligés d’aller eux-mêmes.