20161125_185110Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard

4
Surtout que cette photo ne vous induise pas en erreur, ce roman n’est pas à jeter aux toilettes. Il fallait que j’évoque, soit le RER, soit la machine à broyer les livres, soit une « dame pipi » .
J’avais très envie, de rendre hommage aux « Dames-pipi » , car Julie qui nettoie tous les jours les WC dans une galerie marchande, est un des rayons de soleil de ce roman. Je trouve particulièrement compliqué de parler de ce métier sans tomber dans la grossièreté ou la condescendance. Julie est gaie, a plein d’idées, attend son prince charmant en comptant les carreaux de faïences des toilettes qu’elle nettoie avec ardeur et conscience. Le personnage principal Guylain Vignol que le surnom de Vilain Guignol poursuivra toute sa vie, a bien besoin de rayons de soleils dans sa vie lui l’amoureux des livres qui travaille dans une usine on les pilonne, les livres !

7438643-11462508Pour lutter contre cette destruction qui lui déchire le cœur, le personnage principal du livre vole quelques page à la monstrueuse machine, et il les lit à haute voix dans son RER de 6 heures 27 créant ainsi, peu à peu, un public attentif. Il est entouré de personnages sympathiques, un Italien qui a perdu ses jambes dans cette broyeuse de livre et un concierge fou d’alexandrins , heureusement qu’il a ses amis car son patron est horrible et son poisson rouge pas très bavard. Je vous laisse découvrir comment Julie rencontrera Guylain et comment ce doux rêveur enchantera les pensionnaires plus très jeunes de la résidence des Glycines.
Le charme de ce roman vient beaucoup de la langue de l’auteur on a l’impression parfois de petits morceaux de douces poésies un peu désuètes. Je vais mettre une nouvelle catégorie : romans qui font du bien et ce sera le premier de la liste. J’ai vraiment envie de lire de tels romans en ce moment , cela me fait du bien de le mettre sur Luocine un 26 décembre après un Noël où tant de gens luttent pour leur survie.

Citations

Quel joli début

Guylain Vignolles, lui, était entré dans la vie avec tout fardeau la contrepèterie malheureuse qu’offrait le mariage de son patronyme avec son prénom : Vilain Guignol, un mauvais jeu de mots qui avait retentit à ses oreilles dès ses premiers pas dans l’existence pour ne plus le quitter.

Jolie façon de parler de l’alcoolisme

Il savait de quoi il parlait le vieux, lui qui n’avait rien trouvé de mieux que le rouge étoilé pour se donner le courage de continuer.

Les énumérations évocatrices

La chose était née pour broyer, aplatir, déchiqueter, malaxer, pétrir, ébouillanter.

Une évocation parlante du christianisme

Arrosé d’un Lacryma Christi, Giuseppe se plaisait à lui rappeler que s’enivrer avec des larmes du Christ était la plus belle chose qui puisse arriver à un chrétien.

Petit moment de poésie (selon moi)

Mes attentions vont plutôt aux éclopées, aux fendillées, aux jaunies, aux ébréchées, à toutes celles que le temps a estropiées et qui donnent à l’endroit, outre ce petit cachet vieillot que j’ai fini par aimer une touche d’imperfection qui étrangement me rassure. « C’est dans les cicatrices des gueules cassées que l’on peut lire les guerres, Julie, pas dans les photos des généraux engoncés dans leurs uniformes amidonnés et tout repassés de frais. » M’a dit un jour ma tante tandis que toutes les deux briquions les carreaux à grands coups de peau de chamois pour leur rendre leur lustre d’antan.

J’ai ri

Si avec ça l’habit ne fait pas le moine, alors comme disait ma tante : « Que Sainte Aude-Javel, la patronne des dames pipi soit damnée ! »

Auto-portrait du personnage principal

Non tout ne va pas si bien que ça, eut envie de rétorquer Guylain. J’attends le retour d’un père mort depuis vingt huit ans, ma mère me croit cadre dans une société d’édition,. Tous les soirs je raconte ma journée à un poisson, mon boulot me dégoûte à tel point qu’il m’arrive de dégueuler tripes et boyaux, et enfin pour couronner le tout, je suis en train de tomber amoureux d’une filles que je n’ai jamais vue. En résumé pas de problème, sauf que je suis quand même dans tous les domaines un petit peu « à la limite inférieure de la courbe ».

Sourire

On peut s’attendre à tout d’un constipé même à rien.

20161115_181631Traduit de l’anglais par Olivier DEPARIS.

3Roman très « British » prêté par ma voisine qui adore nos « grands voisins », en me le laissant elle m’a dit : « Il faut lire ce roman pour comprendre le Brexit ». Pendant toute la lecture je me suis demandé pourquoi elle m’avait dit cela, en vérité je ne le sais toujours pas, mais je peux assurer que c’est une plongée au cœur de la société britannique et le moins qu’on puisse dire, c’est que malgré l’aspect satyrique et l’humour de l’auteur ce n’est guère réjouissant. La trame narrative suit de destin d’un certain Brian Marley, professeur d’anglais langue étrangère dans une école pour étrangers comme il y en a tant à Londres.

Divorcé et père d’un jeune enfant, sa vie est morose malgré sa rencontre avec la jeune étudiante Consuela dont il est amoureux, alors pour s’enrichir de 2 millions de livres, il accepte de partir en Papouasie, Nouvelle Guinée au milieu de la jungle et être le survivant d’une aventure filmée par une équipe de la BBC animant une émission dite de  » télé-réalité » . Alors que l’avant dernier candidat, au bord de la folie, doit être évacué et que Brian est donc en passe de devenir millionnaire, un accident d’hélicoptère le laisse seul dans une île déserte couverte d’une jungle très hostile à la présence humaine. La description de l’équipe des jeux télévisés est hélas trop proche de la réalité, leur envie de faire de l’audience n’est freinée par aucune considération humaine. Sommes-nous loin de la réalité ? même la mort d’un candidat n’a pas empêché un jeu télévisé de reprendre, et des hélicoptères qui s’écrasent lors d’une émission de télé-réalité cela me rappelle quelque chose…. Mais contre toute attente Brian va survivre, parce que cette île n’est pas vierge , il doit sa survie à un groupe d’Anglais victime d’un accident d’avion dans les années 50.

Ensemble ils vont réussir à rejoindre leur chère Patrie : le Royaume Uni . James Hawes peut ainsi mener une charge au vitriol contre les animateurs de Télé-réalité , rien de bien neuf mais c’est bien raconté. Mais comme nous nous retrouvons avec des Anglais typiques nous avons aussi le droit à une charge, non moins sévère, contre la soi disant grandeur de l’empire britannique colonialiste. Entre la vulgarité de ceux qui gagnent de l’argent trop facilement et qui passent leur temps à mépriser la pauvreté et le retour aux valeurs traditionnelles de la grande Bretagne portées par un parti conservateur le pauvre Brian Marley a peu de chance de trouver un quelconque bonheur surtout qu’il n’arrive pas à choisir entre sa mère, Consuela et George la jeune femme qu’il a ramenée de son île.

Roman qui brasse donc des aspects fort désagréables de notre société mais qui est un peu touffu et je dois avouer que j’en ai accéléré la lecture quand ils sont revenus en Angleterre. Je savais qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que ce pauvre Bob Marley réussisse enfin à prendre sa vie en mains. Pour mener à bien sa satyre, l’auteur a besoin d’un personnage un peu creux que les événements vont ballotter à leur guise et qui a souvent le don de m’ennuyer.

Citations

La télé-réalité

Ils (les concurrents) avaient tous finis par être évacués dans un état d’effondrement mental et physique total (de grands moments de télévision !)

Vision de l’Europe vu de la Grande Bretagne

Les Allemands aiment les Irlandais parce que c’est le seul pays qui ne ressort pas les vieux dossiers qui fâchent à chaque fois que les Allemands en ont marre de tout payer ; quant aux Français, ils aiment les Irlandais parce qu’ils pensent qu’aimer les Irlandais nous dérange, nous.

Humour à propos de Noël vu du mois de janvier

Noël, à présent, n’est plus qu’une méchante ombre sur la balance de la salle de bains et sur l’encours de la carte de crédit.

Réaction émotive anglaise

– Ah !
– Ah ! comme tu dis. La seule vraie réaction anglaise face à n’importe quelle émotion.

Les Anglais vus par un général vénézuélien

Il savait que les Anglais se comportaient comme des Anglais parce qu’ils se l’imposaient et qu’au fond d’eux c’étaient des fous furieux qui n’aspiraient qu’à terroriser la planète. Avant de devenir des Anglais, ils avaient été des pirates et des barbares. A présent, c’étaient des pirates et des barbares bien élevés et en costume de laine.

La célébrité et la télévision

Tous les gens importants passent à la télé, et les gens finissent par croire que ça marche aussi dans l’autre sens, que si on passe à la télé, c’est qu’on est quelqu’un d’important.

20161112_145710Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard.

4Il pleuvait ce soir là, mais dès que j’ai lu les dix premières pages, j’ai su que j’allais passer un très bon moment, qui me ferait oublier la pluie, les jours qui raccourcissent et toutes les mauvaises nouvelles du monde réel. Un policier honnête qui croit encore que son rôle est de défendre les victimes quelles que soient leurs origines : prostituées, noirs, drogués, pauvres ou riches découvre tout au long de sa carrière que toute la société américaine est gangrenée par une corruption soutenue par le trop rapide enrichissement des nouvelles entreprises liées aux nouvelles technologies. Il se trouve chargé d’une enquête : il doit retrouver Ada, création d’une société immensément riche qui travaille sur l’intelligence artificielle.

C’est l’occasion pour ce romancier de retrouver ses thèmes favoris : le monde virtuel, les complots, l’intelligence artificielle. Une simple recherche sur Internet nous montre que le créateur d’Ubiqus, Antoine Bello,connaît bien ce nouveau monde. L’enquête de Frank Logan permet d’explorer les différentes sociétés qui peuplent et font vivre la Silicon Valley. On le sait maintenant ce sont des jeunes qui ont réussi à gagner des sommes absolument folles sans pour autant que leurs richesses ne soient fondées sur la production de biens mais sur des compétences virtuelles qui fournissent des informations qui seront utilisées à des fins que nous ne maîtrisons pas.

Ce qui rend ce roman à la fois drôle et intrigant, c’est que Ada a été conçue pour devenir écrivain. Cela nous amène à réfléchir sur l’écriture et sur ce que pourrait faire en matière d’écriture l’intelligence artificielle. C’est drôle mais très inquiétant, pas tant d’ailleurs pour la création romanesque que pour la formation intellectuelle. Comment lutter sur le copier/coller dans les recherches universitaires, dans ce roman Antoine Bello décrit des logiciels qui vont chercher des informations dans tout internet et qui seront bientôt capables d’en faire la présentation, niveau collège, lycée, université, et pourquoi pas de thèses, en 10 mots en 100 mots, en 1000 mots et plus. Bien sûr nous voyons tous les métiers de l’écriture disparaître les logiciels sont déjà bien meilleurs que n’importe quel « trader », mais bientôt les articles de la presse sportive ne seront pas écrits par des journalistes mais par des robots.

Toutes les activités humaine qui laissent des traces sur un ordinateur, peuvent être analysées par des logiciels et le grand collecteur de tous ces DATA prendront le pouvoir sur l’homme si faillible. J’ai apprécié que l’auteur face une place particulière à l’amour qui semble échapper encore à l’intelligence artificielle contrairement à la création littéraire puisque voilà Ada qui a écrit un premier roman dans la collection Arlequin mais qui peut certainement s’améliorer, d’ailleurs qui sait, n’est-ce pas elle qui se cache derrière le pseudo Antoine Bello ?

Citations

Humour d’Antoine Bello

Frank avait vu « Black Runner » à sa sortie en 1982 . Il en gardait deux souvenirs :

  1. Harrison Ford pourchassait des robots d’apparence humaine
  2. Il n’avait rien compris au film.

La prostitution aux États-Unis

On estime que 1500 travailleurs du sexe entrent chaque année aux États-Unis contre leur gré, le plus souvent sans savoir à quelles fins ils seront utilisés. Torture, pédophilie, trafic d’organes : les rares affaires rendues publiques offrent un aperçu terrifiant des turpitudes de l’âme humaine. Là encore, la Californie, capitale mondiale de l’industrie pornographique, paie un tribut particulièrement lourd.

L’évolution commercial dans le monde

Les coiffeurs à 1 dollar de l’époque (1950) avaient cédé la place à des salons de soins capillaires où le prix des coupes démarrent à 250 dollars

Humour sur les succès littéraires

les éléments qui tirent les livres vers le succès ; en vrac : les échanges de vœux, les chatons, la tour Eiffel, la paille, la marée montante, les brouettes, les cartomanciennes, les promenades en gondole, les miroirs en pied, les porte-jarretelles et l’huile solaire.

D’autres éléments à l’inverse tirent les ventes à la baisse : l’aïoli, les verrues plantaires, les tortues, les voyages en classe économique, la bière brune, la couleur jaune, les jardiniers mexicains, le basket-ball et la tectonique des plaques.

L’accueil dans les grandes firmes

Trois réceptionnistes qui auraient pu constituer le podium de Miss Danemark étudiaient leurs ongles derrière un comptoir en verre dépoli

Trait de caractère toujours négatif

Ambitieux et paresseux à la fois : le plus dangereux des cocktails …

Starbuck

N’en déplaise à ses porte-parole, Starbuck avait esquinté le tissu économique de l’Amérique en remplaçant les entrepreneurs par des employés et, accessoirement, en imposant à tous ses restaurants de diffuser la même musique insipide du mépris des coutumes locales.

La religion

Nos compatriotes donnent chaque année 100 milliards à des associations religieuses pour réserver leur place au Paradis ! Sans garanti, évidemment- personne ne les remboursera en cas de publicité mensongère.

20161127_093233Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anouk NEUHOFF. Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard

3
Déception ! Que je veux aussi partager avec vous car j’avais noté ce roman dans un blog, mais lequel ? Le début m’a accrochée, car je ne peux imaginer cette conduite : une femme, de 70 ans environ, propose à un homme du même âge qu’elle connaît sans s’être jamais rapprochée de lui, de partager ses nuits. Je trouve que c’est d’une audace inimaginable, autant je peux croire qu’on invite une personne à partager des moments dans la journée mais les nuits ? Alors, sans aucune hésitation, je suis partie dans la vie de ces deux audacieux personnages. Et j’ai aimé que leurs deux existences n’aient rien d’audacieux, bien au contraire, cadres moyens d’une petite ville de province, ils se découvrent l’un l’autre dans une vie faite surtout de frustrations et de coups du destin. Et puis la fin gâche vraiment tout, cette femme qui s’en fiche du « quand dira-t-on » est incapable de résister à son taré de fils qui a déjà fait le malheur de sa femme et de son fils.

Alors évidemment le roman m’a agacée, je ne cherchais pas un happy-end mais à ce que les personnalités se tiennent un peu plus que ça. J’ai revisité alors ma lecture et je me suis rendu compte que beaucoup de détails ne fonctionnaient pas pour moi. Pourquoi ne vient-elle jamais chez lui ? Pourquoi n’en parlent-ils pas à leurs enfants et qu’ils laissent la rumeur arriver jusqu’à eux ? Mais il faut sans doute passer au-dessus de tout cela, pour découvrir que l’Amérique sous des allures de pays de la liberté est, du côté des mœurs, un pays étroit et mesquin. Et je rajoute que j’ai été toute seule à avoir des réticences par rapport à cette histoire qui a beaucoup plu aux membres du club qui lui ont donné un coup de cœur à l’unanimité moins une voix : la mienne.

Citations

Lorsque j’ai cru beaucoup aimer ce roman

Ça fait trop longtemps que nous sommes sans personne. Des années. La compagnie me manque. À vous aussi, sans doute. Je me demandais si vous accepteriez de venir dormir avec moi certaines nuits. Non, il ne s’agit pas de sexe… Je parle de passer le cap des nuits. Et être allongés au chaud sous les draps de manière complice.

20161107_111041Traduit de l’anglais par Élodie LEPLAT. Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard.

Notre Club s’est donné une tradition pour clore ses lectures. Au mois de juin, nous élisons « notre coup de cœur des coups de cœur », pour cela, la vingtaine des participants – remarquez le masculin, cette année deux hommes nous ont rejointes !) doivent lire les dix livres en lice pour pouvoir participer au vote autour d’agapes faites maison. « Le chagrin des vivants » avait connu un tel succès que je n’avais pas pu le lire l’an dernier , et depuis il est toujours sorti de la médiathèque. Comme je comprends son succès ! je pense que ce roman va être un concurrent sérieux pour notre prix en juin 2017.

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Le roman se déroule essentiellement à Londres, sur cinq jours, du 7 novembre 1920 au 11 novembre où toute cette grande ville et tout le pays lui-même se souviendra de ceux qui sont morts pendant la guerre 14-18 sur le sol de France. Nous suivons également la dépouille du « combattant inconnu » qui sera inhumé à Westminster. Le début du roman est un peu compliqué, car c’est un roman choral, nous suivons le destin d’Hettie une jeune fille d’origine très modeste, de 19 ans qui veut danser et vivre à tout prix alors que son frère mort vivant n’arrive pas à retrouver le goût de la vie après son retour du front. Puis à Evelyn d’origine aristocrate qui a travaillé dans une usine d’armement pendant la guerre pour oublier la mort de son fiancé, et se sent devenir une vieille fille acariâtre et enfin à Ada dont le fils est mort à Albert avant d’envoyer cette carte postale de l’église tristement célèbre à sa mère.

066_001À partir de ces quatre femmes dont les destins se croisent, l’après guerre à Londres se dessine devant nos yeux de lecteur encore surpris de tant d’horreurs. Est-ce qu’il faut attendre 100 ans pour que tout soit dit sur une guerre ? J’ai beaucoup lu sur celle-ci, mais évidemment du côté français, il me semble qu’en France on a mieux traité les anciens combattants qu’en Grande Bretagne. Les hommes mutilés sont réduits à la mendicité. J’aimerais en savoir plus sur ce sujet mais déjà, dans la célèbre série Downton Abbey, on voit que les anciens soldats ont besoin de la charité publique pour se nourrir. La force du roman vient de ce que peu à peu comme beaucoup de Londoniens nous sommes attirés par la cérémonie du 11 novembre 1920 où beaucoup de Britanniques, dont nos quatre personnages, trouveront dans cette cérémonie en l’honneur du « combattant inconnu » un peu de consolation pour des maux si multiples et si profonds que rien ne semblait pouvoir les apaiser. L’auteure a très bien rendu compte de la variété des destins brassés dans un même creuset, celui de la guerre qui a tué, mutilé, ravagé une génération d’hommes jeunes et donc par voies de conséquences de leurs proches.

Citations

Les souffrances d’une mère

L’automne vint, les journées commençaient à raccourcir, la conscription à s’imposer. Alors elle commença à prier, ce qu’elle n’avait pas fait depuis des années. Elle priait égoïstement, désespérément, pour elle, pour Michael, pour que la guerre s’arrête à sa porte. Elle ignorait à qui elle adressait ces prières, elle ignorait qui était le plus puissant : un Dieu distant, qui écoutait ou pas ; la guerre affamée elle-même, qui grondait sur leur seuil.

Ceux qui sont revenus

Pourquoi ne peut-il pas passer à autre chose ?

Pas seulement lui. Tous autant qu’ils sont. Tous les anciens soldats qui font la manche dans la rue, une planche accrochée autour du cou. Tous vous rappellent un événement que vous voudriez oublier. Ça a suffisamment duré. Elle a grandi sous cette ombre pareille à une grande chose tapie qui lessive la vie de toute couleur et toute joie.
La guerre est terminée, pourquoi ne peuvent-ils donc pas tous passer à autre chose, bon sang ?

Payer pour une inscription sur les tombes des soldats morts en France

Ils m’ont demandé quelle inscription mettre sur la tombe. C’était six pence la lettre, rien que ça. On aurait pu croire qu’ils payeraient pour ça non ?

Qui a gagné la guerre

L’Angleterre n’a pas gagné cette guerre. Et l’Allemagne ne l’aurait pas gagnée non plus

– Qu’est ce que tu veux dire ?
– C’est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours.

20161030_165320Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard

2
Une déception mais quel dommage ! car c’était une bonne idée : peut-on guérir le mal-être grâce à la lecture ? Le personnage central de cette histoire, Alex, en est persuadé au point de devenir « bibliothérapeute ». (J’ai découvert, grâce à Google, que cette profession existait !). Je sais, également, grâce à mon expérience personnelle que lire et faire partager ses lectures fait un bien fou. Je me suis donc plongée avec délice dans ce roman pour suivre la vie d’Alex et de ses patients. Hélas ! malgré quelques remarques pertinentes sur notre société, un ressenti acerbe contre des mères dévouées mais envahissantes, aucun personnage ne prend un relief quelconque.

C’est un roman fade, les extraits choisis par le thérapeute pour guérir ses patients sont insipides et on se demande bien pourquoi la lecture de ces œuvres peut aboutir à une amélioration de l’état mental d’une personne souffrante. Mon jugement est sévère sans doute, mais il est à la mesure de ma déception. Je ne sais pas si mes lectures m’ont soignée, mais ce dont je suis sûre c’est que je ne pourrai jamais regarder sans sourire le comportement d’un snob après avoir lu Proust nous racontant Legrandin, que quand je suis triste ces vers de Verlaine me hantent :

Je ne sais pourquoi

Mon esprit amer

D’une aile inquiète et folle vole sur la mer

Tout ce qui m’est cher

D’une aile d’effroi

Mon amour le couve au ras des flots. Pourquoi, Pourquoi ?

Lire permet de se comprendre, d’accepter la vie et celles des autres. Je m’attendais à trouver dans ce récit la magie de textes pouvant faire plus et même soigner quelqu’un, mais je ne l’ai pas trouvé. Une déception donc. Je n’ai pas réussi à m’intéresser au personnage du commercial qui confond les qualités de sa femme et celles de sa machine à laver, ni au footballeur qui ne sait pas s’il doit rester jouer en France, ni à Yann atrocement mutilé après un accident de voiture. Et hélas ! je n’ai pas cru aux amours d’Alex et de Mélanie.

Citations

Difficultés de plaire pour un littéraire

Elles cherchaient un amoureux fougueux, courageux, dont elles pouvaient être fières pas un garçon capable de déclamer Racine au bord de la piscine où les autres exécutaient des saltos avant.

La phrase qui tue pour un adolescent qui veut sortir avec une jolie fille

Je veux bien sortir avec toi mais je ne veux pas qu’on nous voie ensemble

C’est drôle mais peu crédible

Si Alex avait grandi dans une famille d’aliénés il lui aurait demandé si elle avait également filmé la conception de sa fille chérie. Les films de naissance ennuient tout le monde, enfin les personnes sensées. Les films de conception trouveraient un public plus large.

20161024_141947Je signale que la photo est prise sur ma veste en goretex, solidarité oblige ! Traduit de l’anglais (Australie) par Odile DEMANGE. Lu grâce au club de lecture de la média­thè­que de Dinard.

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Je mets toujours 5 coquillages quand un livre me fait rire, c’est très rare et ça fait tellement de bien. Le thème du club ce mois-ci, était : « des livres légers qui font sourire ». Ce livre correspond exactement à cette définition, et comme beaucoup de livres qui nous font sourire et parfois (pour moi en tout cas) pouffer de rire, il est plus profond qu’il n’y paraît. La quatrième de couverture cite le questionnaire que Don Tillmann met au point pour réaliser « son Projet épouse », en bon scientifique, il a très bien balisé le terrain pour trouver la femme idéale.

Celle ci ne doit pas :

  1. fumer et boire
  2. être végétarienne et aimer la glace à l’abricot
  3. se lever après 6 heures.

Mais elle doit :

  1. faire du sport
  2. être ponctuelle
  3. accepter le système de Repas Normalisé qui prévoit du homard au dîner le mardi.

Mais voilà qu’une certaine Rosie qui fume qui est végétarienne qui n’a qu’un sens relatif des conventions et des règles vient troubler le quotidien de cet homme brillant mais totalement inapte à vivre en société. Tous les personnages sont intéressants et les situations extrêmement drôles. Graeme Simsion, n’écrit que du point de vue de Don, et donc à nous d’imaginer les réactions de ceux qu’une trop grande franchise peuvent perturber. Don est un scientifique à la mémoire prodigieuse mais incapable instinctivement de relations sociales avec les autres humains et surtout d’improvisation. Sa vie est donc entièrement prévisible et tout le temps qu’il gagne à faire très vite ce qui l’ennuie, il le garde pour parfaire ses connaissances scientifiques. Bien sûr cela ressemble à un comportement autiste et ses amis le poussent d’ailleurs à faire une conférence sur le syndrome Asperger, persuadés sans doute qu’il se reconnaîtra. Mais là n’est pas son problème, il est occupé à trouver une épouse et à aider Rosie à trouver son père biologique. Il fait une conférence aussi sérieuse que peu conventionnelle évidemment, devant un parterre de parents d’enfants autistes et cela a peut-être été pour eux un formidable moment d’espoir. En tout cas « les aspis » ont adoré !

J’ai beaucoup apprécié que les personnages secondaires ne soient pas des caricatures plusieurs histoires s’entremêlent et elles ont toutes de l’intérêt. J’ai vu souvent passer ce roman sur les blogs et je rejoins le chœur des avis positifs. Si vous avez un petit coup de blues lisez ce théorème et vous retrouverez le sourire.

Citations

Un métier passionnant

Mon travail personnel porte sur la prédisposition génétique à la cirrhose du foie. Je consacre une grande partie du temps que je passe à la fac à saouler des souris.

Une honnêteté dure à supporter pour son entourage

Une femme au fond de la salle a levé la main. Concentré sur mon argumentation, j’ai commis une erreur sociale mineure que j’ai promptement corrigée :

– Oui la grosse…. La dame en « surpoids » du fond ?
– Elle est restée silencieuse un moment et a regardé autour d’elle avant de poser sa question

L’avantage d’une veste en Goretex par rapport à une veste de laine imposée dans un restaurant chic

Ma veste en goretex « ce vêtement de haute technologie » qui m’avait protégé de la pluie et de tempêtes de neige, se voyait désormais, de façon totalement irrationnelle, injuste et contre-productive, désavantageusement comparée à l’équivalent en laine essentiellement décoratif de l’employé. J’avais payé la mienne mille quinze dollars, dont cent vingt dollars de supplément pour la couleur jaune fluo disponible sur option.

Don Tillman fait souvent des remarques très justes

Le cerveau humain est programmé pour se concentrer sur les différences au sein de son environnement. Il faut qu’il puisse rapidement repérer la présence d’un prédateur. Si j’avais des reproductions ou autres objets décoratifs, je les remarquerai pendant quelques jours et ensuite mon cerveau les ignorerait.

Réflexions sur les vierges qui attendent les fous qui tuent au nom d’Allah

Je trouve ça irrationnel, ai-je remarqué, de vouloir des vierges. Une femme ayant une certaine expérience sexuelle est certainement préférable à une novice

Un de mes éclats de rire : Don s’entraîne à la danse de salon dans son bureau à l’université

Je travaillais mes pas de danse quand Gene est entré dans mon bureau
– Il me semble que les statistiques de longévité reposent sur des mariages avec des femmes vivantes, Don.
Il faisait allusion au squelette que j’utilisais pour m’entraîner.

20161021_095128Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard,

4
Benaquista est un auteur qui me fait du bien, j’aime qu’il me raconte des histoires et quels que soient les sujets, je pars avec lui sur les chemins de l’imaginaire pas si loin de la réalité que cela. Je n’ai pas hésité, grâce à ce roman, à fréquenter le Moyen-âge et ses deux amants valent bien Tristan et Iseult, Roméo et Juliette, Héloïse et Abélard dans mon panthéon personnel des histoires où l’amour dépasse le tragique de la destinée des mortels. Avec son talent habituel, Benaquista à travers l’histoire d’un couple à l’amour indestructible, met en scène toute notre civilisation, ses horreurs ainsi que ses rares moments de bonheur. Cela lui permet de promener son lecteur dans le temps et dans l’espace , et comme l’imagination de cet écrivain a bien du mal à se contraindre nous passons également au Paradis où le couple si injustement condamné par la justice dite humaine rencontrera Dieu et en Enfer ou il sera confronté à Satan …. Et tout cela, pour nous permettre d’assister à la création d’un mythe littéraire à la hauteur (ou presque) de ses illustres prédécesseurs.

Et pour finir, car il faut finir et donner une fin à une histoire qui a bien du mal à trouver une chute, les deux amants seront réincarnés dans un couple en cavale du XXI°siècle. J’ai cru que nous allions terminer dans un parking de supermarché construit à l’emplacement de la forêt, lieu qui a abrité leur amours. Mais non, nous repartons à travers le continent américain et là je dois l’avouer je me suis sentie un peu larguée. C’est pour cela que j’ai gardé dans ma main un coquillage, je ne suis pas sentie embarquée jusqu’au bout et puis, il m’a manqué aussi l’humour habituel de cet auteur. Pour finir un bon roman surtout si on s’amuse à démêler tous les fils qui se croisent et s’entrecroisent et forment le substrat de notre culture, mais la magie de l’écriture ne m’a, donc, pas tenue jusqu’à la fin.

Citations

Le temps quand on est amoureux

Temps.

Toi qui m’oppresses depuis mon premier jour, toi qui me rappelles à chaque instant que tu m’octroies combien je suis mortel. Sache que dorénavant je serai lent quand tu voudras me hâter, et je ne perdrai plus mes heures à t’attendre quand je voudrai me hâter. J’ai depuis ce jour bien plus de temps que tu n’en aurais jamais.

Phrase avec une résonance particulière aujourd’hui

Exil. Le mot lui-même les plongea dans une profonde mélancolie. Quel être au monde est préparé à quitter la terre qui l’a vu naître ?

La fidélité

Ah la fidélité ! ce curieux sentiment qu’on prétend assez puissant pour guérir l’insatiabilité des hommes, et dont les femmes semblent s’accommoder faute de s’octroyer les mêmes privilèges.

La médiocrité oeuvre de Satan : thème cher à Benaquista

Mais l’une de ses créations majeures avait été la médiocrité et ses dérivés car, à l’inverse des affections extrêmes, c’était selon lui dans la petitesse que résidait la vérité des êtres et la vanité de leurs désirs . Le sournois n’était-il pas plus inventif que le véhément ? …… La médiocrité , son arme redoutable, savait viser au plus bas, créer d ordinaires objectifs à la portée du premier incapable, favoriser les petits arrangements, pieux mensonges, compromis et pis-aller.

20161014_160713Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard,

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Avec cet humour que l’on dit « juif » Joann Sfar, l’auteur du « Chat du Rabbin » raconte sa tristesse à la mort de son père. Orphelin d’une mère « partie en voyage » alors qu’il avait quatre ans, ce père brillant, beau, dragueur, bagarreur a comblé la vie de ce dessinateur de Bandes Dessinées, cinéaste et romancier. Et le vide qu’il laisse après sa mort dans le cœur de son fils ne peut que difficilement se refermer. Alors, celui-ci écrit ce livre et dans un joyeux pèle-mêle raconte toutes ses joies et peines d’enfants qui viennent sous sa plume et vont lui servir exorcisme à sa douleur. Nous sommes dans la veine des dessinateurs de « Charlie Hebdo » plein d’irrespect mais aussi plein d’amour pour un père qui a su lui donner l’envie de vivre. Divisé en petit chapitre, ce texte m’a parfois ravie et souvent amusée mais pas tout le temps. C’est comme pour « Charlie Hebdo » parfois je me sens loin de cet humour, tout en reconnaissant le talent de ces humoristes.

Citations

La foi

Je ne contredis jamais mon cousin Paul. Parce que je l’aime. Parce que sa foi me rassure. Parce que j’aimais l’autorité qu’il avait sur moi quand j’étais enfant. Je ne sais pas au sujet de Dieu, mais pour mon cousin, j’ai toujours aimé le croire. Même si je n’y parviens pas.

Humour et style

Dans ma famille, on m’a dit qu’être avec une fille non juive, c’était aussi grave que d’être pédé (côté famille paternelle, car côté maman on a eu Hitler alors on n’a pas eu le temps pour embêter ses semblables).

Humour grinçant

Pour résumer, on peut l’appeler Yitzak Rabin ou Anouar el-Sadate : à chaque fois qu’un homme a sincèrement tenté de faire la paix dans cette région, il s’est pris une balle dans la tête.

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Ce livre a accompagné un voyage en TGV, je l’ai lu grâce à Aifelle qui m’avait donné envie de découvrir cette auteure. Je lirai certainement « Suite byzantine » ainsi que « l’Angoisse d’Abraham ». J’aime beaucoup les récits qui font une part belle à la langue, pour Rosie Pinhas-Delpuech, écrivaine et traductrice, qui parle le turc, le français, l’hébreux et sans doute bien d’autres langues, la recherche de l’identité prend un sens que je comprends si bien, car pour moi ma patrie est autant ma langue que ma nationalité.

Après son enfance qui est peu décrite dans ce tome, l’auteure cherche à comprendre cette tante Anna qui a perdu et son mari et son fils pendant la guerre 39-45. C’est l’occasion de vivre un épisode si banal dans l’après guerre mais si peu glorieux, comment des juifs se sont fait spolier de tous leurs biens, par des gens en qui ils avaient confiance. Mais si Anna souffre tant c’est aussi sans doute que la femme qui a dénoncé son mari était aussi sa maîtresse. Anna fera tout pour devenir une catholique française, elle ne pourra pas empêcher son fils unique de s’engager dans l’armée du général Leclerc et mourir en 1945 en combattant. Cette histoire centrale du livre, l’auteure ne peut la comprendre qu’en reprenant le parcours de sa famille depuis la Turquie. Toute sa famille avec ses lourds secrets et ses peines tragiques viennent hanter sa mémoire et permettent peu à peu de comprendre ce que cela veut dire d’être juive aujourd’hui dans un style absolument superbe.

Citations

Son enfance

C’était après la guerre, dans les années cinquante, au temps du chewing-gum, du swing et de la modernité. Etre juif représentait une maladie mortelle à laquelle on avait réchappé de justesse et dont il ne fallait pas trop parler.

La Turquie et les juifs

Lentement, subtilement, gentiment même, au fils des années d’école primaire, de l’apprentissage des rudiments d’histoire et de géographie, le turc m’avait débarqué sur le rivage : ma religion, mentionnée sur mon acte de naissance, « musevi », qui signifie mosaïque, s’interposait entre moi et la communauté nationale.

Son amour du français et de son orthographe

J’ignore jusqu’à aujourd’hui la cause de cet amour fou pour cette orthographe, de cette jubilation enfantine à conquérir l’arbitraire souverain de la langue. Peut-être que l’écriture phonétique du turc me paraissait d’une facilité enfantine et que la difficulté du français était à la mesure de celle de grandir ?

Une belle phrase tellement chargée de sens

Un destin de deuils et de chagrins avait balayé ce chatoiement crépusculaire de l’Entre-deux guerres, dans les Balkans ottomans voisins de l’Empire austro-hongrois.