Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard, thème le Maroc

Lors du mois consacré au Maroc, il se devait d’y avoir au moins un livre de ce grand écrivain à la langue si belle. Ce roman correspond exactement au thème : il raconte la vie d’un travailleur marocain. La vie ou plutôt toutes les vies de ces ouvriers recrutés dans les années 50 dans le bled marocain et qui restent attachés de toutes leurs forces à leur village dont ils sont issus. Mohammed » Limmigré » comme on l’appelle aussi bien au Maroc qu’en France est le sympbole de tous ces hommes qui prennent comme identité le fait d’être « Immigré » c’est à dire coincé en France dans des quartiers où il ne fait pas bon vivre et rêvant de leur village natal où ils ne reviennent que l’été. Ses seuls moments de bonheur sont ceux où ils se sent musulman où il peut faire ses prières et respecter les principes d’une religion qu’on lui a apprise dans sa petite mosquée de son village. Ils sont simples ces principes : « fait le bien autour de toi sur terre et tu iras au paradis pour être heureux, fais le mal et tu ne connaîtras que le malheur dans l’au-delà ». Alors bien sûr, il ne comprend pas grand chose aux versions violentes de l’islam, pas plus qu’il ne comprend ses enfants qui se sont mariés avec des non-musulmans, pour son fils il l’accepte mais pour sa fille il l’a carrément supprimée de sa famille. Toute sa vie, il a travaillé à l’usine et il a aimé ce rythme, se lever tôt, sa gamelle, son retour chez lui avec une femme qui l’a toujours accompagnée. La seule chose vraiment positive de la France qu’il retiendra, en dehors de son salaire régulier, c’est l’hôpital où il est mieux soigné qu’au Maroc et aussi l’éducation que reçoit son neveu trisomique qu’il a adopté pour qu’il puisse bénéficier d’une bonne éducation. Cet enfant sera son vrai bonheur car il est heureux et lui donne toute l’affection que ses enfants n’ont pas su lui témoigner. Mais catastrophe ! voilà la retraite qui arrive alors que faire ? « L’entraite » comme il dit a déjà tué deux de ses amis, plus rien n’a de sens : ses enfants sont loin de lui ; on lui dit qu’il a du temps pour lui, mais il ne sait absolument pas quoi en faire de ce temps. Le romancier part alors dans une fable, qui a sûrement un fond de vérité, Mohammed construit dans son village du bled, avec toutes ses économies une maison énorme et totalement absurde pour réunir toute sa famille. Ce sera finalement son tombeau.

 

Citations

Le nouvel iman

Seul l’imam des Yvelines avait la capacité de citer un verset et de le commenter. Il connaissait le livre par cœur et disait l’avoir étudié au Caire, à la grande université d’zl-Azhar. Peut-être était-ce vrai, personne n’avait les moyens de le contredire. Cet iman était tombé du ciel, personne ne l’avait vu arriver. Il était entouré d’une cour de jeunes délinquants décidés à reprendre le droit chemin. Il les appelait mes enfants. Il avait une grosse voiture, portait de belles tenues blanches, se par fumait avec l’essence du bois de santal et habitait en dehors du quartier infernal.

 

Une observation tellement juste et drôle

J’ai vu à la télé des gens riches, des Françaouis ou Spagnouli qui viennent vivre avec des paysans pauvres, ça les change de leurs immeubles, des voitures et de tout ce que nous n’avons pas ; alors on va vendre le bled, ce sera un village de vacances pour personnes riches et fatiguées d’être riches ; ces gens viendront chez nous pour faire l’expérience du rien.

 

 

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard

 Je suis souvent d’accord avec Krol mais pour ce roman nos avis divergent, il vous faut,donc lire ce qu’elle écrit pour vous faire votre idée sur ce roman. C’est le troisième roman de Laurent Seksik que je lis, j’ai découvert cet auteur grâce au club de lecture et j’ai beaucoup apprécié « l’exercice de la médecine » et  » le cas Eduard Einstein » . Pour ce roman, il faut lire, avant ou après, peu importe « La promesse de l’aube » . Le portrait que Romain Gary fait de sa mère est inoubliable et tellement vivant. Laurent Seksik s’appuie sur ce portrait pour nous présenter Nina, la maman de Roman, femme lutteuse et malheureuse, abandonnée par le père de son fils un certain Arieh Kacew qui restera avec toute sa nouvelle famille dans le ghetto de Wilno où comme 99 % des juifs qui y restèrent, ils furent assassinés par les nazis. L’auteur centre son roman sur les quelques jours de 1925, où accablée de dettes et de désespoir Nina avec son fils décident de partir pour la France. Plus Laurent Seksik sait rendre proche de nous la vie dans ce qui est déjà un ghetto, sous domination polonaise, plus nous avons le cœur serré à l’idée que rien n’y personne ne reste de ce morceau d’humanité. La fin en 1943 est celle qui est décrite dans tous les livres d’histoire : il ne restera rien de la famille naturelle de Romain Gary, est-ce pour cela qu’il se plaisait à s’inventer un père différent et plus romanesque : Ivan Mosjoukine.

Un père qui ne serait pas dans une fosse commune aux frontières de la Russie ou disparu dans les fours crématoires d’Auschwitz. Ou est-ce plutôt car il ne peut pardonner à son père d’avoir abandonné sa mère qu’il aimait tant. C’est le sujet du livre et c’est très finement analysé. Si je n’ai pas mis 5 coquillages, c’est que je préfère le portait que Romain Gary fait de sa mère, au début de ma lecture, j’en voulais un peu à l’auteur d’avoir affadi le caractère de Nina. Mais ce livre m’a saisie peu à peu, comme pour tous les écrits sur l’holocauste, je me suis retrouvée devant ce sentiment d’impuissance comme dans un cauchemar : je veux hurler à tous ces personnages : « mais fuyez, fuyez » . C’est pourquoi je l’ai mis dans mes préférences, Laurent Seksik parvient à nous fabriquer un souvenir d’un lieu où 40 000 êtres humains furent assassinés en laissant si peu de traces.

Citations

J’adore ce genre d’amour qui pousse à écrire ce genre de dédicace

À ma mère chérie.
À toi papa,
Tu étais mon premier lecteur.
Au moment où je t’ai fermé les yeux, j’étais en train de terminer ce roman, le premier que tu ne liras pas, mais dont tu aurais aimé le sujet parce qu’il nous ramenait tous les deux trente ans en arrière, au temps où j’étais étudiant en médecine. Du balcon de notre appartement à Nice, au 1 rue Roger-Martin-du-Gard, nous contemplions, toi et moi, l’église russe et le lycée du Parc impérial associé au souvenir de Romain Gary. Tu m’encourageais en me promettant une carrière de professeur de médecine, tandis qu’en secret je rêvais d’embrasser celle de romancier. Comme les autres ce roman t’est dédié.

Désespoir d’une mère un peu « trop »

Quand l’obscurité avait enveloppé la ville tout entière, son esprit était plongé dans le nord absolu. La tentation était alors de s’abandonner au désespoir, de s’envelopper de peine comme par grand froid d’un châle de laine. Elle éprouvait toujours un ravissement coupable à sombrer corps et âmes dans ces abîmes de désolation et de détresse.

Que cette conversation me touche entre un père et un fils juifs

-Nous sommes en 1912, au XX ° siècle !
– Ce siècle ne vaudra pas mieux que les précédents.
-Il sera le siècle du progrès, le siècle de la science, celui de la paix.
-Amen
– Il verra la fin des pogroms, la fin de l’antisémitisme.
– La fin du monde…
– une nouvelle ère s’annonce, papa, et tu la verras de tes yeux.

Où on retrouve un peu la mère de Romain Gary

Nina détestait tous les Kacew. En un sens, elle avait l’esprit de famille. Elle les détestait avec l’excès qu’elle appliquait à toute chose, les détestait sans nuances, avec une violence irraisonnée, une férocité jamais feinte. Elle excellait dans l’art de la détestation, haïssait avec un talent fou.

La vie à Wilno en 1925

La vie s’exprimait ici dans toute sa joyeuse fureur, son exaltation débordante, on était au cœur battant du ghetto, c’était le cœur vivant du monde. La clameur du jour balayait le souvenir des jours noirs. On se laissait griser par une ivresse infinie, la vie n’avait plus rien d’éphémère, le présent était l’éternité. Ces pieux vieillards à la barbe grise, ces femmes à la beauté sage, ces enfants aux yeux pétillants, ce merveilleux peuple de gueux marchait ici un siècle auparavant et arpenterait ces rues dans cent ans ce peuple là est immortel

Un homme de foi comme on les aime

Je ne peux rien te montrer qu’un monde de contraintes, de prières obligatoires, de règles à respecter, d’interdits et de lois -ne fais pas ceci, le Éternel à dit que … Mais sache que la religion, ça n’est pas que cela. C’est une affaire d’homme. L’Éternel existe avant tout en toi, dans le souffle de ton âme plus que dans l’air que tu respires. C’est simplement une sorte d’espérance, rien de plus, une simple espérance que rien ne peut atteindre, qui est immémoriale et qui se transmet, simplement de génération en génération, au-delà de la religion, de la foi, de la pratique. Une espérance indestructible, heureuse, qui fait battre le cœur même aux pires moments de haine.

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard

 

 Grâce à mon club, je me suis laissée tentée par un « Thriller », le mot est sur la couverture. Ah ! les étiquettes ! Si elles permettent de vendre tant mieux car ce roman le mérite. Il vous permettra de découvrir des faits absolument révoltants et bien pires sans doute que ce que Nicolas Beuglet (son nom est prédestiné non ?) a imaginé pour écrire son roman. Que les anti-divulgâcheuses se rassurent, je ne raconterai rien de la quête folle de Christopher un journaliste d’investigation français et de Sarah une policière norvégienne seront amenés à accomplir pour sauver (ou non) la vie d’un enfant. Ce que je peux raconter, en revanche, ce sont les faits historiques sur lesquels se fondent ce roman. La CIA a, pendant la guerre froide, menée des expériences sur les espions et des malades mentaux pour trouver le réflexe de peur absolue, cela dans le but d’en faire une arme mortelle contre l’humanité. Elle n’aurait sans doute pas porté le nom « d’arme de destruction massive » mais elle était très efficace pour réduire la personnalité d’un opposant, et toutes ces recherches se sont faites sur des humains et à base de tortures. Ce programme a existé, si, comme vous le propose l’auteur, vous tapez MK-Ultra sur internet, ce que vous découvrirez est proprement ahurissant et tellement révoltant. De la même façon, si vous tapez Carl Gustav Jung matricule 488, à votre stupéfaction vous apprendrez que cet éminent chercheur de l’inconscient a bien été un agent de la CIA. Tout cela est vrai et donne matière à un roman haletant et très bien conduit dont je ne dévoile que l’inspiration. J’ai passé une nuit à avoir peur, j’ai évidemment commencé par la fin mais cela n’a pas suffi à calmer mes angoisses. Alors, je pense que les amateurs du genre vont en faire un critère de qualité. Si je lui attribue 4 coquillages, c’est parce que j’ai découvert une horreur conduite et réalisée par un grand pays que je respecte, horreur dont je n’avais jamais entendu parlé, le coquillage qui lui manque, il le doit au genre « Thriller » ou roman policier qui n’est pas exactement le genre que je préfère en littérature.

Citations

Personnage de Sarah par elle même

 

Elle avait envie de lui répondre qu’elle avait de la pitié pour cette femme qui avait encore le réflexe de se soucier de l’avis d’un homme qui l’avait trompée et quittée cette nuit même

 

L’oubli

La vie nous tuerait tous si nous n’avions pas l’oubli. Cet oubli qui fait que nous ne pensons pas chaque seconde à l’absurdité de notre existence.

 

Une des clés du roman et fait historique

Nathaliel Evan et son équipe cherchaient à déterminer la peur absolue chez l’humain pour en faire une arme à des fins militaires. Ils se sont servis de vous pour explorer les zones les plus enfouies du cerveau à travers toute une série d’expériences sous hypnose et sous une drogue dérivée du LSD, le LSD 34.

 

 

Traduit du suédois par Max Stadler et Lucile Klauss

 

Merci à la petite souris qui a souvent de très bonnes idées de lecture . Mais, j’ai eu plus de mal qu’elle à lire ce roman, non pas qu’il ne soit pas intéressant mais on s’attend à un livre léger et drôle, alors que le récit est long et le style pas très enlevé ( je pourrai dire un peu lourd). Est-ce un effet du Suédois, mais les phrases très courtes, répétitives n’allègent pas forcément la lecture. Ce récit donne une assez bonne idée de l’enseignement en Suède. J’ai lu récemment le livre de Jean Philippe Blondel G229 , tout en finesse et en légèreté , vraiment rien à voir. L’idée de départ est pourtant géniale, une professeure d’anglais et de suédois se retrouve coincée dans le local de la photocopieuse de son collège. Cela n’aurait jamais dû lui arriver, car c’est une femme organisée qui ne laisse jamais rien au hasard. Elle est même carrément psycho-rigide et tout en s’épuisant pour les autres, elle ne fait le bonheur de personne et surtout pas le sien. L’intrigue est bien menée, car il faut une succession d’erreurs qu’elle ne commet jamais d’habitude pour que son calvaire se prolonge jusqu’au dimanche après midi. Sur cette trame et en partageant les moments d’angoisse de cette femme, l’auteure peut nous faire comprendre peu à peu la vie des enseignants en Suède et celle d’Eva-Lena en particulier. C’est évidemment très différent de le France mais c’est intéressant de se rendre compte qu’en partant de méthodes très différentes, on n’arrive toujours pas à intéresser des adolescents qui n’ont pas envie de se mettre à travailler. Ce roman est plein de remarques très justes sur les rapports entre enseignants, sur les difficultés des personnes trop perfectionnistes, sur la vie en Suède. Les personnages ne sont pas trop caricaturaux, sauf le personnage principal, il lui en faudra du temps pour comprendre ce que le lecteur avait compris dès les premières lignes. Avec un peu plus de grâce et de légèreté, j’aurais adoré ce roman tout comme mes amies du blog de la petite souris jaune.

 

Citations

Portrait d’Aurora, l’amie non conventionnelle

Elle n’est ni grande ni grosse : mais elle se place toujours de façon à être au centre des événements. Tout le monde vient s’attrouper autour d’elle. On l’entend tout le temps, bien qu’elle ne parle pas particulièrement fort.

Portrait d’Eva-Lena et origine du titre

Je ne peux récurer aucune baignoire, ni nettoyer un seul évier. Ni dégivrer le frigo. Ni rempoter les fleurs.

Il n’y a rien que je puisse faire maintenant. Pas passer l’aspirateur, non : je n’ai pas accès à un quelconque aspirateur. Pas un seul aspirateur à ma portée.

Mes possibilités de nettoyer les fenêtres sont réduites à néant. Dans cette pièce par exemple, il n’y a pas une seule fenêtre, pas même un soupirail.(…..)

En ce moment personne ne peut exiger quoi que ce soit de moi. Je suis tout simplement Hors-service.

Eva-Lena un prof qui manque d’humour

Elle passa en revue son emploi du temps du lundi. Anglais avec les cinquièmes. Suédois, leçon 8, introduction aux constituants de la phrase. Voilà qui serait vivant, et susciterait intérêt des élèves.

 

Je suis comme Erik et j’aurais bien du mal à supporter Eva-Lena

Il arrive qu’Erik, quand il lit un livre après moi, enrage à cause des annotations que j’écris à la main dans les marges. Un petit point d’exclamation par-ci, une étoile par-là. Un point d’interrogation en face d’une phrase à la construction alambiquée. Une métaphore originale discrètement soulignée. Si un passage entier est intéressant, je le marque d’un trait vertical dans la marge. Il prétend que perturbe sa lecture. Il fulmine, ne veut pas de mes « panneaux indicateurs ». Alors que je prends soin d’utiliser un crayon bien pointu pour écrire de petits signes, d’une écriture soignée qui ne peut gêner personne.

Un bon professeur

Bengt-Göran Arvidsson n’a jamais voulu entendre parler des nouvelles méthodes. Et pourtant ses élèves l’adorent. Quand il passe dans les couloirs, ils se séparent comme la mer rouge devant le bâton de Moïse. Et ils le suivent, ils le suivraient quarante ans dans le désert s’il le fallait. Et ils l’écoutent attentivement, en silence. Ils savent que leur silence sera récompensé. Parce que Bengt-Göran « raconte » il n’enseigne pas. Il raconte.

 

 


J’aime cette auteure et je sais que je lirai toute sa série. Marie-Aude Murial possède ce talent de nous faire partager la vie d’une grande partie des êtres humains de notre société à partir d’un point de vue précis. Un petit bémol, pour moi, on sent trop, dans ce récit, que l’on aura une saison 3, trop de choses sont en suspens, mais tant pis, je ne boude pas mon plaisir. J’aime bien passer mes soirées avec Sauveur Saint-Yves et son fils, Lazare que l’on voit un peu moins dans ce tome . Ce médecin, psychologue ordinaire donc extraordinaire, quand il arrive à rendre moins malheureux les gens autour de lui, inaugure un nouveau traitement « l’hamsterothérapie ».

Citations

L’ado à problèmes

Gabin zonait parfois sur « Word offre Warcraft » pendant six ou sept heures d’affiliés, de préférence la nuit. D’où ses absences scolaires, surtout en début de matinée. À partir de 11 heure, il se contentait de dormir en cours, la tête entre les bras. Les profs le laissaient en paix, désarmés par sa bonne gueule un peu cabossée, à la Depardieu jeune, et son regard inexpressif, qui le faisait passer pour plus crétin qu’il n’était.

L’horreur de Daesh

Racontée à la journaliste

Haddad avait 26 ans, elle était mariée à Youssef, professeur de violon. Peu après l’entrée des djihadistes, dans Mossoul le 10 juin, monsieur Haddad avait perdu son emploi, la musique étant interdite. Les hommes de Daesh avait marqué la maison des Haddad d’une lettre qui les désignaient comme chrétiens. Puis les nouveaux maîtres de la ville, circulant en pick-up dans les nouveaux quartiers chrétiens, avaient diffusés ce message par haut-parleur :  » Convertissez-vous, devenez sujets du Califat. Sinon, partez sans rien emporter.  » Refusant de se soumettre aux islamistes ;, les Haddad avaient bourré leur break. A la sortie de la ville quatre hommes les avaient fait ranger sur le bas-côté

Ils nous ont demandé de sortir du break. Ils ont pris tout ce qu’on avait dans la voiture . Puis on a pu partir…..

Racontée en toute confiance au psychologue

Elle lui raconta la terreur dans la ville, son frère Hilal, un adolescent d e 15 ans égorgé en pleine rue, la fuite dans le break, les hommes qui les avaient arrêtés et sortis de force de la voiture, le violon de son mari qu’ils avaient fracassé contre une pierre, car la musique est impie, les bijoux qu’ils avaient arrachés à ses mains, à son cou, la peur qu’elle avait eu d’être violée….

La mère abusive pauvre Samuel !

Madame Cahen, qui,était aux aguets, avait flairé quelque chose. son fils se lavait, il cirait ses chaussures

– Tu te fais beau ce matin, ricanait-elle ? « Elle » est de ta classe .

Samuel buvait son chocolat le matin, il mettait son linge sale dans le panier ?. Sa docilité même était suspecte. Sa mère entrait encore plus souvent dans sa chambre sans crier gare. Elle soulevait ses copies, ses cahiers, elle faisait du tri dans ses vêtements, elle cherchait elle ne savait quoi. Une lettre. Une adresse. Une photo. La trace d’une fille.

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard. Il a obtenu un coup de coeur.

Roman choral qui suit tous les membres d’une famille pendant la guerre 39/45, au Havre. Ce roman nous fait revivre ce qui s’est passé dans cette ville et qui est, sauf pour les Havrais, quelque peu oublié. Dès le début de la guerre, cette ville a été plus que généreusement bombardée afin de détruire les installations portuaires. Mais l’épisode le plus douloureux se situe à la fin de la guerre. Une garnison allemande a refusé de se rendre alors que les alliés encerclaient la ville. Le commandant allemand a proposé de faire évacuer les civiles, on ne saura jamais pourquoi les Anglais ont refusé ni pourquoi ils ont bombardé Le Havre réduisant cette ville en cendre. Cet article du Figaro pose bien toutes ces questions.

Le roman suit la vie d’Emilie et de Joffre qui ont deux enfants Lucie et Jean et de Muguette sœur d’Emilie et de ses deux enfants. Les caractères sont bien imaginés et la vie de cette famille sous l’occupation est, sans doute, très proche de la réalité. J’ai découvert l’existence de la fondation Guynemer qui envoyait des enfants en Algérie pour les éloigner des duretés de la guerre. Beaucoup d’enfants du Havre et de Saint Nazaire ont ainsi bénéficié pour 6 mois ou un an d’une vie plus saine. Le déchirement pour les parents de devoir se séparer de leurs enfants est très bien rendu et aussi, la façon dont on doit se méfier de tout le monde quand on n’accepte pas de collaborer. C’est un bon roman historique qui permet de se remettre en mémoire de façon objective ce qui s’est passé au Havre à cette période.

Citations

Souvenirs de la guerre 14-18

La guerre chez nous avait déjà mangé presque tous les hommes, le père de papa décapité par un obus la veille de l’armistice, le père de maman et une demi-douzaine de grand-oncle gazés par les Boches -eux étaient rentrés en 1928, mais pas pour longtemps, ils étaient déjà asphyxiés et sont morts paraît-il dans d’atroces souffrances.

 Portrait d’une femme qui parle peu

La cuisine, c’était sa manière à elle de montrer son amour, parce que les mots, je voyais bien qu’elle les cherchait sans jamais les trouver, quand ça sortait, presque toujours ça faisait mal et je la détestais, puis aussitôt je lui par donnais ; elle faisait de son mieux et s’en voulait sincèrement de m’avoir blessée.

Je ne connaissais pas l’expression

Félix Mercier – un grand échalas qui ne se prenait pas pour la queue d’une poire.

La collaboration

« La collaboration cousine, tu sais de quoi il s’agit : donne-moi ta montre et je te donnerai l’heure. »

Cet essai n’est qu’un humble tribut de reconnaissance envers l’art français qui nous a aidé à vivre pendant ces quelques années en URSS.


Un livre que j’avais déjà remarqué puis oublié et qui m’a été remis en mémoire par Sandrine. Les circonstances de ce livre sont stupéfiantes : Joseph Czapski faisait partie des officiers polonais capturés par les soviétiques alors qu’ils voulaient combattre les nazis. Ce fut une conséquence du pacte Germano-Soviétique et comme la Russie a fini par le reconnaître en 1990, environ 30 000 officiers polonais furent tués par balle à Katyn. Joseph Czapski fait partie des quelques survivants, il ne sait pas ce que sont devenus ses amis. Voici ce qu’il dit dans son introduction

Nous étions soixante-dix-neuf de Starobielsk sur quatre mille. Tous nos autres camarades de Starobielsk disparurent sans laisser de trace.

Au camp-goulag de Grazowietz plutôt que de se laisser aller, avec ses amis, il organise des conférences sur les spécialités des différents intellectuels polonais prisonniers. Lui est peintre, il avait découvert l’oeuvre de Proust à Paris et décide donc de le présenter à ses camarades. De mémoire, car bien sûr il n’a pas de livres avec lui, il fait une présentation très fine de « la Recherche ». C’est très émouvant de s’imaginer ces pauvres hommes réduits à la condition de « zek » par la vie dans un goulag russe, écoutant ses conférences :

Je vois encore mes camarades entassés sous les portraits de Marx, Engels et Lénine, harassés après un travail dans un froid qui montait jusqu’à quarante cinq degrés, qui écoutaient nos conférences sur des thèmes tellement éloignés de notre réalité d’alors.
Je pensais alors avec émotion à Proust, dans sa chambre de liège, qui serait bien étonné et touché peut-être de savoir que vingt ans après sa mort des prisonniers polonais, après une journée entière passée dans la neige et le froid qui arrivait à quarante degrés, écoutaient avec un intérêt intense l’histoire de la duchesse de Guermantes, la mort de Bergotte et tout ce dont je pouvais me souvenir de ce monde de découvertes psychologiques précieuses et de beauté littéraire.

Quel plaisir de partager avec lui les souvenirs de cette oeuvre si particulière ! il fait revivre Swann, la duchesse de Guermantes et Bergotte et mieux que je ne saurais le faire, analyse l’importance de Bergson chez Proust en particulier pour cette notion du temps dans son oeuvre. Il balaie d’un revers de plume l’accusation de snobisme (qui d’ailleurs n’est plus guère de mise aujourd’hui). Il trouve même dans la recherche des accents pascaliens, je n’ai pas très bien compris pourquoi. Joseph Czapski est un artiste peintre de talent et il possède une culture personnelle d’un autre temps.

Il replace Proust dans son époque au milieu d’artistes, peintres ou écrivains dont il semble connaître parfaitement les œuvres. Et tout cela de mémoire ! j’ai eu l’impression de retrouver certains grands universitaires qui ont enchanté mes études. Mais eux, avaient des bibliothèques à leur disposition. Lui n’avait que ses souvenirs.

Tous ceux qui lisent avec plaisir Proust aiment entendre parler de leur auteur et seront sensibles à la prouesse intellectuelle de Joseph Czapski et des circonstances de la rédaction de ce court texte.

Citations

L’écrivain vieillissant et la prétention

Ce qui étonne, c’est que Bergotte, comme proche ami de Swann, se met à en dire du mal en voiture, avec beaucoup de finesse, de détachement, de facilité, au jeune garçon qui le voit pour la première fois. Bergotte donne l’occasion à Proust d’étudier avec cet esprit lucide et juste toutes les faiblesses, toutes les petites et grandes lâchetés, tous les mensonges si souvent rencontrés chez les artistes. Nous voyons dans les volumes suivants Bergotte vieilli, à l’époque de sa plus grande renommée, avec sa force créatrice en extinction. Maintenant, quand il écrit des livres de plus en plus rares, de moindre qualité, écrits avec infiniment plus d’efforts et avec ces sentiments de joie et nécessité intérieure bien affaiblis, il aime à répéter la phrase suivante : « Je pense qu’en écrivant ces livres j’ai été utile à mon pays » , phrase qu’il ne disait jamais du temps de ses chefs-d’oeuvre.

Comme je suis d’accord avec cette remarque

Chez Proust nous rencontrons un manque tellement absolu de parti pris, une volonté de savoir et de comprendre les états d’âme les plus opposés les uns aux autres, une capacité de découvrir dans l’homme le plus bas les gestes nobles à la limite du sublime, et des réflexes bas chez les êtres les plus purs, que son oeuvre agit sur nous comme la vie filtrée et illuminée par une conscience dont la justesse est infiniment plus grande que la nôtre.

La France à l’époque de Proust

Cette fin du XIXe siècle d’où découle la vision proustienne, est un moment suprême de l’art. La France produit alors un nombre d’artistes de génie qui, en surmontant toutes les contradictions profondes qui déchirait l’époque, arrivent à un art de synthèse.

Le projet littéraire de Proust

Nous appelons aujourd’hui tous les romans immenses, plus ou moins influencés par la forme de Proust, des romans-fleuves. Mais aucun de ces romans ne répond à cette dénomination à ce point qu’ « À la recherche du temps perdu ». Ce n’est pas ce qu’entraîne le fleuve avec soi : des bûches, un cadavre, des perles, qui représentent le côté spécifique du fleuve, mais le courant même sans arrêt. Le lecteur de Proust, en rentrant dans les flots apparemment monotones, est frappé non par les faits, mais par les personnes telles ou autres, par la vague non arrêtée dans son mouvement de vie même. Le projet primitif de son oeuvre, qu’avait Proust, n’a pas pu être réalisé dans sa forme extérieure d’après son désir. Proust voulait faire paraître cette immense « somme » en un seul volume, sans alinéas, sans marges, sans parties ni chapitres. Le projet sembla absolument ridicule aux éditeurs les plus cultivés de Paris et Proust fut forcé de morcelé son oeuvre en quinze ou seize volumes, avec des titres englobant deux ou trois volumes.

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard, traduit de l’anglais par Christine Le Boeuf.


Un roman typiquement British, vous y boirez des litres et des litres de thé, vous y mangerez des sandwichs, vous y croiserez des femmes fofolles gentilles et des méchantes, des chiens (beaucoup de chiens) un fantôme ou plus exactement l’esprit d’une femme morte qui veut faire aboutir ce récit, les allusions aux romans classiques anglais, un vrai gentleman quelques odieux personnages tout cela saupoudré d’humour (c’est que j’ai le plus apprécié dans ce roman) . Bref, un roman comme une sucrerie anglaise trop colorée et trop sucrée mais qui va si bien avec leurs jolies tasses et leurs tapisseries à fleurs. Le fil de la narration est amusant, un homme qui a perdu celle qu’il aimait et la médaille qu’elle lui avait confiée, se met à collectionner les objets perdus et les répertorier : c’est notre gentleman. Laura sa secrétaire qui deviendra son héritière aura pour mission de retrouver les propriétaires des dits objets, elle hérite aussi d’une superbe maison à Londres, ça c’est le côté bonbon aux couleurs tendres de l’Angleterre. L’intrigue se complique car nous devons suivre aussi le destin de la médaille perdue et donc croiser une hystérique anglaise qui écrit de mauvais romans parodiant les classiques. Une fofolle antipathique !

C’est un peu compliqué un peu touffu, le charme vient aussi des récits que notre gentleman avait inventés à propos de chaque objet, ça fait un peu atelier d’écriture mais c’est sympathique.
Tout finira bien avec l’amour et la richesse en prime.

Citations

Un passage plein d’humour, les méchantes langues accusent évidemment Laura d’avoir mis le grappin sur le gentleman

– Eh bien, je suppose qu’elle faisait un peu plus que dépoussiérer et passer l’aspirateur.
Laura avait l’intention de passer près d’elle sans être vue mais, maintenant, elle leur fit face avec un sourire crâne.
-Fellation, annonça-t-elle . Tous les vendredis. Et, sans un mot de plus, elle sortit en majesté. Winnie se tournant vers Marjory, l’air intrigué.
– Ça s’appelle comment, ça en langage courant ?
– C’est de l’italien, dit Marjory en se tapotant la bouche avec sa serviette. J’en ai mangé, une fois dans un restaurant.

Les pensées d’une femme qui ne sait pas encore qu’elle est presque amoureuse

 Il avait dit « oui » et, depuis, L’aura avait gaspillé un temps considérable à essayer de comprendre pourquoi. Ses hypothèses étaient nombreuses et variées : elle l’avait pris par surprise ; il se sentait seul ; il avait envie de dinde rôtie mais ne savait pas cuisiner ; il la plaignait. L’explication qu’elle envisageait avec le plus de réticence mais aussi le plus d’excitation était la plus simple et la plus énervante. Il venait parce qu’il en avait envie.

Alzheimer

 Elle aurait aimé pouvoir faire quelque chose, n’importe quoi, pour atténuer le chagrin de Bomber lorsqu’il voyait son père s’éloigner inexorablement vers un horizon lointain et inaccessible. La bonne santé physique de Godfrey était d’une cruelle ironie, couplée comme elle l’était à sa fragilité mentale, faisant de lui un enfant craintif et colérique qui aurait trop grandi. « Le corps d’un buffle, l’esprit d’un moucheron ».

 

Ce livre est dans mes envies de lectures depuis un an. Comme toutes les blogueuses amies, je suis parfois prise aux pièges de toutes mes sollicitations et il me faut du temps pour parvenir à réaliser mes projets. Ce roman historique en demande justement du temps et de la concentration, il ne se lit pas en quelques soirée. Il s’agit d’ailleurs de cela, du temps qui passe et de la lente arrivée de la mort qui rend, enfin, tous les hommes égaux. L’empereur Charles Quint est l’homme le plus puissant du monde quand en 1255, il abdique et renonce à tous ses titres pour se retirer dans le monastère de Yuste ou il mourra en 1258. (la photo rend mal l’ambiance austère, humide, malsaine qui est décrite dans le roman d’Amélie de Bourbon Parme.)

Pour une fois, je peux raconter la fin sans crainte de froisser mes anti-divulgâcheuses préférées. Charles Quint meurt et son empire s’écroule. Il est réduit à sa condition humaine et attend la mort sans peur mais dévoré par une passion, celle des horloges qui sont à l’époque un concentré de progrès technologiques.

Elles ne servent pas seulement à dire l’heure (contrairement à celle où j’ai posé ce roman pour ma photo !) mais à décrire le monde avec, évidemment, la terre création divine au centre d’un univers fermé. Pourtant un certain Copernic avait depuis plus de 50 ans écorné cette belle théorie qui convenait si bien aux esprits rétrogrades tenant de l’obscurantisme catholique soutenus par l’horrible inquisition. Dans un rythme très lent qui accompagne chaque dégradation d’un homme qui va mourir, cette auteure nous permet de partager les pensées de Charles Quint. Et puisqu’il fallait bien un suspens, c’est la passion pour les horloges astronomiques qui va pour ce roman, introduire une possibilité de fissure dans la recherche du calme olympien avant la mort : Charles Quint percera-t-il le secret de cette dernière horloge astronomique ? et que veut dire cette phrase « Sol numquam decidentis » inscrite dans le fond du boitier de l’horloge noire qui l’inquiète tant ? Est ce que le soleil ne se couche jamais sur l’empire de Charles Quint ? ou ne se couche-t-il jamais ?

Je ne suis pas surprise que Dominique soit tombée sous le charme de ce roman que j’ai bien aimé également sans pour autant adhérer totalement, j’ai parfois été gênée par la lenteur du récit. Je salue bien volontiers les talents d’écrivain d’Amélie de Bourbon Parme qui sait faire revivre celui qui pour tant de monde est seulement un portrait (du Titien excusez du peu !) et qui, pour elle, est un ancêtre.

 

Citations

Philippe successeur de Charles Quint

Ce garçon avait une allure étrange, comme s’il manquait quelque chose ou quelqu’un dans cette silhouette de demi-souverain à qui l’empereur avait pourtant transmis la moitié de ses possessions.

Même lorsqu’elles étaient courtes, les visites de son fils étaient longues en silence.

Rapports du Pape et de Charles Quint

L’empereur sentit son visage se crisper à la vue du sceau pontifical. Boursouflé de cire et d’arrogance, l’emblème papal faisait luire toutes les prétentions de l’Église en même temps. Le nouveau pape y avait glissé ses initiales en secret : Gian Pietro Carafa. En se détachant, le cachet de cire fit le même petit bruit sec qu’une coquille vide que l’on casse dans sa main. Un bruit qui convenait tout à fait à l’émetteur de ce pli.

Un portait d’ Hildago « au mutisme farouche »

Le colonel Quijada ne répondit pas. Personne ne savait se taire comme lui. Son silence n’était pas de ceux que l’on ignore, il creusait des gouffres . Il avait le mutisme farouche et profond des hidalgo, le silence des hommes dévoués qui savent ce qu’on leur doit.

J’ai lu les deux romans à la suite, je les fais paraître donc le même jour sur Luocine. J’aime cet auteur je connais bien le monde dont il parle et j’ai l’impression que beaucoup de gens peuvent dire cela de lui.

Dans un style léger, Jean-Philippe Blondel se raconte, pour un pudique c’est une entreprise risquée, il parvient grâce à l’humour et à la connivence qu’il installe entre nous et ses souvenirs à ne jamais tomber dans le voyeurisme. Chaque chapitre est l’occasion de se souvenir d’une chanson et je conseille de lire ce livre avec « Youtube », c’est drôle de faire revenir de la musique des limbes du monde des souvenirs. Dieu que les ado aiment des chansons stupides et seulement braillardes le plus souvent ! Je ne peux pas dire que j’ai été complètement séduite par ce livre, mais je suis en partie responsable, il ne faut jamais lire aussi rapidement deux livres du même auteur surtout après avoir aimé le premier.
Les émois de l’ado ressemblent à tellement de mauvais films que malgré le réel talent de l’auteur on a souvent l’impression d’être dans le cliché.

Citations

La boum dans les locaux de l’église à lire en écoutant ti amo » de Umberto Tozzi

Vers quatre heures de l’après-midi, frère Damien vient partager quelques mots de foi avec nous. Nous avons tiré les rideaux pour être dans l’obscurité totale. Les slows s’enchaînaient les uns aux autres. Il n’y a plus que des couples. On ne reconnaît personne. Nous n’avons pas touché aux gâteaux au yaourt fait dans les Tupperware. Frère Damien est blême-il bredouille « mais qu’est-ce que vous faites ? »
Un partage frère Damien
Un partage.

Une remarque sur les objets

C’est curieux comme les objets traversent les âges, au bout d’un certain temps, on ne sait plus quand on les a achetés, on sait seulement qu’ils nous accompagnent silencieusement, jusqu’au moment où, sans raison particulière, on s’agace ;, j’en assez de ce fauteuil vert, c’est quand le prochain vide grenier ?

La paternité

Il est quatre heures du matin, je tourne dans la cuisine avec le porte-bébé en marquant bien le tempo avec mes pieds ; Grégoire s’est réveillé environ trois fois dans la nuit -la dernière fois, c’était il y a une heure et il n’est pas parvenu à se rendormir. Alors, j’ai fait ce qui marche à chaque fois. Porte-bébé, veilleuse dans la cuisine, et la seule chanson qui le calme -un chanteur à peine sorti de l’adolescence, avec une capuche sur la tête, qui bouge dans tous les sens et déchaîne l’hystérie des quatorze quinze ans. « Keep on trackin’me ». J’ai trente sept ans, je suis fatigué, je voudrais dormir, mais si je m’arrête de chanter et de danser, Grégoire se réveillera et se mettra à hurler -j’en ai déjà fait l’expérience.
Alors, je bouge dans la cuisine.
Allez, bouge -tourne- et chante.
Et n’oublie pas que dans quatre heures, il faudra aller au boulot.